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Les types de médiations de l'œuvre révélés par la gestualisation du corps-signifiant du visiteur. Pour une ethnographie de l'expérience de visite

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par Audrey PEREZ
Université Pierre Mendès France, Grenoble II  - Master 2 recherche en médiation, art et culture 2012
  

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C) Analyse du visiteur n°6 : Kevin

Ce visiteur est un jeune homme de 28 ans, célibataire et vivant en couple avec une Brésilienne à Grenoble. Il est titulaire d'une licence en histoire de l'art et passionné par la photographie, le dessin et l'expographie. Il pratique le yoga. Il est actuellement magasinier, et gère son association de projets interculturels qui lui a permis récemment de voyager dans le cadre d'une exposition photographique au Cambodge.

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Le mercredi 30 janvier 2013

Durée de visite: 15 minutes

Temps passé devant les oeuvres : 12 minutes

Il commence sa visite en passant entre les deux piliers de l'espace principal, pour rejoindre le milieu de la série Tempête orange. Il s'arrête un court instant pour regarder ce triptyque, puis il tourne la tête vers le dessin au fusain de l'installation Océan Pacifique. Il se retourne à nouveau en direction du dernier dessin de la série (La voiture). Sa démarche est lente et tranquille.

Il avance dans le 1er couloir, tout en regardant la série Castle Bravo. Il s'arrête, les mains dans les poches, au niveau du 9ème dessin et balaye du regard la série dans son intégralité, dans le sens inverse de sa déambulation. Il fait ce geste plusieurs fois, puis il prend du recul et refait le trajet en sens inverse pour rejoindre le 1er dessin en regardant la succession des dessins (Annexe 68 p. 46) ; et il jette un coup d'oeil vers le 9ème dessin. Il recule à nouveau en se penchant légèrement en arrière, et repart dans le sens initial de sa marche pour rejoindre l'Espace 3.

Sa marche est plus lente, il s'arrête à la lisière de l'oeuvre dans cette zone infra--mince entre scène et oeuvre (Annexe 69 p. 46), et regarde autour de lui. Il s'approche du mur droit pour analyser de plus près le tracé des lignes, et regarde au sommet de l'angle gauche de ce mur tout en dessinant du regard un cercle, du haut en bas de l'oeuvre. Puis, il s'approche de l'angle droit. Il prend un certain recul et regarde le bas du dispositif, puis revient sur ses pas en sens inverse.

Il jette au passage un bref coup d'oeil sur la série Castle Bravo et continue sa déambulation en direction de l'installation Océan Pacifique. En contournant le pilier de droite il regarde le lino, puis le dessin mural au fusain, et à nouveau le sol orangé. Puis, il s'arrête juste devant le lino face à l'oeuvre, à la lisière du lino et presque en équilibre sur la pointe des pieds. Il prend du recul et s'avance vers l'angle droit de l'installation, et il jette un coup d'oeil du haut en bas.

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Il regarde à nouveau le lino, puis le bas du dessin au fusain, et avance en direction de Tempête orange en restant à distance de la série (derrière le 2ème pilier de l'Espace).

Il regarde un court instant vers l'entrée du VOG, puis s'approche de la série en longeant un à un les 3 dessins de ce triptyque. Tout d'abord il s'approche de La voiture, en se plaçant du côté de l'angle droit de ce dessin, presque entre celui-ci et Le Monochrome, et promène son regard de haut en bas.

Il fixe le liséré inférieur des dessins de cette série, en regardant attentivement le mouvement infligé au papier. Puis, il tourne la tête vers le Monochrome et Les palmiers, en fixant un moment les traits constituant les dessins.

Interprétation - Récit de visite

Quelques temps après, je lui demande quelles impressions il a à cet instant de sa visite. « Hum... hum ! Mes impressions ? » Il se retourne vers l'installation Océan Pacifique, puis après un bref silence, je comprend qu'il est un peu gêné par la présence de la caméra lorsqu'il prend la parole. Je décide donc de baisser le focus de mon téléphone portable, pour qu'il se sente plus à l'aise (Annexe 70 p. 47).

Il soupire et me dit: « C'est très... savoir ce qu'elle a voulu dire, c'est bien, mais... » Il se retourne vers la série Tempête orange et me dit: « J'aime bien les couleurs, ça me fait penser aux couleurs du Maghreb. Le lino, c'est marrant comme support, c'est assez sympa. Parce que c'est du vinyle, ça aussi ? » Demande-t-il en désignant la série Tempête orange. Je lui réponds que c'est du crayon de couleur. « Sur quoi ? Sur du papier ? (...) D'accord. Ah ouais (...) et là-derrière, y a une photo (derrière le dessin)? (...) Tout ça au crayon de couleur ! » fait-il, un peu étonné.

Je comprends, à cet instant, qu'il souhaite avoir des indications sur les différentes techniques employées. Je me permets donc de lui expliquer chacune des techniques employées sur les différentes oeuvres présentées : « Dis-donc, y a vraiment de la matière, c'est cool ça ! » En regardant à nouveau Les palmiers, il me dit: « Du coup, ça fait des effets de vagues ! »

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Il avance en direction du Monochrome sans vraiment le regarder, et s'arrête vers le 3ème dessin (La voiture) en regardant de plus près, presque nez à nez avec l'oeuvre, la couleur des phares de voitures; puis il prend du recul et regarde le haut du dessin. Il traverse la série du regard dans le sens inverse, sourit de manière un peu gênée et me dit à demi-mot: « Je ne sais pas quoi te dire ! » (Annexe 71 p. 47)

Je lui demande alors ce à quoi cette série lui fait penser: « Moi, honnêtement... ça fait très tempête de sable, ces trois--là! Ça fait vraiment une espèce de tempête de sable, c'est ça ! Comme dans un pays sans doute maghrébin, avec le orange (l'orange). J'aime bien son orange, c'est très sympa ! Mais ce n'est pas que du orange, en fait! En fait, y a plusieurs couleurs. » Il se rapproche du Monochrome presque nez à nez avec le dessin (Annexe 72 p. 48), et me dit « Parce qu'il y a du jaune, du blanc et du noir! Elle a dû y passer du temps, ouais (...) C'est du coloriage ! » me dit-il avec un sourire amusé.

Puis, il repart en direction de la série Castle Bravo et s'arrête au milieu cette dernière: « Ça, c'est de la mine de plomb ? » Il se rapproche d'un des dessins pour observer en détail les différents tracés (Annexe 73 p. 48) : « C'est vraiment sympa, l'espèce de dégradé! Surtout quand on est là ! » Il se situe au niveau du 9ème dessin et regarde la série en enfilade, selon un point de vue très précis (Annexe 74 p. 49). Il s'approche à nouveau du 1er dessin pour avoir le même point de vue en sens inverse, et dit: « J'ai vraiment une impression de vieille photo... d'anciennes photos, une espèce de vieux daguerréotype. Ou alors... une révélation de photo argentique: quand tu la passes dans les bains, l'image apparaît petit à petit ! » Il prend à nouveau du recul, en se plaçant de telle sorte de pouvoir embrasser tous les dessins d'un seul coup d'oeil (Annexe 75 p. 49). Puis il revient vers le 9ème dessin, et avance dans le couloir pour rejoindre l'environnement Trame.

Il avance cette fois-ci directement à l'intérieur de l'oeuvre, et prend du recul: « Et là, ça fait des lignes ! » remarque-t-il en souriant.

Il s'approche du mur de droite en regardant de près la ligne la plus sombre du dispositif (Annexe 76 p. 50). « Ouais, quand tu sais que c'est fait à la graphite, (au graphite), ça me fait penser aux mines de crayons B et HB : plus ou moins grasses que d'autres, donc qui font plus de... qui s'étalent plus! C'est marrant... Là, y a du 8 H et là, du 8 B » me dit-il en sélectionnant du doigt des lignes dans l'environnement.

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Il regarde à nouveau en haut et en bas, prend du recul et dit: « Après, est-ce que c'est de la déco ? Ou est-ce que c'est... Je suis sceptique par rapport à ça ! » Il prit du recul en ressortant progressivement de cette immersion et dit: « J'ai pas forcément de ressenti, tu vois... des lignes verticales... Je ne sais pas si y a une espèce de déformation de l'espace ! » Il regarde le sommet de l'oeuvre, (Tempête orange), et repart dans l'autre sens.

Il retourne vers l'installation Océan Pacifique et se place à nouveau à l'angle gauche de l'oeuvre (Annexe 77 p. 50) : « C'est sympa aussi, c'est dommage qu'on ne puisse pas marcher sur le lino. Je pense que la réaction, quand tu peux marcher sur l'oeuvre... change! Et tu entres directement en interaction avec l'oeuvre. Surtout quand elle est au sol comme ça ! Celle-là (l'oeuvre), elle appelle à marcher dessus ! » Je lui explique pourquoi Lina (l'artiste) avait conçu cette « masse colorée » comme une zone interdite à la déambulation, propice à la réflexion de la lumière orangée sur le dessin mural au fusain. « D'accord, ça fait une masse orange. Ça peut être un espace pas mal pour la méditation, parce que c'est assez reposant comme image. Le orange, c'est quelque chose qui est vachement expressif dans les couleurs chaudes: c'est la joie, c'est pas mal de choses... C'est le soleil aussi... Après, bah ! » Il se retourne vers la série Tempête orange: « dans les chakras, je crois que ça se situe au niveau du ventre, je crois! Annexe 78 p. 51) C'est tout ce qui est dé-stress. Après, je ne suis pas assez calé par rapport aux zones des chakras... J'adore les couleurs! En fait, c'est du coloriage... En fait, lorsque tu sais que ça a réellement été fait à la main, ça donne une autre idée ! Bon, le seul qui dévie un peu, là-bas, c'est celui avec les voitures. Ça fait vraiment impression photographique (la série), avec cette tempête de sable... »

Il décide d'aller prendre le fasicule d'explication. En lisant le titre de l'exposition : « C'est sûr que la poussière... est bien représentée ! »

Il lit pendant quelques instants la page de présentation de l'exposition et feuilleta les 4 premières pages en jetant un regard vers Océan Pacifique: « il est sympa ce catalogue, il est vraiment sympa... Il est simple, il est pas trop... Il est pas plein de texte!

C'est vraiment agréable! Après... dedans, ils parlent de destruction et du nucléaire... Y a des choses éparpillées, des choses qui se... Comment on dit? Une déflagration justement, qui ruine le paysage. Ça c'est vrai, je ne l'ai pas vue tout de suite... Quand on le sait, dans la démarche ça marche aussi, c'est pas mal ! »

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Je lui explique que la série Tempête orange a été réalisée à partir de photographies d'une tempête de sable prises à Ryad en Arabie, en 2009. Il me répond: « J'ai pris l'avion quand je suis allé au Cambodge et j'ai fait pas mal d'escales, dont une à Doya. Et en partant de Doya, on voit cette espèce de grosse... fin (enfin), c'est dans le sable, en fait. La vie est dans le sable... et en fait, quand on prend l'avion, au début on voit un petit peu la ligne, la skyline, puis au fur et à mesure qu'on s'envole (Annexe 79 p. 51), on voit ce nuage orange, orangé-marron qui fait penser à celle-là. Bon, c'est moins inquiétant. Mais c'est vraiment ça aussi ! » Il avance et dit: « C'est marrant, le seul petit point de vue », en parlant du 3ème dessin (Le Monochrome).

Je lui demande si ce dessin l'intrigue: « Du coup oui, parce qu'il est figuratif... enfin, on reconnaît les choses, donc il appelle plus... Il met l'Homme en scène plus que les autres ! » Je lui demande ensuite de préciser quelque peu le contexte de naissance de son souvenir de Doya sous le sable: « En fait, quand on décolle, du coup on voit la ville, petit à petit on ne la voit plus quand t'es en hauteur. On voit plus rien, parce que justement, tout est noyé dans le sable ! » Puis je finis mon analyse en lui demandant si parmi ses photographies, il n'a pas une photo aérienne de la ville de Doya.

A la fin de la visite, il choisit 5 images:

1) La première, « Sable », lui fait penser à l'atmosphère générale de l'exposition.

2) La seconde, « Pompidou - Fassbinder », lui fait penser au dispositif de mise en scène de l'image de la série Castle Bravo.

3) La troisième, « Doya », lui rappelle la série Tempête orange.

4) La quatrième, « La terre est bleue comme une orange », lui fait penser à l'espace de méditation s'inspirant de l'installation Océan Pacifique.

5) La cinquième, « Mandala », lui fait penser à travers la symbolique de la couleur orange, aux divers remplissages de couleur correspondant à des espaces de méditation.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera