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Les types de médiations de l'œuvre révélés par la gestualisation du corps-signifiant du visiteur. Pour une ethnographie de l'expérience de visite

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par Audrey PEREZ
Université Pierre Mendès France, Grenoble II  - Master 2 recherche en médiation, art et culture 2012
  

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Chapitre 3

Analyse de la gestualisation du visiteur
Vers une ethnographie de l'activité de visite

I. Mise en place d'un dispositif ethnographique

Au préalable, je souhaite revenir sur les modalités de production de mes entretiens. En effet, il est important de rappeler la façon dont j'ai traité l'ensemble de mes données recueillies durant l'observation de chacune de ces expériences de visites : « Le bon détail est celui qui manifeste l'existence de la structure sociale83. »

Au cours de cette étude ethnographique, j'ai essayé au moyen du dispositif vidéographique de mon téléphone portable, de focaliser mon regard sur la production gestuelle, la gestualisation du visiteur : « (le) Geste est le nom de cette croisée où se rencontrent la vie et l'art, l'acte et la puissance, le général et le particulier, le texte et l'exécution. Fragment de vie soustrait au contexte de la neutralité esthétique : pure praxis.84 » (Agemben, 1990)

D'une part, cette captation m'a permis de suivre le visiteur durant sa déambulation dans l'exposition de façon ergonomique, du fait de la dimension de cet outil de captation, qui peut être tenu en main durant une longue période. D'autre part, la représentation du téléphone portable en tant qu'appareil vidéographique m'a semblée plus courante que celle de la caméra qui fait davantage référence, à mon avis, au reportage, à l'interview ou bien à la représentation d'un objet appartenant du champ cinématographique. Cet objet semblait donc plus approprié dans la mise en relation du visiteur avec ce type de dispositif interactionnel.

D'un point de vue méthodologique, cet outil a également participé à la retranscription ethnographique de la production gestuelle détaillée des visiteurs.

83 Albert Piette, Ethnographie de l'action, l'observation des détails, Editions Métailié, Paris, 1996, p. 54.

84 Yves Citton, Gestes d'humanités : anthropologie sauvage de nos expériences esthétiques, Armand Colin, Le temps des idées, Paris, 2012.

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C'est le cas, par exemple, de l'étude méticuleuse du ralenti de leurs gestes : « L'ethnologue décrit un ensemble d'actions au sein d'une même cérémonie dont il cherche à (...) cerner la charte mentale (selon l'expression même de Malinowski)85. »

Cette observation filmique de la gestualisation du corps signifiant86 (Eliseo Veron, 1996) du visiteur s'est avérée efficace comme outil ethnographique dans la retranscription du mouvement de l' Ici et Maintenant de l'expérience, inhérente à la relation du visiteur à l'espace, au temps et à la construction du sens à travers le récit. « Ce qui importe d'observer, au--delà des lois et des normes organisationnelles de la vie sociale, c'est la manière dont l'action est réellement effectuée. Plusieurs pages de Malinowski sont ainsi imprégnées par une valorisation des détails du comportement réel à tel point que l'observation directe devient l'incontournable médiation pour un tel repérage.87 »

Françoise Parfait dans son ouvrage Vidéo un art contemporain propose plusieurs analyses du médium vidéographique en relation avec le fonctionnement de la mémoire. L'une de ses premières propositions porte sur la question du présent du médium. Selon elle, la spécificité de l'image vidéographique serait différente de celle de la photographie ou du cinéma: « elle s'inscrit toujours dans un présent de l'enregistrement ou de la diffusion de son image (...) Ainsi, de la même façon que la conscience du présent se fait dans le cerveau par le rappel constant de souvenirs, à court ou long terme, la vidéo déstocke ses réverses ou ses couches potentielles d'images auxquelles la matière pixellisée donne forme momentanément.88»

La vidéo permettrait donc d'après cette artiste et commissaire d'exposition de retranscrire cette rapidité du mouvement de l'appréhension du monde qui fait passer l'image qui est vue, au statut de souvenir, dès qu'elle n'est plus sous nos yeux. L'image vidéographique s'inscrirait de fait, dans un double mouvement de l'enregistrement de ce qui est vu, puis du stockage de l'image à laquelle nous pourrons faire appel ensuite, comme la mémoire fait appel à un souvenir.

85 Ibid., p. 53.

86 Eliseo Veron et Martine Levasseur op.cit., p. 50.

87 Ibid., p. 47.

88 Françoise Parfait, Vidéo un art contemporain, p. 338.

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En outre, elle présente la production vidéographique comme un flux ininterrompu qui capte en permanence, à l'image du cerveau.

Ainsi, l'image vidéographique serait toujours en mouvement, et celui--ci mouvement conditionnerait la perception que l'on peut en avoir; elle produirait une image évanescente, propice à rendre compte de subtils mouvements d'évanouissement de la forme de la pensée: « La spécificité vidéographique découle de la non-matérialité de l'image, qui permet de communiquer différents états psychologiques et mentaux.89 »

Finalement, l'instabilité et l'incomplétude de cette image requerraient de la part de l'observateur la mobilisation de sa mémoire et maintiendraient en alerte permanente son système perceptif: « La perception elle-même est modifiée face à l'écran électronique: l'empreinte laissée par les corps lumineux (...) est traitée de telle façon que les seuils de reconnaissance se trouvent déplacés de manière plus ou moins sensible selon les manipulations opérées par les signaux, reculant d'autant l'identification mimétique des objets de référence.90»

On peut donc faire le postulat que la vidéo dans son médium même, propose un nouveau paysage de perception dans lequel l'espace et le temps rendent compte d'une forme de pensée en image, fonctionnant sur le même principe que la mémoire.

A ce propos, il est essentiel de préciser que durant mes entretiens, je disposais d'un plan de l'espace d'exposition me permettant d'avoir un second point de vue sur la déambulation des visiteurs, à travers la retranscription presque simultanée du traçé ethnographique de leurs progressions dans l'espace d'exposition.

En outre, j'ai fait le choix d'un recadrage de l'entretien de visite sous la forme d'une interaction verbale et gestuelle avec chacun d'eux, dans le but de stimuler la production orale de leurs récits.

J'ai régulièrement essayé d'interagir de façon pertinente par rapport à l'évolution de leurs expériences, afin de révéler certaines informations souvent habituellement imperceptibles (discours intérieur) pour l'observateur dans un contexte de visite individuelle.

89 Mona Da Vinci, « Vidéo. The Art of the observable Dreams » dans Battcock, Editions New Artists'Video.

90 Françoise Parfait. op.cit. p. 339.

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Goffman caractérise l'observation participante: « comme une exposition de son propre corps et de sa propre personnalité (...) à tous les imprévus pouvant toucher un ensemble d'individus, afin de pénétrer physiquement et écologiquement leur réponse à la situation sociale91(Erving Goffman, 1989) A la fin de ces observations de visite, je leur ai demandé de choisir sur Internet des images témoignant de leurs différentes expériences de visite. Cette étape de collecte des données a été pour moi un moyen de capter un autre regard sur la gestualisation de visite; mais aussi sur la manière dont se construit la déterritorialisation du langage de l'oeuvre (Deleuze, 1996) au cours des diverses expériences produites par ces 8 visiteurs.

En outre, cette étude ethnographique sur la gestualisation des visiteurs a été complétée par la présence de questionnaires semi-directifs me permettant d'envisager chacune des déterritorialisations de leur récit de visite en relation « aux lieux d'où ils parlent de leur culture » (Michel de Certeau, 1974). « Jamais nous ne pouvons effacer ni surmonter l'altérité que maintiennent, devant nous et hors de nous, les expériences et les observations ancrées ailleurs, en d'autres places. 92»

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