WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les zones a defendre: d'un mouvement de contestation sociale à un nouveau courant de pensée politique

( Télécharger le fichier original )
par Antoine Vieu
Université de Bordeaux - Master 2 2016
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre 8 : Les zadistes et le comité invisible : un constat de la crise similaire mais une approche révolutionnaire radicalement différente.

Le constat d'une société de crises :

Dans leur ouvrage L'insurrection qui vient publié en 2007, le Comité Invisible dresse une critique globale de la société actuelle qu'il va étayer dans A nos amis publié en 2014.

Pour les auteurs de ces deux ouvrages1, le système politique actuel est au bord de l'implosion. Le métier du politique se serait réduit à un travail de « communicant »2 et le vote n'est plus que protestataire. Les citoyens ne votent plus pour des idées, ils votent contre des personnes. Ils voient dans la « crise des banlieues » de 2005 non pas une émeute mais une « négation absolue du politique ». La réponse à cette crise ne sera ni dans la démocratie, ni dans la république. Le Comité Invisible et les zadistes partagent la même analyse de la démocratie actuelle qui postule le besoin d'un gouvernement. Pour le Comité Invisible, « gouverner » signifie « conduire les conduites d'une population pour en maximiser le potentiel et en orienter la liberté »3. L'objectif du gouvernement est donc de maintenir le contrôle des gouvernés et d'éradiquer toute idée de révolte. Les auteurs parlent de « guerre indirecte ». Pour se maintenir en place, le gouvernement recourt à différentes tactique dont l'élection. Elle donne une « illusion d'adhésion » des individus au gouvernement. Le Comité Invisible, comme les zadistes, rejettent l'idée du besoin d'être gouverné. Pour ces auteurs, l'état de nature bestial développé par Hobbes n'est qu'une croyance et ne possède aucun fondement scientifique. Cette croyance doit être combattue car c'est elle qui a permis de créer la nécessité du gouvernement. Ils s'opposent également à toutes les théories du contrat social, de Macchiavel à l'anarchisme individualiste qui développe une certaine idée du contrat social.

1 Le Comité Invisible explique dans l'introduction de L'insurrection qui vient leurs ouvrages sont rédigés par plusieurs auteurs.

2 LE COMITE INVISIBLE, L'insurrection qui vient, Paris, La Fabrique, 2007, p.7.

3 LE COMITE INVISIBLE, A nos amis, Paris, La Fabrique, 2014, p.67.

71

Les zadistes voient dans le peuple une « fonction homogénéisante »1 qui permet à l'Etat de légitimer son action et de discréditer toute contestation. Pour le Comité Invisible, la population est à la fois « l'objet » et le « produit » du gouvernement. Il n'y a pas de peuple ou de population sans un gouvernement, « la population cesse d'exister en tant que telle dès qu'elle cesse d'être gouvernable »2. De plus, elle permet au gouvernement de diviser les contestations sociales en excluant une partie des individus participant à ces mobilisations. Il va les décrire comme des « casseurs » qui ne portent aucune revendication légitime contrairement au reste des manifestants. Utiliser le terme « peuple » permet au gouvernement de diviser un mouvement qui apparaissait homogène. Mais le Comité Invisible dépasse la vision zadiste dans sa critique de l'Etat et de la République. Il estime que les concepts « société » et « nation » sont des fictions « obsolètes »3 appartenant à l'ancien temps. Ils n'ont plus de place dans le monde globalisé.

A noter que les zadistes ne rejettent pas, contrairement au Comité Invisible, la notion de « peuple ». En y retirant l'imaginaire républicain, le terme « peuple » garde une portée sémantique pour comprendre les zads4. Il peut être compris comme un qualificatif qui « transcende » les catégories sociales habituellement cloisonnées dans la société. Dans le cadre de la lutte No-TAV, le peuple a pu, à certains moments, s'extraire de la « légalité républicaine » pour faire face à l'Etat et empêcher la continuation des travaux.

Le Comité Invisible développe une critique de l'Etat plus générale que la vision zadiste en abordant la question de la gouvernance et de la société cybernétique. La gouvernance s'impose dans tous les domaines y compris dans le fonctionnement de l'Etat qui lui est soumis. Le Comité Invisible parle d'une « nouvelle science de gouvernement »5. Le gouvernement « étatique » de contrôle a laissé la place après la crise de 2008 à un gouvernement « cybernétique » d'autocontrôle. Le cadre huxleysien a remplacé le cadre orwellien6. Ce changement est dû selon les auteurs à la globalisation qui a engendré des réseaux interconnectés entre les hommes et les machines. La gouvernance se fait par le traitement

1 COLLECTIF MAUVAISE TROUPE, Contrées : histoires croisées..., Op.cit., p.95.

2 LE COMITE INVISIBLE, A nos amis..., Op.cit., p.162.

3 Ibid., p.10.

4 4 COLLECTIF MAUVAISE TROUPE, Contrées : histoires croisées..., Op.cit., p.97.

5 LE COMITE INVISIBLE, A nos amis..., Op.cit., p.103.

6 Ibid., p.113.

72

des algorithmes et des bases de données qui sont recueillis avec le consentement des individus. Les zadistes parlent d'aménagement mental du territoire1.

Le Comité Invisible critique également l'aménagement métropolitain du territoire. Le capitalisme fonctionne désormais territorialement et localement. Il n'est plus national. Le pouvoir fonctionne aujourd'hui sur un processus de sélection et non plus d'intégration. Pour le Comité Invisible, cette « métropolisation »2 vise à créer des zones ultra-connectées composées d'individus connectés. La gouvernance va ainsi conduire à mettre entre place une certaine forme d'horizontalité et de fragmentation. Pour autant, cette horizontalité sera créée sur une division hiérarchique du territoire d'où son rejet par le Comité Invisible. Il existe donc une différence de perception entre les zads et le Comité Invisible quant à l'aménagement du territoire. En revanche, ils arrivent aux mêmes conclusions en considérant qu'il faut lutter contre l'aménagement du territoire pour défendre les Hommes.

Il s'intéresse aussi au travail. Il parle de « fiction travailliste »3. Il estime que le travail est aujourd'hui un outil de domination dans le sens où il produit et contrôle des producteurs et des consommateurs. Il permet d'éviter aux individus de penser et de remettre en cause le système. Les sites de production ne sont plus des usines dans la mesure où il n'y a plus de savoir-faire. Les individus ne travaillent que lorsque la production rencontre un problème.

Pour les zadistes, les solutions aux problèmes écologiques trouvées par le capitalisme ne fonctionnent pas. Elles sont même néfastes au système. De même, la solution ne réside pas dans le comportement individuel tant le désastre écologique est systémique. Le Comité Invisible tire les mêmes constats en ce qui concerne le « capitalisme vert »4. La croissance verte est paradigme fondé sur une illusion dont il faut sortir. Mais le Comité Invisible fustige également les autres réponses au désastre écologique. Ainsi, il ne voit dans l'agriculture biologique que le traditionnel clivage bourgeoisie/prolétariat. Les premiers sont les seuls à pouvoir disposer de cette agriculture saine qui échappe structurellement à la classe prolétaire. De même, il voit dans le principe de « simplicité volontaire » un outil de domination du capitalisme. Il la renomme d'ailleurs « austérité volontaire »5 qui fait partie de cette société d'autocontrôle. Il voit dans cet autocontrôle la voie vers une « dictature environnementale » alors que ses défenseurs veulent l'éviter. Pour les auteurs du Comité Invisible, de même que

1 Voir Partie 3 chapitre 1.

2 LE COMITE INVISIBLE, A nos amis..., Op.cit, p.184.

3 LE COMITE INVISIBLE, L'insurrection..., Op.cit., p.29-35 et A nos amis..., Op.cit., p.91-94.

4 LE COMITE INVISIBLE, L'insurrection..., Op.cit., p.61.

5 Ibid., p.62.

73

pour les zadistes, il ne faut pas séparer l'Homme de l'environnement mais contrairement aux zadistes, ils considèrent l'écologie comme une seule idéologie qui se limiterait à la politique écologique gouvernementale. Ils ne s'intéressent pas aux différents courants de l'écologie radicale.

Le Comité Invisible rejette également l'idée de s'organiser autour d'un parti, d'un collectif ou d'une association puisque ça ne reviendrait qu'à reproduire une domination de type étatique. En effet, les organisations enferment l'individu dans un système de pensée qui nuirait irrémédiablement à sa liberté. De plus, elles portent en elle les germes de la centralisation des pouvoirs et donc d'une certaine forme de hiérarchie. Dans le fond, le Comité Invisible estime qu'aucune organisation ne permet à l'individu de se réaliser pleinement sans aucun contrôle. Elles constituent davantage un lieu de vote et de prise de décision que d'expression. Chaque organisation dispose de son histoire et de ses principes qu'il est difficile de remettre en cause pour un individu extérieur. Le Comité Invisible critique même les associations les plus libertaires qui, en s'instituant, sont devenus un organe de contrôle de l'individu. Les zadistes sont eux, beaucoup plus nuancés sur la critique des organisations. Ils leur reconnaissent une efficacité certaine et beaucoup font partie du « rhizome » contre les Grands Projets Inutiles et Imposés.

Pour conclure, le Comité Invisible et les zadistes développent une critique du système actuel relativement similaire. Les deux partagent le rejet d'un système politiquement inégalitaire, écologiquement dramatique et technologiquement totalisant. Leurs visions de l'alternative à mettre en place et les moyens pour y parvenir marquent certaines de leurs divergences fondamentales.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe