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Les types de médiations de l'œuvre révélés par la gestualisation du corps-signifiant du visiteur. Pour une ethnographie de l'expérience de visite

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par Audrey PEREZ
Université Pierre Mendès France, Grenoble II  - Master 2 recherche en médiation, art et culture 2012
  

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D) VISITE POISSON : Le corps qui passe

Le cas de la stratégie de type Poisson: visiteur n° 4 - Gilles (Annexe 69 p. 57), le visiteur n° 5 -- Hédia (Annexe 69 p. 57) et le visiteur n° 8 - Marjorie (Annexe 69 - suite -- p.58).

Cette quatrième et dernière stratégie de visite appelée Poisson par Eliseo Veron et Martine Levasseur serait une appropriation du parcours dite par glissement ou par évitement: « Comme une sorte de passage.120» : le visiteur ne se sentirait aucunement gêné par les grands espaces vides. Sa trajectoire de visite apparaîtrait le plus souvent comme « une boucle » comme animée d'un mouvement circulaire.

Le Poisson semblerait parfaitement indifférent à l'ordre chronologique proposé par l'exposition. De ce point de vue, les poissons auraient une stratégie à l'opposé des papillons; ils exprimeraient le refus d'un « plan ».

119 Yves Citton, « Politiques de l'individuation, Penser avec Simondon, Sept résonnances de Simondon », Multitudes n° 18, 2004.

120 Eliseo Veron et Martine Levasseur, op.cit., p. 65.

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Il ne s'agirait donc pas une vue d'ensemble pour mieux choisir, comme c'était le cas chez les papillons, mais d'une mise à distance en quelque sorte, d'une protection du Moi. Celle-ci permettrait au Poisson, au cas ou il le jugerait nécessaire de quitter immédiatement l'activité de visite ou bien lorsqu'il considérerait avoir passé assez de temps dans les lieux: « Chez les poissons, le besoin d'un certain recul et l'image de leur propre comportement comme circulaire, comme un parcours en boucle, semblent intimement associés.121 »

Visiteur n° 4 - Gilles:

Il a regardé à nouveau Les palmiers, et sa distance par rapport à l'oeuvre était assez importante.

Puis, il a contourné ce dispositif par l'extérieur et a jeté à nouveau un coup d'oeil sur le dernier dessin de la série Tempête orange (La voiture).

Il s'est arrêté au niveau du 7ème dessin, à distance de la série et presque au fond de l'Espace n°2.

En outre, ce mouvement de mise à distance proxémique122 de l'oeuvre par Gilles s'est accompagné de la production gestuelle d'un mouvement de repli sur lui-même, selon les codes communicationnels du langage infra-verbal (Ecole de Palo Alto, en Californie, 1950).

Il s'est arrêté directement vers la fenêtre, en jetant un coup d'oeil au passage. Puis, s'est assis sur le rebord de cette fenêtre en croisant les mains et les jambes.

Cette gestualisation pourrait être interprétée, d'après mes observations, en trois étapes: la première, matérialisée par l'expression corporelle du « repli physique » sur lui-même exprimant son incapacité à produire du sens. Suivie d'une seconde étape de « fuite », face à l'incompréhension de l'environnement Trame.

« Pour l'instant, j'arrive pas... autant la première là--bas,je trouve qu'il y a un côté reposant.

Là je suis un peu... peu importe... On va déjà aller voir les autres. » Nous avons fait marche arrière, sa marche était alors plus rapide.

Finalement, la troisième étape liée à la négociation de l'oeuvre ce serait faite en dehors de l'environnement Trame dans lequel il n'a manifestement pas pu entré.

Aussi, c'est à travers le choix de l'image « Prison » que ce sont révélées: son incapacité à entrer dans l'oeuvre et son incompréhension à la comprendre, qui ont engendrées un sentiment d' « enfermement ».

121 Ibid., p. 83.

122 E.T Hall, La dimension cachée, Editions du Seuil, « Points Essais », n°89, 1978.

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Il s'est avancé en direction de l'Espace n°1 et s'est retourné vers moi : « L'autre là-bas, la pièce du fond, je suis vraiment... » me dit-il dit, en se pinçant les lèvres et en secouant la tête de droite à gauche, comme pour dire « non » de façon gestuelle : « J'arrive pas à voir quelque chose de... » m'a-t-il dit en retournant sur ses pas pour essayer de revivre l'expérience de l'environnement Trame.

Dès qu'il y est entré, il s'est frappé la cuisse comme pour affirmer qu'il n'arrivait pas à comprendre, à connaître la signification que cette oeuvre lui procurait:

« Nan, c'est... Sans toucher, je peux me rapprocher ? » Je lui ai fait comprendre qu'il le pouvait. Il s'est rapproché du mur de droite, les mains dans les poches et la tête légèrement inclinée vers l'avant, le regard fixe et les sourcils froncés.

Il a balancé ensuite sa tête en arrière pour faire progresser sa vision jusqu'en-haut du dispositif. Puis, il a fixé du regard la ligne la plus foncée au milieu de l'oeuvre ; et il a balayé du regard la moitié de ce pan de mur en diagonale pour rejoindre (du regard) l'extrémité gauche de ce mur. Il a continué sa progression vers le mur du centre, en considérant le milieu de l'oeuvre et en longeant les murs.

Puis, il a regardé en arrivant près de l'extrémité droite du mur de gauche, et a fini son trajet comme s'il venait de suivre approximativement une trajectoire circulaire à l'intérieur de l'environnement: « Je vais être très cru... c'est du papier, quoi ! Ouais... nan, ça ne m'inspire pas du tout, du tout... du tout! »

Le Poisson Hédia aurait manifesté un autre type de mise à distance corporelle à l'oeuvre, qui évoquerait le même sentiment lié à l'enfermement:

Visiteur n° 5 - Hédia :

Elle a fait un geste très rapide des mains de haut en bas, pour signifier la distance qu'elle mettait entre elle et son ressenti de l'oeuvre: « des, des... comme on voit... ».

Elle s'est retournée vers la fenêtre et a dit: « des stores qui sont... un truc fermé qui fait un peu comme... si c'était interdit d'y aller, interdit de voir... c'est vrai en plus!

Ce sont des stores, tu peux rien voir à l'intérieur... ça m'évoque pas quelque chose de joyeux ! J'ai senti comme si mon coeur se pressait, c'est comme s'il y avait un enfermement, un truc qui hop ! Stop ! N'avance plus... »

La stratégie du Poisson serait également marquée par la récurrence et la systématisation du coup d'oeil: « jeter un coup d'oeil123» : c'est-à-dire avoir quand même consommé l'objet et vu son style, mais tout en étant pressé et en ne voulant pas entrer dans une véritable négociation appropriative avec le sens proposé. On dirait que le Poisson a un rapport touristique à la culture. A ce propos, il est intéressant de constater que le temps investi, passé devant les oeuvres, correspondrait à peu près au temps de visite moyen. C'est le cas de Gilles qui a consacré les 8 minutes consacrées à l'exposition au visionnement des oeuvres.

123 Ibid., p. 84.

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1. Une stratégie de contournement par latéralisation

La manifestation de la « mise à distance » chez le Poisson Marjorie se gestualiserait sous la forme d'une stratégie de contournement de l'oeuvre se traduisant par la production d'une latéralisation corporelle face aux objets.

Visiteur n° 8 - Marjorie:

Le corps tourné dans le sens de la marche, la tête tournée vers la série.

Elle a tourné la tête vers l'environnement, en se situant toujours à l'extérieur de l'oeuvre.

En effet, cette stratégie corporelle de mise à distance de l'objet correspondrait, selon Giddens, à : « un geste non nécessairement conscient et réfléchi de mépris, sinon d'indifférence 124», que je qualifierais dans ce cas précis de stratégie d'évitement:

... me dit-elle en avançant dos à l'environnement.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille