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Justice constitutionnelle en France et démocratie

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par Jean- Baptiste KLEBERSON
Université de Bretagne occidentale de France - Master 2 en droit public 2011
  

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B. Les lacunes du système électoral de 1791

Le premier acte révolutionnaire en l'occurrence la DDHC énonce en son article 1er l'égalité absolue entre les Français. On serait même tenté de dire que cette disposition législative se veut universelle car elle proclame l'égalité totale pour l'humanité et non uniquement à l'égard des fils de l'hexagone. En effet, celle-ci ou même la totalité de la DDHC a été inscrite dans la constitution d'autres pays. Paradoxalement l'acte constitutionnel de 1791 fondant l'ordre nouveau a mis en place un système électoral complètement inégalitaire. Celui-ci organise un suffrage électoral prenant en compte les critères de fortune et de capacité puisqu'il était censitaire. (1) Il fut exclusif ou même clivant en ce sens qu'il prévoit une élection au second degré (2).

36 CARRE DE MALBERG, op.cit.

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L'apparente antinomie entre la justice constitutionnelle et la démocratie

1. Un suffrage électoral censitaire

Conformément aux vues élitistes du député Emmanuel Sieyès, certains Français n'avaient ni le droit de vote ni celui de présenter leur candidature. Seuls les citoyens actifs détenaient ces prérogatives. En outre des conditions habituelles de nationalité, de majorité, de domicile d'inscription sur le registre électoral et d'aptitude morale, la constitution prévoyait respectivement en ses alinéas quatre (4) et cinq (5) deux conditionnalités purement discriminatoires permettant d'accéder au statut de citoyen actif afin d'être soit électeur soit éligible :

4° alinéa : « Payer dans un lieu quelconque du Royaume, une contribution directe au moins égale à la valeur de trois journées de travail et en représenter la quittance »

5° alinéa : « N'être pas dans un état de domesticité, c'est-à-dire de serviteur à gages »

Il faut ajouter dans la liste des exclus, à côté des citoyens « non- actifs », les esclaves et évidemment les femmes. En effet si l'abolition définitive de l'esclavage en 1848 traduite par le décret du gouvernement provisoire libérait la masse servile, les femmes ont dû conquérir de haute lutte jusqu'au 20ème siècle plus précisément en 1944 le droit de participer à la vie politique en France. Il va sans dire que cette politique électorale exclusive et ségrégationniste se trouve aux antipodes de la DDHC qui dispose en son article premier :

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ».

Ce système électoral était défendu par l'influent homme politique Emmanuel Sieyès qui le justifie en affirmant que seuls les citoyens contribuant à l'économie nationale ont le droit d'influer la vie politique par le biais du vote. Il a eu l'assentiment de l'assemblée constituante malgré les incohérences notoires ainsi dénoncées par le député Robespierre dans son discours :

« La loi est l'expression de la volonté générale (...) Cependant, interdire à tous ceux qui ne payent pas un impôt, le droit même de choisir [leurs représentants], est-ce autre chose que rendre la majeure partie des Français absolument étrangers à la formation de la loi ? (...) »

Cette dénonciation de l'avocat-politicien est d'une justesse évidente puisque les statistiques démographiques relevaient que pour la France entière, sur une population de sept (7) millions habitants, seulement 4 300 000 ont rempli les critères pour avoir le statut de citoyen actif. Les 2 700 000, à cause de leur faible faculté contributive, étaient des « citoyens passifs » et corrélativement ne pouvaient pas prétendre à exercer ce droit politique.

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L'apparente antinomie entre la justice constitutionnelle et la démocratie

2. Un suffrage indirect

Le suffrage universel direct est la norme en matière électorale. Seul ce système impliquant un homme, égal un vote, pouvait cadrer à la logique révolutionnaire de 1789 qui proscrivait la discrimination indépendamment de sa forme. Force est de constater que le principe d'égalité de droits n'était pas reflété dans le régime électoral enfanté par la révolution puisqu'il était indirect. Les citoyens actifs ne votaient directement pas leur représentant. Il était institué par la Constitution de 1791, en son article premier de la section 2, une Assemblée primaire au sein de laquelle les villes et les cantons désignaient les électeurs du second degré. De surcroît, seuls les citoyens actifs doublés du statut de propriétaire, fermier, usufruitier, pouvaient être électeur de second degré. Ces conditions amplement restrictives diminuaient davantage le nombre de français aptes à choisir directement ou sans intermédiaire leur représentant à l'Assemblé nationale.

Les élections indirectes sont considérées comme inégalitaires en ce sens qu'elles créent un sentiment de hiérarchisation entre les citoyens. Seuls certains d'entre eux auraient le discernement et l'aptitude nécessaires pour effectuer le vote final et définitif. Rien n'autorise à croire que les « grands électeurs », pour ainsi dire, feront forcément un choix conforme à la volonté de la grande masse populaire sauf en cas de mécanismes et de balises contraignants.

Quoiqu'il en soit, les députés issus de ces élections ainsi organisées jouissaient irrévocablement de la légitimité populaire. Par conséquent, il était inconcevable que leur délibération législative ou leur décision soit remise en cause par un autre organe aussi prestigieux soit celui-ci. Là réside l'opinion d'incompatibilité entre la justice constitutionnelle et la démocratie. Celle-ci s'est davantage renforcée au cours de l'histoire de la France républicaine à partir du moment où les élections des parlementaires devenaient totalement égalitaires c'est-à-dire universelles et directes. Cette tradition bi-séculaire sera ébranlée de manière non significative en 1946 pour être totalement remise en cause par le constituant de 1958 avec la création du Conseil constitutionnel. Le constitutionnaliste Dominique Rousseau, analysant ce revirement, écrivit :

« Toute l'histoire politique depuis 1789 témoigne de l'hostilité de la France à l'égard de la création d'un organe spécial chargé de contrôler la constitutionnalité des lois au point que certains interprètent l'entrée en scène du Conseil en 1958 comme la rupture d'une tradition républicaine fondée sur le souvenir des parlements de l'ancien régime et le principe de primauté de la loi ».

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite