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Dynamique familiale et gestion de l'environnement en chefferie de Ngweshe. une analyse praxéo-interdiscursive

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par Pierre BAKENGA SHAFALI
Université Officielle de Bukavu - Doctorat en Sociologie 2012
  

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6.1.3. Analyse interactionnelle, interprétation praxéologique et établissement des            équations symboliques.

Les discours des interlocuteurs au sein des familles de Ngweshe ci-haut relevés pendant et après les hostilités ont gravité autour des thèmes relatifs au désespoir, à l'espoir et à la prise en charge. L'analyse discursive sera replacée à deux niveaux : interne et externe.

Au niveau interne, les locuteurs et les auditeurs se retrouvent dans une même société-histoire, la chefferie de Ngweshe, et disposent chacun d'une expérience et d'une conscience particulière de vie. Ce sont des populations locales qui n'avaient pas connu de guerre pendant des décennies pour les uns et pour les autres, le concept de guerre était tout simplement étrange. Donc, cette situation a beaucoup et affreusement joué sur le comportement familial et celui de l'environnement au sein de la chefferie : massacres, viols, déplacements massifs des populations, pillages, dévastations du bétail, des récoltes et de l'environnement. Ainsi, à ce niveau interne, les discours sont tels que les uns parlent, les autres écoutent et vice-versa, mais on remarque au terme de l'analyse que les discours véhiculent un seul message, celui de l'inquiétude permanente qui caractérise les familles. Ce discours est placé théoriquement dans ce que nous appelons, dans cette étude, l'interactionnisme discursif monocentré représenté par la figure ci-dessous:

Schéma n° 7 : L'interactionnisme discursif monocentré

Population

Situation en présence

Peur et fatalité

Production discours relatif à la situation

Source : enquêtes sociologiques

Dans l'interactionnisme discursif monocentré, les familles de Ngweshe développent spontanément des discours qui sont axés sur la situation du moment. Dans le cas d'espèce, il s'agit d'une situation de guerre qui inspire peur et fatalité à la population laquelle, une fois désorientée, incapable de se maintenir, ne parvient plus à produire un discours contraire au précédent. Tout élément discursif est centré sur un seul thème.

Au niveau externe, il se développe un discours tout autre que nous appelons, à notre niveau, « l'interactionnisme discursif tricentré ». Il s'agit d'un nouveau sentiment qui naît dans l'esprit d'une portion des personnes, au sein des familles, qui ont vu et vécu les événements mais qui estiment que la situation peut changer positivement moyennant l'effort de tout un chacun et qui, par ricochet, ont foi en ce changement. Ces personnes prêchent que même dans un état de guerre, la vie peut favorablement continuer à la seule condition qu'on adopte de nouveaux mécanismes de vie plus adaptés à la situation du moment.

L'interactionnisme discursif tricentré est donc une expression des discours entre acteurs sociaux basés non seulement sur les discours en tant que tels mais aussi sur les actions qui peuvent être menées dans le but de procéder à une transformation durable des états et situations vécus au sein de l'environnement. Ce qui est important, ici, c' est qu'à chaque niveau, pour le bien-être des familles, les acteurs sociaux interagissent, se concertent, planifient, proposent, définissent des stratégies et agissent plus ou moins rationnellement. Dans ce processus, divers acteurs de différentes catégories et de divers secteurs interviennent. Il s'agit, en fait, d'une «trilogie développementiste », qui est le soubassement de l'interactionnisme discursif tricentré comme l'illustre le schéma ci-dessous :

Schéma n° 8: L'interactionnisme discursif tricentré

ONG à tous les niveaux

Population

Associations locales de développement

Source: Enquêtes sociologiques

Commentaire :

C'est à travers cet interactionnisme discursif tricentré que s'est produite une prolifération des associations locales de développement. En de nombreux acteurs sociaux s'est développé le reflexe de s'insérer dans cette trilogie pour parler au nom de la population et gagner de l'argent. Toutes ces associations naissantes se situent dans ce que nous avons appelé la « triade opérationnelle d'interventions »122(*).

Cette triade explique que toute ONG dispose de trois pôles en interaction et en harmonie, elle comprend :

- le pôle structurel (PS) : il s'agit de tous les organes dirigeants (Assemblée générale, Conseil d'administration, Comité exécutif...) ;

- le pôle manifestatoire (PM) : c'est la base à travers laquelle apparaissent toutes les actions, les forces et les faiblesses de l'organisation.C'est le monde du travailleur-bénéficiaire de l'aide ou de l'appui apporté par le pôle structurel ;

- le pôle de propulsion ou pôle d'appui (PP ou PA) : il est communément appelé « bailleurs des fonds » et par modestie, « partenaires » bien que le terme de partenaire implique une certaine réciprocité. La triade opérationnelle d'interventions se représente de la manière ci-après :

Schéma n° 9 : La triade opérationnelle d'interventions.

Pôle structurel

Pôle d'appui Pôle manifestatoire

ou de propulsion

N.B. Ces pointillés signifient que le contact peut ne pas exister entre le pôle d'appui et le pôle manifestatoire et que même ce dernier peut ignorer l'existence de l'autre. Exemple : dans un village de Burhale, les familles se réjouissent du fait que le Comité anti-Bwaki a capté en leur faveur 5 sources d'eau potable, mais ces familles n'ont jamais été mises au courant de la personne ou de l'organisation qui a financé le projet.

La triade opérationnelle d'interventions exige des interactions et de l'harmonie en son sein sous peine de provoquer du déséquilibre entre acteurs et, ainsi, faire perdre la notoriété et l'impact de l'organisation dans sa zone d'interventions.

En principe, une organisation musclée peut fonctionner sur base des pôles structurel et manifestatoire. Ceci signifie que chaque membre, à ces deux pôles, contribue rationnellement et substantiellement au prorata de ses ressources et au profit de l'organisation. Mais ce que l'on a constaté au sein de notre milieu d'étude est que les deux pôles fixent le regard et n'attendent tout appui que du pôle de propulsion. Ils sont ainsi bénéficiaires, dépendantes et fort attentistes. Ils fonctionnent selon le vouloir et le dire des bailleurs des fonds.

Il s'observe ainsi un décalage économique et financier entre le pôle structurel (qui, du reste n'apparaît que comme un système transitoire) et le pôle manifestatoire ou l'espace bénéficiaire de l'aide qui, dans la plupart des cas, ne reçoit que des miettes du financement au détriment du pôle structurel. Pour bon nombre des personnes, le pôle manifestatoire constitue un tremplin pour le pôle structurel. Ses membres se taillent un statut socio-économique alléchant sur base des rôles qu'ils exercent au sein de ce pôle.

L'octroi des fonds par le pôle de propulsion au pôle structurel s'effectue sur base des projets minutieusement montés par ce dernier avec des objectifs clairs, des stratégies fort adaptées et une budgétisation qui, dans la plupart des cas, surélève les prix et les dépenses.

Ce projet soumis au bailleur des fonds est un discours au vu duquel le bailleur, convaincu de la pertinence des besoins exprimés dans le domaine d'interventions qu'il a orienté, décaisse de l'argent pour atténuer tant soit peu la misère de la population au nom de laquelle le pôle structurel émet le projet. Dès la conception du projet, les animateurs du pôle qui l'érigent, demeurent assurés de gagner des dividendes si le projet est retenu. Par conséquent, le discours contenu à travers le projet contient beaucoup de distorsions amplifiantes. Il a pour rôle d'émotionner le bailleur des fonds. Il s'agit, donc, des discours archémiques modernisateurs à l'égard des populations dites bénéficiaires. Les animateurs des associations de développement, au sein de Ngweshe, parlent plus pour eux-mêmes que pour la population dite cible.

Il y a, donc, à travers ces discours une fonction latente non connue et non voulue tant par les bailleurs des fonds que par la population. Ces discours disposent aussi d'un caractère endormant, car le pôle structurel s'exprime en termes et concepts visant à amener les bailleurs des fonds à s'apitoyer sur la question sociale présentée par lui.

C'est qui est alarmant, est qu'au sein du même pôle structurel, les violons ne s'accordent pas toujours entre les dirigeants. Certains « bouffent » plus que d'autres. Le critère de compétence, de fondateur ou de co-fondateur tend, de plus en plus, à être remplacé par l'appartenance familiale surtout lorsque l'association accède ou tend à accéder à des financements. Les dirigeants se tiraillent entre eux-mêmes et leurs tiraillements provoquent du malaise au sein des familles respectives et collatérales. Les dirigeants se combattent entre eux, entretiennent des discours discordants et déçoivent tant les bailleurs des fonds que les familles engagées dans le projet. L'aspect de la non permanence et de non durabilité des organisations locales de développement au sein de Ngweshe réside dans trois facteurs principaux :

· Les fissures régulières au sein des organisations basées sur des intérêts égoïstes, familiaristes et la lutte pour le leadership ;

· Le manque des fonds propres, des frais de roulement : pas de souscription financière des membres pour la survie de l'association, chacun ne comptant que sur les financements extérieurs ;

· L'opacité dans la gestion et le manque de professionnalisme, ce qui attire les animateurs à l'esprit d'opportunisme et d'immédiateté.

* 122 PILO KAMARAGI, BAKENGA SHAFALI, « Facteurs pathologisants et instances de       dépathologisation sociale », in UJUVI, n° 29, ISP/ BUNIA, juin, 2009, p. 88.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery