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L'ethos dans les discours du premier ministre Manuel Valls

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par Galin GANEV
Université Paris-Est Créteil - Master 2 Littératures, Discours, Francophonies 2016
  

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CHAPITRE 1 : L'art oratoire

1.1 La notion de discours dans l'espace politique

Pour essayer de traiter efficacement la question de la notion de discours dans l'espace politique, d'abord nous devons nous interroger ce qu'est l'oral afin d'établir une définition reflétant ses particularités. Marion Sandré nous affirme clairement que « l'oral présente un système d'échange très complet : la parole est entendue (nous pouvons percevoir les indices paraverbaux, i.e. la voix, l'inflexion, l'accent, l'intonation, les accentuations, les pauses, le débit de parole...), nous pouvons parfois voir le locuteur et saisir ainsi tous les indices non verbaux, tant gestuels que comportementaux, enfin, nous partageons souvent avec lui la même situation - ou du moins nous connaissons la situation dans laquelle il parle. Nous pouvons donc comprendre les différentes références à l'environnement contextuel » (Sandré 2013 : 15). A l'oral, lors d'une discussion ou débat politique, les interlocuteurs prennent une position et ont l'occasion de présenter des arguments pour convaincre la partie adverse. Les participants ont le statut de citoyen de la France et en tant que tels ils ont tout à fait le droit de débattre et défendre leur point de vue - l'un des principes de la démocratie. Celui qui s'exprime avec aisance, qui défend vigoureusement ses convictions et qui montre son optimisme pour l'avenir, se gagne les sympathies du public. A l'oral le locuteur a la possibilité de se corriger, de reprendre sa pensée, de s'excuser s'il est hors sujet ou de demander des précisions s'il n'a pas bien saisi la question. D'une part ces avantages facilitent la tâche de celui qui a la parole, d'autre part il se sent obligé d'être concentré et attentif pour pouvoir répondre ou répliquer à des critiques ou des injustices. Communiquer signifie converser, discuter, débattre, échanger des idées,

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exprimer des motivations etc. A l'oral il n'y pas de signes de ponctuation, donc la personne qui parle se sert de pauses et de son intonation pour « marquer » la fin d'une phrase ou bien « indiquer » qu'il s'agit d'une question. L'intonation de la voix peut exprimer divers types de phrases : déclarative, exclamative, interrogative, impérative mais également de différentes émotions : la peur, la joie, l'angoisse etc. Le fait de répéter un terme ou une locution signifie que le locuteur aimerait accentuer l'importance de ce que vient de prononcer : « La laïcité, oui la laïcité... »1. La répétition est une forme de subjectivité, utilisée par les hommes politiques principalement pour affirmer une prise de position dans la société. Généralement les hommes politiques votent pour ou contre une nouvelle loi ou des réformes mais il existe des cas où ils s'abstiennent. En d'autres termes, ils ne s'engagent pas d'annoncer publiquement leur choix ou bien ils préfèrent rester neutres.

N'oublions pas qu'à l'oral le locuteur dispose davantage de possibilités quant à sa manière de dire les choses et d'aborder des sujets cruciaux. Il choisit comment parler - lentement, normalement et clairement ou vite. Nous devons signaler que si le locuteur se sent gêné ou s'il n'est pas en confiance, nous lisons ses hésitations sur son visage. Il est difficile de masquer ses émotions, nous pouvons les maîtriser à un certain niveau mais non pas entièrement.

Michel Pougeoise nous dit que « le mot discours vient du latin discurere, « courir çà et là ». Il n'a donc aucun rapport avec le langage. Mais, à partir de discursus, « action de parcourir en tous sens », le terme signifie « entretien » par métaphore avec le fait d'emprunter les chemins hasardeux de la conversation. Le discours est un terme polysémique et les diverses interprétations qui lui ont été données au cours de l'histoire et dans des domaines aussi variés que la philosophie, la grammaire, la rhétorique, la

1 Séance spéciale d'hommage aux victimes des attentats, Assemblée nationale - 13 janvier 2015, Allocution de M. Valls

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linguistique, etc., créent souvent des ambiguïtés regrettables. » (Pougeoise 2004 : 103). Dans l'espace politique le discours possède diverses fonctions. Par le biais de leurs propos, les hommes politiques s'adressent au public ayant pour objectif d'expliquer, informer, argumenter ou décrire le sujet en question. Selon ses propres critères et selon ce qu'il voit et entend, l'auditoire se forme une opinion globale concernant celui qui parle. Une opinion subjective, certes, mais elle est basée sur ce que lui montre et dit le locuteur. « En effet, comme l'argumentation vise à obtenir l'adhésion de ceux auxquels elle s'adresse, elle est, tout entière, relative à l'auditoire qu'elle cherche à l'influencer » (Perelman et Olbrechts-Tyteca 2008 : 24). Le discours de l'orateur reflète sa compréhension du monde, sa philosophie de vie mais également comment il définit et conçoit la politique en tant que domaine de pouvoir et d'obligations vis-à-vis du peuple.

Il est certain que les discours des hommes politiques provoquent des réactions et des commentaires dans la société. Les citoyens peuvent se permettre de les juger et critiquer, si nécessaire, car la place de chaque député à l'Assemblée nationale est obtenue grâce aux élections, donc la voix du peuple. L'objectif principal du locuteur est d'influencer l'auditoire auquel il s'adresse en lui proposant des arguments, des idées et des solutions à ses problèmes. « On parle toujours en cherchant à faire partager à un interlocuteur des opinions ou des représentations relatives à un thème donné, en cherchant à provoquer ou à accroître l'adhésion d'un auditeur ou d'un auditoire plus vaste aux thèses que l'on présente à son assentiment » (Adam et Heidmann 2005 : 164). Pour ce faire, les partis politiques organisent des meetings publics, des campagnes électorales, des congrès... Lors de ces manifestations, les hommes politiques ont la possibilité d'exposer publiquement les missions et les tâches qu'ils ont déjà effectuées mais aussi de faire connaître au grand public quels sont leurs projets à venir. A titre d'exemple, un meeting public est une relation de

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séduction avec la salle et le discours capte l'attention de l'auditoire du début à la fin. Un discours qui parvient à impressionner l'auditoire, est un texte bien structuré et argumenté, compréhensible par tout le monde, traitant le problème à sa racine et étant à la hauteur des attentes. Nous pouvons considérer le discours comme un moyen de convaincre les auditeurs, de les amener à admettre les propos de l'orateur, mais aussi de manipuler la foule. L'attitude et les paroles de l'orateur changent selon la situation et le destinataire. Autrement dit, le locuteur construit son discours suivant les exigences et les priorités de son auditoire. Dominique Maingueneau signale que « toute énonciation, même produite sans la présence d'un destinataire ou en présence d'un destinataire qui semble passif, est prise dans une interactivité constitutive. Toute énonciation suppose la présence d'une autre instance d'énonciation par rapport à laquelle on construit son propre discours » (Maingueneau 2014 : 20). Donc le locuteur ne prend pas seulement la parole pour dire quelque chose, mais pour chercher un certain effet, un résultat à la suite de son énoncé. Le continu de son discours vise à satisfaire les espérances des auditeurs. Ces derniers souhaitent que l'énonciateur leur propose des alternatives et des projets assurant une meilleure vie et un meilleur avenir.

Selon D. Maingueneau, « le discours se définit par la présence d'un sujet. Autrement dit, le discours n'est discours que s'il est rapporté à un sujet, un JE, qui à la fois se pose comme source des repérages personnels, temporels, spatiaux (JE-ICI-MAINTENANT) et indique quelle attitude il adopte à l'égard de ce qu'il dit » (Maingueneau 2014 : 21). Pour pouvoir illustrer la définition de D. Maingueneau, nous prenons comme exemple une partie du début du premier discours officiel de Manuel Valls en qualité de Premier ministre.

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Exemple 1 « Et c'est conscient de la responsabilité que m'a confiée le Chef de l'Etat que je me présente devant vous, pour ouvrir une nouvelle étape du quinquennat. Je veux rendre, ici, hommage à Jean-Marc Ayrault. Il a agi avec droiture, sens de l'Etat, pendant vingt-deux mois. J'ai été fier d'être son ministre de l'Intérieur, comme socialiste, comme républicain et comme patriote ».

Cet exemple nous montre qu'il s'agit d'une mini-présentation de JE, de celui qui parle. Depuis peu nommé Premier ministre de France, Manuel Valls tient ce discours le 08 avril 2014 à l'Assemblée nationale. Il est question d'un JE qui possède un sens de l'initiative et de la responsabilité. Un JE qui réalise l'importance et le sérieux des fonctions qui lui sont attribuées, et qui assume pleinement son nouveau poste - Chef du gouvernement. Un JE qui aimerait tourner la page et mettre le début d'une nouvelle étape dans l'histoire politique de la France. Un JE qui a la volonté d'exprimer sa reconnaissance envers son prédécesseur - l'ex- Premier ministre, et d'affirmer que ce dernier a accompli ses missions et engagements en faveur de l'Etat. Un JE qui tient à préciser où se trouve au moment de la prononciation de sa déclaration, mais également la période exacte du poste occupé par Jean-Marc Ayrault. Le locuteur exprime son plaisir et son honneur d'avoir eu la possibilité d'appartenir au gouvernement de l'ex-Premier ministre. Nous constatons l'opposition entre maintenant et avant, le présent et le passé, Premier ministre et ministre de l'Intérieur, un JE actuel et un JE du passé récent. Ce dernier JE se revendique devant son destinataire comme socialiste, républicain et patriote. Socialiste parce qu'il a choisi de défendre les intérêts et l'idéologie de ce parti politique de gauche, républicain parce qu'il est attaché aux principes de la république, patriote parce qu'il aime sa patrie et le prouve par ses actes.

Le discours politique est une arme efficace et stratégique pour ceux qui savent comment s'en servir. Grâce à ses discours, l'homme politique peut gagner la confiance du public, augmenter sa popularité mais aussi le nombre des adhérents du parti qu'il représente. L'auditoire reste satisfait et applaudit celui qui déclare explicitement son ambition et sa volonté de réformes au nom du peuple. Celui-ci est particulièrement sensible quant aux propos visant son avenir et ses préoccupations. Par ailleurs le discours s'avère une arme à double tranchant car l'auditoire peut à tout moment se retourner contre l'orateur. Donc ce dernier doit bien choisir les paroles et les arguments dont il s'en sert puisque la limite entre adhérents et opposants est très étroite. Nous pouvons affirmer que la notion de discours a un rôle fondamental dans l'espace politique.

1.2 L'ethos comme image de soi

1.2.1 Ethos préalable et ethos discursif

La question de l'ethos vient de l'Antiquité et Aristote nous propose une répartition entre les trois axes de l'art oratoire : le logos d'un côté qui représente ce qui dans le langage a trait à convaincre, l'ethos et le pathos de l'autre représentant le côté émotif et permettant d'émouvoir. Le pathos est tourné vers l'auditoire tandis que l'ethos est tourné vers l'orateur. L'ethos aide l'orateur apparaître digne, se montrer crédible en faisant preuve de pondération, de sincérité et d'amabilité. De nos jours deux domaines traitent la question d'ethos et ses particularités, respectivement la sociologie et le domaine des études de discours. A travers la manière dont le locuteur s'exprime, le destinataire se construit une image de lui, respectivement positive ou négative. L'ethos s'avère un élément fondamental dans la construction de l'image de soi, et il s'associe

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principalement au discours. L'ethos désigne la position et le statut du locuteur dans la société en s'appuyant sur ses capacités oratoires, son comportement et ses convictions. Dans le discours politique, par exemple, le candidat d'un parti peut parler à ses électeurs en homme du peuple, en homme d'expérience, en technocrate etc. Dominique Maingueneau relie l'ethos à la notion de ton, qui relaie celle de voix dans la mesure où elle renvoie aussi bien à l'écrit qu'au parlé. Le ton s'appuie à son tour sur une double figure de l'énonciateur, celle d'un caractère et d'une corporalité.

Dans son livre Le discours politique, Patrick Charaudeau nous fait réfléchir sur deux questions cruciales concernant la notion d'ethos : 1) l'ethos en tant que construction de l'image de soi s'attache-t-il à la personne réelle qui parle (le locuteur) ou à la personne en tant qu'elle parle (l'énonciateur) ? 2) Est-ce qu'il s'agit uniquement d'une image de soi individuelle ou également d'une image collective ? Dominique Maingueneau affirme que l'ethos est attaché à l'exercice de la parole, au rôle qui correspond à son discours, et non à l'individu « réel », appréhendé indépendamment de sa prestation oratoire. Par ailleurs P. Charaudeau signale que pour traiter l'ethos il faut prendre en considération deux aspects : le locuteur est un être de discours construit mais également un être social empirique. Il faut savoir que l'ethos n'est jamais que l'image dont l'affuble l'interlocuteur, à partir de ce qu'il dit. L'ethos représente un ensemble de regards : regard de l'autre sur celui qui parle, regard de celui qui parle sur la façon dont il pense que l'autre le voit. Autrement dit l'interlocuteur ou l'auditoire pour construire l'image du sujet parlant, s'appuient à la fois sur des données préexistantes au discours - ce qu'ils savent déjà du locuteur et sur celles apportées par l'acte de langage lui-même. Nous pouvons affirmer que le sujet parlant possède une double identité. D'abord son identité sociale de locuteur qui lui permet de s'exprimer et qui fonde sa légitimité d'être communicant. Il obtient un statut et un rôle par le biais de la situation de communication. Mais

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aussi le sujet se construit une figure de sujet qui énonce, une identité discursive d'énonciateur qui tient aux rôles qu'il s'attribue dans son acte d'énonciation. Donc le sens que véhiculent nos paroles dépend à la fois de ce que nous sommes et de ce que nous disons. Le constat est que l'identité discursive et l'identité sociale sont réunies et fonctionnent ensemble dans l'ethos. Cela ne veut pas dire que le sujet parlant ignore la possibilité de jouer entre son identité discursive et son identité sociale se trouvant cachée derrière. Il faut souligner le fait qu'une grande partie de l'ethos n'est pas consciente donc le locuteur peut construire un ethos qu'il n'a pas voulu. C'est-à-dire que le sujet parlant peut avoir des regrets concernant les propos qu'il a prononcés et le comportement qu'il a eu lors de son discours.

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King