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Le déclin spirituel récurrent de l'église

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par William LUJ
Faculté de Théologie des Assemblées de Dieu du Burkina Faso - Maîtrise de Théologie 2012
  

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C. Les Raisons du Déclin Spirituel Actuel

1. Le Déclin des Ministères

La cause majeure du déclin des églises réside dans le fait que les ministères se sont laissés distraire des responsabilités qu'ils auraient dû exercer. Le remède ne sera pas loin d'être trouvé quand ces ministères auront compris que leur priorité absolue est d'être eux-mêmes profondément spirituels, complètement réveillés et d'aplomb sur la parole de Dieu. Les apôtres l'avaient bien compris : « Il n'est pas convenable que nous laissions la parole de Dieu pour servir aux tables. . . .Et nous, nous continuerons à nous appliquer à la prière et au ministère de la Parole » (Lc 2.41-46). Les causes du déclin spirituel sont multiples. Toutefois, chaque serviteur de Dieu devrait d'abord reconsidérer son propre état spirituel. Un dicton japonais dit que : « Le poisson commence toujours par sentir mauvais par la tête. » Pourquoi ne pas faire un parallèle en disant que si l'église ne va pas bien, la raison première est à chercher chez les pasteurs et les responsables de l'église. Si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous admettrons notre manque de sanctification personnelle et d'onction fraîche. Nous n'avons pas assez de sainteté dans notre vie, ni de renoncement à nous-mêmes. Nous ne recherchons pas Jésus pour lui-même, ni sa parole pour nous-mêmes, ni le revêtement de puissance pour servir l'église. Nous ne passons pas assez de temps aux pieds du Maître. En réalité, les ministères sont beaucoup trop occupés par toutes sortes de choses qui les ont distraits de l'oeuvre fondamentale de la conversion des pécheurs et de la

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sanctification des chrétiens. Nul ne peut nier le souci des ministères, dans certains pays émergents, de pourvoir aux besoins existentiels de leur famille, et donc de leur obligation d'une activité rémunérée. Toutefois, il faut aussi admettre que, dans une large mesure, beaucoup se sont égarés dans de vaines disputes, consacrant leur énergie au gouvernement de l'église, à toutes sortes de procédures ecclésiastiques, à la gestion de conflits doctrinaux et combien d'autres encore. Souvent, ils recherchent l'harmonie à tout prix, le consensus ou une fausse paix, entraînant ainsi compromis et compromissions, afin de ne pas perdre la face ni de la faire perdre à celui dont ils auront peut-être besoin un jour. Enfin, hélas, certains perdent leur temps à courir après les biens terrestres, et à satisfaire leurs ambitions personnelles.

En fait, il semble évident que les ministères n'accomplissent pas la mission pour laquelle ils ont été appelés, s'ils l'ont jamais été, car beaucoup ont recherché le titre, les honneurs, et, il faut bien l'avouer, les gains que pourraient rapporter la « vocation ». Rappelons combien la responsabilité que le Grand Berger des brebis nous a confiée est grande, de conduire le troupeau du Seigneur dans les verts pâturages, auprès des eaux tranquilles. Hélas, au lieu de cela, si les serviteurs ne sont pas totalement consacrés à Jésus, s'ils ne sont pas oints du Saint-Esprit, s'ils ne sont pas remplis de foi ni de puissance, ils ne pourront pas conduire le troupeau vers la liberté et la maturité en Christ, mais ils le ramèneront sous un esprit de contrôle, dans le légalisme, dans le sectarisme, dans le mysticisme ; ils le laisseront nu et orphelin, exposé à tout vent de doctrine, et vulnérable dans ce temps d'apostasie que nous vivons actuellement.

L'avènement de l'Internet et l'expansion foudroyante des médias ont permis de dévoiler au grand jour l'immoralité grandissante dans le milieu ecclésial et pastoral, semant le trouble parmi les croyants et les non-croyants. Dans la Revue "Christianisme Aujourd'hui," Joël Reymond précise :

236Eric D. Rust, "Le leadership de soi : Apprendre à diriger sa propre vie pour mieux diriger les autres," Ressources Spirituelles 21 (Hiver 2010), 2.

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Alertés par ce qu'ils diagnostiquaient comme une augmentation générale des scandales et de l'immoralité générale, quoique particulière à leur milieu, cinquante grands responsables charismatiques se sont réunis en Floride en janvier 2004 et ont signé une déclaration sur le ministère, dite déclaration d'Orlando. L'accent était porté sur l'usage des « titres » (pasteur, apôtre, prophète, etc.) et les abus de pouvoir, l'intégrité personnelle, la notion de redevabilité et l'activisme spirituel.235

Au lieu d'être le modèle saint voulu et donné par Jésus à son Église, de nombreux serviteurs ont une vie qui ne glorifie pas Dieu. Eric D. Rust écrit :

Il se passe rarement une semaine sans que nous apprenions qu'un leader s'est

disqualifié au ministère. Nous attribuons cet échec à un compromis sexuel, à une

magouille financière, à la soif de pouvoir ou à un piètre leadership. Mais ces échecs pourraient bien n'être que les symptômes visibles d'une faillite personnelle plus profonde. En étudiant le problème de plus près, nous découvrirons le plus souvent que le leader a négligé sa propre vie.236

Le Manque d'Intégrité

Le monde regorge d'évènements qui confirment que les valeurs humaines et morales tombent plus bas de jour en jour, comme dans un abîme sans fin. Les grands de ce monde aussi donnent des exemples de décadence et aiment à se vautrer dans la boue la plus sale. Hélas, ce qui se passe au dehors se produit aussi dans l'Église. Paul disait déjà : « plusieurs marchent en ennemis de la croix de Christ, je vous en ai souvent parlé, et j'en parle maintenant encore en pleurant. Leur fin sera leur perdition ; ils ont pour dieu leur ventre, ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte, ils ne pensent qu'aux choses de la terre » (Ph 3.18-19). Il exhortait les Philippiens à être « ses imitateurs. » (Ph 3.17). Paul pleurait ! De même, Jésus pleura en contemplant la Jérusalem pharisienne. Les vrais serviteurs pleurent aujourd'hui en voyant l'Église décliner et s'éloigner du modèle divin. Paul avertit Timothée :

235Joël Reymond, "Les débats qui traversent le pentecôtisme," Le Christianisme aujourd'hui 4.4 (Avril

2006).

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« dans les derniers jours, il y aura des temps difficiles, car les hommes seront égoïstes ... ayant l'apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la force » (2 Tm 3.1-7).

Malheureusement, on les trouve de nos jours dans le corps pastoral : « égoïstes, amis de l'argent, fanfarons, hautains, enflés d'orgueil, aimant le plaisir plus que Dieu, ayant l'apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la force ... ». On constate de plus en plus de manquements aux devoirs pastoraux : manque de consécration et d'intégrité, enrichissement personnel, corruption, falsification de la Parole, abandon de la sainteté, impureté, débauche, soif de pouvoir, orgueil, manipulation, etc. Dans certaines églises, la barre d'exigence a été rabaissée et le ministère est devenu soit un métier, soit un titre. Les pasteurs ne sont pas tous convertis ni régénérés. Ne soyons pas étonnés si, malgré des apparences trompeuses, l'Église perd sa puissance, sa vision, et sa mission. La mondanité l'a envahie en général, et le corps pastoral en particulier.

Le Manque d'Intégrité Financière

J'ai reçu l'autre jour, le témoignage qu'une nouvelle mariée avait, comme c'est la coutume, exhibé dans sa cour le volumineux gampeogo237, tous les cadeaux qu'elle avait reçus pour son mariage. Quand la femme du pasteur est venue, elle s'est tout simplement servie, et a emporté chez elle plusieurs plats qui avaient été offerts à la mariée. En langage courant, cela s'appelle du vol. La convoitise et la corruption sont la source première de la souillure du serviteur et donc, par son exemple, de l'église. Le piège est celui-ci : Plus on en a, plus on en veut. L'évêque doit être désintéressé (Lc 5.28 ; 1 Tm 3.3), éloigné d'un gain honteux (Tt 1.7). Hélas, la malhonnêteté, la vénalité, la corruption gangrènent aujourd'hui l'Église et son leadership.

237Laurent, Les pentecôtistes au Burkina Faso, 184.

238David Argue, Le pasteur, un mandat pour le XXIème siècle, (Longueuil, Québec, Canada : Éditions Ministères Multilingues, 2004), 9.

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Combien de pasteurs pourraient dire aujourd'hui à Simon : « Que ton argent périsse avec toi » (Ac 8.20). Et combien d'entre nous pourraient accepter cette parole de Jésus et lui obéir promptement : « Va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens et suis-moi. » (Mt 19.21) ?

Les nombreux scandales qui ont terni l'image de l'Évangile, quand ils ne sont pas sexuels, ont souvent été liés à l'amour de l'argent. Paul écrit : « Ceux qui veulent s'enrichir tombent dans la tentation, dans le piège, car l'amour de l'argent est une racine de tous les maux ; et quelques-uns, en étant possédés, se sont égarés loin de la foi » (1 Tm 6.9-10). Jean nous interpelle : « Si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père n'est point en lui ; car tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l'orgueil de la vie, ne vient point du Père, mais vient du monde » (1 Jn 1.15-16). Certains pasteurs donnent un spectacle affligeant : richesse, maisons-châteaux, voitures de grand luxe, etc. qui font honte au corps pastoral et à toute l'Église. Est-ce la peur de la pauvreté ou l'amour des richesses ? Jésus dit : « nul ne peut servir deux maîtres à la fois ... Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Mt 6.24). Le modèle divin n'est plus là. Les mauvais exemples impactent l'Église, les croyants, et souvent même les « vocations », écartant les sincères qui sont vraiment appelés mais que le mauvais exemple repousse, et attirant ceux qui voient dans le ministère une occasion de s'enrichir.

Le Manque de Consécration

David Argue écrit : « Le modèle que Jésus nous a laissé concernant le ministère est éternel et complet. Son appel aux pasteurs des premiers temps n'avait rien de secret. Il consistait en un ordre : Suivez-moi (Mt 8.22, 9.9), ce qui signifiait en réalité : Venez avec moi vivre ma vie. »238 La réponse des « appelés » était claire : « Ils laissèrent tout et le

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suivirent » (Lc 5.11), « laissant tout, Lévi se leva, et le suivit » (Lc 5.28). La période a changé et les modes de ministères contemporains sont différents, mais les critères bibliques n'ont pas changé. Le ministère exige une entière consécration. Pourtant, beaucoup sont engagés dans des activités profanes de subsistance qui les empêchent d'accomplir un ministère à plein temps, ce qui est compréhensible car souvent l'Église ne les soutient pas comme elle le devrait. Il faut avouer que certaines différences sont scandaleuses, avec parfois des inégalités de revenus au facteur multiplicateur de 1 à 50, voire plus, entre le stagiaire et son pasteur principal. Certains sont largement soutenus, alors que d'autres reçoivent un salaire de misère bien que les finances de ces églises soient excédentaires. Et pendant ce temps, ils ne peuvent pas accomplir la noble tâche à laquelle Dieu les a appelés. C'est une honte. La croissance de l'oeuvre est ainsi empêchée par une fixation de serviteurs dans des endroits où leur nombre est largement excédentaire, alors que des localités manquent cruellement d'ouvriers, faute de moyens attribués. Doit-on n'y voir que des obligations d'ordre matériel, la rétention financière égoïste de certains responsables, ou la recherche d'un certain confort ? Jésus dit « allez ! » Après la Pentecôte, les apôtres sont restés à Jérusalem, et c'est la persécution qui les a fait « aller » (Ac 8). Dieu doit-il envoyer la persécution à l'Église ?

L'Orgueil Pastoral

Il est à noter aussi une certaine « mondanité évangélique », une forme d'orgueil pastoral, la course aux diplômes et aux titres, la dimension de l'église locale, une ambition dirigée vers le « paraître » au lieu de l'« être ». Là aussi, ces déviances commencent à affecter toute l'Église. Peut-être s'agit-il là d'un réel besoin de connaissances afin de parfaire son ministère ? Dans ce cas, nous ne pouvons que remercier notre Seigneur. Mais il peut aussi s'agir d'un besoin de reconnaissance ? D'une part, les connaissances reconnues et attestées par un diplôme peuvent être un marchepied ou un tremplin pour de hautes fonctions. D'autre

240Dr Wayde I. Goodall, Le pasteur, un mandat pour le XXIème siècle, (Longueuil, Québec, Canada : Éditions Ministères Multilingues, 2004), 9.

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part, les diplômes sont monnayables. Là encore, à chacun le soin de juger pour soi-même ses réelles motivations. Est-ce une question d'argent, d'orgueil, un besoin de reconnaissance, un moyen de combattre un complexe d'infériorité, ou tout simplement un profond désir d'être mieux formé pour mieux servir Dieu ? Je rappellerai que le très réputé Jules-Marcel Nicole avait seulement une licence en lettres et une licence en théologie. Alfred Kuen avait un doctorat en droit mais, sans aucun diplôme en théologie, il a écrit plus de soixante livres de théologie qui remplissent les bibliothèques des universités de théologie les plus reconnues. André Thomas-Brès n'avait aucun diplôme mais nous a laissé une fameuse « Histoire d'Israël » ainsi que d'autres livres très intéressants. Déjà au dix-neuvième siècle, le philosophe et théologien, homme religieux et passionné, Kierkegaard partit en guerre contre l'Église danoise de son temps, reprochant à ses ministres de courir après les titres et les distinctions honorifiques et de pervertir le message de Christ.239

L'Immoralité Sexuelle

L'immoralité sexuelle est un autre élément qui sape l'autorité de l'église et cause son déclin spirituel. Wayde I. Goodall souligne : « la foi évangélique sans éthique chrétienne est une façon de travestir l'évangile. »240 Et constatant le dommage incroyable et souvent irrémédiable causé à tout ou partie de l'église par une violation de l'éthique sexuelle, il rappelle l'obligation de maintenir un niveau éthique très élevé afin de protéger notre témoignage chrétien et le précieux corps des croyants que nous servons. Le magazine « Leadership » a sondé, en 1988, 1.000 pasteurs aux USA. Les résultats étaient les suivants : 12% (soit un sur huit) ont commis l'adultère tandis qu'ils étaient dans le ministère, 23% ont

239Liliane Crété, Où va-t-on après la mort, (Genève, Suisse: Labor et Fides, 2009), 206.

mars, 2012).

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reconnu certaines formes de comportement « sexuellement inappropriés ».241 Partout se cachent les mêmes relâchements, les adultères, la pornographie, la masturbation, les pensées impures, les convoitises invisibles à l'oeil nu mais que Jésus connaît et qu'il qualifie de réels adultères (Mt 5.32). La revue « Christianity Today » a sondé 1.000 responsables laïcs chrétiens : 23% avouent des adultères, 45% des choses non appropriées sexuellement. Comment alors vivent les autres membres de l'église ? Gary J. Ellison écrit que l'Église contemporaine est « corinthienne ».242 Elle a perdu la vision de la sainteté. Elle est lente à discipliner ses membres et trop laxiste envers ses responsables coupables. Elle les met sous discipline pendant un temps, puis les rétablit avec tous les honneurs à la tête de congrégations. Est-ce la crainte de les voir fuir pour faire une division ? Le grand risque dans ce domaine, et dans bien d'autres, n'est pas la division, mais la contagion qui touche l'Eglise et contamine le corps des croyants. Que risque le pécheur ? Un temps de mise à part du ministère, parfois en conservant son soutien quand on est important ? Bien entendu, seulement si l'on se fait prendre et que l'on cause un scandale ! Est-ce un si grand prix à payer pour assouvir la volonté de sa chair et se faire plaisir sexuellement ? Le seul péché considéré comme vraiment coupable (et encore !) est celui qui consiste à enceinter une fille, parce qu'il déconsidère la congrégation. Y a-t-il une différence aux yeux de Dieu ? Les deux péchés ne sont-ils pas aussi graves ? Dieu jugera les responsables d'église pour leur iniquité, leur laxisme, et leur désobéissance à sa Parole. Le Saint-Esprit, par la voix de Paul, ordonne de discipliner publiquement les anciens qui pèchent : « Ceux qui pèchent, reprends-les devant tous, afin que les autres aussi éprouvent de la crainte. » (1 Tm 5.20). Ceux qui ne le font pas pèchent devant Dieu. Charles R. Swindoll rappelle :

241Ibid., 207.

242J. Gary Ellison, "Chute d'un homme de Dieu," www.coeurdeberger.wordpress.com (consulté 07

244John MacArthur, 1 Timothée, (Cap-de-la-Madeleine, Québec : Publications Chrétiennes, 2001), 289. 245Homer A. Kent, Les Épîtres pastorales, (Cap-de-la-Madeleine, Québec : Éd. Impact, 1981), 108.

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La première qualification pour un évêque, c'est-à-dire pasteur, est qu'il soit irréprochable. La dernière qualification est qu'il reçoive un bon témoignage de ceux du dehors ... Alors, si un pasteur commet un péché grave tel que l'adultère, il n'est plus irréprochable et il ne peut pas recevoir un bon témoignage de ceux du dehors. Donc, il n'a plus les qualités requises selon les Écritures pour être pasteur. Il devrait démissionner. Quand la Bible parle de restauration, il s'agit de restauration au corps de Christ et non pas au poste de pasteur. Un pasteur chuté peut bien être restauré au corps de Christ, mais quand on transgresse la loi de Dieu, comme Paul dit : "le nom de Dieu est à cause de vous blasphémé parmi les païens." (Rm 2.24) Le péché flagrant dans la vie d'un soi-disant chrétien endommage la cause de Christ. Combien plus quand il s'agit d'un pasteur. Quand une église restaure à la chaire un pasteur chuté, elle annonce aux adeptes et au monde, que le péché n'est pas grave. Quand un chrétien ou un pasteur chute, il annonce que Christ n'est pas capable de nous "préserver de toute chute et nous faire paraître devant sa gloire irrépréhensibles et dans l'allégresse" (Jude 24). 243

John MacArthur ajoute : « Comme les péchés de l'homme qui assume un rôle de leadership sont plus sérieux, il doit être puni plus sévèrement (cp Jc 3.1). Que le fautif se repente ou non, là n'est pas la question. Comme il a perdu sa crédibilité, il s'est disqualifié pour le ministère de toute manière. »244 Homer Kent ajoute : « Tous les péchés d'immoralité extraconjugale disqualifient un homme de la charge d'évêque. »245

Proverbes 6.32-33 rappelle : « Celui qui comment un adultère avec une femme est dépourvu de sens, celui qui veut se perdre agit de la sorte ; il n'aura que plaie et ignominie, et son opprobre ne s'effacera point. »

L'immaturité Spirituelle

Nous avons vu précédemment qu'une des tâches du serviteur est de conduire les chrétiens à la maturité spirituelle. D'ailleurs, quelqu'un a dit : « Ce qui trouble le plus l'Église, c'est le comportement immature des chrétiens ! » Mais le serviteur aussi doit faire

243Chuck Swindoll, http://coeurdeberger.wordpress.com/2009/10/23/quand-le-pasteur-chute/ (consulté le 20 mars, 2012).

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preuve de maturité. Hélas, nous constatons chez des serviteurs, jeunes ou même « installés », des signes évidents d'immaturité spirituelle, pour ne pas dire de sécheresse spirituelle ! Ils sont charnels. Non conduits par l'Esprit, ils suivent leurs propres convoitises, affectionnant rivalité, jalousie et disputes dans le corps pastoral (1 Co 3.1, 3). Comme au temps de Juges 21.25, « chacun fait ce qui lui semble bon ». Ils critiquent les autres, mais sont eux-mêmes incapables de supporter la critique. Ils ne savent pas distinguer entre l'essentiel, qui demeure invariable, et l'accessoire. La liste des oeuvres de la chair (Ga 5.19-21) définit assez bien les constats recueillis, auxquels on peut ajouter l'égoïsme, le mensonge, l'hypocrisie, l'amertume, la colère, la méchanceté, etc. qui attristent le Saint-Esprit (Ep 4.30-31).

L'instabilité doctrinale

L'instabilité doctrinale est à ajouter à la liste des raisons du déclin spirituel. Paul écrit: « Nous, nous prêchons Christ crucifié » (1 Co 1.23). À Corinthe, se propageaient des fausses notions quant à la résurrection, tandis que les Galates retournaient à la Loi. Aujourd'hui, le légalisme refleurit, tout comme la course aux visions, aux révélations et aux miracles. D'autres voient des démons partout et tombent dans les excès de la fausse démonologie. Les fausses doctrines se multiplient. Hélas, beaucoup de pasteurs ne sont pas formés pour contrer ces hérésies. Ils ne connaissent pas assez la parole de Dieu et sont emportés à tout vent de doctrine. La croix n'est que rarement prêchée. Le retour de Christ n'intéresse personne, et le serviteur évite les nombreux sujets qui fâchent, pourtant indispensables pour amener le peuple à la repentance et au salut. Est-ce la peur de perdre des membres, de voir les dîmes et offrandes diminuer ? La Parole est remplacée par des anecdotes, des témoignages, des allusions plaisantes qui amusent l'auditoire. Est-ce ainsi qu'elle remplira son rôle

sanctifiant ? Paul exhorte Timothée à prêcher vrai :

Prêche la Parole, insiste en toute occasion, favorable ou non, reprends, censure, exhorte, avec toute douceur et en instruisant, car il viendra un temps où les

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hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; mais ayant la démangeaison d'entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs, détourneront l'oreille de la vérité, et se tourneront vers les fables. (2 Tm 4.2-4)

De nos jours, toutes les hérésies de la troisième vague pénètrent, empoisonnent et bouleversent nombre de nos églises, en commençant par les serviteurs. Or, rappelons-le haut et fort, nos pasteurs n'ont pas été formés contre cela. Ces hérésies gravitent essentiellement autour de trois éléments clés : la prospérité matérielle, la guérison divine, et la confession positive.246 Certains de ces éléments sont à présent si profondément ancrés dans l'esprit de nombreux pasteurs qu'ils conduisent à une profonde dénaturation du message divin. Enfin, les pratiques syncrétiques souvent acceptées sapent l'image de l'Église de Christ, entraînant une vie spirituelle médiocre, l'absence de la plénitude du Saint-Esprit, le manque de sanctification et de consécration, l'aveuglement spirituel, les rivalités et les divisions, etc. Le pasteur est d'abord appelé à la sainteté. Le Dr Mpindi écrit également : « Le paysage du ministère pastoral est jonché d'un nombre sans cesse croissant d'"épaves" de pasteurs, de serviteurs et de servantes de Dieu qui ont fait naufrage par rapport à la foi et à la sainte vocation. »247

Le Tribalisme

Une autre cause du déclin touchant essentiellement les responsables spirituels est le tribalisme que Zadi Samuel dénonce comme étant un poison dans l'église africaine.248 Le tribalisme comprend l'ethnocentrisme et le clanisme. Cela peut même amener l'église locale à se regrouper par villages ou familles. Hélas, de nombreux pasteurs tombent dans le

246Daniel Bourdanné, L'évangile de prospérité, une menace pour l'église africaine, (Cotonou, Bénin : Presses Bibliques Africaines, 2011), 14.

247Paul Mbunga Mpindi, Le pasteur et ses problèmes, (Abidjan, CI : CPE, 2008), 9.

248Samuel Zadi, Le tribalisme, un poison dans l'Église africaine, (Abidjan, CI: CPE, 2000), 5.

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népotisme et adoptent un comportement préférentiel envers certains au sein de la communauté. Ceci se voit dans l'attribution des postes, dans la discipline, dans le respect et la considération. On favorise parfois des membres plus influents ou fortunés, et on les traite avec moins de rigueur que les autres chrétiens. Or, la prophétie d'Apocalypse 7.9-10 montre clairement que l'objectif divin sera atteint lorsque des hommes de tous les différents groupes ethniques auront intégré le Corps de Christ. À ce sujet, Wilbur O'Donovan souligne que l'idée de supériorité raciale ou ethnique est née de l'orgueil de l'homme,249 citant la Bible : « Tout coeur hautain est en horreur à l'Eternel » (Pr 16.5). Et pourtant, de nombreuses églises regroupent des individus appartenant à différents groupes culturels, raciaux ou ethniques qui ont du mal à vivre ensemble. Parfois certains s'estiment meilleurs que d'autres. Cette tendance nationale s'appelle l'ethnocentrisme. Ceci entraîne parfois du mépris, des querelles, des divisions, toutes oeuvres de la chair. Au cours de nombreux partages avec des pasteurs AD du Burkina Faso, ceux-ci m'ont confié leur souffrance d'être sous la coupe des Mossi : prédication mooré, chants mooré, etc. En fait, l'attitude reprochée aux missionnaires étrangers a parfois été reproduite çà et là, dans l'effort d'évangélisation sans tenir compte du besoin de la population locale, de la contextualisation de la Parole, du respect de la culture et de la langue, etc. Cette attitude, développée dans l'épître de Jacques, au chapitre 2, est un mal qui détruit non seulement l'Église mais aussi qui ébranle la foi des chrétiens, mal affermis ou non, car l'injustice est souvent flagrante. Elle se nourrit de la maladie du pouvoir. À ce sujet, Paul Mpindi écrit : « Le pouvoir corrompt ; le pouvoir absolu corrompt absolument »250 avant de citer des formes de l'abus de pouvoir chez le pasteur. Nul ne peut le contredire car ces travers existent chez chacun à un degré ou à un autre. Comment résoudre les problèmes posés par les partis pris culturels dans l'Église ? O'Donovan donne trois éléments de réponse :

249Wilbur O'Donovan, Pour un christianisme biblique en Afrique, (Abidjan, CI: CPE, 1998), 413. 250Paul Mpindi, 123-129.

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Le premier principe consiste à considérer comme péché le fait de nourrir des préjugés, d'avoir de la méfiance et de mal agir à l'égard des autres membres de l'église. . . .Le deuxième principe à mettre en oeuvre dans la lutte contre les préjugés est celui de l'amour altruiste dans l'humilité. . . .En troisième lieu, il faut choisir les responsables de l'église sur la base de leurs qualifications scripturaires, et non en fonction de leurs qualités humaines, de leur instruction ou de leur appartenance tribale.251

On peut ajouter qu'il ne faut pas non plus choisir les responsables de l'église en fonction de leur poids politique ou financier, ni de leur proximité amicale ou familiale.

L'Abus de Pouvoir

Le pasteur souffre du complexe d'infaillibilité pastorale. Il croit souvent être le seul capable d'interpréter correctement la Parole. Hélas, parfois mal enseigné, souvent mal inspiré, il conduit le troupeau comme l'aveugle conduit un autre aveugle (Mt 15.14). D'autres considèrent l'église comme leur propriété privée, leur bien personnel, une entreprise fondée et consolidée pour eux et leur famille. Beaucoup n'hésitent pas à manipuler les membres et à diriger leur vie. Certains manigancent et trafiquent afin d'assouvir leur soif de pouvoir. D'autres refusent de former les futurs leaders. Ils sont une entrave au développement de l'oeuvre et devraient être écartés du ministère. Jésus dit :

Vous savez que les chefs des nations les tyrannisent et que les grands les asservissent. Il n'en est pas de même au milieu de vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur ; et quiconque veut être le premier, qu'il soit votre esclave. C'est ainsi que le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de beaucoup. (Mt 20.25-28)

Donc, ne dominons pas sur le troupeau de Dieu et n'imitons pas Diotrèphe (3 Jn 9). Un autre aspect de l'abus de pouvoir se manifeste dans une forme de couverture spirituelle

251Wilbur O'Donovan, 416-417.

253Éliane Collard, "Disciples ou adeptes," http://www.blogdei.com/disciples-ou-adeptes (consulté le 03 septembre, 2010).

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qui peut se transformer en corruption. Il s'agit ici de la mise sous dépendance de chrétiens par des ministères. À ce sujet, Daniel Kambou souligne :

Aujourd'hui, nous avons une croissance extraordinaire des églises en Afrique, mais à voir de près c'est une croissance en nombre mais moins en qualité. Plusieurs chrétiens sont plutôt des disciples de leurs pasteurs que ceux du Seigneur. Certains pasteurs ont consciemment ou inconsciemment usurpé la place du Maître, puisque les membres de leurs assemblées ne jurent que par eux. Quand des chrétiens s'absentent du culte parce que leur pasteur est en voyage, cela peut être révélateur de problèmes spirituels sérieux qu'il convient de régler.252

A l'inverse, Éliane Collard souligne le refus de maturité de certains chrétiens qui se complaisent dans leur dépendance :

Le système des églises tel qu'il est conçu actuellement engendre parfois des chrétiens qui ne veulent pas maturer parce que la maturité signifie aussi la responsabilité avec la prise de décisions qui engendrent des conséquences. Or, lorsque les conséquences ne sont pas bonnes, il est parfois pratique d'avoir un bouc émissaire sur qui reporter la responsabilité. Je me suis parfois retrouvée face à des personnes pour qui cela avait un côté pratique de pouvoir se reposer sur les autres pour toutes les situations importantes au niveau de leur vie spirituelle et la responsabilité qu'elles engendraient : de vrais C.S.A. (chrétiens spirituellement assistés). . . .Je me souviens d'une soeur qui se plaignait à moi il y a quelques années. . . .Je lui ai dit qu'elle était appelée à être une brebis et pas un mouton. . . .Cette soeur m'a regardée en face et m'a dit la chose suivante : "Mais je veux être un mouton moi, pas une brebis ! J'ai besoin qu'on me dise quoi faire". . . .Il me semble évident que si nous devions choisir entre devenir adulte et demeurer des enfants, une hésitation ne saurait être envisagée un seul instant. Mais bien loin de là, la réalité semble montrer que le choix n'est pas aussi évident pour tous car la maturité implique aussi le risque de la responsabilité.253

2. Une Église de Professants Transformée en Église de Multitude

Tandis que le mouvement des AD se réclame du pentecôtisme classique, il est sidérant de voir qu'une grande majorité n'a jamais fait l'expérience du baptême du Saint-Esprit. Je ne veux pas mettre ici en doute la foi des chrétiens régénérés. Hélas, ils semblent peu nombreux.

252Daniel Kambou, "La foi à l'épreuve," http://palabre.wordpress.com/2010/06/21/etre-disciple-mais-de-qui (consulté le 03 septembre, 2010).

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Le constat est amer. La mondanité a envahi l'église à un rythme effréné : tribalisme, syncrétisme, débauche, cupidité, fraude, corruption, ivrognerie, occultisme, vaine manière de vivre liée au siècle présent, etc. N'oublions pas le suivisme. Un nombre important d'enfants nés de familles chrétiennes abondent dans l'église. Ce sont les chrétiens de la troisième ou la quatrième génération, en réalité des païens polis par l'hypocrisie de leur coeur. Ils fréquentent les cultes, mais ils ignorent la piété et ce qui en fait la force. Beaucoup participent à la Sainte Cène sans être régénérés. D'autres viennent pour satisfaire des dirigeants, des amis, pour obtenir quelque gain matériel, ou pour éviter l'exclusion sociale. L'église est remplie mais elle est malade de sa léthargie spirituelle et de son incapacité. Les religieux ont remplacé les spirituels. Le besoin de remplir les églises a conduit à une évangélisation tronquée et trompeuse, puis au baptême des non-croyants. C'est particulièrement vrai pour beaucoup de soi-disant « convertis » en Afrique. Il suffit que le païen répète la prière de la repentance pour qu'on en fasse un converti. À ce propos, Karl Grebe attire l'attention sur l'influence des concepts de la Religion Traditionnelle Africaine sur l'Église chrétienne, et il pointe du doigt le piège de la foi en l'Évangile en Afrique :

Le fait que le christianisme s'est répandu si rapidement en Afrique est dû en partie au fait que la conception du monde suivant la R.T.A. est capable de s'accommoder très facilement au moins de quelques éléments clés du message de l'Évangile. Cela a été une grande opportunité pour l'expansion de l'Évangile, mais aussi un piège dangereux. La réceptivité n'égale pas nécessairement une conversion authentique, et pourtant on confond la réceptivité avec la conversion, spécialement lorsque dans la proclamation de l'Évangile, on souligne lourdement le fait de croire en Christ comme son Sauveur pour être sauvé du péché.254

En fait, selon la conception du monde soutenue par la R.T.A., l'univers est gouverné par une hiérarchie de puissances spirituelles, présidée par Dieu qui gouverne le monde par délégation. Les puissances spirituelles inférieures gouvernent ce qui est du domaine de la

254Karl Grebe et Wilfred Fon, 43.

255Ibid., 44.

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terre, et Dieu a pourvu des intermédiaires par lesquels les hommes peuvent les contacter et obtenir leurs faveurs. Pour toucher Dieu, il n'existe pas d'intermédiaire, ce qui laisse la porte ouverte à l'Évangile qui présente Christ comme le médiateur, et son propre sacrifice comme rançon. L'Africain a donc naturellement tendance à accepter Christ qui lui garantit le salut et la vie éternelle, tout en gardant ses puissances inférieures pour les choses de cette vie. Karl Grebe et Wilfred Fon d'ajouter :

Par conséquent, les Africains répondent volontiers à l'appel de croire en Christ comme étant le chemin qui mène à Dieu et à la vie éternelle. Toutefois, une telle réponse ne signifie pas nécessairement un changement total d'allégeance aux esprits à l'allégeance à Christ. Le concept de la R.T.A. suivant lequel Dieu n'intervient pas dans un monde dominé par les esprits n'est pas facilement abandonné à moins qu'il n'y ait eu une expérience précise de la puissance de Christ sur ces esprits.255

Ajoutons que la plupart ont eu et entretenu des contacts avec l'occultisme, que ce soit par le biais des esprits malins, des fétiches, voire même des sorciers, etc. Il est important d'encourager la pratique de la renonciation publique aux liens entretenus avec l'occulte, ainsi que la destruction de tous les objets ayant rapport avec ces pratiques (Ac 19.18-20). Ce pas de foi dans leur protection par Christ et dans l'obéissance à sa Parole permettra à Dieu de manifester sa puissance.

Pierre-Joseph Laurent souligne un aspect particulier que revêt la conversion chez les Mossi au Burkina Faso. Il pointe du doigt l'importance prise par les Assemblées de Dieu qui incarnent parmi les villageois une certaine idée de la modernité. La conversion permet, par rapport à l'entourage villageois ancestral, une mise à distance favorable au développement, ainsi qu'un refuge contre les entreprises malfaisantes des milieux lignagers jaloux qui utilisent fétiches et maléfices contre l'enrichissement des uns et la réussite des autres. Les AD offrent également une échappatoire à la coutume ancestrale du mariage forcé, en offrant aux

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jeunes filles la possibilité de se sauver et se mettre sous la protection du pasteur qui, une fois qu'elle sera convertie, et dans le cadre d'un mariage par consentement mutuel, la mariera à un chrétien. Hélas, la plupart de ces nouveaux-venus ne sont convertis que de « bouche », et il faudra une crise particulière ou un problème avéré pour qu'ils prennent enfin conscience du danger et se convertissent de « coeur » cette fois.256 Toutefois, on ne peut que se féliciter de l'instauration par les AD de cette nouvelle stratégie matrimoniale qui engage sa responsabilité, mais qui impose la monogamie, et qui insiste sur l'indissolubilité du mariage et la fidélité.257 D'autre part, notons que pour les jeunes, l'Église représente avant tout un espace de liberté au sein duquel ils espèrent se distancier de l'holisme du village.258

L'autre erreur est la présentation d'un christianisme facile qui en fait le tue, car elle ne présente que les attraits. Il y a un réel danger à prêcher un Jésus populaire aux non-croyants, à présenter qu'un seul côté de la vie chrétienne, c'est-à-dire la joie du salut. J. I. Packer fait remarquer :

Au cours du siècle dernier, l'on a imperceptiblement échangé l'Évangile biblique contre un produit de substitution, suffisamment semblable dans les points de détail, mais résolument différent dans sa totalité. Nos problèmes viennent de là, car cet article de substitution de répond pas aux buts pour lesquels le message de la Bible s'est révélé autrefois si puissant. Ce nouvel "évangile" est manifestement incapable de faire naître, avec la qualité voulue, une humilité, une repentance et un respect profonds, ainsi qu'un vrai esprit d'adoration et un intérêt pour l'Église.259

James Stewart souligne les propos de A. J. Gordon dans un sermon sur les "répulsions du christianisme" :

256Pierre-Joseph Laurent, "Conversions aux Assemblées de Dieu chez les Mossi du Burkina Faso : modernité et sociabilité," Journal des Africanistes 68 (1998): 67-97.

257Laurent, Les pentecôtistes du Burkina Faso, 98. 258Laurent, 109.

259J. I. Packer, Retour à l'évangile, (Chalon-sur-Saône, France : Éditions Europresse, 1995), 5-6.

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Nous nous attardons trop sur les attraits du christianisme. . . .Si l'Église de Christ attire à elle ce qu'elle ne peut pas assimiler, sa vie est en danger immédiat : le corps de Christ doit être uni, même si cela le met en guerre avec le monde. Sa pureté et sa puissance dépendent de son unité. Alors, si par hasard l'Église attire des hommes sans les transformer, si elle accepte des membres qui ne s'assimilent pas à sa vie, elle s'affaiblit par son accroissement et elle diminue dans son augmentation.260

Gordon souligne deux paradoxes qui frappent aujourd'hui l'Église au Burkina Faso et ailleurs : l'affaiblissement dans la croissance, et la diminution dans l'augmentation. James Stewart précise que :

Dans notre désir de toucher les gens du monde, nous avons donné l'impression que l'Évangile est un message humoristique et frivole. Il y a trop d'hilarité dans nos réunions et pas assez de pleurs. Dans notre zèle pour dire au monde que Christ satisfait, nous sommes allés à l'extrême en présentant un christianisme populaire. Si nous rions au début d'une réunion et que nous devenons sérieux vers la fin, pour avertir les non-croyants du péril qu'ils courent, il leur est difficile de comprendre que nous sommes sincères. Nous ne sommes pas sauvés pour passer un bon moment. Nous sommes sauvés pour sacrifier, souffrir et servir. (cf Mc 8.34, Mt 8.20, Hé 13.13)261

Et d'ajouter :

Parmi les non croyants, notre prédication produit peu d'appréciation réelle pour le Seigneur Jésus et sa Parole. Il y a trop de chants et trop peu de la Parole de Dieu dans nos réunions. Notre jeunesse connaît beaucoup de chants, mais ignore les chapitres de la Bible. Un signe des derniers jours est le manque de profondeur de la spiritualité et la profondeur de notre ignorance quant aux choses de Dieu.262

Les réunions (ou campagnes) d'évangélisation laissent souvent un goût amer à ceux qui ont à coeur la dignité et la sainteté de Dieu. À l'évangélisation « décibel » avec des chants dont la sonorité porte à plusieurs kilomètres, on peut ajouter les danses, ainsi que parfois un habillement suggestif, voire indécent de certaines soeurs qui se trémoussent pour se faire

260A. J. Gordon, "Évangélisation spectacle", Pentecôte 5 (2011): 6. 261James Stewart, "Évangélisation spectacle", Pentecôte 5 (2011): 7.

262Stewart, 7.

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remarquer, mais qui apportent une connotation mondaine à un message qui se veut très sérieux, puisqu'il s'agit ni plus ni moins que de la mort ou de la vie de ceux qui viennent écouter. Ce constat concerne de nombreux pays, notamment ceux où l'Église en est à la troisième ou quatrième génération. La jeunesse s'ennuie et, pour l'empêcher d'aller trouver dans le monde les divertissements dont elle a besoin, l'église est souvent amenée à lui procurer une copie de ce qu'elle pourrait trouver dans le monde. Dans ce contexte, l'Église est confrontée au problème grandissant d'une évangélisation sainte destinée à porter des fruits saints afin de construire l'oeuvre de Dieu. Le bruit, la musique, le rythme, la danse, le nombre, attirent de nombreux jeunes qui se déclarent prêts à suivre le Seigneur, sans même mesurer ce que cela signifie. Les pasteurs font éloge de chiffres impressionnants de soi-disant « conversions », qui ne sont en réalité que des décisions de venir à l'église, quand elles sont suivies de fait.

L'Église du Burkina Faso n'est pas exempte de ce sujet de préoccupation. Elle doit rapidement affronter ce problème de fausses conversions. Car, comment parler de conversion quand il n'y a pas de conviction de péché, pas de besoin d'un sauveur, ni de véritable repentance ? En conséquence, même si les prétendues conversions sont suivies de baptême d'eau, il n'y a pas de régénération, et donc pas de baptême du Saint-Esprit. Ici se retrouvent les paradoxes de Gordon : l'affaiblissement dans la croissance, et la diminution dans l'augmentation. En fait, l'église devient une église de multitude et perd de sa puissance puisque celui qui est à son origine, Jésus-Christ, est absent de son sanctuaire.

Les nombreux témoignages pastoraux recueillis à ce sujet, semblent démontrer qu'il s'agit en fait d'une stratégie d'évangélisation. On attire le plus de monde possible, sous toutes sortes de prétexte ; on en fait des chrétiens en les baptisant d'eau, et on les enseigne en espérant qu'un jour, ils se convertissent vraiment. En attendant, on leur apprend les bases du christianisme : « tu dois et tu ne dois pas », les ramenant ainsi dans une sorte de légalisme,

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qui devient comme une prison dorée, dont ils auront beaucoup de mal à sortir pour goûter la vraie liberté en Christ. C'est ici une des causes des nombreuses chutes morales et autres, auxquelles l'Église doit faire face aujourd'hui. Elles détruisent la puissance et la crédibilité de l'Évangile et entachent le témoignage chrétien dans ce monde. Hélas, ce fait touche aussi le pastorat et le diaconat, produisant des bouleversements encore plus grands, mais qui sont pourtant souvent traités à la légère et avec beaucoup de laxisme par les plus hauts responsables, amoindrissant ainsi la gravité du péché aux yeux de l'Église et du monde.

De vraies conversions, de vraies repentances, des nouvelles naissances, des régénérations spirituelles, puis la pratique équilibrée de la vie chrétienne, la croissance spirituelle authentique, voilà ce qui est nécessaire à l'Eglise pour sa croissance et pour en faire l'édifice de Dieu. Nous oublions trop souvent que le pécheur perdu, jadis étranger à la vie de Dieu, doit naître d'en haut, doit être régénéré, pour pouvoir désormais vivre en enfant de Dieu, habité par le Saint-Esprit. C'est ainsi que son salut devient un fait accompli et que sa sanctification devient un processus constant et progressif. Jean écrit : « Quiconque est né de Dieu ne pratique pas le péché, parce que la semence de Dieu demeure en lui ; il ne peut pécher, parce qu'il est né de Dieu. » Ici le verbe grec est au présent de l'indicatif et dénote une action continue. Jean ne veut pas dire qu'il soit impossible de commettre un péché. Il veut dire qu'un chrétien ne peut pas supporter de demeurer dans le péché. Le péché doit l'écoeurer à un point tel qu'il ne peut supporter de vivre ainsi et sa seule alternative est de se jeter aux pieds de la croix et de se repentir sincèrement. Être né de nouveau, veut dire que Christ est le centre de notre vie, que la puissance sanctifiante du Saint-Esprit est en nous, et qu'un péché apporte un tel chagrin qu'y demeurer doit être insupportable. Voilà les chrétiens qu'il faut à l'Église. C'est la seule alternative. Malheureusement, l'Église est aujourd'hui pauvre en êtres régénérés et spirituels, tant au niveau pastoral qu'au niveau des fidèles. Les messages de victoire sont là, mais lorsqu'on analyse profondément la vie des membres, il y a

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peu de différence avec le mode de vie des gens du monde. On trouve, entre autres, adultères, divorces, homosexualité, abus sexuels de tous genres, commérages, manques de pardon, querelles, jalousies, colères, dissensions, syncrétisme, occultisme, etc. qui dominent aussi bien l'église que le monde. Presque chaque pasteur ou responsable d'église à qui vous parlez en privé admet qu'au fond de lui il sait que quelque chose va désespérément de travers.263 Mais il sera difficile de le lui faire admettre publiquement. Pendant ce temps, la roue tourne et le déclin va de plus en plus profond.

3. Une Prédication Diluée, Pervertie, et Impuissante

L'église a essentiellement deux types d'auditeurs et donc deux messages à proclamer : l'un à destination du non-croyant et l'autre à destination du croyant. James Kennedy analyse bien la dilution actuelle de la connaissance des Saintes Écritures dans nos églises :

En cette époque de théologie "à la Pepsi", il me semble y avoir un grand besoin pour un fondement biblique et théologique plus substantiel, de peur que les bulles ne s'évaporent ! Notre culture se centre presqu'entièrement sur l'expérience, et elle a un besoin crucial de retrouver les vérités éternelles de la Parole de Dieu.264

On pourrait aussi comparer les messages actuels à un évangile « crème glacée » aux multiples parfums. Il y a un parfum pour chacun : vanille, fraise, pistache, chocolat, etc. ; il y en a pour le grand et pour le petit, pour le riche et pour le pauvre ; le message de Dieu est remplacé par des histoires, des témoignages, etc. ; on amuse ; l'important est d'attirer le plus de monde possible dans l'église, à n'importe quel prix. Alfred de Musset a dit : « Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse. » C'est la stratégie de la « troisième vague ». Hélas, on retrouve les mêmes dérives aujourd'hui dans nos assemblées. On dilue, on tord le sens au point que ce ne soit plus l'évangile, voire même un « autre évangile ». Où est la prédication

263Milton Green, "Ce n'est pas le réveil qui vient mais la grande apostasie," http://www.blogdei.com/ce-nest-pas-le-reveil-qui-vient-mais-la-grande-aposatsie (consulté le 16 août, 2010).

264James Kennedy, La vie est belle en vérité, (Chalon-sur-Saône, France : Europresse, 1994), 5.

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sur le péché, sur la nécessité de repentance, sur l'exigence de la sanctification progressive, sur l'enlèvement de l'Eglise, etc. ? Le résultat est le constat divin transmis par Osée : « Mon peuple est détruit parce qu'il lui manque la connaissance. Puisque tu as rejeté la connaissance, je te rejetterai, et tu seras dépouillé de mon sacerdoce ; puisque tu as oublié la loi de ton Dieu, j'oublierai aussi tes enfants » (Os 4.6). Ce texte concernait Israël, mais nous nous trouvons dans la même situation aujourd'hui, et cela par la faute des pasteurs et des prédicateurs qui manquent de connaissances bibliques et théologiques nécessaires. À ce sujet, le Docteur Jean-Baptiste Roamba souligne : « On a l'impression que les pasteurs ne veulent pas choquer les fidèles mais ils doivent comprendre que la prédication de l'évangile doit amener la repentance et le pardon des péchés. Au lieu de dénoncer le péché, on le tolère et il prend racine dans l'église. Ce qui autrefois n'était pas toléré, est accepté aujourd'hui. »265

Ce manque d'enseignement conforme à la saine doctrine contribue à l'ignorance des croyants, à leur manque de croissance, à leur crainte de l'inconnu, et finalement à leur dépendance vis-à-vis des ministères en place. Beaucoup de fidèles sont maintenus dans une sorte d'esclavage spirituel qui les conduit à considérer le pasteur comme un juge de l'Ancien Testament, un directeur de conscience, ou un conseiller particulier pour tous les problèmes de leur vie. Ils ne connaissent que trop peu leur Bible et les promesses de Dieu. Ils préfèrent se confier en ce qu'affirment les hommes. Beaucoup sont hélas illettrés et ne peuvent faire autrement. Mais d'autres lisent, sans discernement, des livres de vulgarisation, parfois pleins de sagesse humaine mais non fiables quant à la saine doctrine, parfois même franchement déviationnistes. La crainte ou la soif de connaître poussent certains à se rendre dans toutes sortes d'endroits peu recommandables où sont présentées des vérités complètement déformées. Le danger est qu'ils ne sont pas ou plus en communion régulière avec Dieu. Si la

265Jean-Baptiste Roamba, "Les Assemblées de Dieu du Burkina Faso : Passé, présent et avenir," Flamme 68 (2012), 52.

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prière ainsi que l'étude régulière et systématique de la parole de Dieu manquent à leur vie spirituelle, ils sont à la merci des tempêtes doctrinales qui s'abattent sur l'Église.

Si la majeure partie, plus de 95%, de la chrétienté est aujourd'hui dans l'apostasie, c'est parce qu'elle a accepté, au fil du temps, toutes sortes de « nouvelles révélations », contredisant et dénaturant les Saintes Écritures. Certains prédicateurs d'un « évangile » déformé accèdent même à des positions stratégiques dominantes au sein de certaines dénominations chrétiennes, ce qui leur permet de séduire plus facilement un grand nombre de fidèles. On les reçoit avec de grands honneurs car leur prédication remplit les caisses. Nombre d'entre eux ne sont hélas même pas chrétiens : « Ils ont une apparence de piété, mais renient ce qui en fait la force. » (2 Tm 3.5). Feu Charles Colson observait que :

Trop souvent l'Église moderne cherche à imiter les méthodes et le voies de ce monde. Notre culture cherche à satisfaire les besoins des consommateurs, avant tout pour qu'ils se sentent bien. L'Église privilégie donc l'action au détriment de la formation du caractère, le "faire" au détriment de "l'être". Il n'y a rien de mal en soi à vouloir satisfaire les besoins des gens et à concevoir des programmes en ce sens. L'Église doit pouvoir attirer ceux qui ne sont pas Chrétiens. L'Église doit croître. Mais quand les programmes et la croissance deviennent les préoccupations essentielles, l'Église court le danger de perdre son premier Amour. . . .Elle court le danger de désacraliser ce qui est saint.266

Il est rare d'entendre aujourd'hui prêcher sur le retour de Christ, parce que cela mettrait un terme à la poursuite du plaisir et de la prospérité. Rares aussi sont les messages sur l'amour que l'on doit porter à Jésus-Christ. Les églises préfèrent se concentrer sur la visite de tel prédicateur à la mode, la promotion de tel projet pour réunir des fonds, ou telle campagne d'évangélisation avec miracles et guérisons. La vraie foi a laissé la place à la recherche effrénée de la puissance, de la santé, du confort et de la prospérité matérielle.

Cet environnement offre un terrain propice pour le développement d'une apparence de foi superficielle et facile. Beaucoup de ceux qui rejoignent ainsi l'église ne se convertissent

266Charles Colson, The Body, (Nashville, Tennessee: Thomas Nelson Publishers, 1992), 381.

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donc pas vraiment. Ils adhèrent pour obtenir les avantages qu'on leur promet, mais ne reconnaissent pas leur situation de pécheur, ne se repentent pas, et ne se soumettent pas au Seigneur Jésus pour un plein pardon et la vie nouvelle. Ce ne sont pas des disciples. Ils acquièrent une apparence de religion ; ils chantent et ils dansent ; ils donnent la dîme, peut-être ; mais ils ne sont pas régénérés. Aujourd'hui, dans beaucoup d'églises, l'enseignement se réduit à satisfaire les besoins des auditeurs. On cherche à les aider à résoudre leurs problèmes, pour qu'ils puissent vivre plus confortablement. Peu de pasteurs cherchent à développer chez le croyant une foi ferme, fondée sur le message pur et entier de la parole de Dieu.

Drew Dyck remarque combien, en Occident, on se soucie des styles de prédication, de la louange et de l'adoration, de la musique, de l'atmosphère, de ce que pensent les nouveaux arrivants. Puis il présente un questionnaire utilisé par Asian Access (A2), mission chrétienne en Asie du Sud, pour aider le nouveau converti dans sa démarche de suivre vraiment Jésus. Comme nous pouvons le voir, les questions à l'autre bout du monde sont quelque peu différentes. A2 se sert du formulaire suivant :

1. Êtes-vous prêt à quitter votre maison et perdre la bénédiction de votre père ?

2. Êtes-vous prêt à perdre votre travail à cause de votre foi ?

3. Êtes-vous prêt à retourner au village vers ceux qui vous persécutent, à leur pardonner, et à partager l'amour de Christ avec eux ?

4. Êtes-vous prêt à faire une offrande au Seigneur ?

5. Êtes-vous prêt à être battu plutôt que renier votre foi ?

6. Êtes-vous prêt à aller en prison ?

7. Êtes-vous prêt à mourir pour Jésus ?

Il est certain que ces questions sont nécessitées par la persécution ambiante. Dans un pays où les pasteurs et les convertis ont toutes les chances de finir en prison, voire de perdre la vie, il est important d'être fort et enraciné dans sa foi. A juste titre, donc, Dyck se pose la question : Est-ce qu'on rend le chemin pour aller à Jésus trop facile ? Il est vrai qu'en

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Occident et dans de nombreux pays, il est facile d'être un « chrétien ». Maintenant, dit-il, est-ce que l'Église ne serait pas en meilleur état spirituel s'il y avait la persécution ? Probablement.267 Je rappellerai simplement combien l'Église persécutée a toujours été forte, résistant aux hérésies, et progressant par l'assistance du Saint-Esprit. Ce fut vrai de l'Église primitive avant Constantin, des divers mouvements pré-réformateurs (Hussites, Lollards, Vaudois), de la Réforme en France, des puritains en Angleterre, etc. Ce fut le cas également au début de l'oeuvre au Burkina Faso. De même, c'est encore le cas dans les pays musulmans et certains états asiatiques. À l'inverse, la vague islamique n'a eu aucun mal à balayer le christianisme en Afrique du Nord lors des invasions du huitième siècle. Les églises y étaient faibles dans la connaissance biblique et dans la foi. Il n'y avait pas de fondement, hormis l'église copte qui, bien enseignée, a traversé les siècles. C'est notre cas aujourd'hui. Notre prédication se doit d'être sans compromis. Nous devons proclamer la vérité, pas seulement une partie de la vérité mais toute la vérité, quel qu'en soit le prix à payer.

Nous avons vu que l'Eglise a deux messages à proclamer. Le deuxième message est à destination du croyant qui a besoin de grandir dans la connaissance de Dieu et de sa parole, ainsi qu'en maturité. Or l'Église souffre aujourd'hui d'un manque cruel d'enseignement. La prédication actuelle ne répond plus aux besoins du peuple de Dieu. Elle n'est pas souvent, ou peu structurée ; elle ne nourrit pas le peuple qui en reste au lait spirituel ; elle est beaucoup trop agrémentée de témoignages, d'histoires, destinés à amuser le peuple. Rappelons que c'est la faible prédication par exposition d'Evan Roberts qui a conduit à l'arrêt du réveil gallois. Le manque d'enseignement contribue à la fragilité de construction de l'âme qui a des besoins indispensables pour grandir dans la foi et la maturité chrétienne. L'enseignement doit donc répondre aux besoins des âmes non seulement sur le plan spirituel mais aussi dans l'application à leur vie quotidienne ; il doit donc être contextualisé. Le fidèle doit quitter le

267Drew Dyck, "Raising the Bar," Leadership Journal, 08 avril, 2012.

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culte en sachant ce qu'il doit ou devra faire si telle situation se présente à lui. Sur un plan plus profond, les enseignements sur le péché, sur la sanctification et la sainteté de Dieu, sur l'eschatologie, c'est-à-dire sur le retour du Seigneur, sont rares. Souvenons-nous que l'eschatologie de l'église primitive a été le gage de sa vitalité et de son action. Elle attendait le retour de son Maître, et se tenait prête. Fort malheureusement, aujourd'hui, la majorité de nos pasteurs et de nos chrétiens n'est pas prête à rencontrer le Seigneur, même si on le chante à tue-tête pendant la louange. Les coeurs sont beaucoup trop partagés entre les besoins du monde et l'attrait de notre premier amour.

4. L'Influence des Séductions Mondaines et Spirituelles

Point n'est besoin de faire un long discours pour démontrer à quel point les valeurs de notre société « moderne » se dégradent. La morale est depuis longtemps en perte de vitesse. La virginité est devenue une tare. Les pratiques sexuelles commencent de plus en plus tôt parmi les adolescents. La fidélité conjugale est tournée en dérision, bien qu'elle soit en Afrique parmi les remèdes efficaces recommandés contre la propagation du sida. Le mariage est devenu démodé. L'homosexualité, jusque-là cachée, est en train d'acquérir ses lettres de noblesse. Sans parler d'autres domaines comme la corruption, etc. Esaïe écrivait il y a bien des siècles : « Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal, qui changent les ténèbres en lumière, et la lumière en ténèbres, qui changent l'amertume en douceur, et la douceur en amertume. » (Es 5.20)

Malheureusement, le monde chrétien se laisse de plus en plus entraîner par la mentalité qui l'environne. Les responsables sont les premiers à oublier les leçons laissées pour nous servir d'exemple : Nadab et Abihu apportèrent du feu étranger sur l'autel des parfums (Lv 10.1), David adopta un char neuf pour transporter l'arche de Dieu (2 S 6.3), et le roi Achaz fit construire un autel entièrement d'après le modèle vu à Damas pour remplacer celui de l'Éternel (2 R 16.10-11). La suite nous apprend ce que Dieu a pensé de ces actions.

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Force est de constater qu'on assiste aujourd'hui aux mêmes errements. De nombreuses pratiques s'introduisent peu à peu dans l'église qui pour la plupart choquent, ou amusent selon le cas, les visiteurs et les membres : certaines musiques, des danses indécentes liées à la tradition, un habillement suggestif pour attirer le regard, etc. D'autres réduisent le temps de prédication pour laisser plus de temps à tous les groupes qui veulent passer faire leur show sur scène. D'autres encore veulent moderniser la parole de Dieu sous prétexte que les choses ont changé, ce qui conduit à nous laisser influencer par la manière de penser d'un monde perdu dans le péché. Ceux qui l'ont fait ont entraîné de nombreuses âmes dans la mort spirituelle.

La mondanité et le suivisme religieux sont désormais très fréquents dans nos églises. Certes, nous nous réclamons du mouvement de pentecôte international, mais on est sidéré de constater qu'un énorme pourcentage des membres ne sont pas baptisés du Saint-Esprit. Quant à ceux qui pratiquent les dons spirituels, ils sont quasi inexistants. Bien entendu, nous ne voulons pas remettre en question la foi des chrétiens régénérés, mais il est logique devant ce constat de se demander qui est chrétien et qui est régénéré ! Le constat est amer. Ce qu'il manque aujourd'hui à l'église, c'est une vraie vie de sanctification. Beaucoup se croient bénis quand ils reçoivent des biens matériels. On entend souvent ce type de témoignage : « Dieu m'a béni car il m'a donné ceci ou cela (des choses terrestres) », mais on oublie le plus important, avoir une vie sanctifiée pour l'assurance du royaume de Dieu. Paul rappelle que Dieu veut notre sanctification (1 Th 4.3). « Sans la sanctification, nul ne verra le Seigneur » (Hé 12.14). Récemment, le Docteur Jean-Baptiste Roamba confirmait la situation qui hélas prévaut aujourd'hui dans nos églises :

Le constat que nous faisons est que la tendance est aujourd'hui à la permissivité qui risque de devenir de la perversion à terme si l'on n'y prend garde. Les principes de l'Église primitive qui refusait de tolérer le mal en son sein doivent être toujours de mise. Il semble que le monde est en train de prendre place dans l'église. Souvent, les principaux promoteurs de ces choses mondaines ne sont que des

268Roamba, 52.

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faux leaders qui sont dans l'église. En voulant accepter tout le monde, les responsables acceptent ceux qui veulent être membres sans toujours les faire passer par une vraie repentance et une conversion authentique. Il faut aussi noter que cet amalgame a tendance à gagner du terrain dans les Assemblées de Dieu. . . .Ceux qui recherchent la sainteté sont traités de fanatiques et d'illuminés. . . .Il faut tirer la sonnette d'alarme si l'Église ne veut pas être surprise par les dérives morales et éthiques qui en découleront. En cela, l'exemple devra venir du sommet c'est-à-dire que les responsables spirituels devraient être sans reproche.268

5. Le Péché dans l'Église

A part les péchés les plus grossiers, les péchés du monde irrégénéré sont à présent approuvés et imités sans hésitation par un nombre ahurissant de chrétiens soi-disant « nés-de-nouveau ». Les jeunes chrétiens prennent pour modèle des individus mondains, cherchant à leur ressembler le plus possible. L'aura des responsables religieux a été si profondément ternie par les scandales multiples largement diffusés dans les médias, que cela a grandement contribué à briser les tabous dans l'église. L'important est de ne pas se faire prendre. À partir du moment où l'église est composée en majorité d'inconvertis et de chrétiens charnels, il est logique que le péché se répande. Il ne faut donc pas s'étonner devant les pratiques actuelles. La débauche sexuelle est devenue chose courante. De nos jours, consommer le sexe avant ou en dehors du mariage n'est plus aussi tragique pour les chrétiens et même pour les pasteurs. Dans nos églises, nous parlons beaucoup moins de l'impudicité de telle sorte que les chrétiens ne semblent pas conscients de commettre un aussi grave péché lorsque qu'ils tombent dans ce péché. Déjà, Paul avait repris les Corinthiens par ces paroles : « On entend dire généralement qu'il y a parmi vous de la débauche, et une débauche telle qu'elle ne se rencontre même pas chez les païens ... » (1 Co 5.1). La Bible va encore plus loin, en mettant en avant les valeurs de Jésus-Christ : « Vous avez appris qu'il a été dit : Tu ne commettras pas d'adultère. Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a

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déjà commis un adultère avec elle dans son coeur » (Mt 5.27-28). Lorsque vous prêchez et rapportez ces paroles de Jésus, j'ai souvent remarqué que les auditeurs ne vous croient pas. Ils croient que vous plaisantez. Les plus sérieux vérifient dans leur Bible si ce que vous dites est vrai. Les valeurs du monde se sont imposées dans l'église de Jésus-Christ. Le mensonge est aimé et largement pratiqué, et sa sournoise copie, l'hypocrisie, l'est aussi. On prêche de belles paroles, des grandes vérités ; on est très ferme et catégorique sur les recommandations bibliques lorsque l'on s'adresse à nos frères chrétiens et même aux païens, pendant que nous-mêmes, nous ne mettons aucunement en pratique tout ce qui sort de notre bouche. Jésus a dit : « Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton oeil, et alors tu verras comment ôter la paille de l'oeil de ton frère » (Mt 7.5).

La Bible nous décrit, à plusieurs reprises, les pécheurs qui se verront interdire l'entrée dans le royaume de Dieu, en mettant sur un pied d'égalité les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les débauchés, les magiciens, les idolâtres, et tous les menteurs (Ap 21.8, 15). Tous les péchés sont haïs de Dieu, particulièrement les cinq péchés qui pourrissent notre monde aujourd'hui : l'avortement, déculpabilisé et qui tue des millions d'êtres vivants ; l'occultisme, déjà puni de mort dans la loi de Moïse ; l'adultère ; l'homosexualité ; et l'idolâtrie. Il y en a beaucoup plus mais personne ne pourra donc être surpris devant l'ampleur de l'hécatombe finale, ni celui qui en fera partie, ni celui qui en réchappera. Hélas, cela touche même le corps pastoral, lequel sera jugé plus sévèrement selon ce qu'a écrit Jacques (Jc 3.1). Trois des principales raisons sont le manque de courage, le laxisme, et l'abdication des responsables « spirituels ». Ce n'est pas ainsi qu'ils pourront ramener les chrétiens sur le droit chemin.

Il en est de même des oeuvres de la chair (Ga 5.19). La débauche, l'impureté, le dérèglement, la jalousie, les animosités, les disputes, et les commérages pullulent déjà parmi les responsables de l'église. Comment les fidèles vont-ils réagir ? En suivant l'exemple qui

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vient de plus haut ! Comment en sommes-nous arrivés là ? Par le laisser-faire, le laisser-pourrir, le désintéressement, et cela commence par les plus hauts responsables de l'Église. Le mauvais exemple est le plus grand coupable ! Si le plus élevé agit ainsi, pourquoi le moins grand ne le ferait-il pas ? Et le plus petit alors ? Les rivalités, les animosités, les jalousies, les querelles, les calomnies, etc. entre ceux qui doivent donner l'exemple sont de notoriété publique, malgré l'hypocrisie pastorale qui couvre le tout d'un « saint manteau ». Et tout le monde en fait des gorges chaudes.

La crainte de Dieu est ce qu'il manque aujourd'hui à l'Église. C'est une denrée rare dans le coeur des chrétiens mais encore plus dans le coeur de ceux qui sont censés être leurs modèles, c'est-à-dire les responsables, que les chrétiens considèrent comme des pères spirituels. Dieu semble si éloigné de nos préoccupations et si négligé par tous qu'il semble normal de se permettre de vivre sans crainte et d'assouvir tous ses désirs sans se soucier de la gravité de nos actes. Pourtant, Paul nous avertit : « Ne vous y trompez pas : on ne se moque pas de Dieu. Ce qu'un homme aura semé, il le moissonnera aussi » (Ga 6.7).

La moisson est mure et elle est dans l'église, non pas pour Jésus et pour le salut, mais pour le diable et tous ses séducteurs. Il y a eu, depuis le début de l'Église, plusieurs vagues de chrétiens, à commencer par ceux de l'église primitive. Et force est de constater que le christianisme a implanté des valeurs morales et fraternelles. Certaines, taboues, sont certes souvent violées de nos jours, mais ont malgré tout plus ou moins perduré -- avec des hauts et des bas -- pendant des siècles. Toutefois, avec les années, l'évolution des moeurs et le fléau de la mondialisation, il y a, qualitativement, une grande disparité entre les chrétiens d'aujourd'hui et ceux d'autrefois, ce qu'avait prédit la Bible : « Dans les derniers temps, quelques-uns s'éloigneront de la foi pour s'attacher à des esprits d'égarement et à des enseignements de démons, par l'hypocrisie de discoureurs de mensonge » (1 Tm 4.1-2), ce

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qui nous conduit à la transformation négative de l'église des derniers temps et de ses chrétiens :

Sache que dans les derniers jours il y aura des temps difficiles. Car les hommes seront égoïstes, amis de l'argent, fanfarons, hautains, blasphémateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, irréligieux, insensibles, déloyaux, médisants, sans maîtrise de soi, cruels, ennemis du bien, traîtres, emportés, enflés d'orgueil, aimant le plaisir plus que Dieu, ayant l'apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la force .» (2 Tm 3.1-5)

Si les chrétiens d'aujourd'hui ne diffèrent pas des païens, comment vont-ils accomplir la Missio Dei ?

6. Les Particularités de l'Église Africaine

O'Donovan établit plusieurs thèmes importants pour l'implantation d'un christianisme biblique en Afrique. Le premier thème qu'il évoque est : « Comment Dieu dirige-t-il les chrétiens aujourd'hui ? » Et de souligner l'importance accordée par les chrétiens africains aux rêves, aux visions, aux apparitions surnaturelles, ou d'autres phénomènes exceptionnels.269 Certes il est probable que le Seigneur puisse employer ces moyens, là où la Bible est peu répandue, ou parmi des populations peu ou pas alphabétisées, ou encore, comme j'en ai reçu plusieurs témoignages, auprès de populations si emprisonnées spirituellement dans leur religion qu'il faille les convaincre par ce moyen. Toutefois, Dieu met aussi à notre disposition la ressource la plus fiable qui soit pour connaître sa volonté pour notre vie : La Bible. Pour l'expliquer, Jésus a donné à l'Église les ministères-dons : les apôtres, les prophètes, les évangélistes, les pasteurs et docteurs.

Un deuxième thème de O'Donovan est justement : « Comment le chrétien peut-il distinguer le vrai prophète du faux ? » Les chrétiens doivent être très prudents. Certains prophètes africains sont tout simplement des gens très intelligents et très habiles. Ils parlent

269O'Donovan, 388.

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bien et trompent par leurs discours et leurs actes. Certains de ceux qui se présentent comme de vrais prophètes sont en réalité de faux prophètes qui tiennent leur pouvoir de Satan. Le vrai prophète est celui qui reçoit ses messages directement de Dieu. Comment savoir ? O'Donovan met l'accent sur le lien de la prophétie avec la foi en Christ. Si l'individu n'attire pas la personne plus près de Jésus, elle est d'inspiration démoniaque. D'autre part, une prophétie qui vient de Dieu n'est jamais fausse. Un prophète de Dieu ne commet jamais d'erreurs ni ne conjecture.270

Un troisième thème est le syncrétisme, nom donné au mélange de « deux religions ou plus ». Selon O'Donovan, les raisons qui poussent les Africains au syncrétisme ne sont pas difficiles à comprendre. Le renouveau culturel en Afrique a encouragé beaucoup d'individus à redécouvrir leur passé africain. Comme la culture et la religion sont étroitement liées sur ce continent, ce mouvement a entraîné un retour aux pratiques traditionnelles.271 Les AD du Burkina Faso n'en sont pas exemptes. Sans détailler les causes du syncrétisme, je pourrais mentionner l'arrière-plan culturel, familial et religieux du chrétien, le poids de la famille non-convertie, la pression du groupe social, l'échec de la contextualisation de la parole de Dieu, l'illettrisme qui conduit à l'ignorance de la parole de Dieu, et enfin le manque de foi en Jésus et sa parole. À titre d'exemple, de nombreux chrétiens tombent dans le piège du syncrétisme lorsqu'ils affirment suivre Christ et participent en même temps à certains usages et traditions. Parmi eux, je citerai entre autres : les rites des funérailles traditionnelles, les cérémonies coutumières, la consultation d'un guérisseur en cas de maladies, l'utilisation de fétiches ou d'amulettes, le recours à la magie, la divination, et même la sorcellerie en temps de crise personnelle. En mélangeant les pratiques des cultes païens à leur doctrine chrétienne, ils sont

270Ibid., 391.

271O'Donovan, 394.

272Kambou.

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en plein syncrétisme et on est en droit de se demander s'ils sont régénérés ou non. A ce sujet, Daniel Kambou écrit que :

D'aucuns font remarquer que des chrétiens, et non des moindres, continuent de consulter des féticheurs ou des marabouts dans les moments difficiles de leur vie. Il

semble même que certains leaders d'églises pactisent eux aussi avec des forces occultes afin d'être capables d'opérer des miracles et d'attirer des foules dans leurs assemblées ? Nous devons cependant nous méfier de telles accusations, car l'ennemi est capable de salir des chrétiens et des serviteurs de Dieu authentiques. Cependant, il n'en demeure pas moins que de manière générale, le danger de l'apostasie guette l'Église en Afrique.272

Dans la démarche quotidienne de nombreuses églises africaines, nous assistons aujourd'hui à toutes sortes de pratiques qui ont manifestement un lien avec la culture, les anciennes croyances, les peurs ancestrales, la relation au surnaturel traditionnel, mais aussi les influences de la troisième Vague. C'est ainsi que se développe une fausse idée du combat spirituel qui impose aux chrétiens des pratiques non bibliques, tels des jeûnes excessifs -- pour n'en citer qu'un, le jeûne d'Esther -- en vue de l'obtention d'une délivrance ou d'une bénédiction. Certes, le jeûne a sa place dans le combat spirituel. Toutefois, dans certains milieux, on pousse les choses à un tel point que toute la sanctification se mesure au temps passé dans le jeûne. On en vient à imposer des temps de jeûne et de prière démesurés aux personnes en recherche de victoire spirituelle ou de bénédiction. On rejoint là la fausse croyance qui consiste, comme par les sacrifices ou les grosses offrandes, à vouloir acheter et mettre sous dépendance la divinité en l'obligeant à exaucer notre requête. C'est encore un retour en arrière, à la conception de la R.T.A. Gardons l'équilibre de la saine doctrine. Il faut jeûner en fonction de sa croissance spirituelle, pour rechercher la face de Dieu. Le jeûne n'a pas la vertu en lui-même d'expier une faute ou de nous assurer une victoire. Le roi David en a fait l'amère expérience quand il a jeûné pour sauver la vie de son premier enfant né de Bath-

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Shéba (1 S 12.17-18). Le jeûne fait partie d'une vie de sanctification lorsqu'il est accompli selon les « Saintes Écritures ».

Je voudrais citer aussi le recours systématique à des séances de délivrance pour la guérison physique de malades, là où il n'y a souvent aucun démon. C'est ainsi que nous assistons aujourd'hui au développement de prétendus « ministères de délivrance » qui ne sont pas scripturaires. Que dit Jésus ? « Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom, ils chasseront les démons ; ils parleront de nouvelles langues ; ils saisiront des serpents ; s'ils boivent quelque breuvage mortel, ils ne leur feront point de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades seront guéris. » (Mc 16.16). Jésus n'a jamais dit de chasser les démons pour guérir. Quand il l'a fait lors de son ministère terrestre, il s'agissait de cas particuliers qui ne donnent pas à doctrine. Or, c'est devenu aujourd'hui chose commune, en Afrique et ailleurs, au point qu'on trouve des démons partout, derrière un éternuement, derrière un rhume, etc. Je soutiens qu'il faille, quand cela est nécessaire, chasser les démons au nom de Jésus et délivrer les pauvres êtres qui en sont prisonniers. Toutefois, cela ne doit pas devenir un prétexte de glorification de prétendus ministères de délivrance. De plus, certaines pratiques non bibliques, telles que trouver des démons chez des chrétiens et vouloir les chasser sont à exclure du ministère chrétien. En effet, un chrétien régénéré ne peut pas être possédé par un démon. Il est le Temple du Saint-Esprit et par conséquent, une possession démoniaque est impossible. Répandre ce genre d'aberrations ne fait qu'affaiblir la foi des chrétiens mal affermis qui peuvent se croire possédés, et les encourager à courir auprès de supposés prieurs ou faux prophètes au lieu de se repentir, de renoncer à leur péché, et de retourner à une vie sanctifiée, ce qui aurait beaucoup plus d'influence sur leur vie spirituelle, chrétienne, et familiale. Nous devons prévenir les chrétiens de toutes ces faussetés et manipulations qui en font les jouets du diable pour le plus grand bénéfice des charlatans.

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Nous pouvons aussi évoquer tous les moyens plus ou moins superstitieux ou occultes largement pratiqués dans de nombreuses églises du Burkina Faso. S'appuyant sur les évènements exceptionnels cités dans le Livre des Actes, certains utilisent des mouchoirs, des photos, et autres, que l'on fait parvenir aux prédicateurs ou aux prieurs, pour assurer une délivrance. On se trouve là franchement dans le domaine occulte. C'est chose courante dans le domaine catholique mais aussi évangélique et pentecôtiste.

Comme les marabouts et les catholiques, certains pasteurs renommés vendent de l'huile « d'onction » en flacons et conseillent d'en enduire les fenêtres et les portes pour empêcher Satan d'entrer dans la maison, ou de l'utiliser pour protéger les véhicules contre d'éventuels accidents, ainsi qu'au cours de prières de guérison et de délivrance.

D'autres hérésies circulent comme le fait que tout chrétien né de nouveau doit malgré tout être libéré de la possession démoniaque ou des malédictions ancestrales par une prière de délivrance ; que toute souffrance ou maladie est liée à un péché commis ; que le chrétien peut être « mangé en sorcellerie » s'il ne prie pas ou ne paie pas sa dîme ; ou encore, car la liste est longue, que la Sainte Cène peut être utilisée pour être guéri ou délivré (la coupe devenant, comme dans le catholicisme, le sang du Seigneur, et le pain le corps réel du Seigneur).

De plus, arrêtons d'accorder plus de foi à ce que dit Satan qu'à la doctrine biblique. Les librairies pullulent de livres, revues, CD, DVD, où l'on exalte la puissance des démons, avec toutes sortes de révélations sur les prétendus pouvoirs et agissements des démons, leurs noms, leur hiérarchie, etc. Où est-ce écrit dans la Bible ?

Soulignons enfin l'attachement très fort au légalisme de l'Ancien Testament, et son système de « bénédictions-malédictions » qui trouve un écho favorable dans le contexte culturel africain. D'une manière générale, un grand nombre de pratiques, de croyances, de paroles et de promesses bibliques dans nos milieux pentecôtistes découlent de la Loi de Moïse qui était réservée uniquement à Israël, donc aux Juifs. Le fait de vouloir l'appliquer à

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l'Église vient de l'hérésie connue sous le terme de « Théologie du remplacement », proche de la doctrine des « enfants de Dieu », condamnée par les AoG. Force est de constater que, peut-être par ignorance, les pentecôtistes du Burkina Faso ont beaucoup dévié de la saine doctrine.

Dans « le Voile Recousu », André Thomas-Brès avait analysé le retour en arrière des catholiques qui avaient instauré tout un cléricalisme pour servir d'intermédiaire entre Dieu et les hommes, et ainsi remplacer le rôle de médiateur unique de Jésus-Christ. Or nous vivons aujourd'hui la même situation en Afrique, et notamment au Burkina Faso, ce qui d'ailleurs rejoint le système traditionnel qui nécessite de passer par des intermédiaires pour interroger la divinité, les dîmes et offrandes ayant désormais remplacé les sacrifices sanglants. L'Evangile rend libre, il brise les chaînes, mais le légalisme enchaîne à nouveau les fidèles.

D. Les Conséquences du Déclin Spirituel Actuel 1. L'Effondrement de la Vie de l'Esprit

Le Livre des Actes permet de constater que le baptême du Saint-Esprit était la norme parmi les croyants de l'Église primitive. De réelles conversions, en grand nombre, des guérisons, des miracles et autres dons spirituels témoignent de la puissance du Saint-Esprit qui agissait continuellement au sein de l'Église. Or qu'en est-il aujourd'hui ? La vie de l'Esprit est en très forte baisse dans nos églises locales. Certains pasteurs eux-mêmes ne prient plus en langues, n'exercent plus les dons, et font appel à une assistance extérieure pour tenter de maintenir une sorte de vie de Pentecôte dans leur communauté. Pourquoi l'Église de notre Seigneur s'est-elle à ce point appauvrie ? Les AD sont-elles toujours pentecôtistes ? Comment en est-on arrivé là ? L'église du Burkina a été bâtie par le Seigneur Jésus avec la

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puissance du Saint-Esprit. Les nombreux témoignages273 attestent de la vie abondante de l'Esprit dans les ministères pionniers. Aujourd'hui pourtant, l'exercice des dons est de plus en plus rare pendant les cultes. Même si les statistiques sont légèrement plus favorables, le témoignage de plusieurs pasteurs semble indiquer que 90% des membres ne sont pas baptisés du Saint-Esprit, notamment à Ouagadougou. Ceci n'est d'ailleurs pas un problème burkinabé seulement, car le même constat est fait dans d'autres pays. Une conséquence est la fuite de fidèles vers des « prieurs ». Des pasteurs eux-mêmes font appel à des prieurs ou des croyants-guérisseurs pour organiser des séances de délivrances et de guérisons. Ce qui surprend le chrétien averti, c'est que Jésus a ordonné que les disciples soient baptisés du Saint-Esprit avant d'aller accomplir sa mission. Il s'agit là d'un impératif. Si donc le constat cité plus haut est vrai, seulement 10% des membres sont spirituellement aptes à accomplir la Mission de Dieu.

D'autre part, cette situation pénalise la vie de l'église qui nécessite les dons spirituels. Or, ils ne sont donnés, pour l'utilité commune, qu'à ceux qui sont baptisés du Saint-Esprit (1 Co 12.7-11), et remplis de l'Esprit (Ep 5.18). Nous pouvons donc imaginer les difficultés de l'Eglise et de ses responsables, dans l'état actuel des choses, et les raisons de l'expansion du phénomène des prieurs.

Enfin, le fait qu'il y ait si peu de membres baptisés du Saint-Esprit soulève bien des questions sur leur état spirituel et celui de l'église locale à laquelle ils appartiennent. En effet, un certain nombre de critères spirituels conditionnent la réception du baptême du Saint-Esprit, et si l'accomplissement de la promesse divine n'est pas fréquent dans l'église, cette situation peut susciter bien des interrogations quant à la capacité de ces membres à répondre à ces critères. Une raison très plausible semble être le manque de véritables nouvelles

273Youssuf Savadogo, Biographie de douze pionniers de l'oeuvre missionnaire des Assemblées de Dieu du Burkina Faso, (Ouagadougou : Éditions Basnneré, 2009).

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naissances. Nous assistons à beaucoup de conversions qui ne sont pas suivies de régénération, ce qui peut expliquer l'absence de réception du baptême de feu. Ce serait, selon le terme usité, des « conversions de bouche » plutôt que des « conversions de coeur ». Il s'agit pour beaucoup d'un changement réel de religion ou de l'adoption d'une nouvelle religion, accompagnée du baptême comme acte symbolique. En fait, l'individu abandonne des idées, des pratiques et des comportements anciens pour en adopter de nouveaux souvent imposés par l'institution comme une loi nouvelle lui permettant d'intégrer sa nouvelle communauté. Il est facile de faire ici un parallèle avec les prescriptions de l'Islam, ou les lois de l'A.T., ou encore les sacrifices de la Religion Traditionnelle Africaine. Ceci pourrait expliquer l'absence de vraie repentance, de conversion spirituelle authentique, et donc de nouvelle naissance et de régénération. Il semble donc judicieux d'analyser la motivation de ceux qui viennent se convertir aux AD. On pourrait encore s'interroger sur la notion de péché et du salut274, concepts différents d'une culture à une autre, qui peuvent grandement influer, en fonction de la croyance d'origine, sur les conceptions de repentance et de conception de la « conversion de coeur ».

C'est ainsi que les prières collectives de repentance, réalisées souvent lors de réunions ad hoc, permettent de diaboliser le péché et contribuent à écarter tout sentiment de culpabilité chez le pécheur, en rejetant la faute sur un autre, humain ou génie,275 dont il serait ainsi la victime.276

Certains, néanmoins, se convertissent réellement de tout leur coeur. Convaincus de péché par le Saint-Esprit, ils croient, se repentent sincèrement et acceptent Jésus-Christ

274Hannes Wiher, L'évangile et la culture de honte en Afrique occidentale, (Bonn : Verlag für Kultur und Wissenschaft, 2003), 70.

275Laurent, Les pentecôtistes du Burkina Faso, 348, 364.

276Moïse Sawadogo, "Les communautés de prière, un chemin vers le réveil ou le retour du sacré" (Maîtrise de Théologie, Fatad, Lomé, Togo, 2006), 26.

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comme leur Sauveur personnel et le Seigneur de leur vie. Ils sont généralement rapidement baptisés du Saint-Esprit car ils s'efforcent d'obéir en tout au Seigneur. L'Église devra néanmoins veiller à la formation de ces nouveaux convertis afin d'éviter qu'ils soient « mal mis au monde » et connaissent des retards de croissance, voire des problèmes de survie.277 D'autres, par contre, viennent pour toutes sortes de raisons : économiques, sociologiques, matrimoniales, morales ou spirituelles. Il y en a parmi eux, heureusement, qui continuent dans une démarche spirituelle et se convertissent réellement de coeur. Pour les autres, hélas nombreux, leur démarche s'arrête souvent là. Ils continuent à venir, servent dans l'église et deviennent même des responsables. Toutefois, ils sont dans une religion mais ne vivent pas la vie nouvelle avec le Seigneur. Il existe de nombreux témoignages de chrétiens qui se sont convertis après des années de responsabilité dans l'église. Pendant tout ce temps, ils pensaient être de bons chrétiens, alors qu'ils ne faisaient que suivre le mouvement en demeurant inconvertis de coeur.

Laurent mentionne de nombreuses raisons de conversion. Il explique comment beaucoup viennent chercher une puissance plus forte que les fétiches278, qui puisse les protéger contre les attaques spirituelles de leur environnement. Certes, ils font partie de la communauté en ce sens que l'église a remplacé le clan, en devenant une « famille de prière », mais il est désolent que leur expérience n'aille pas plus loin. Ils restent dans la logique d'autrefois : je t'offre un sacrifice, donc tu dois me donner. Aujourd'hui, le coq ou la chèvre a été remplacé par la dîme, les offrandes, les prémices, les prières ainsi que l'obéissance aux commandements, donc Dieu doit donner en retour.

Il en est qui viennent pour des raisons économiques. P.-J. Laurent souligne :

277David Pawson, La naissance normale du chrétien, (Nyon : Carrefour, 1990), 280. 278Laurent, Les pentecôtistes du Burkina Faso, 78.

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Les églises pentecôtistes et notamment les A/D incarnent une certaine idée de la modernité. La conversion permet alors, par rapport à l'entourage villageois ancestral, une mise à l'écart favorable au développement. Elle devient un processus d'invention ou de négociation d'une autre intersubjectivité.279

D'autres encore se convertissent pour des raisons sociologiques : Des jeunes filles fuient leur famille pour échapper à des mariages forcés imposés par le milieu lignager, ou pour rechercher un mariage protestant, par consentement mutuel,280 synonyme de monogamie et de fidélité. Elles viennent trouver refuge auprès du pasteur et se convertissent. Le pasteur et son épouse deviennent alors des « père et mère de prière » et remplacent la vraie famille de sang. De même, des veuves viennent pour fuir l'obligation traditionnelle du lévirat.

Enfin, nombreux sont ceux qui, nés dans des foyers chrétiens et ayant fréquenté des écoles chrétiennes, ont pris leur baptême d'eau, portent le nom de chrétien, utilisent le vocabulaire chrétien, participent aux réunions, mais n'ont jamais fait l'expérience d'une conversion spirituelle authentique, touchant le coeur même de la personne et la transformant en enfant de Dieu. Ce sont ce qu'on appelle des « chrétiens de nom ».281

Parlant des AD du Burkina Faso, le Docteur Roamba rapporte : « Force est de constater que cette église qui se dit pentecôtiste est en train de perdre ce qui a causé sa naissance, c'est-à-dire le baptême du Saint-Esprit et l'exercice des dons spirituels. Les statistiques en la matière montrent que cette particularité manque dans les églises. »282

279Laurent, "Conversions aux Assemblées de Dieu chez les Mossi du Burkina Faso," 67--97. 280Laurent, Les pentecôtistes du Burkina Faso, 92.

281Byang Kato, Chrétien et africain authentique (Abidjan : CPE, 1975), 5.

282Roamba, 53.

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2. Le Retour aux Anciennes Pratiques et Croyances

L'Africain croit que rien n'est dû au hasard. Donc, tout évènement doit avoir une explication, qu'il s'agisse de la vie de famille, d'une maladie, d'une mort, d'une bonne ou mauvaise récolte, de la réussite à un examen, etc. Cette croyance est implantée depuis des siècles dans le coeur des Africains, et elle persiste encore aujourd'hui, aussi bien chez les animistes, les musulmans, les catholiques, et même chez les protestants. Avant la venue du protestantisme, les Burkinabés avaient donc coutume, lorsqu'ils rencontraient un problème quelconque, de consulter les fétiches afin d'apprendre de la bouche du féticheur la raison de la circonstance et la solution à apporter, celle-ci consistant souvent à réaliser des sacrifices ou autres pratiques. Les féticheurs et les chefs détenteurs du « Naam » (le pouvoir en mooré) détenaient donc sur la population un pouvoir basé sur la peur et la superstition, ceci permettant d'imposer le respect des traditions et de maintenir l'individu, la famille, le village, sous un véritable esclavage spirituel et matériel. L'arrivée des premiers missionnaires des Assemblées de Dieu et la conversion des premiers Burkinabés, devenus rapidement des pionniers missionnaires remplis de l'Esprit pratiquant les dons spirituels, ont amené un profond changement dans les moeurs et les coutumes locales. Revêtus de la puissance de Dieu, ils ont annoncé l'Évangile dans les villages et ont bouleversé l'ordre établi, annonçant et prouvant par des signes, des prodiges et des miracles que Dieu, le seul vrai Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, était plus fort que les sorciers et les fétiches. Ceci a suscité de nombreuses conversions auprès de la population dont le souci principal était de se prémunir des puissances occultes qui les opprimaient. Toutefois, la croyance que rien n'est dû au hasard persiste dans les coeurs. Donc, lorsqu'un évènement se produit, au lieu d'aller consulter les praticiens traditionnels, les chrétiens vont désormais chercher la réponse et la solution chez le pasteur. Malheureusement, un certain nombre de facteurs vont intervenir pour troubler le chrétien en quête. Premièrement, beaucoup de ces soi-disant convertis ne sont pas régénérés,

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ou, s'ils le sont, ne sont pas remplis du Saint-Esprit. Deuxièmement, ont-ils été suffisamment enseignés à abandonner leurs anciennes croyances qui veulent notamment que tout évènement doit avoir une raison souvent occulte ? Ont-ils aussi été enseignés à porter leur regard sur Jésus-Christ et se confier en lui seul, et non dans le pasteur qui n'est qu'un homme ? Troisièmement, beaucoup de pasteurs ne sont plus aujourd'hui remplis du Saint-Esprit, si tant est qu'ils l'ont été un jour. La conséquence est que le conseil qu'ils sont amenés à apporter est souvent basé sur des raisonnements humains. Donc, dans leur quête inassouvie, beaucoup de ces « chrétiens » se tournent vers de nouveaux concepts religieux, des prieurs, ou des croyants-guérisseurs. Et finalement, s'ils ne sont toujours pas satisfaits, ils retournent consulter ceux qu'ils avaient abandonnés pour venir à l'église, c'est-à-dire vers les anciens praticiens traditionnels, féticheurs, marabouts, etc.283

3. L'Émergence de Nouveaux Concepts

Laurent souligne qu'en milieu mossi, l'univers de la « concorde coutumière » induit deux soucis essentiels qui préoccupent également les protestants : la quête de la sécurité, notamment la recherche de protections contre les attaques en sorcellerie, et la recherche de guérison.284 Selon l'auteur, cette situation a conduit au développement parallèle de deux formes de réponse. Il met en exergue deux éléments de la pratique pentecôtiste contemporaine au Burkina Faso : les prières individuelles de guérison, au domicile de « croyants-guérisseurs », et les « séances collectives de délivrance » dans l'enceinte de l'église. Selon Laurent, les croyants-guérisseurs sont des professionnels, qui gagnent leur vie grâce à la réputation que leur confère leur supposé don. Ce phénomène apparaît massivement vers le milieu des années 1980, même s'il existe depuis longtemps quelques fidèles réputés

283Témoignages de plusieurs pasteurs, recueillis dans les années 2010 et 2012. 284Laurent, Les pentecôtistes du Burkina Faso, 307

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pour leur don de guérison et de prophétie.285 L'auteur montre bien les problèmes posés par leur émergence. Alors que les pasteurs tirent leur légitimité de l'enseignement reçu et de l'institution, ces « croyants-guérisseurs », dont le succès est croissant, les concurrencent en se prévalant d'une relation directe avec Dieu, se manifestant par l'expression de dons. Tandis que les séances collectives de délivrance, en présence de pasteurs, renvoient à l'orthodoxie des AD, les prières individuelles de guérison offrent un « protocole plus syncrétique ».286 La question reste néanmoins posée de savoir pourquoi les fidèles fréquentent les croyants-guérisseurs, autrement appelés « prieurs ». Cela vient-il d'un déclin spirituel de l'Église ou des pasteurs, ou des deux ? De nombreux pasteurs interrogés refusent de reconnaître un quelconque déclin spirituel et évoquent plutôt la concurrence déloyale que leur font des prieurs dont la moralité est souvent douteuse. Certains coopèrent avec eux et les invitent pour les séances collectives de délivrance. D'autres enfin préconisent de laisser le vrai et le faux mil grandir. Le jour des récoltes, on verra le vrai du faux.287

4. L'Abandon de la Vraie Prière

L'étranger de passage en Afrique ne reste pas sans remarquer que les chrétiens se réunissent souvent pour louer Dieu et prier, fort, parfois jusqu'à très tard dans la nuit. Toutefois, à y regarder de plus près, on découvre un peuple qui loue, certes, mais qui ne prie qu'en groupe. Pour beaucoup, l'instruction de Jésus d'entrer dans sa chambre, de fermer sa porte, et de prier son Père qui est là dans le lieu secret (Mt 6.6), c'est-à-dire de développer l'habitude d'une communion personnelle dans la prière intime avec Dieu, est une relique du passé, si tant est qu'elle n'ait jamais existé. Car, pourquoi demander à Dieu ce qu'il a déjà promis ? Selon l'enseignement qui circule, il suffit de s'emparer de ses promesses et

285Ibid., 313. 286Ibid., 412. 287Ibid., 321.

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d'ordonner la délivrance ! En fait, nous sommes si préoccupés à échapper à la souffrance, à l'épreuve, aux problèmes quotidiens pourtant communs « à tous les hommes » (1 P 4.12), que nous perdons le vrai sens de la croix. En fait, lorsque nous nous réunissons de plus en plus nombreux, quand nous crions (ce n'est pas un euphémisme) à l'unisson, nous réclamons son pouvoir de guérison, au point que certains se laissent aller à donner des ordres, parfois blasphématoires, au Seigneur pour obtenir satisfaction. Nous voulons ses promesses de bénédiction, sa protection, et ce, toujours plus. Nous exigeons le bonheur sur terre. Mais en réalité, nous ne voulons pas de Christ seul. Jadis, l'Église se réunissait pour confesser ses péchés ; aujourd'hui, elle réclame ses droits. Combien serviraient le Seigneur s'il n'offrait que lui-même et le salut éternel ? C'est-à-dire, qui le suivrait si son acceptation en tant que Sauveur et Seigneur n'étaient pas suivie de promesses terrestres, de guérison, de succès, de prospérité, de bénédiction matérielle, de signes, de prodiges et de miracles. Qu'en serait-il si nous devions accepter le sort de nos anciens qui ont connu la persécution, la déportation, la lapidation, les moqueries, la prison, la relégation dans les cavernes ou les trous à rats, le dénuement total ? Quel choix ferions-nous si le seul avantage qui nous était accordé était Christ et la promesse du salut éternel ?

5. Un Faux Christianisme

Selon Jérôme Prékel, une des principales raisons du déclin spirituel de l'Église est un phénomène naturel : la recherche du bonheur qui passe par l'approbation du monde, c'est-à-dire être comme les autres, se couler dans le moule, vivre heureux en étant reconnu et apprécié par tous.288 Déjà, le « sermon sur la montagne » était contraire aux raisonnements religieux de son temps. En effet, le statut de serviteur de Dieu permettait d'accéder à une position sociale avantageuse, alors que Jésus expose ici une vision sans concession. En effet,

288Jérôme Prékel, "La recherche du bonheur et l'approbation du monde," http://www.blogdei.com/index.php/2010/06/24 (consulté le 28 juin, 2010).

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il révèle de façon rigoureuse la vie spirituelle telle qu'il la conçoit. Jésus est clair sur ce qui attend ses disciples. Il est important que tous ceux qui veulent être ses disciples sachent que la marginalisation, le rejet, la honte, sont indissociables de la vie nouvelle en Christ. Au Temple, Siméon annonça que « cet enfant est destiné à devenir un signe qui provoquera la contradiction » (Lc 2.34). Plus tard, Jésus dira : « Pensez-vous que je sois venu apporter la paix sur la terre ? Non, vous dis-je, mais la division » (Lc 12.51). Tous ceux qui font un avec Jésus, et qui marchent avec lui dans sa lumière, doivent s'attendre à se trouver entraînés dans un affrontement, un télescopage avec l'esprit du monde, avec le mensonge ambiant, avec l'injustice et la domination de l'antichrist sur les hommes.

À contrario, tout christianisme confortable, socialement intégré, politiquement correct, est annoncé comme un malheur, car il éteint l'esprit originel du salut et engendre une religion qui continuera peut-être à parler de Dieu, mais qui ne sera pas fidèle aux fondements de sa parole. Car un christianisme sans opposition à l'esprit du monde, sans affrontement avec le mal, sans confrontation avec l'esprit de l'Antichrist, n'est pas le christianisme du Christ. Hélas, beaucoup de pasteurs et de chrétiens rejettent cette vérité et préfèrent se positionner dans le concept de l'Ancien Testament : Abraham était riche et béni, Job aussi, Salomon, etc. Selon eux, chaque chrétien a le droit d'avoir le monde et tout ce qu'il peut apporter, en plus de la bénédiction et la protection divine, ainsi que l'assurance de la vie éternelle. Voilà un parfait compromis semblable à la proposition de Pharaon que Moïse a rejeté catégoriquement car il voyait celui qui est invisible (Hé 11.27).

Vivre heureux est un désir humain que l'on retrouve aussi chez le chrétien. Certains enseignent que la bénédiction de Dieu se mesure à ses bienfaits, parce que nous sommes ses enfants. On devrait donc, selon eux, vivre dans l'abondance et la réussite sociale, avec pour résultat une adhésion au christianisme positiviste. En effet, celui-ci affirme pour tout chrétien

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le droit à la recherche et à l'obtention de la prospérité mais, en même temps, le rejet inconscient des enseignements de la croix, jugés négatifs et misérables.

La définition du mot « heureux » doit nous conduire à inverser radicalement nos valeurs. En réalité, le mot grec utilisé ici signifie plutôt « en marche ». Or, c'est contraire aux enseignements de Jésus sur le discipolat : « Si quelqu'un vient à moi, sans me préférer à son père, à sa mère, à sa femme, à ses enfants, à ses frères, et à ses soeurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Et quiconque ne porte pas sa croix, et ne me suit pas, ne peut être mon disciple » (Lc 14.26-27). Si donc nous voulons garder notre conception naturelle du bonheur (paix, sécurité, confort), nous devenons insensibles à l'invitation du Saint-Esprit : « Souffre avec moi, comme un bon soldat de Jésus-Christ » (2 Tm 2.3). Il est vrai que nul homme naturel ne désire souffrir, car la souffrance inclut la notion de sacrifice qui est contraire à sa course pour atteindre le plaisir, but de sa vie. Hélas, aujourd'hui, cette pensée est partagée dans l'Église car la majorité se compose d'hommes se laissant guider par le vieil homme qui sommeille encore en eux. Il est important de le rappeler : si nous craignons la souffrance qui est attachée à l'amour de la vérité, nos choix spirituels et nos choix de vies nous rendront semblables à Ésaü qui a échangé son droit d'aînesse contre un plat de lentilles. Jésus nous donne la capacité de vaincre : « Ils l'ont vaincu à cause du sang de l'Agneau et à cause de la parole de leur témoignage ; et ils n'ont pas aimé leur vie jusqu'à craindre la mort » (Ap 12.11).

Le discours de Jésus stigmatise la recherche de l'approbation du monde. C'est une tentation logique à laquelle est exposé tout disciple et tout responsable d'église, qui doit affronter cette épreuve pour finalement, soit la surmonter, soit y succomber. C'est la recherche de cette approbation qui conduit l'Église à se conformer à certains aspects du siècle présent, tout en prêchant une Bible qui dit le contraire. Jésus condamne la recherche de l'approbation du monde : « Malheur, lorsque tous les hommes diront du bien de vous » (Lc

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6.26). C'est une des clés de l'apostasie. Il n'est pas rare qu'une église gagnée par cette mentalité positiviste cherche l'approbation des hommes et vise à rentrer dans les rangs de la société, afin d'être reconnue. Mais ce n'est pas la pensée de Jésus, ni dans son message, ni dans son exemple.

Si l'Église devient ainsi perméable à l'esprit du monde, celui-ci ne pourra plus y être condamné, car il aura introduit ses pratiques avec lui. C'était la pensée de Constantin qui a fusionné le christianisme et le paganisme, et il en est sorti le catholicisme. Le but du disciple n'est pas l'instauration du bien et la condamnation du mal, mais d'incarner la royauté de Jésus. La mission de l'Église est d'amener à Christ toute âme d'homme perdu pour qu'il soit sauvé et devienne à son tour un disciple. C'est Christ que nous sommes appelés à prêcher, ce n'est pas le Bien, ni la Vérité, ni même la Justice. Ces vertus découlent de Christ seul. Le chemin qui consiste à prêcher le Bien, la Vérité et la Justice est meilleur que beaucoup d'autres, mais il ne mène pas obligatoirement à Christ. Il peut mener à un Dieu humain, fait à l'image de l'homme. Beaucoup de religions détournent les hommes de Christ par cette approche toute humaine. Les organisations mondiales et beaucoup d'ONG vont dans le même sens. Les grandes oeuvres chrétiennes du passé, telle la Croix Rouge ou l'Armée du Salut, et même aujourd'hui Vision Mondiale, se sont laissés prendre au piège. Quand nous cherchons l'approbation du monde, nous cherchons plus ou moins consciemment à rendre le message de Jésus plus acceptable, plus conforme aux standards mondains. Ce faisant, nous dénaturons l'Évangile, et nous marchons en ennemis de la croix et donc de Christ.

6. La Perte de l'Unité

Une autre conséquence est l'égoïsme grandissant au sein du peuple de Dieu. Certes, une des causes est la déstructuration rapide de la société burkinabé qui est passée d'une organisation coutumière villageoise avec son excellent système d'entraide à une situation citadine plus dure à vivre, où chacun ne peut souvent compter que sur soi-même. C'est cette

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situation, malgré les efforts fournis par l'Église et certains fidèles en matière d'oeuvres sociales, qui se retrouve aujourd'hui au sein de l'Église elle-même et contribue à son déclin spirituel. En effet, le plus grand commandement qui est d'aimer Dieu est immédiatement suivi par celui d'aimer son prochain comme soi-même (Mt 22.39), chose rare dans l'Eglise, que ce soit au Burkina Faso ou ailleurs.

7. Des Âmes en Souffrance par Manque de Berger

L'une des activités des bergers est le soin qu'ils doivent apporter aux brebis. Or, ils n'ont souvent plus le temps de le faire. Pour beaucoup, la recherche des moyens de subsistance monopolise la majeure partie de leur temps. Pour d'autres, la course aux biens de ce monde est plus importante que le souci des âmes. Les brebis sont tondues, bien tondues, mais elles ne sont pas nourries. Les visites pastorales sont rares, sauf cas d'extrême gravité physique ou urgence. Si un élève-pasteur ou un stagiaire prend l'initiative de visiter le troupeau, on le soupçonne de vouloir détourner les âmes pour faire une division et démarrer sa propre église Le suivi des nouveaux convertis est souvent laissé aux bons soins de laïcs souvent eux-mêmes en grand besoin spirituel. La nourriture qui est nécessaire aux brebis est souvent cherchée sur Internet ou dans les archives, d'où on réchauffe les plats rassis. Le troupeau n'est pas protégé des loups ravisseurs ni des faux docteurs. Pourtant, il y a 2.600 ans, le Seigneur avertissait déjà : « Malheur aux bergers qui détruisent et dispersent le troupeau de mon pâturage, dit l'Éternel » (Jr 23.1), et d'ajouter : «Mon peuple est un troupeau de brebis perdues ; leurs bergers les égaraient, les faisaient errer par les montagnes » (Jr 50.6). Jésus lui-même souligne que le mercenaire (celui qui exerce le pastorat pour se servir soi-même) ne se met point en peine des brebis (Jn 10.13).

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8. Passer à Côté du Plan de Dieu

La mission que le Seigneur nous a ordonnée est claire : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez- leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde » (Mt 28.19-20), et « Vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre » (Ac 1.8). Comment remplir la mission que le Seigneur nous a confiée, pour laquelle il a donné son Esprit Saint, sans réagir au déclin spirituel actuel. Les anciens diront : « Au début, il n'en était pas ainsi. On avait l'habitude des sacrifices. Aujourd'hui, les jeunes veulent tout et tout de suite. » Ils n'ont certes pas tort, bien que beaucoup se soient engraissés par l'exercice d'un certain type de ministère. Rappelons que nous avons un rendez-vous auquel nous ne pouvons pas nous soustraire, avec le divin juge.

9. Le Relativisme

Notons enfin que les influences de la théologie libérale se développent maintenant aussi dans l'Église, notamment auprès des jeunes. De nombreuses vérités de la Bible sont ainsi relativisées. Qu'est-ce que le relativisme ? C'est la position philosophique qui sous-tend que tous les points de vue sont valables et que toute la vérité est relative à l'individu. Or, cette proposition n'est pas logique, car elle se contredit elle-même. En effet, si toute la vérité est relative, alors la déclaration « Toute la vérité est relative » devrait être absolument véritable. Si elle est absolument véritable, alors, tout n'est pas si relatif et la déclaration selon laquelle « Toute la vérité est relative » est fausse. Et on pourrait poursuivre ce débat si le temps nous le permettait. Ce qui est surtout important à retenir, c'est que, en temps de déclin spirituel, la vérité est remise en cause. Le doute s'installe. On commence à relativiser les vérités bibliques. On revient à Genèse 3.1 : « Dieu a-t-il réellement dit ? ».

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway