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Représentations et apprentissage de l'anglais en milieu scolaire francophone au Cameroun: cas des élèves du lycée d'Ebolowa

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par Charles Lwanga BOUH ma SITNA
Université Jean Monnet de Saint-Etienne - Master 2 recherche 2016
  

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Chapitre 5 : Discussion autour des résultats obtenus

Nous terminons notre recherche par la discussion des résultats obtenus. En effet, l'analyse des questionnaires, des entretiens passés auprès de nos apprenants et des observations de classe que nous avons confrontées à plusieurs travaux de recherche, nous amènent à poser un certain nombre de remarques à la suite desquelles nous allons faire des propositions qui vont dans le sens de la motivation et de l'amélioration de l'apprentissage des langues chez nos élèves.

5.1. Corrélation apprentissage et fonction utilitaire de la langue

Le premier point essentiel que révèle ce travail est qu'il existe une corrélation entre l'apprentissage d'une langue et l'intérêt que les apprenants portent à cette langue. En d'autres termes, pour s'intéresser à apprendre une langue les élèves se poseraient la question de savoir quelle est l'utilité d'apprendre cette langue dans leur environnement sociodidactique. La fonction utilitaire de la langue peut être immédiate (proche) ou lointaine.

Lorsque la langue présente une fonction utilitaire immédiate, les apprenants se montrent favorables à l'apprentissage, ils développent des représentations positives qui influent positivement sur l'apprentissage. La fonction utilitaire immédiate d'une langue est une motivation suffisante pour impulser l'apprentissage d'une langue chez les élèves. Ce constat nous l'avons fait avec le latin chez les enfants de sixième. Il est clairement établi chez ces enfants que le latin est une langue qui leur permet d'appréhender la langue française. Ils en sont conscients d'où l'intérêt qu'ils portent à cette langue. Cette conscience de la fonction utilitaire proche d'une langue s'applique aussi au français qui devient une langue de plus en plus usuelle chez les apprenants au point où une double diglossie LO1 langue haute - LO2 langue basse ; LO1 langue haute - LM langue basse s'est installée dans la communauté linguistique. L'espagnol est une autre illustration d'une langue à fonction utilitaire proche. En tant que "langue du pays voisin" elle suscite de l'intérêt. En effet depuis la fin des années 90 la Guinée Equatoriale est devenue un pays producteur de pétrole ce qui fait de lui un pôle d'immigration de nombreuses populations africaines. Cette situation économique a une influence sur les usages de l'espagnol (première langue officielle de Guinée Equatoriale) au Cameroun et particulièrement à Ebolowa qui est une ville de transit vers cette destination. On a pu le percevoir chez les élèves de sixième qui n'apprennent pas explicitement cette langue mais qui en savent davantage sur elle :

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OBS-P.

257/Prof : Parlons un peu de l'allemand et de l'Espagnol. Vous utilisez ces langues ?

258/ Stéphanie : quelques petits mots en espagnol...

259/ J-Stéphane : quelques petits mots

260/ Prof : vous les avez appris où ?

261/ J-Stéphane : Chez ma soeur, elle fait 1ère Espagnol

262/ Stéphanie : Ma tante est en Guinée Equatoriale

263/ Hyacinthe : Quelques petits mots, j'ai appris à la télé.

266/ Prof : Vous connaissez l'Espagne ?

267/ Justine : moi je connais une de ses villes qu'on appelle Buenos Aires.

268/ Rémi : [conteste] ce n'est pas en Espagne c'est au Brésil.

Justine, Stéphanie, J-stéphane et Hyacinthe sont des élèves de sixième et cinquième qui connaissent l'espagnol hors du milieu scolaire. Et même s'ils peuvent se tromper sur certaines informations culturelles, leur promptitude à s'exprimer sur l'espagnol prouve l'intérêt qu'ils ont pour cette langue.

Lorsque la langue présente une fonction utilitaire lointaine, les représentations sont négatives et l'apprentissage suscite peu d'intérêt chez l'apprenant. C'est le cas de l'anglais. L'anglais est langue officielle et les représentations dans les usages de cette langue sont positives (politesse, emploi, langue patrimoniale, langue de prestige), mais les fonctions utilitaires de l'anglais paraissent très distantes des préoccupations du vécu quotidien des apprenants. Les usages de l'anglais langue des opportunités d'emploi, langue internationale, langue patrimoniale n'expriment pas les préoccupations immédiates des apprenants et quand bien même c'est le cas comme avec les usages de l'anglais langue de politesse ou encore langue de communication ou d'expression, les fonctions utilitaires achoppent sur le statut de cette langue qui est minorée et dominée dans l'environnement sociodidactique francophone et ne sert pas de moyens d'expression aux apprenants.

La fonction utilitaire de la langue est centrale dans l'apprentissage. Les apprenants fondent leur apprentissage autour d'une motivation qui est une donnée de leur environnement scolaire, familial ou simplement social. C'est cette motivation qui impulse l'apprentissage. L'une des attitudes à adopter dans le processus d'enseignement apprentissage de l'anglais consisterait ainsi à identifier une ou des motivation(s) appropriées et à en faire un ou des catalyseur(s). Toutefois, la motivation peut être obstruée par certains facteurs liés aux interactions en classe de langues. Notamment la norme pédagogique ou didactique, les

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effectifs pléthoriques ou encore une application déséquilibrée des activités en classe de langue.

5.2. Expansion du français

Le français s'impose de plus en plus comme moyen de communication chez les apprenants à cause de ses fonctions utilitaires au sein de la communauté estudiantine. C'est la langue d'intercompréhension entre les élèves de langues maternelles et de cultures différentes. C'est la langue qu'ils utilisent dans les situations de communication officielles : lieux et services publics. Elle intègre de plus en plus de familles et représente aux vues des statistiques 13% d'élèves langues maternelles et 20% d'usage en famille. Cette poussée expansionniste du français, si elle sert les besoins d'apprentissage, demeure néanmoins un phénomène dangereux pour l'écologie des langues chez les apprenants car elle contribue à la mort des LM et de la LO2. Il serait nécessaire dans le souci de préserver la diversité linguistique et culturelle d'envisager dès à présent une politique linguistique éducative qui permette une gestion écolinguistique équilibrée des langues dans les établissements scolaires.

5.3. Les langues supports-d'apprentissage

Le français et les langues maternelles ressortent comme les principales langues sur lesquelles 75% des apprenants s'appuient pour pratiquer l'anglais. En effet, il a été scientifiquement démontré que l'acquisition d'une deuxième langue ne se passe pas comme celle de la langue maternelle. La langue maternelle s'apprend de façon inconsciente tandis que la langue étrangère ou mieux la deuxième langue (souvent étrangère) s'apprend de façon consciente. Les rapports entre la langue maternelle et la langue étrangère dans l'apprentissage sont explicitées par Vigotski (2009 :376) en ces termes :

Lorsque l'enfant assimile une langue étrangère, il dispose déjà dans sa langue maternelle d'un système de significations qu'il transfère dans l'autre langue. Mais inversement aussi l'assimilation d'une langue étrangère fraie la voie à la maîtrise des formes supérieures de la langue maternelle. Elle permet à l'enfant de concevoir sa langue maternelle comme un cas particulier du système linguistique et, par conséquent, lui donne la possibilité de généraliser les phénomènes propres à celle-ci, ce qui signifie aussi prendre conscience de ses propres opérations verbales et les maîtriser. De même que l'algèbre est une généralisation et donc une prise de conscience des opérations arithmétiques et leur maîtrise, le développement d'une langue étrangère sur la base de la langue maternelle signifie une généralisation des phénomènes linguistiques et une prise de conscience des opérations verbales, c'est-à-dire leur traduction sur le plan supérieur d'un langage devenu conscient et volontaire.

Le rôle de la langue maternelle ou de la première langue a toujours été controversé dans l'apprentissage d'une deuxième langue. Pendant que certains estiment que la langue étrangère

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doit être proscrite car elle bloque l'apprentissage d'une deuxième langue par l'ancrage c'est-à-dire la difficulté de l'apprenant de se départir de celle-ci, des études récentes démontrent l'importance des LM ou L1 dans l'acquisition d'une LE ou L2. En effet, Les apprenants prennent appui sur leur langue maternelle pour aborder la langue cible, en cherchant les similitudes lexicales et syntaxiques. Nous l'avons remarqué en étudiant les marques transcodiques, les élèves s'appuient sur certaines structures de la LM ou de la LO1 pour apprendre l'anglais LO2. Ce constat est en contradiction avec les méthodes didactiques mises en place par les institutions et qui prônent la pratique du monolinguisme en classe de langue. Il révèle le rôle important que jouent la langue maternelle ou la première langue étrangère dans l'apprentissage d'une deuxième langue en même temps qu'il relève l'inefficacité de la pratique du monolinguisme en classe de langue. L'enseignement de l'anglais pour être efficace à ce point de vue, doit prendre en considération les exigences individuelles des apprenants et leurs origines sociales. L'usage de la LM ou de la L1 dans le cadre qui nous concerne peut s'avérer utile pour présenter une activité, inviter les élèves à participer, éclairer les zones d'ombre, fournir des explications métalinguistiques. L'usage de la langue maternelle décomplexe les apprenants et leur procure un sentiment de sécurité linguistique qui instaure un climat de confiance et de chaleur pendant le cours. A contrario, le monolinguisme est un frein aux interactions entre élèves et enseignants et de ce fait ne favorise pas l'apprentissage. L'usage d'une seule langue lors de l'apprentissage a souvent pour corollaires les silences et le mutisme qui créent une rupture interactionnelle et empêche l'apprentissage de suivre son cours normal.

5.4. Des méthodes traditionnelles vers une approche plus innovante de l'enseignement des langues.

Notre étude indique que la méthode directe est en vigueur dans les classes de langue anglaise. Que cette méthode est rejetée par 75% des apprenants obligeant 66,67% des enseignants à changer leurs habitus scolaires en classe s'ils veulent travailler avec le maximum d'apprenants. La méthode directe voit le jour dans une circulaire du 15 novembre 1901 relative à l'enseignement des langues vivantes et instructions annexes dans l'enseignement secondaire français. Elle sera « imposée brutalement » à tous les professeurs par la réforme de 1902 à tel point que Puren la qualifie de « coup d'Etat pédagogique ».

Cette méthode est utilisée vers le début du 20e siècle car la société française qui connaissait des mutations importantes avait besoin d'un outil de communication qui favorise le développement des échanges économiques, politiques, culturels etc. De plus, face à la

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première guerre mondiale, la France a eu grand besoin d'initier ses soldats aux langues étrangères.

Le méthodologue allemand Wicker Hauser cité par Puren (1988 :64) l'explicite en ces termes :

Éviter la langue maternelle n'est pas la seule particularité de la méthode directe. Nous

allons appeler nouvelle méthode ou méthode directe celle qui évite :

1° le détour par la langue maternelle,

2° le détour par l'orthographe,

3° le détour par des règles de grammaire superflues.

Ch. Schweitzer26 la définit comme suit :

la méthode directe est celle qui enseigne les langues sans l'intermédiaire d'une autre langue antérieurement acquise. Elle n'a recours à la traduction ni pour transmettre la langue à l'élève, ni pour exercer l'élève à manier la langue à son tour. Elle supprime la version aussi bien que le thème.

En effet, pour interpréter les mots, elle les associe à la vue des choses et des êtres ; à l'intuition de leurs attributs et de leurs modifications ; à la perception de leurs rapports réciproques ; enfin elle associe les mots aux actions des êtres

.

La méthode directe s'applique aujourd'hui dans nos établissements dans l'enseignement de l'anglais à l'oral comme à l'écrit. Toutefois elle a toujours été l'objet de vive controverse entre enseignants, et surtout entre enseignants et inspecteurs pédagogiques. Les premiers soutenant que par empirisme, cette méthode est intenable et les autres affirmant que les élèves que nous enseignons ne sont pas des tabula rasa par conséquent il est possible d'enseigner l'anglais sans avoir recours à une quelconque autre langue. Cette divergence de points de vue qui divise la communauté des enseignants de langues entre les partisans d'une prohibition totale du français et des LM au cours d'anglais et les partisans de l'usage du français au cours d'anglais a fini par convaincre chaque enseignant à faire jouer son expérience de terrain. La question fait généralement rage lors des séminaires pédagogiques organisés par les inspecteurs. Ce désaccord est la preuve qu'une révision ou harmonisation de méthode est aujourd'hui nécessaire pour faire évoluer l'enseignement de l'anglais au Cameroun.

5.5. La compétence plurilingue des apprenants comme point de départ d'une didactique du plurilinguisme

L'analyse de notre corpus a démontré à suffisance que les élèves de notre école sont plurilingues c'est-à-dire qu'ils disposent de la compétence plurilingue et pluriculturelle, « la compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement d'un acteur social qui possède, à des degrés divers, la maîtrise de plusieurs langues et l'expérience de plusieurs

26 Enseignement de la langue allemande, Première année, Livre du maître, A. Colin, 1904, Avant-propos, p. V

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cultures. » Ils sont tous issus des milieux où l'on pratique plusieurs langues. Ils sont effectivement plurilingues dans la vie de tous les jours, dans leurs représentations des langues et dans leurs pratiques langagières. A ce sujet, Maurer (2010 : 174) fait d'ailleurs remarquer que :

Dans les sociétés africaines, la compétence plurilingue est souvent de règle. Un enfant parle/comprend à des degrés divers souvent plusieurs langues, celle du père, de la mère, du quartier. Dans des villes fortement multilingues, il est rare qu'il n'ait été exposé qu'à une seule langue et, pour reprendre la métaphore liquide, la fluidité est importante, le passage d'une langue à une souvent autre aisé et naturel, au gré des facteurs sociolinguistiques motivant l'emploi.

Par contre, le cours de langue anglaise parait comme un environnement où cette identité plurilingue leur est refusée. « ... le plurilinguisme des sujets ne se retrouve que fort peu dans l'institution scolaire. » Le plurilinguisme de fait des apprenants opposé au monolinguisme des classes de langue est un antagonisme qui nécessite d'être levé en instituant la didactique du plurilinguisme dans les établissements scolaires. Le concept de didactique du plurilinguisme est né en 1995. C'est une perspective en construction dans le champ de la didactique des langues dont la finalité n'est pas d'enseigner la maitrise parfaite d'une langue, mais d'enseigner comment construire et développer un répertoire langagier dans lequel il ya plusieurs langues centré sur la rencontre avec l'autre et sur les modalités de cette rencontre. Contrairement à la didactique d'une langue particulière qui se focalise sur la langue-cible, la didactique du plurilinguisme s'intéresse davantage à ceux qui apprennent la langue. Beacco (2008) l'exprime mieux lorsqu'il écrit :

l'éducation plurilingue repose sur le principe que chacun est capable de s'approprier les langues dont il a besoin pour sa vie personnelle, professionnelle ou esthétique / culturelle, au moment où il le souhaite. Le rôle de l'École consiste à développer le potentiel langagier dont chacun dispose, comme elle s'emploie à développer les capacités cognitives, créatives ou physiques. Son rôle est de faire aimer les langues, toutes les langues, pour que les individus cherchent à en apprendre tout au cours de leur vie.

Au vu des résultats obtenus de l'observation des activités d'enseignement apprentissage en classe d'anglais au cours de cette recherche, nous pensons que l'expérience d'une éducation plurilingue mérite d'être tentée dans l'enseignement de l'anglais voire des langues dans leur ensemble au Cameroun. Cette expérience dont l'avantage sera de légitimer les usages et pratiques plurilingues des apprenants que nous avons décrits au chapitre précédent, permettra d'organiser une éducation plurilingue. Il ne s'agira plus simplement d'enseigner l'anglais en le dissociant des autres langues que pratiquent nos élèves mais d'inscrire l'enseignement de l'anglais dans l'ensemble des pratiques et des apprentissages. En d'autres termes, il s'agira d'enseigner l'anglais en acceptant les mélanges et les métissages, en privilégiant l'esprit de rencontre et d'acceptation à l'altérité.

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5.6. Développer une éducation plurilingue en milieu scolaire francophone : quelques propositions

L'analyse des représentations et des pratiques de nos élèves en cours de langue que nous avons entreprises dans ce mémoire nous amène à postuler que pour motiver l'apprentissage et améliorer les performances scolaires de nos apprenants en anglais il faut enseigner une didactique qui prenne en compte le plurilinguisme des élèves. Pour ce faire, un certain nombre de mesures nécessitent d'être prises.

5.6.1. Reconstruire les représentations du bilinguisme

En examinant les représentations sur le bilinguisme (cf. section 4.1.6.), nous avons constaté que les représentations du bilinguisme sont bien ancrées dans la société où vivent nos élèves. Ces représentations qui présentent le bilinguisme comme un double monolinguisme influencent l'apprentissage de l'anglais chez nos élèves de manière défavorable. Pour cette raison, il faut les déconstruire et reconstruire de nouvelles représentations. Nous avons également constaté que les représentations du bilinguisme se construisaient et se diffusaient au moyen de certains instruments de vulgarisation de politiques linguistiques que sont les textes officiels, les médias, l'école voire les centres linguistiques régionaux. Ces mêmes instruments peuvent être utilisés efficacement pour reconstruire de nouvelles représentations du bilinguisme.

5.6.1.1. Réécriture des lois linguistiques

Nous avons noté au cours de notre étude que la constitution de la République du Cameroun27 faisait la part belle aux langues étrangères dans l'énonciation de son article 1 alinéa 3. La proéminence des langues officielles « d'égale valeur » dans ce texte et leur assimilation au bilinguisme n'ont fait que créer un sentiment d'insécurité linguistique qui a débouché sur un repli identitaire des Camerounais sous les étiquettes de francophones ou anglophones avec pour conséquence le rejet de leurs identités linguistiques et culturelles propres. Reconstruire les représentations du bilinguisme consisterait d'une part à mettre en exergue non pas les langues officielles mais le caractère multilingue du Cameroun dans l'écriture des textes de lois et d'autre part à effacer l'image du bilinguisme comme le fait de pratiquer l'anglais et le français. A cet effet, le législateur pourrait se contenter de nommer les langues sans plus de précision ou d'orientation politique et laisser le citoyen décider en fonction de ses besoins

27 « Article 1er 3) La République du Cameroun adopte l'anglais et le français comme langues officielles d'égale valeur. L'État garantit la promotion du bilinguisme sur toute l'étendue du

territoire. Il oeuvre pour la protection et la promotion des langues nationales. »

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sociaux quelles langues il va pratiquer. De même, toutes les lois linguistiques (décrets, arrêtés, décisions etc.) devraient ressortir le caractère plurilingue et pluriculturel de la société camerounaise

5.6.1.2. Les médias

Le rôle des médias est essentiel dans la reconstruction des représentations du bilinguisme. Les médias diffusent des programmes à longueur de journées (informations, musiques, documentaires, débats etc.) Le choix des langues de diffusion est un aspect important. Habituellement, les langues de diffusion les plus fréquentes dans les médias au Cameroun sont les langues officielles. Cependant dans l'optique de reconstruire les représentations et de développer une éducation plurilingue, les médias pourraient promouvoir les programmes où le français et l'anglais sont utilisés en alternance, accorder plus d'espace aux programmes en langues nationales et promouvoir les émissions d'apprentissage de langues maternelles.

5.6.1.3. Le rôle des centres linguistiques régionaux

Pour mettre en oeuvre sa politique de bilinguisme officiel, le gouvernement camerounais a mis sur pied un instrument qui aiderait l'école ordinaire à vulgariser le bilinguisme français/anglais auprès des travailleurs et chercheurs d'emplois à travers le Programme de Formation Linguistique Bilingue (PFLB). Il s'agit des centres linguistiques régionaux implantés dans les 10 chefs lieux de régions du pays : Yaoundé, Douala, Bafoussam, Garoua, Buéa, Bamenda, Ngaoundéré, Ebolowa, Maroua et Bertoua. Chaque centre est constitué de deux départements : le département de français et le département d'anglais. Dans chaque département, les cours s'étalent du niveau "débutant" au niveau "supérieur". Dans le souci de développer une éducation véritablement plurilingue, L'Etat pourrait faire jouer à ces centres le rôle véritable de centre linguistique en leur adjoignant un département des langues nationales et un département de recherche en langues nationales. Dans une section précédente (chap.5 section 5.3) nous avons relevé l'importance des langues maternelles dans l'apprentissage d'une langue étrangère. Etendre l'enseignement des langues dans les centres linguistiques aux langues nationales participerait du développement des langues maternelles et à l'évolution des représentations de ces langues qui ne seront plus perçues comme des langues familiales mais comme des langues disposant d'une plus-value reconnue dans l'apprentissage d'autres langues et notamment des langues étrangères.

5.6.2. Définir un cadre de référence pour l'enseignement/apprentissage des langues

L'un des défis majeurs que doivent relever les institutions en matière d'enseignement de l'anglais est de se doter d'un cadre de référence en matière d'enseignement et d'apprentissage des langues. Nous pensons que l'expérience du Cadre européen commun de référence des langues (CECRL) pourrait servir à concevoir un outil de référence qui tienne compte de ce qui se pratique au niveau international en l'adaptant aux réalités locales.

5.6.2.1. Qu'est-ce que le CECRL et en quoi son expérience peut servir au Cameroun ?

Le Cadre européen commun de référence des langues est l'outil de base harmonisé conçu pour l'enseignement des langues en Europe. C'est le fruit de plusieurs années de recherche linguistique menées par des experts des Etats membres du Conseil de l'Europe (CE). Ce document paru en 2001 se définit comme un instrument dont les objectifs sont de repenser les méthodes d'enseignement des langues et de fournir une base commune aux Etats membres du CE pour la conception des programmes, diplômes et certificats. Le CECRL reconnait quatre éléments majeurs de l'enseignement des langues : Les niveaux communs de référence, le découpage de la compétence communicative en activités de communication langagière, la notion de tâche et la redéfinition de la compétence de communication.

- Les niveaux communs de référence

Ils distinguent les différents niveaux d'apprentissage dont trois niveaux généraux et six niveaux communs. Ils permettent de situer et de faire travailler l'apprenant sur une échelle de maitrise de la langue partant de A1 à . Le niveau de référence de chaque élève est déterminé en fonction des compétences à atteindre. Ces compétences sont libellées comme suit :

108

 

Collège 1

 
 

Ecole

Collège 2

Lycée

 

- Découpage de la compétence communicative en activités de communication langagière

On distingue les activités langagières suivantes :

? La réception : écouter, lire

·

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la production : s'exprimer oralement en continu, écrire

· l'interaction : prendre part à une conversation

· la médiation (activités de traduction et d'interprétation )

- La notion de "tâche"

Elle est associée à l'approche actionnelle et stipule que l'élève est un acteur social qui parle pour faire quelque chose et agit en conséquence pour résoudre les tâches quotidiennes. En d'autres termes, l'usage d'une langue s'accompagne d'actions accomplies par le locuteur qui est en même temps un acteur social.

La tâche est donc une situation-problème orientée vers un but à atteindre qui se réalise en collaboration, incite à la communication entre apprenants et aboutit à un résultat concret connu des élèves.

- La redéfinition de la compétence de communication

Elle repose sur trois grandes composantes : la composante linguistique, la composante sociolinguistique et la composante pragmatique.

· La composante linguistique a trait aux savoirs et savoir-faire liés au lexique, à la syntaxe à la phonologie etc.

· La composante sociolinguistique elle englobe les aspects liés aux indices relations sociales : registres de langue, règles de politesse, spécificités culturelles, expression de sagesse populaire, dialecte, idiolecte, accent...

· La composante pragmatique relève de la connaissance des codes, du choix des stratégies discursives (elle répond à comment faire pour ... écrire à un ami, répondre au téléphone etc..)

En suggérant un cadre de référence des langues pour l'enseignement des langues au Cameroun nous ne pensons pas à une opération de copier-coller qui consisterait à transposer

le CECRL à l'enseignement des langues au Cameroun tel quel. Il s'agit de s'inspirer des

avantages qu'offre ce manuel déjà disponible pour définir avec précision les orientations de
l'enseignement des langues dans ce pays. Certes, le guide a été conçu dans un contexte plus

global, l'Europe, mais la diversité linguistique et culturelle du Cameroun est un motif

suffisant pour s'en inspirer. Concrètement, le manuel pourra s'avérer utile pour aider à doter
les langues d'un cadre qui fixe des objectifs d'apprentissage et d'évaluation raisonnables et

rationnels ainsi que des niveaux de compétences à atteindre par les apprenants. On pourra également s'en inspiré dans l'amélioration de la qualité des programmes d'apprentissage et la définition du type d'activités langagières à mener en cours de langue. En effet jusqu'à

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l'heure actuelle, les programmes officiels publiés par le Ministère des enseignements secondaires ont été les seuls cadre de référence en matière d'enseignement de l'anglais et beaucoup de chercheurs se sont accordés à reconnaitre la consistance de leur contenu tout en s'étonnant qu'ils produisent des résultats très inférieurs à ceux escomptés en fin de formation des élèves. Nkwetissama (2012:518)

Mais d'après une grande majorité des enseignants, les contenus de ces programmes sont denses, redondants et imprécis. Leur révision entreprise dans le cadre de l'implémentation de l'approche par les compétences depuis 2012 aura contribué à les rendre plus spécifique (en 6e et 5e) mais les notions à dérouler sont toujours aussi nombreuses et dans le contexte d'enseignement avec des classes pléthoriques que nous connaissons (60 à 65 élèves en moyenne par classe), il n'est souvent pas possible de couvrir tous les aspects d'une notion. Un cadre de référence servirait à définir avec précision les contenus des savoirs à enseigner, à identifier les besoins sociaux des apprenants et à faire de ces besoins les objectifs d'apprentissage pour enseigner ce qui leur est utile à l'usage de la langue qu'ils apprennent. Dans le même sillage, on pourra y définir le type d'activités langagières à mener au cours de langue et proposer des méthodologies pour l'enseignement des langues.

5.6.3 Développer la conscience plurilingue chez les enseignants d'anglais

Jusque là, notre thématique des représentations et apprentissage de l'anglais s'est essentiellement concentrée sur les élèves car nous avons voulu éviter de nous disperser sur plusieurs variables à la fois. Qu'à cela ne tienne, nous avons pu constater qu'au cours de cette étude, certains faits nécessitaient que l'on s'attarde un tant soit peu dessus pour comprendre l'importance du rôle de l'enseignant dans l'apprentissage de l'anglais chez nos apprenants.

En abordant la question des pratiques d'apprentissage et d'enseignement en section 3.4.2., nous avons fait remarqué que les contingences liées soit à la situation économique des élèves et des établissements scolaires (très peu d'élèves disposent du manuel scolaire et la bibliothèque ne dispose pas de stocks suffisants pour toutes les classes) soit à un constat d'inadéquation entre la norme didactique et les situations d'enseignement-apprentissage ont amené les enseignants à s'éloigner des méthodes didactiques qui leur ont été prescrites pour se rabattre sur des pratiques qui leur permettent tout au moins de fournir l'essentiel des connaissances de la langue aux apprenants. Par ailleurs nous avons constaté en section 5.4. que devant le rejet par 75% d'élève de la méthode directe, 66,67% d'enseignant pour pouvoir travailler avec le maximum d'apprenants. Ces faits sont la preuve que l'enseignant a

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conscience de vivre dans une société plurilingue qui requiert certaines conditions pour une mise en place d'une nouvelle didactique. L'enseignant qui se met à la place de l'apprenant se rappelle sans doute qu'au cours de son apprentissage, il était soumis lui aussi aux mêmes conditions d'apprentissage et que d'un point de vue cognitif il est impossible d'arrêter son cerveau, de lui empêcher de faire des mélanges. Par conséquent, la solution, loin d'être l'imposition d'une méthode déniée par les apprenants, serait plutôt l'adoption d'une méthode qui prenne en compte la manière dont ses élèves plurilingues font usage de langues. Cette conscience plurilingue de l'enseignant ne peut se généraliser que par la formation car la formation joue sur la réceptivité des enseignants à de nouvelles didactiques. D'où l'importance d'enseigner la didactique du plurilinguisme systématiquement dans les écoles normales du pays.

5.6.4. Apporter des innovations didactiques et pédagogiques à l'apprentissage de l'anglais en milieu scolaire francophone au Cameroun.

L'étude des représentations et pratiques laisse voir que des innovations didactiques et pédagogiques peuvent être apportées à l'enseignement de l'anglais dans nos établissements scolaires. Au regard du plurilinguisme qui se manifeste comme une réalité du vécu quotidien de nos apprenants, il va de soi qu'une sociodidactique qui tient compte de ce plurilinguisme constituent une innovation pédagogique adaptée à leur apprentissage. Elle pourrait s'exprimer sous diverses approches.

5.6.4.1. L'approche interculturelle Blanchet (2007 :21) affirme que

L'idée fondatrice de cette approche est de s'intéresser à ce qui se passe concrètement lors d'une interaction entre des interlocuteurs appartenant, au moins partiellement, à des communautés culturelles différentes, donc porteurs de schèmes culturels différents, même s'ils communiquent dans une langue (apparemment) partagée. Il s'agit alors de prévenir, d'identifier, de réguler les malentendus, les difficultés de la communication, dus à des décalages de schèmes interprétatifs, voire à des préjugés (stéréotypes, etc.).

En réalité, elle participe de la nécessité d'intégrer la dimension culturelle à l'enseignement des langues, d'adjoindre les compétences culturelles aux compétences communicatives car la langue véhicule et transmet une culture tout comme la culture détermine les habitus linguistique d'une communauté. Plusieurs observations que nous avons faites dans le cadre des descriptions des représentations nous permettent d'affirmer son importance :

La perception et la préférence des variétés d'anglais chez nos apprenants (section 4.1.5.1.2.3.) ont révélé que 60% perçoivent que c'est l'anglais camerounais qu'ils apprennent à l'école et 53,34% préfère apprendre cette variété-là. La perception et la préférence par une

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large majorité de l'anglais camerounais peut être perçu comme un repli identitaire qui procure aux apprenants une sécurité linguistique. En d'autres termes, enseigner efficacement l'anglais à nos élèves pourrait consister à créer des occasions d'interactions entre les élèves francophones et des élèves anglophones. Concrètement, on pourrait initier des correspondances ou créer des environnements d'apprentissage par immersion (familles, centre de rencontres) entre les élèves des deux communautés linguistiques avec des objectifs d'apprentissage bien prédéfinis.

L'autre aspect sur lequel il serait intéressant de s'attarder dans le cadre de l'interculturel est le type de thématique abordée au cours des leçons. La participation exemplaire de nos élèves pendant l'observation participante (Annexe 3) nous fait penser que les apprenants portent un intérêt particulier pour les thématiques qui sont en lien avec leur environnement immédiat et leur culture. Il serait intéressant d'envisager les activités qui vont permettre à l'apprenant d'intégrer la culture de la langue cible et de voguer entre sa culture et la culture de la langue cible en toute aisance. A titre d'exemple : Pour une leçon sur le tourisme on parlera non seulement des sites touristiques en Angleterre (pays de la langue cible) mais aussi des sites touristiques au Cameroun (pays de la langue maternelle). Cette technique va favoriser la rencontre entre les peuples et cultures, créer des échanges entre les cultures et susciter en même temps l'intérêt pour l'apprentissage de l'anglais. C'est de cela qu'il a été question dans la thématique de "description d'un monstre " dans l'observation participante.

Thématique langue-cible
Monstre (CYCLOPE)

 

Thématique Langue maternelle Monstre (AKPARA, KEMBE,

etc)

Allant dans le même sens dans une recherche précédente, Ebong (2004) propose ce qu'elle appelle "Indigenous techniques of communication" une approche qui concentre l'apprentissage de l'anglais au Cameroun autour des éléments culturels tels que les contes et légendes, les chansons, les devinettes et les proverbes. Cette approche combinée à l'approche communicative, motiveraient l'apprentissage. Mais s'il est vrai que les contes, les légendes, les chansons etc. sont porteurs de schèmes culturels et qu'ils peuvent contribuer à motiver l'apprentissage, il ne faut tout de même pas oublier que tout cela n'est possible que si les apprenants perçoivent la fonction utilitaire de la langue à travers les usages comme cela nous est apparu lors de l'analyse des représentations et pratiques au chapitre précédent. D'où la

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nécessité de trier ces éléments en fonction de leur utilité dans l'environnement sociodidactique des apprenants.

5.6.4.2. La méthode grammaire-traduction

Parmi les innovations didactiques qu'on pourrait suggérer, il y a l'introduction de la méthode grammaire-traduction parmi les méthodologies d'enseignement et d'apprentissage de l'anglais. C'est une méthode qui a prévalu entre la fin du 18e siècle et le début du 19è siècle. Elle consistait en un découpage en parties d'un texte de la langue étrangère, en sa la lecture et en sa traduction mot à mot dans la langue maternelle. Elle présentait la langue étrangère comme un ensemble de règles qui pouvaient être rapprochés de celles des langues maternelles. Cette méthode peut être utile dans l'apprentissage chez nos apprenants à deux niveaux. Tout d'abord comme nous avons eu à le signaler déjà, elle peut s'avérer utile pour présenter une activité, inviter les élèves à participer, éclairer les zones d'ombre, fournir des explications métalinguistiques. Ensuite nous avons découvert que parmi les usages de l'anglais chez nos apprenants la musique représentait 25% des usages et la religion 4.17%. Bien avant de poser cette remarque, certains élèves faisait déjà constater qu'ils aiment la musique américaine et aimerais savoir ce que disent les américains dans leur chansons. La méthode grammaire-traduction pourrait servir de cadre pour exercer les élèves à traduire des musiques de la LO1 ou LM vers la LO2 ou encore des paraboles et histoires bibliques/coraniques. Toutefois pour éviter toute déviance ou dérive doctrinale, les musiques autant que les paraboles ou histoires à traduire devront être sélectionnées rigoureusement et exploitées d'un point de vue purement éducatif et moral. Enfin, il convient de noter tout de même que l'usage de cette méthode ne devra pas se faire à 100% mais avec modération.

5.6.4.3. L'éveil aux langues

Notre analyse a démontré que plusieurs langues sont usitées dans les interactions en classe de langue (cf. section 4.2.1. analyse de l'interlangue des apprenants). C'est un paramètre très important à prendre en compte dans l'apprentissage. Et la meilleure manière de le faire est d'accompagner les apprenants à l'éveil aux langues. Rappelons que L'éveil aux langues est un travail de découverte et de comparaison sur les langues que l'école n'a pas l'ambition d'enseigner. Comme l'explique Candelier (2003 :21)

L'éveil aux langues contribue au développement d'aptitudes métalinguistiques d'observation et d'analyse, et au développement d'attitudes susceptibles de susciter l'intérêt pour les langues et cultures

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et la confiance en ses propres capacités favorables à l'apprentissage des langues qu'il s'agisse des langues apprises à l'école ou non ».

L'éveil aux langues constitue ainsi le cadre qui va permettre à nos élèves de développer leurs aptitudes d''observation et d'analyse, de développer une attitude d'aisance vis-à-vis de toutes les langues de manière à influencer l'apprentissage favorablement.

L'éveil aux langues chez les apprenants francophones concernera les langues de leur environnement sociodidactique en l'occurrence le français, les langues maternelles, les langues vivantes2, le camfranglais et le pidgin-english. Nous avons souligné en section 1.1 que le pidgin-english rythme quasiment toutes les activités de la vie au quotidien chez les camerounais anglophones supplantant ainsi l'anglais sur plusieurs domaines. Il existe donc de ce côté, une diglossie anglais/pidgin-english qui fait que les camerounais francophones qui veulent apprendre l'anglais sont soumis à un double défi culturel et à un double défi linguistique : apprendre l'anglais en intégrant la culture et dialecte camerounais anglophone d'une part et apprendre l'anglais en considérant la culture et le dialecte anglais d'autre part.

Tout compte fait, on peut dire que les remarques résultant de l'analyse des questionnaires, des entretiens et des observations de classe nous ont amené à suggérer que reconstruire les représentations du bilinguisme, définir un cadre de référence pour l'enseignement et l'apprentissage des langues, apporter des innovations didactiques à l'enseignement des langues et développer la conscience plurilingue chez les enseignants sont des mesures qui pourraient contribuer à motiver l'apprentissage de l'anglais chez nos apprenants.

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