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Le respect des sauvegardes sociales relatives aux droits des populations locales et autochtones dans la préparation et la mise en œuvre du REED+ au Cameroun et en république démocratique du Congo. Essai d'analyse comparative

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par Samuel Mathieu TANG
Université de Limoges - Master 2 en droit international et comparé de l'environnement 2012
  

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I. DOMAINE FONCIER, PROPRIETE ET POSSESSION

A- Les droits fonciers

Il est important de souligner que deux conceptions de l'appropriation sont en cause dans les situations contemporaines en Afrique noire: la conception pré coloniale ignorant la propriété privée de la terre et la conception coloniale, post coloniale qui consacre la vision du capitalisme marchand et l'idéologie de la valeur d'échange et de régulation de l'économie par le marché.

Lorsque le Cameroun accède à l'indépendance, l'ambition des dirigeants du pays est de modifier le régime foncier en vigueur, qui fait cohabiter le droit traditionnel avec le droit moderne, pour en adopter « un nouveau tenant compte des impératifs de développement et de construction nationale »28(*).

La loi du 17 juin 1959 portant organisation domaniale et foncière avait renforcé les droits des populations locales et autochtones sur leurs terres en supprimant la notion de terres vacantes et sans maître et en créant la notion de propriété coutumière des terres. Cela donnait à tout camerounais de naissance, occupant effectivement dans sa région d'origine une concession, une plantation ou une parcelle attribuée définitivement à titre onéreux ou à titre gratuit par les détenteurs coutumiers depuis une durée minimum de cinq années consécutives (ou par les détenteurs coutumiers réunis en conseil de famille dans les régions où la qualité de répartiteur des terres est reconnue aux collectivités locales), le droit d'en jouir et d'en disposer29(*). Cette propriété coutumière qui fonctionnait parallèlement à la propriété `moderne' issue du régime de l'immatriculation, et qui permettait aux populations locales et autochtones de gérer et de tirer toutes les utilités possible de leurs terres - et même par aliénation - a été supprimée après l'indépendance par un État soucieux d'utiliser la terre comme instrument politique et de développement30(*).

La suppression de la propriété coutumière est l'oeuvre de l'ordonnance n° 74/1 du 6 juillet 1974 portant régime foncier, qui a fait de l'immatriculation le mode exclusif d'accès à la propriété des terres et a placé sous le contrôle de l'État l'ensemble des terres non immatriculées. Par contre, les peuples autochtones ne peuvent obtenir l'immatriculation de leurs terres que si elles les ont mises en valeur. La mise en valeur se réalise soit par l'occupation, soit par l'exploitation. Il y a occupation d'un terrain lorsqu'ont été réalisés sur celui-ci des constructions, des maisons d'habitation et dépendances, des hangars et autres édifices. Il y a exploitation lorsqu'ont été réalisées sur le terrain des cultures, des plantations ou des zones d'élevage et de parcours. Il se peut que cette condition ne puisse dûment pas être remplie par les peuples autochtones. Leur mode de vie nomade ou semi-nomade (bien qu'il soit à l'intérieur d'un espace clairement délimité), de même que leur mode de production basé sur la chasse et la cueillette, ne correspondent pas aux exigences de mise en valeur au sens des textes en vigueur. On peut donc conclure que bien que le processus paraisse neutre a priori, il constitue néanmoins une discrimination flagrante à l'égard des peuples autochtones31(*).

Sur le plan réglementaire, le décret n° 76-165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier, modifié et complété par le décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005 a opéré une importante une réforme foncière puisqu' il a introduit un certain nombre d'innovations. L'une des plus importantes est la déconcentration de la gestion foncière. La déconcentration consacre le rapprochement de l'administration foncière des usagers. Malheureusement, les droits coutumiers des populations voisines qui sont très bien intégrées, notamment des Bantous ne respectent pas les droits peuples autochtones. La même analyse peut-être faite sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, celle-ci bénéficiant uniquement à la propriété privée telle qu'elle est reconnue par les lois et règlements. Cependant, les terres des propriétés coutumières n'ont pas la même valeur que les terres immatriculées. Cela rend encore plus précaire les droits fonciers des populations autochtones. Qu'en est-il alors du contentieux foncier ?

B- Le Contentieux foncier : les actions ouvertes aux possesseurs du domaine national

1) La diversification des actions de nature possessoire offertes aux occupants du domaine national

On peut cerner les actions des occupants du domaine national sur le plan doctrinal et jurisprudentiel.

1.1) Sur le plan doctrinal

Premièrement sur le plan doctrinal, les titulaires des terres non immatriculées notamment les collectivités coutumières peuvent avoir trois types d'action sur le domaine national. Il s'agit : la réintégrande, la complainte, et la dénonciation du nouvel oeuvre.

La réintégrande est une action dont dispose une personne, de manière générale, et plus précisément, un occupant de domaine national, et dont la possession publique et non équivoque d'un immeuble est déjà perdue par la violence. Il s'agit donc d'une mesure de la paix publique. Ce cas de figure illustre parfaitement la thèse de la paix publique soutenue par Savigny, comme fondement des actions possessoires32(*). Tandis que, la complainte a pour objet de faire cesser un trouble déjà occasionné. Il pourrait s'agir d'un trouble de fait ou d'un trouble de droit, pouvant résulter des rapports de voisinage. La dénonciation du nouvel vise à dénoncer judiciairement des travaux commences, et qui, s'ils étaient poursuivis, causeraient assurément un dommage. Il s'agit donc d'une action préventive.

1.2) Sur le plan jurisprudentiel

En parcourant la jurisprudence civile, on va se rendre compte de ce que la grande majorité des actions pétitoires ou possessoires portent la marque d'actions en expulsion, bien qu'elles révèlent des situations les plus variées33(*). L'affaire sieur DUCRET Roger Marie C/ MBALLA AMOUGOU Jeannette Mélanie reste une bonne illustration. Il y a aussi les affaires TPI de Douala-Bonanjo, jugement civil n°171 du 29 janvier 2003, affaire NLEND Samuel C/YAKAM Martin, inédit; TPI de Mbalmayo, jugement n° 6/ CIV/TPI du 20 mars 2002, affaire NGUELE NNOMDOE Pierre contre NGOMO Parfait, inédit. Mais quelles sont donc les voies de recours envisageables pour les collectivités coutumières sur les terres du domaine national ? Ces mêmes recours peuvent-ils être également utilisés par les peuples autochtones?

2) Les recours envisageables pour les collectivités coutumières

La question des voies de droits offertes aux collectivités coutumières ainsi qu'aux déguerpis est très difficile à résoudre dans le contexte camerounais. En effet, le droit positif camerounais n'a pas reconnu la personnalité morale aux collectivités coutumières et a nié le moindre droit aux occupants illégaux des domaines de l'Etat.34(*)

2.1) La controverse sur la personnalité morale des collectivités coutumières

Dans le droit positif camerounais, la personnalité juridique est reconnue essentiellement à deux grandes entités : la personne physique et la personne morale. La personnalité juridique permet à son titulaire de jouir des droits et d'être assujetti à des obligations. La reconnaissance de la personnalité juridique est un enjeu majeur tant en France qu'au Cameroun. Il a d'ailleurs entrainé un très grand débat au sein de la doctrine depuis des siècles35(*). Mais c'est en l'état actuel que nous préférons poser le problème. En effet, il va sans dire que les collectivités coutumières au Cameroun sont considérées comme étant des circonscriptions territoriales, mais de là à leur reconnaitre la personnalité juridique, le pas est difficile à franchir36(*). Le décret n° 77-245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles organise les chefferies traditionnelles en trois dégrées : les chefferies de premier degré, les chefferies de deuxième degré et les chefferies de troisième degré. Il faut cependant nous rappeler qu'il s'agit d'un découpage administratif qui n'a rien à voir « un mode d'organisation des groupes tribaux, qui, on le sait depuis les temps ancestraux, est fondé sur les liens de reproduction sanguine, en d'autres termes, la parenté et non sur une quelconque fixation territoriale »37(*). C'est sur la base de cette distinction entre collectivités coutumières en tant que structure de parenté par excellence et la chefferie traditionnelle en tant que création administrative que se situe la controverse.38(*)

Néanmoins, on s'accorde à affirmer que la personnalité juridique peut-être reconnue en dehors de la volonté législative. Ainsi, le juge a d'ailleurs jugé que « la personnalité civile (juridique) n'est pas une création de la loi, elle appartient en principe à tout groupement pourvu de la possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites dignes, par suite, d'être juridiquement protégés »39(*). Cette personnalité juridique est une donnée naturelle liée à l'existence même de la chefferie traditionnelle, qui réunit tous les éléments propres à l'existence d'une personne morale à savoir : un groupement humain, un patrimoine distinct de celui de chacun de ses membres, la capacité d'expression collective, etc.

En ce qui concerne les voies de recours offerte aux collectivités coutumières, l'analyse ne peut être faite qu'en termes prospectifs. Certes théoriquement des droits leur sont reconnus, et en filigranes, l'exercice des différents recours pour garantir le respect des droits existants, mais il reste qu'un travail d'identification, de détermination et de précision des dits recours mérite d'être réalisé, face au silence des textes, et surtout face à la réalité des conflits fonciers mettant en cause les collectivités traditionnelles, conflits dont le règlement se passe presque toujours du droit. Le constat est triste, la situation est certes inacceptable, voire difficilement imaginable, mais il reste que le respect du droit est bien loin des mécanismes actuels de règlements des conflits fonciers mettant en cause les collectivités traditionnelles40(*).

2.2) Recours envisageables pour les peuples autochtones

En théorie, nous pensons qu'il n'existe pas vraiment une grande différence entre les peuples autochtones et les collectivités coutumières dont nous venons de parler ci-dessus. Tout d'abord parce que, comme nous l'avons dit un peu plus haut, la personnalité civile (juridique) n'est pas une création de la loi, elle appartient en principe à tout groupement pourvu de la possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites dignes, par suite, d'être juridiquement protégés. Ensuite en définissant le terme « collectivités coutumières », le législateur a voulu être large, évitant de faire une discrimination. En conclusion donc, l'analyse faite ci-dessus en ce qui concerne les droits collectivités coutumières et les recours contentieux envisageables vaut de même pour les peuples autochtones tant au niveau des possibilités qui leur sont offertes pour les recours contentieux dans le domaine national ou au niveau de l'absence d'usage de ces voies dans la pratique. Sauf que dans la pratique, la situation des peuples autochtones reste tout de même encore pire parce que la législation foncière et domaniale du Cameroun ne reconnaît pas explicitement leur existence.

Par ailleurs les grands travaux miniers, routiers ou d'exploitation forestière qui sont faits dans leur localité accélèrent d'avantage leur vulnérabilité. Par exemple, dans un rapport Présenté au Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale en 2010, le Centre pour l'Environnement et le Développement (CED), le Réseau Recherches Actions Concertées Pygmées (RACOPY) et Forest Peoples Programme (FPP) indiquent que:

L'oléoduc Tchad-Cameroun a exacerbé la vulnérabilité des peuples autochtones du Cameroun. De nombreux Bagyéli ont été déplacés et grandement affectés par ce projet, sans pour autant bénéficier du plan de compensation mis en place dans le cadre de ce projet. La logique derrière le plan de compensation n'a absolument pas pris en considération les caractéristiques des peuples autochtones. Il leur fallait notamment fournir une preuve de mise en valeur agricole pour être admissibles à une indemnisation. Or, de nombreux Bagyéli ont été dans l'impossibilité de la fournir car ils ne sont pas agriculteurs ni ne possèdent de bâtiments sur les terres concernées. Cette condition pour faire une demande de compensation a donc été discriminatoire envers les Bagyéli.41(*)

La privation de leurs droits s'accentue aussi avec l'octroi des baux emphytéotiques aux chinois dans certaines régions du pays.

* 28 Samuel NGUIFFO, Pierre Étienne KENFACK et Nadine MBALLA, L'incidence des lois foncières historiques et modernes sur les droits fonciers des communautés locales et autochtones du Cameroun, P. 8

* 29 Cf, Samuel Nguiffo, Pierre Kenfack et Nadine Mballa, IBID

* 30 C.f. St. Melone, « La parenté et la terre dans la stratégie de développement du Cameroun » ; P. G. Pougoue.

* 31Cf., Samuel Nguiffo, Pierre Kenfack et Nadine Mballa, IBID, P.9

* 32 Tchapmegni, Op.cit

* 33 Tchapmeni, op.cit ; P. 303

* 34 Tchapmegni (R), op.cit, P.306-307

* 35Lire abondamment à ce sujet, la thèse de Tchapmegni(R), longuement citée dans cette petite parcelle du mémoire.

* 36Tchapmegni, op.cit P.309

* 37 Tchapmegni (R), op.cit.

* 38 Tchapmegni (R), op.cit.

* 39Cass. Civ. 2, 28 janvier 1954, comite d'établissement du Saint -Chamond, GAJC, n° 16. Cette jurisprudence a été reprise dans le jugement n°52 du 07 décembre 2005 rendu par le TPI de Douala-Bonanjo, dans l'affaire opposant la succession MBARGA Pascal Rosselin à ELOUNOU Raphael.

* 40 Tchapmegni (R), op.cit. P. 312.

* 41Centre pour l'Environnement et le Développement (CED),le Réseau Recherches Actions Concertées Pygmées (RACOPY) et Forest Peoples Programme (FPP), la situation des peuples autochtones au Cameroun, Rapport supplémentaire soumis suite aux 15e-19e rapports périodiques du Cameroun (CERD/C/CMR/19), le 27 janvier 2010, P.4

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984