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Dynamique familiale et gestion de l'environnement en chefferie de Ngweshe. une analyse praxéo-interdiscursive

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par Pierre BAKENGA SHAFALI
Université Officielle de Bukavu - Doctorat en Sociologie 2012
  

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INTRODUCTION

Ce chapitre abordera d'une part l'analyse des interactions des discours, l'interprétation praxéologique des données recueillies du terrain, et les pistes des solutions, d'autre part. Il consiste à rechercher des faits matériels, idéologiques, culturels, les changements intervenus au sein de la famille et son environnement. L'aspect praxéologique et socianalystique ne consistera pas aucunement en une simple phase d'identification des problèmes, mais aussi en une analyse des données, une prescription sous-tendue d'une proscription sociologique. Cette démarche identifie les problèmes, encourage certaines pratiques et décommande celles qui ne s'inscrivent pas dans un aspect évolutif.

En effet, toute transcendance d'une situation pathologique à quelques niveaux que ce soit (individuel, familial, ethnique ou national) exige la recherche et la détermination de résoudre les problèmes en présence et en prévenir ceux en vue.

En effet, pour paraphraser Herbert Spencer, tout mode de comportement actuel dépend d'un comportement antérieur et détient les germes d'un comportement postérieur. Ceci reviendrait à dire que nos familles, notre environnement se trouvent dans un état réel actuel dépendant d'un état réel précédent. Un autre état envisageable proviendra de l'état actuel.

Les objectifs liés à l'identification, à la critique des discours et des actions et à l'émission des propositions favorables au changement qualitatif et quantitatif de Ngweshe guideront notre démarche.

6.1. Praxéo-interdiscursivité de la question du déséquilibre des familles de Ngweshe

Cette section articule les principes de la praxéologie interdiscursive à l'interprétation des faits tels qu'ils se manifestent sur le terrain. Les données discursives proviennent de l'enquête menée au sein des familles de Ngweshe à travers des interviewes, l'observation, l'évaluation et l'appréciation des actions de divers intervenants, la recherche des facteurs de la persistance des certains problèmes pourtant combattus par les acteurs.

L'analyse s'étend sur deux volets : celui axé sur le déséquilibre familial et l'action résorbatrice à l'aide de la praxéologie interdiscursive et, celui de la prospective praxéologique, participative et dynamique.

6.1.1. Etat des lieux des familles de Ngweshe (ou l'arbre à problèmes)

Cette section présente successivement les faits saillants de Ngweshe perçus comme facteurs ayant intervenus dans le déséquilibre familial et la restitution praxéologique des discours au sein de notre univers.

1°. Des faits saillants

Parmi les faits ayant le plus contribué au déséquilibre familial dans la chefferie de Ngweshe, nous avons relevé, non d'une façon exhaustive, mais par ordre de nuisance, selon l'appréciation des victimes, les faits suivants :

1. Insécurité alimentaire

2. Insécurité foncière

3. Pauvreté sous diverses facettes

4. Désarticulation des membres de la communauté

5. Désinformation de la population

6. Rareté, exiguïté et improductivité des terres arables

7. Inaccessibilité aux soins de santé primaires

8. Inaccessibilité à l'eau potable

9. Insatisfaction des besoins primaires (manger, habitat, vêtements, soins médicaux)

10. Incommodité et exiguïté de l'habitat

11. Incapacité des leaders locaux

12. Manque et inadaptabilité des outils aratoires

13. Exode des jeunes et des personnes instruites et celles acquises au changement

14. Inexistence des activités d'autopromotion surtout chez les femmes (coupe et couture, broderie, tapisserie...)

15. Manque des semences améliorées

16. Maladies endémiques (choléra, paludisme, VIH/Sida)

17. Pillage de gros et petit bétail et carence des produits vétérinaires

18. Déscolarisation des jeunes enfants

19. Sous-instruction des adultes

20. Non implication et/ou désimplication des chefs locaux dans la recherche et la définition des stratégies du développement paroissial ou stratégies inadaptées

21. Absence de l'énergie électrique

22. Inaccessibilité aux technologies modernes

23. Manque d'interactions, d'échanges d'expériences entre acteurs de développement, entre membres des groupes sociaux et enclavement de certaines localités

24. Chômage généralisé

25. Recrudescence de certains fléaux tels que les violences sexuelles, les pillages, les extorsions

26. Inexistence des coopératives d'épargne et de crédit et manque d'unités de productions adéquates

27. Existence des marais non drainés

28. Déboisement à grande échelle

29. Soins hygiéniques dégradants

30. Ecoles en dégradation

31. Marchés inappropriés

32. Impraticabilité, insuffisance et/ou inexistence des routes de desserte agricole

33. Troupes nationales, milices gênantes et banditisme

34. Impunité des malfaiteurs

35. Dépravation des moeurs surtout chez les jeunes

36. Multiplicité des Eglises

37. Natalités élevées et non pratique du planning familial

Etc.

Ces défis se sont érigés en obstacles dans l'équilibre des familles de Ngweshe. L'analyse minutieuse de ces faits nous a conduit à les regrouper sociologiquement dans quatre rubriques, à savoir la pauvreté, l'insécurité, la santé précaire et la faible historicité. Ce regroupement par rubrique est le soubassement de la thématisation praxéologique interdiscursive tel que cela apparaît à travers le tableau ci-dessous :

Tableau n° 17 : Thèmes regroupant les problèmes majeurs familiaux de Ngweshe

Pauvreté

Insécurité

Santé précaire

Faible historicité

Insécurité alimentaire

Troupes et milices et banditisme gênants

Inaccessibilité aux soins de primaires

Désarticulation des membres de la communauté

Insécurité foncière

Impunité

Inaccessibilité à l'eau potable

Désinformation de la population

Malnutrition

Viols et violences sexuelles

Maladies endémiques

Incapacité des leaders locaux

Rareté, exiguïté et improductivité du sol

Dépravation des moeurs

Soins de santé dégradants

Exode rural

Insatisfaction des besoins primaires

 
 

Déscolarisation des jeunes

Habitat incommode

 
 

Sous-instruction des adultes

Inexistence d'activités d'autopromotion

 
 

Stratégies inadaptées

Manque des semences améliorées

 
 

Absence d'énergie électrique

Pillage de bétail

 
 

Inaccessibilité aux technologies modernes

Chômage généralisé

 
 

Manque d'échanges d'expériences entre acteurs de développement

Marais non drainés

 
 

Ecoles en dégradation

Inexistence des coopératives d'épargne et de crédit

 
 
 

Manque d'unités de production

 
 
 

Marchés inappropriés

 
 
 

Inexistence ou impraticabilité des routes de desserte agricole

 
 
 

Manque ou inadaptabilité des outils aratoires

 
 
 

Source : Enquêtes sociologiques.

Interprétation :

La famille dans sa dynamique, connaît du déséquilibre contre lequel luttent les acteurs sociaux de Ngweshe. Il se manifeste à travers quatre thèmes ou phénomènes : la pauvreté, l'insécurité, la précarité sanitaire et la faible historicité.

La pauvreté apparaît à travers les rubriques reprises dans la première colonne, l'insécurité alimentaire est l'une de ses manifestations la horrible: la population mange peu tant quantitativement que qualitativement. Ceci provoque la malnutrition chez les enfants, les femmes enceintes et celles qui allaitent, la faiblesse physique, le vieillissement précoce des adultes et la mort prématurée à tous les âges. Il s'observe une insatisfaction de tous les besoins vitaux (alimentaires, vestimentaires, sanitaires...). La propriété foncière est insignifiante et très peu productive. La pauvreté influe négativement sur la santé des personnes. Une personne mal nourrie est, par ricochet, en mauvaise santé. Améliorer la santé d'un individu équivaudrait à l'amélioration alimentaire, la santé dépendant fondamentalement de l'alimentation.

L'insécurité qui a sévi dans la chefferie de Ngweshe a contribué sensiblement à la recrudescence de la pauvreté. Les ressources alimentaires s'amenuisaient déjà en fonction de la rareté, l'exiguïté, l'improductivité du sol et bien d'autres aspects tels le manque de jachère et la non alternance des semences... Les pillages récurrents n'ont fait qu'aggraver une situation qui, naguère, s'annonçait déjà calamiteuse. D'autres phénomènes tels que les violences et les agressions sexuelles ont privé certaines familles de l'agent central de production, c'est-à-dire la mère : cette femme aux mille bras, celle qui cultive, puise de l'eau, cuisine, berce l'enfant et le mari. Elle est toujours présente, active et apparemment jamais lassée. Entre 2000 et 2007, plus de 40000 femmes et filles avaient été violées au Sud-Kivu dont plus de 2500 dans les groupements de Mulamba, Tubumbi, Burhale (en Chefferie de Ngweshe) selon une étude menée en 2004 par le Réseau des femmes pour la défense des droits et la paix102(*).

La situation telle que présentée dans le tableau n° 17 nous pousse à nous interroger sur l'avenir de la chefferie et de ses population plus principalement. Certes, le changement ne découlera que de la forte historicité dont la chefferie, considérée comme société-histoire, doit faire montre. Cependant, cette capacité historiciste de Ngweshe, c'est-à-dire sa capacité de conception, de réalisation, d'évaluation et d'auto-évaluation, exige un capital symbolique et idéologique. Celui-ci rendrait la population de la chefferie capable de penser, d'agir, d'innover, de réaliser et de se réaliser pour l'intérêt de toutes les populations présentes et celles à venir.

Les agents historicistes, autrement appelés par Alain Touraine « Sujets- Historiques » recherchent la transformation positive et durable de leur environnement médiat, immédiat et/ou lointaine. Ce sont des acteurs super-historiques du milieu, ils ont pour mission de transcender toutes les incapacités qui freinent le décollage local et de hisser la communauté à un niveau plus spectaculaire, admirable et honorifique.

Or, dans le cas d'espèce, le capital symbolique est entrain de s'effriter : les élites locales fuient la chefferie, les jeunes enfants, faute d'argent abandonnent l'école et l'analphabétisme refait surface, la socialisation est au rabais. La communauté ne fait que régresser dans son cheminement ; elle involue, selon E. Morin.

Pour faire face à cette involution, une dynamique interne doit renaître pour préconiser la formation d'un capital symbolique et idéologique qui étudient les mécanismes d'établir de meilleurs conditions de vie, de santé saine, de juguler l'insécurité et de lutter contre la pauvreté. De telles actions exigeront des interactions avec d'autres partenaires au niveau holistique, tant micro, méso que macrosociologique. Elles se fonderont sur les potentialités actuelles de la chefferie qui compte 166 écoles primaires, cinquante écoles secondaires et sept instituts supérieurs. En 2009-2010, il y avait soixante sept mille enfants scolarisés dont le taux de déscolarisation était de 33 %. Il faut innover les choses et aller de l'avant ; organiser un dialogue sincère et pragmatique entre les acteurs sociaux afin d'améliorer la situation.

De ce fait, deux éléments doivent être pris en compte : la connaissance et la rationalité. On ne peut servir une communauté que sur base de connaissances solides et d' une rationalité avérées. C'est en sens que J.Habermas rêve qu'il y aura un jour une société fondée sur la raison et la connaissance.

Se basant sur les conceptions de J.Habermas, Sémou Pathé Guève propose quatre principes pour des échanges pouvant mener la communauté vers le changement :

a) Le principe de la reconnaissance effective de l'égalité des partenaires dans la discussion : il postule en effet que tout sujet capable de parler et d'agir doit pouvoir prendre part à des discussions (...), problématiser toute assertion quelle qu'elle soit, (...) ; faire admettre dans la discussion toute argumentation ; et (...) exprimer ses points de vue et ses besoins. En conséquence, aucun des partenaires ne pourra être empêché par une pression autoritaire qu'elle s'exerce à l'intérieur ou à l'extérieur des discussions.

b) Le second principe formule l'exigence pour les partenaires d'engager la discussion avec la volonté de déboucher sur la vérité entendue ici dans la sens précis d'un consensus résultant d'une argumentation rationnelle rigoureusement mais dont la conclusion est toujours susceptible d'être reconsidérée à la faveur d'un argument meilleur ;

c) Le principe de non contradiction : le partenaire qui prend parole doit éviter de se contredire dans ce qu'il dit, il doit tenir compte des arguments des autres en toute sérénité et respect ;

d) Le principe de la véracité : il pose que chaque interlocuteur ne peut affirmer que ce lui-même croît. Il doit donc veiller ainsi à tenir des propos auxquels il est possible de donner foi, ce qui implique que ses propos doivent être sensés.103(*)

En bref, reconnaissons que tout doit partir d'une idée rationnelle devant se concrétiser durablement au profit de toute la communauté.

* 102Source : Réseau des femmes pour les droits et la paix et le Bureau Matabaro de la chefferie de Ngweshe ou Bureau de développement.

* 103 SEMOU PATHE GUEYE, Du bon usage de la démocratie en Afrique, Dakar, Presses     universitaires de Dakar, pp. 58-60.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld