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Dynamique familiale et gestion de l'environnement en chefferie de Ngweshe. une analyse praxéo-interdiscursive

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par Pierre BAKENGA SHAFALI
Université Officielle de Bukavu - Doctorat en Sociologie 2012
  

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4.4. Aspects socioreligieux

Avant l'arrivée des colonisateurs belges, les Bashi de Ngweshe comme les peuples du Rwanda et du Burundi croyaient en un Dieu Suprême appelé respectivement Nyamuzinda (celui qui subsistera après tout le reste) pour les Bashi, Imana au Rwanda et au Burundi. Dans la dynamique de la croyance chez les Bashi, nous pouvons relever deux paliers : la croyance en un Etre-Suprême -Dieu à travers la secte de Lyangombe et l'avènement du christianisme à Ngweshe.

1° La secte de Lyangombe

Dans la conception traditionnelle des Bashi, Lyangombe était un esprit très puissant, mais il n'était pas « Nyamuzinda ». Les Bashi faisaient un culte à Lyangombe dans des circonstances telles que le mariage, le retour de bétail du pâturage, lors de la naissance dans une famille, lors d'un voyage d'un parent, le cas de maladie, de famine, de mauvaise récolte, de grossesse, etc.

Dans le culte à Lyangombe, l'officiant principal est le chef de la famille qui prépare les sièges :

Un siège pour Lyangombe (le chef des esprits), pour Muhima (esprit mâle qui est l'adjoint à Lyangombe), pour Nabinji (esprit femelle), pour Kangere (esprit mâle mais moins important que les deux premiers. Les disciples de Lyangombe étaient appelés des «  Emmandwa » dont les principaux sont ceux cités ci-haut. Il y en avait d'autres de second rang tels que Banganiregeko, Nyakatorogoza, Mushambaza wa banji, Nyakanege, Binege bya Kajumba, etc.

Une fois les sièges préparés, l'officiant apprête les offrandes : bière de banane ou de sorgho, (qui ne peut être bue que par les seules personnes initiées) et beaucoup d'autres aliments présentés pour être bénits et qui seront consommés par les personnes présentes à la cérémonie, le reste pouvant être réservé aux absents.

Le chef de famille (officiant) se met alors à genoux, appelle alors Lyangombe entouré de Muhima, Nabinji et Kangere (les esprits les plus proches à Lyangombe). Il dit sa supplication à Lyangombe tel qu'on s'adresse au Mwami (le chef traditionnel, le roi). Il implore la bénédiction de son fils ou de sa fille qui va se marier, de son troupeau qui rentre du pâturage, la guérison de son enfant ou un bon accouchement de sa femme qui attend famille...Il implore la bénédiction de toute sa famille, la bénédiction du Mwami, celle de son chef direct, celle de ses sujets, voisins et amis... Le chef de famille, après avoir imploré tout ce qu'il avait à demander, il fait des promesses au chef des esprits.

Alors Muhima élève la voix en s'adressant au chef de la famille : « oui, j'ai compris votre adresse et moi je vais dire votre supplication à Rwadata (le père, qui aime ses enfants qui s'adressent à lui pendant les périodes de malheurs.

Ensuite, Nabinji, l'esprit femelle, ajoute : « je suis « Munyere w'Irungu », fille d'Irungu, le siège ordinaire de Lyangombe. Vous avez bien fait en vous adressant à Lyangombe, sinon je détruirais votre village tel que j'ai détruit le village de Kangere ». Kangere est présent, il ne dit rien, mais reçoit les offrandes composées d'une poule blanche.

A la fin de la cérémonie, Lyangombe, pour manifester sa supériorité, se vante et déclare : « C'est moi Lyangombe : Nyamuhigwa makoma mpigulwe empanzi (je suis grand, il me faut me récompenser d'un taureau de vache). A cette parole, ses disciples initiés (Emmandwa répondaient : « Aroro washa » (c'est bien).

Les Bashi tout comme les Banyarwanda ont longtemps vénéré cet esprit. C'était un esprit de terreur, une croyance qui exigeait, à la fois beaucoup de soumission et beaucoup de dons.

Mais d'où était venu Lyangombe. ?

D'après le Professeur Alexis Kagame, « Lyangombe arriva au Rwanda sous le règne de Ruganzu II Ndoli entre 1510 et 1543 en provenance de l'Uganda. Grand magicien ambulant, il arrive au Rwanda accompagné de ses sujets. Son père s'appelait Babinga fils de Nyundo. Sa première rencontre avec Ruganzu II Ndoli eut lieu à Nguli à Bukamba à l'Est du volcan Muhabura. Il obtint, alors du roi, l'autorisation de circuler à sa guise dans le pays. Il se rendait souvent au Burundi. Une fois, il accompagna le roi au cours d'une expédition sur l'île d'Idjwi. Finalement, au cours d'une partie de chasse, il fut tué par un buffle à Kibingo, non loin de l'actuel Butare. Ses compagnons se suicidèrent, alors tous collectivement sur son cadavre ».90(*)

Tout compte fait, les Banyarwanda n'avaient jamais considéré Lyangombe comme un être divin, mais plutôt comme un homme qui jouissait d'une puissance magique. Pour les Bashi, par contre, Lyangombe, selon l'Abbé Mushambarhwa Bacirha, était l'esprit principal et le plus puissant à la cour céleste.91(*)

Les Bashi ont vécu donc pendant longtemps dans cet animisme qui a régulé, façonné leurs vies, leurs modes de comportement, leurs us et valeurs. Dans toutes les circonstances de la vie, ils adressaient à Lyangombe avec tout espoir et avec toute conviction que seul Lyangombe pouvait répondre favorablement à leurs préoccupations et demandes.

2° L'avènement du christianisme

La première mission catholique en chefferie de Ngweshe fut implantée à Nyangezi en 1906. C'est le début de l'évangélisation dans la Province du Sud-Kivu. La deuxième mission catholique, pour la même chefferie est celle de Burhale, créée en 1921. Ces missions vont devenir par la suite des paroisses et vont donner naissance à d'autres paroisses au sein de la chefferie, et à ce jour, on dénombre 7 paroisses catholiques. L'Eglise protestante ne va s'installer que très tardivement vers les années 1950, l'Islam n'est introduit à Ngweshe qu'avec l'intervention la Mission d'Observation des Nations Unies au Congo. Ce sont les troupes pakistanaises qui construisent des mosquées à Burhale, Mushinga et Walungu à partir de 2008 alors que l'Eglise catholique s'était incrustée depuis bien longtemps.

Tableau n° 12 : Les paroisses catholiques de la chefferie de Ngweshe

Nom de la Paroisse

Date de la création

Nombre des fidèles

1.

Cibimbi (Nyangezi)

1906

46 333

 

1. Burhale (Burhale)

1921

46 000

3.

Walungu(Walungu)

1952

43 000

4.

Ciherano (Lurhala)

1961

45 000

5.

Mubumbano(Mushinga)

1987

36 000

6.

Mugogo (Lurhala)

2000

43 000

7.

Kaniola(Kaniola)

1985

38000

 

Total

 

297 333

Source : Plan local de développement de la chefferie de Ngweshe 2010-2014.

A quoi va s'atteler la nouvelle religion dans la région ? Trois principaux axes de      combat vont préoccuper les nouveaux dirigeants au sein de la chefferie :

- L'implantation et le renforcement du pouvoir et de l'administration coloniaux sur toute l'étendue de la chefferie en étroite collaboration avec l'autorité ecclésiastique mais sans aucune prétention d'annihiler totalement le pouvoir du Mwami et de ses notables ;

- Le démantèlement de toutes les croyances, mythes, pratiques, rites, modèles et invocations « paganistes », « primitives », « sauvages », « sorcières », « indigènes », « païennes et «  diaboliques » au sein de toute la population et instauration d'un modèle des croyances axées sur des valeurs chrétiennes strictement européennes. Ainsi, chaque converti à la nouvelle religion est baptisé sous un nouveau nom, le nom de son saint patron qui guide ses pas sur la terre et qui plaide et plaidera pour que son protégé parvienne au ciel, après sa mort. C'est cette phase qui a contribué à l'acculturation du Mushi. On lui a ravi tout : ses croyances, ses modèles, ses chants, ses rites et pratiques, bref, il a perdu son identité et son histoire. Hélas !

-La formation en alphabétisation, en règles d'hygiènes, en méthodes culturales et le tracé des routes : c'est avec la colonisation belge que les premières chapelles-écoles (où l'on apprend à lire, écrire, mémoriser le catéchisme catholique) furent construites ; les premières installations sanitaires, c'est-à-dire des latrines avec orifice circulaire dont la profondeur dépassait rarement deux mètres virent le jour, des champs monoculturales des patates douces surtout et des boisements furent imposées à tous au sein de la chefferie de Ngweshe, et que les premières voies de communication routière furent tracées. Il faut rappeler que tout cela se faisait par contrainte, sur base des coups des fouets et des brimades. Beaucoup d'hommes perdurent leurs vies au cours de ces travaux forcés.

Somme toute, nous estimons qu'il y a eu des brimades, coups des fouets, acculturation, perte de l'identité et de l'histoire, etc. Mais, que serait devenu le Mushi de Ngweshe sans cela ? Tout porte à croire qu'avec la colonisation et bien plus avec l'avènement du christianisme, naquit un nouveau mode de vie amélioré dans le Ngweshe.

La famille s'engage dans une nouvelle dynamique du renouvellement, d'apprentissage à tous les niveaux. Il fallait tout reformer et introduire de nouvelles manières de vivre, apprendre à écrire, à se vêtir, à se soigner et avoir un discours plus cohérent et chrétien. Dès ce moment, la famille va commencer à consommer des discours inhabituels auxquels elle n'est, certes, parvenue à se conformer confortablement. De point de vue, il est clair que le christianisme a été le moteur de la dynamique transformatrice de la famille à Ngweshe.

* 90 A. KAGAME, « Historicité de Lyangombe, chef des Immandwa », dans Lyangombe,    mythe et rites, in ACTES DU DEUXIEME COLLOQUE DU CERUKI, ISP, Bukavu, du   10-  14 mai, 1976, p.23.

* 91 CERUKI, Lyangombe, mythe et rites, Actes du 2ème colloque du Ceruki, Bukavu, 1976,     p.101.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon