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Analyse de l'activité et évaluation des facteurs de pénibilité du travail. Le cas des maréchaux ferrants

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par Anne-Sophie LETOUSEY
Université de Basse-Normandie - Sciences du mouvement et ergonomie 2012
  

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2.4. Tonnage journalier

La norme française (NF X35-109), relative à l'ergonomie dans la manutention manuelle de charges, définit des valeurs seuils de référence, applicables aux hommes et aux femmes âgées de 18 à 65 ans sans distinction (Tableau 4). Les détails des calculs effectués se situent en annexe 10.

Tableau 4 : Norme française (NF X35 -109), présentant la valeur des seuils ergonomiques pour la
manutention manuelle de charges

Valeurs seuils ergonomiques pour la manutention manuelle de charges

Activité Valeur maximale acceptable Valeur maximale sous condition

15 kg de charge par opération

Soulever/Porter 7,5 tonnes/jour/personne

25 kg de charge par opération 12 tonnes/jour/personne

Pousser/Tirer 200 kg de poids déplacé 400 kg de poids déplacé

Après calcul du tonnage journalier, à raison de 8 chevaux par jour (chevaux de selles) en moyenne pour un maréchal seul, le tonnage est en dessous de la moyenne maximale acceptable : 4T 099Kg 640g.

Discussion

L'objet de l'intervention était de déterminer les facteurs de risques de pénibilité auxquels sont exposés les maréchaux ferrants. En respectant les principes fondamentaux en Ergonomie, une analyse de l'activité pour comprendre la situation de travail et en conséquence la modifier (Guérin et al, 2007) a été réalisée en utilisant diverses méthodes de recueil de données (entretiens, questionnaires ...).

Les résultats présentés préalablement permettent d'avoir des premiers éléments sur les facteurs de pénibilité associés à ce métier et surtout de collecter ces éléments, ainsi que le vécu qui y est associé, à des moments différents de la vie professionnelle (au début lorsque le maréchal ferrant est encore en formation et après plusieurs années d'expérience). L'étude de la pénibilité n'est pas une fin en soi ici car notre étude en cherchant à déterminer pourquoi la durée de vie professionnelle des maréchaux ferrants est si courte est une première étape vers l'identification des conditions de travail à améliorer.

L'analyse des questionnaires montre que les maréchaux en formation ont connaissance et même expérimentés les principaux risques liés à leur activité. Les EPI, bien que jugés efficaces, ne sont pas utilisés systématiquement. Concernant l'environnement de travail, les élèves ne se plaignent pas des nuisances sonores pourtant les résultats de la cartographie du bruit montrent que le niveau sonore avoisine les 97 dB. L'activité à la forge au sein de la formation n'est pas ressentie comme pénible pourtant des douleurs aux dos et aux poignets sont évoquées de manière prédominante en fin de journée. L'activité de ferrage révèle que c'est le ferrage présenté comme le plus pénible, celui à l'anglaise, qui est le plus utilisé. Ce type de ferrage entraine des douleurs au niveau du dos, des genoux et des poignets mais permet un gain de temps. De plus, les contraintes physiques ressenties sont en grande partie liées aux postures pénibles, aux efforts importants, à la répétitivité, et aux intempéries, et ensuite à la température et aux gestes contraignants. Il est par conséquent très étonnant que l'activité soit qualifiée de peu pénible alors que les réponses laissent penser le contraire. On peut supposer qu'ils ne savent pas ce qu'est vraiment la pénibilité ou alors que malgré les différents facteurs de risque et les sollicitations importantes de l'organisme qu'ils évoquent très bien, cette activité ne soit pas vécue comme pénible. La passion pour le métier et la motivation sont probablement des facteurs explicatifs qui entrent en jeu. A contrario, un questionnaire rempli par un formateur démontre parfaitement que l'activité de maréchal

ferrant est pénible. En effet, la personne questionnée ne se sent pas à l'aise dans son environnement de travail et estime le degré de pénibilité au sein de la forge à 7 (proche du très pénible) et lors du ferrage à 5 (pénibilité neutre). Un autre questionnaire révèle que le maréchal ne peut plus exercer à titre personnel car il s'est fait opéré du dos à plusieurs reprises. Ce constat conforte l'idée (exposée en introduction) que la pénibilité s'évalue dans le temps, en fonction de l'histoire et du parcours professionnel et qu'une vigilance accrue sur les facteurs de pénibilité est nécessaire pour empêcher les effets irréversibles.

Plus de la moitié des élèves souhaiterait être informée sur les risques professionnels. Cette information est intéressante en vue de proposer des modules de formation supplémentaire qui nécessiteraient d'être bien pensés en amont. En effet, certains élèves ont déclaré que connaitre les risques auxquels ils seront exposés à l'avenir les aurait probablement démotivés. L'objectif n'est pas créer une fuite au niveau de la formation mais bien de préserver au maximum la santé des maréchaux-ferrants. La formation est une étape très importante et d'après certains élèves des enseignements pourraient être très instructifs comme des cours de psychologie équine et une formation aux premiers secours. L'importance de l'apprentissage se retrouve dans les entretiens réalisés auprès des maréchaux ferrants itinérants. En effet, le choix du maître d'apprentissage est très important car il sensibilise l'apprenti, fait notamment de la prévention, renseigne sur les bonnes pratiques ou habitudes à adopter. L'élève en formation reproduira les faits et gestes de son employeur, une attention particulière est donc à porter aux méthodes et contenus d'apprentissage en vue de soulager ou même d'éviter bien des maux.

Enfin, il est important de noter que, dés la formation, près de 70 % des élèves pensent à une reconversion future et estiment d'ailleurs à 23.15 ans la durée moyenne de leur carrière professionnelle. Cette information devrait incontestablement susciter des études plus approfondies sur la santé des maréchaux ferrants, leurs conditions de travail et la question de la pénibilité de leur activité.

L'ensemble de résultats collectés via différents outils ou méthode montre que les maréchaux sont fortement exposés aux facteurs organisationnels comprenant les horaires atypiques et le rythme de travail tels que le travail répétitif, les cadences imposées, longs déplacements fréquents, aux facteurs d'environnements agressifs, matériels et humains (température, intempéries, bruit, poussières, produits toxiques) et aux efforts physiques lourds (manutentions, port de charges, vibrations, contraintes posturales et articulaires). Ces facteurs,

déjà évoqués plus haut, sont sources d'accidents que ce soit pour les maréchaux en formation ou ceux en activité. Si initialement on pensait que les accidents étaient plus fréquents chez les novices, ils s'avèrent encore très présents même après 30 ans d'expérience. Si l'expérience et des stratégies de compensation permettent probablement de limiter accidents et risques pour la santé, ils ne sont pas suffisants. Une politique d'amélioration des conditions de travail semble particulièrement importante pour cette profession.

En termes de pénibilité psychologique, les entretiens laissent apparaitre que l'activité des maréchaux ferrants peut générer du stress qui a des conséquences négatives sur la santé psychique de l'individu. Ce stress provient de la situation (dangers et menaces provenant du comportement du cheval, mauvaises conditions d'exercice) ou par la fatigue, des problèmes de relations avec la clientèle, des emplois du temps chargés. Tous ces facteurs réunis peuvent provoquer une usure psychologique professionnelle pouvant accentuer le risque d'apparition de TMS ou les troubles du sommeil. Les maréchaux itinérants apparaissent plus exposés aux risques psychosociaux que les élèves notamment parce qu'ils sont en lien direct avec la clientèle et doivent gérer plus d'incertitudes ou de situations potentiellement de désaccord, comme par exemple, les mauvais payeurs ou les remarques sur les prix excessifs, les aléas de la météo, les horaires de travail « normalement » plus denses...

Pour palier à tous ces risques et tenter de limiter l'usure professionnelle, des mesures de prévention sont à mettre en place dès l'entrée en formation. Une bonne hygiène de vie, adopter une bonne posture pour soulever une charge, acquérir les techniques d'éveil, d'échauffement et d'étirement musculaires, utiliser les mesures de prévention existants comme la servante et le trépied, utiliser les équipements de protections individuels, majorer et adapter les apports hydriques, choisir des vêtement adéquats selon les saisons...

D'autre part, un travail conséquent est à mener en matière de «confort professionnel». Par exemple, concernant la tâche du rivetage, nous avons vu précédemment qu'elle représente 25% du temps passé à la ferrure. Des recherches montrent que cette tâche peut être supprimée, son utilité n'est pas prouvée et elle ne serait donc pas indispensable au bon maintient du fer. Par contre, utiliser des clous plus petits pour ne pas avoir à les couper puis à les riveter en fin de ferrage pourrait être une solution intéressante. Cette solution est pourtant controversée par le fait que les maréchaux itinérants n'auraient plus l'utilité de prendre des apprentis, cette tâche laborieuse et longue étant particulièrement promise à ceux-ci. De plus, cette solution aurait un impact sur le prix de la main d'oeuvre : au lieu de consacrer 20 minutes à un cheval, le maréchal n'y consacrerait plus que 5 minutes. Le coup de la main d'oeuvre chuterait et la

plus value sur le fer augmenterait. Cet exemple illustre parfaitement que, même si des solutions existent, une prise en compte globale des facteurs qui conditionnent l'activité des maréchaux-ferrants est à étudier de manière très approfondie.

Enfin, comme annoncé dans l'introduction de ce travail, la problématique de la pénibilité au travail est complexe, voire floue. Elle semble particulièrement intéressante à approfondir chez les maréchaux-ferrants, une population qui semble rapidement « s'user professionnellement » et qui est particulièrement importante à préserver au vu de son rôle central pour l'ensemble du monde équin. Réaliser des analyses de l'activité à plus grande échelle et assurer un suivi des conditions de travail des maréchaux-ferrants (bien que moins facile que pour d'autres professions) permettraient de préciser les données recueillies dans le cadre de ce travail mais également de déterminer quelles améliorations au niveau organisationnel, humain et technique sont à rendre prioritaires pour préserver leur santé.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard