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Répercussions qualitatives et quantitatives des mutations agricoles récentes sur les systèmes d'irrigation traditionnels dans le bassin versant de la Vaigai- Periyar, Inde du sud

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par François Mialhe
Université Paris 7 Diderot - Master 2 environnement, milieux, techniques, sociétés 2006
  

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3.2.3 Comparaison des modes de gestion de la ressource entre la zone mankalanatu et karicalkatu

Deux dynamiques opposées

Des dynamiques radicalement opposées affectent donc deux espaces contigus, appartenant pourtant à une même unité. Cette distinction relève autant de facteurs physiques et écologiques, que de facteurs sociaux, culturels et historiques (Mosse, 1997). Dans le premier cas, ces facteurs influencent positivement la mise en place d'actions collectives et donc de coopérations, alors que dans le second, l'intérêt individuel l'emporte sur l'intérêt collectif. Partant de systèmes de gestion pourtant similaires, les changements historiques ont moins perturbé la zone mankalanatu que la zone karicalkatu. Concrètement, cela se matérialise par des changements qui s'inscrivent territorialement, et sur un laps de temps relativement court. En l'espace de dix ans, et en dépit des variations climatiques qu'il faut prendre en compte, mais qui ne sont pas susceptibles de renverser la tendance, une situation de stabilité, dans laquelle les tanks apparaissent comme une ressource commune, gérée collectivement mais sous la houlette d'une caste dominante, contraste avec une situation de déclin de cette même ressource. Dans ce dernier cas, des stratégies agricoles individualistes débouchent sur une dégradation structurelle et fonctionnelle des tanks, qui tend à s'inscrire dans un cercle pernicieux de marginalisation sociale et de perturbation environnementale. A l'inverse, les images satellites de la zone mankalanatu tendent à démontrer qu'en raison de la présence de nombreux acteurs clefs de la gestion de l'eau, le système tank n'est pas en péril, bien au contraire, mais qu'il est dans le même temps le résultat d'une domination sociale et d'une gestion traditionnelle autoritaire, relativement peu remise en cause. Il est néanmoins probable que, compte tenu des conditions environnementales, cette gestion soit, du moins dans son résultat, optimale. Une forme d'homéostasie caractérise donc la zone mankalanatu, qui a la capacité de conserver un équilibre interne en dépit des contraintes extérieures.

Les actions collectives

En zone semi-aride, et afin de maintenir le plus longtemps possible la disponibilité en eau, les populations doivent mettre en oeuvre des actions au moyen d'une gestion spécifique. En raison du statut commun de l'eau, ces actions doivent, elles-mêmes, prendre un caractère collectif. Dans notre cas, ces actions concernent en premier lieu le vecteur qui rend l'eau disponible auprès des paysans, à savoir le tank. Plusieurs variables sont susceptibles d'influencer le degré de coopération, nécessaire aux actions collectives. On peut citer les plus importantes d'entre elles concernant la zone étudiée : le degré de disponibilité en eau, l'hétérogénéité sociale du groupe, la taille du tank, le volume potentiel des bénéfices en cas de coopération, la part d'investissement personnel comparé aux gains potentiels, le statut social de chaque individu et la fréquence d'intervention sur le bien collectif pour le maintien de son efficacité (Ostrom, 2000). Ainsi, la distribution de l'eau et la maintenance des chenaux, qui doivent être effectués chaque année, voire chaque saison, influencent positivement les actions collectives, à la différence de l'entretien des tanks, qui est une activité ne présentant pas de linéarité temporelle (Mosse, 1997). Les sols, qui agissent sur le volume des bénéfices en cas de coopération (possibilité de cultures pluviales), ainsi que sur le degré de disponibilité en eau (capacité de rétention), déterminent des niveaux de coopération différents. Le statut des paysans est aussi une variable fondamentale pour comprendre cette différenciation. D'un côté, en mankalanatu, la plupart de ceux-ci sont propriétaires de terres irriguées, alors qu'en karicalkatu, le faire-valoir indirect est important et la part des propriétaires de terres irriguées, faible. Il y a donc ici une divergence des intérêts à maintenir les tanks. La présence d'une

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Des facteurs locaux explicatifs des disparités territoriales

seule caste dominante est un critère d'homogénéité, qui permet d'entreprendre et de mobiliser plus aisément les forces. Enfin, la diversification des activités, rendue possible par un environnement propice en karicalkatu, augmente le capital financier des castes dominantes qui n'ont, du coup, que peu d'intérêts à préserver la ressource commune. Cette liste n'est pas exhaustive, mais elle permet de comprendre les différentes actions mises en oeuvre par les populations autochtones. On peut enfin préciser que la question des actions collectives ne se pose que lorsque la ressource se fait rare ou se dégrade fortement.

Les mécanismes socioculturels

Certains d'entre eux conditionnent la persistance des systèmes traditionnels, tel celui de la zone mankalanatu. Les sanctions à l'encontre des paysans non coopératifs sont le résultat d'une gestion coercitive de la part des castes dominantes. Cette forme d'autorité serait donc une nécessité pour maintenir et gérer un bien commun, accessibles à tous, mais de manière inégalitaire (Mosse, 1997). Ceci pourrait, néanmoins, s'avérer être une forme de légitimation de cette domination. On voit que le tank et ses produits dérivés génèrent des bénéfices, mais que ceux-ci ne sont pas utilisés rationnellement. Des formes socioculturelles, comme la symbolique ou l'honneur, prévalent donc sur la rationalité économique et écologique. Néanmoins, de la forte connexion intervillageoise, qui s'établit suivant le réseau hydrologique, doit émerger une responsabilisation des comportements. Il est possible que dans ce cadre, une forme supérieure d'autorité soit, dans une certaine mesure, nécessaire à la survie du système afin d'éviter conflits et défenses d'intérêts personnels, au détriment des biens communs. Dans le cas de karicalkatu, l'introduction par l'administration britannique (agent exogène) d'une nouvelle forme d'organisation sociale dans les campagnes, les zamindaris, engagea les paysans à abandonner les terres irriguées, compte tenu de l'impôt particulier qui leurs étaient réservées. L'adoption de nouvelles stratégies paysannes, ajoutée à l'hétérogénéité des castes dominantes déboucha donc sur une nouvelle organisation agricole, plus moderne dans sa structure et dans ses objectifs. En tout état de cause, le système de gestion en mankalanatu, qui sous plusieurs aspects apparaît comme traditionnel, est aussi celui qui permet une gestion durable de la ressource, bien qu'il se fonde aussi sur une certaine hiérarchisation socioculturelle.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore