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Finitude et destinée humaines chez Maurice Blondel

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par Christophe MABOUNGOU
Université Pierre Mendès-France - Master II 2011
  

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1.3.3. L'apport conceptuel de Leibniz68(*)

La revisitation de la philosophie de Leibniz se perçoit facilement chez Blondel à partir de l'intérêt qu'il attachera à la correspondance de Leibniz avec le Père Des Bosses dès 1879 alors qu'il était encore élève de philosophie à Dijon69(*). Cet intérêt se développera dans sa thèse complémentaire sur Le Vinculum leibnizien70(*) et conforté par l'énigme de 193071(*). Il est remarquable de souligner que Leibniz a joué un rôle déterminant pour notre auteur. Le rôle de médiateur entre les philosophies d'Aristote et de Kant.

En fait, l'hypothèse du vinculum apparaît chez Leibniz, en 1712, dans sa correspondance avec le Père Des Bosses, pour répondre aux difficultés soulevées par la question de la transsubstantiation72(*). De fait, on sait que dans le système classique de Leibniz la réalité qui fonde les apparences consiste tout entière dans la monade qui ne change pas. Il faudrait alors trouver un lien substantiel qui constituerait l'unité organique d'un être vivant, substance composée qui dépasse la multiplicité des monades. Aussi, Leibniz pose-t-il l'hypothèse du Vinculum :

« Si la substance corporelle est quelque chose en dehors des monades, comme il est constant que la ligne est quelque chose en dehors des points, il faudra dire qu'elle consiste en une union, ou plutôt en quelque chose de réel qui unifie et que Dieu ajoute aux monades ».73(*)

Comme on le voit, Leibniz pose le problème en terme d'hypothèse. Elle consisterait donc en une sorte de lien réel compris entre les monades et les phénomènes. À cette étape, la substance composée serait naturellement périssable, et comme telle, ne serait pas différente du corps organique. Et pour y arriver à fonder hypothétiquement l'existence des substances corporelles, Leibniz recourt à l'alternative suivante :

« Ou les corps sont de simples phénomènes et par conséquent l'étendue aussi ne sera qu'un phénomène, et seules les monades seront réelles ; mais l'union sera remplacée dans les phénomènes par l'opération de l'âme qui perçoit; ou bien si la vraissemblance nous pousse à admettre des substances corporelles, cette substance là consiste en cette réalité qui ajoute quelque chose (pourtant substantiel) quoi qu'en flux à ce qui doit être uni. »74(*)

Ce "quelque chose" sera nommé par Leibniz, le Vinculum substantiale. Donc si le fondement des phénomènes était dans les monades au départ, il montre ici que la réalité des corps doit participer d'un lien substantiel. Le but qu'il souhaiterait atteindre est de montrer que si le corps est une substance, il faudrait alors un lien réel pour réaliser les phénomènes.

C'est à partir de l'examen de cette mise au point que Blondel va s'atteler à cette question. De l'aveu même de Blondel, cette hypothèse pose déjà clairement le problème du rapport entre l'idéalisme et le réalisme. Sans doute aussi Blondel reconnait-il expressément que le Vinculum introduit par Leibniz pour justifier la réalité des substances composées n'a jamais eu chez lui qu'un statut d'hypothèse et qu'il ne s'y est jamais rallié entièrement. Mais en dépit des réserves de son propre auteur, on peut estimer que cette hypothèse indique la voie de sortie aux labyrinthes du criticisme. Voici en effet comment Blondel présente le résultat de son étude sur le Vinculum :

« C'est un effort hypothétique, mais sincère de Leibniz, pour définir la condition d'une doctrine réaliste, en fonction de son idéalisme même. Ce Vinculum n'est rien de l'ordre sensible, rien de l'ordre scientifique, il laisse intact tout le monadisme, avec les relations idéales qui le constituent ; or, tout cela restant sauf en son rang, on ne peut en outre concevoir un ordre supérieur, où les composés ne symbolisent pas seulement avec les simples, mais forment une réalité nouvelle par l'union, le lien étant vraiment une nouvelle créature substantielle de la volonté divine, non plus une simple vue de l'entendement, de nos purs phoenomena Dei. »75(*)

On comprend donc que si la doctrine de Leibniz reste marquée par l'existence de deux pentes, idéaliste et réaliste, Blondel va définir un réalisme intégral dont la portée est apte à mieux poser la question du réel. Autrement c'est la question de l'unité de l'agir, de la connaissance et de l'être qui est en jeu. Pour y arriver donc il faut que l'action puisse trouver dans le monde autre chose que des phénomènes utilisables à son gré. Elle devrait rencontrer des réalités organisées qui lui permettent de s'enrichir en les voulant. Et c'est justement ce qui a séduit Blondel dans l'hypothèse du Vinculum proposé par Leibniz. Au lieu de réduire les substances composées à des agrégats dont l'unité n'est jamais que mentale, on admettrait que ces substances ont une unité qui domine leur propre multiplicité. Et donc c'est dans l'action que peut se déployer ce genre de lien. Mais pas n'importe quelle action, il s'agit clairement et exclusivement de l'action voulue en tant que manifestation de la volonté voulante. Du coup, il faut réaliser la synthèse et la conciliation de l'action, de la pensée en conflit avec elle-même, de l'être avec les êtres.

C'est ainsi que dans le commentaire de 1930, Blondel ébauchera un réalisme supérieur qui correspondrait à la manifestation du Vinculum. Le problème qui est posé est bien celui du rapport entre le point de vue de la connaissance et le point de vue de l'être. Si la réalité est morcelée en phénomènes et en choses en soi, son unité reste improbable et impossible et l'être demeure caché. Où trouver alors l'unité de toutes ces dissociations ? c'est dans le vinculum. Il dépasse l'ordre idéal et l'ordre des phénomènes, l'effort d'unité transcende les corps et les monades en les unifiant. Blondel montre alors que le problème du réel ne peut se résoudre dans l'ordre phénoménal mais dans la réalité du vinculum. La réalité du phénomène réside dans le fait d'être à l'intersection ou, plus précisément, d'être le noeud d'une attente intellectuelle et d'une réception sensible76(*). C'est là qu'il faut fonder l'unité sur le lien substantiel. Car il permet d'éviter et d'éliminer l'opposition artificielle qui fragmente la réalité. Aussi peut-il conclure en ces termes :

« Car enfin de quoi s'est-il agi pour Leibniz ? Il s'est agi de savoir si ce qui, à nos sens et à notre entendement, parait complexe et multiple, ne comporte pas, ne manifeste pas une unité réelle, antérieure et supérieure à tout le reste du donné, quoique, dans sa vive et riche indivisibilité, cette unité soit inaccessible aux sens et à tout ce que l'intellect abstractif et discursif bâtit sur les phénomènes comme s'ils étaient l'être même. Leibniz parait bien avoir compris que la véritable assise des choses est autre que ces échafaudages du monde de la représentation, de l'industrie utilitaire et même de la science la plus authentique. [...] Ce qui a donc pour lui tout remis en question, c'est le besoin de rendre compte [...] des réalités concrètes, des ensembles organiques, des êtres complexes à tous les degrés. »77(*)

* 68 Pour une étude détaillée, voir l'article de Claude Troisfonfaines (supra) ; Et surtout la thèse de Diogène BIDERI, Lecture blondélienne de Kant dans les principaux écrits de 1893-1930. Vers un dépassement de l'idéalisme transcendantal dans le réalisme intégral, Editrice Pontificia Università Gregoriana, 1999.

* 69 M. Blondel, Carnets Intimes, I., p. 547.

* 70 Le titre de la thèse latine complémentaire à l'Action, selon l'usage courant à l'époque et dédiée à Emile Boutroux, porte comme titre : De Vinculum Substantiali et de Substantia Composita apud Leinitium (1893). Traduit par Claude Troifontaines. Maurice Blondel, Le lien substantiel et la substance composée d'après Leibniz, Louvain,-Paris, Nauwelaerts, 1972 ; M. Leclerc, l'Union substantielle, Paris, éd. Lessius, 1997.

* 71 Maurice Blondel, Une énigme historique historique. Le Vinculum substantiale d'après Leibniz, Paris, Beauchesne, 1930.

* 72 Voir l'étude détaillée de Xavier TILLIETTE, Philosophies eucharistiques de Descartes à Blondel, Paris, Cerf, 2006.

* 73 Cité par Diogène Bideri, op cit., p.435

* 74 Ibid.

* 75 Cf. A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF., 10è éd. 1968, p. 1209.

* 76 M. BLONDEL, L'Action, p. 453-455.

* 77 Maurice Blondel, Une énigme historique, p. 86-87.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote