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Les zones a defendre: d'un mouvement de contestation sociale à un nouveau courant de pensée politique

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par Antoine Vieu
Université de Bordeaux - Master 2 2016
  

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De la destitution de l'Etat à la « levée de communes »

Dans son ouvrage TAZ : Zone d'Autonomie Temporaire1, Hakim Bey estime que la période des révolutions est close car l'Etat-Nation a réussi à s'imposer sur l'ensemble du territoire mondial et domine toutes les populations. Le choc frontal avec l'Etat est voué à l'échec. Mais

1 BEY Hakim, TAZ zone d'autonomie temporaire, Paris, L'éclat, 1997

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si cette période est close, elle laisse place à « l'inserructionnisme »1. L'objectif de la TAZ, Temporary Autonomous Zone, est de libérer une zone du contrôle étatique puis de se « dissoudre » avant que l'Etat ne la réprime. Pour Hakim Bey, la principale force d'une TAZ, c'est son invisibilité2.

Le Comité Invisible développe une théorie de la destitution du pouvoir qui oscille entre la théorie de la TAZ et la théorie zadiste. En ce qui concerne le rapprochement avec la théorie de la TAZ, la solution pour le Comité Invisible se trouve dans l'insurrection. Celle-ci doit se rendre « irréversible »3 et dépasser le cadre matériel pour entrer dans le cadre spirituelle. Ainsi, leur volonté de détruire la propriété privée doit s'accompagner de la destruction du désir d'être propriétaire.

De la même manière que pour les TAZ, les insurrections doivent profiter de chaque mouvement social, de chaque émeute urbaine, de chaque moment où l'autorité de l'Etat est remise en cause, pour se mettre en place. Ces insurrections ne sont pas organisées, elles ne reposent pas sur un seul groupe d'individus. Elles dépendent de la situation dans laquelle elles apparaissent et de ses acteurs. Mais en aucun cas, elles ne doivent chercher la prise de pouvoir ou s'assurer une légitimité. L'insurrection doit être une « pure destitution et rien d'autre ». Les auteurs du Comité Invisible affirment que prétendre incarner une quelconque légitimité conduirait à recréer un Etat. C'est là une grande différence avec les zads qui revendiquent une légitimité dans leur action. Certes, cette légitimité ne doit pas conduire à l'instauration d'un gouvernement dans la pensée zadiste mais elle constitue un argument principal pour occuper les territoires et les projets d'aménagement. Le Comité Invisible préconise, comme son nom l'indique, la lutte invisible. L'anonymat est l'une des meilleures protections contre l'Etat. Cet élément se retrouve tant dans les TAZ que des dans les zads.

Comme pour les zadistes, le principale « ennemi » à destituer est symbolisé par l'Etat pour le Comité Invisible. Il faut alors réussir à supprimer ce qui fait sa force : le monopole de la violence physique légitime et s'attaquer à cette notion de légitimité. Une destitution ne peut arriver à son but que si la police n'est plus qu'un groupe ennemi à vaincre, les juges que des gardiens d'un ordre autoritaire et l'Etat qu'une ancienne organisation garante d'un ordre imparfait à remplacer. Le Comité Invisible prend exemple sur le Printemps Arabe et la Révolution tunisienne. C'est lorsque l'Etat et son chef ont perdu la légitimité de gouverner et

1 Ibid., p.9.

2 Ibid, p.8.

3 LE COMITE INVISIBLE, L'insurrection..., Op.cit., p.121.

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sont devenus de simple chef de clan que la destitution du régime a été possible. Les zadistes tentent également de « briser » la légitimité de l'Etat et de la police. Pour eux, le véritable succès de la lutte No-TAV, c'est d'avoir uni toute une vallée contre le gouvernement italien. De même, l'opération César aurait permis d'illustrer le fait que la police n'appartient pas à la France et à sa population mais au capital.

Le Comité Invisible partage également avec les zadistes certaines techniques de luttes comme le sabotage ou l'autonomie1. Le sabotage doit porter sur la production capitaliste et la circulation. La différence avec les zadistes repose dans le cas du sabotage sur sa dimension géographique. Le Comité Invisible préconise un sabotage général du système pour créer des situations d'insurrection. Les zadistes appellent à saboter les chantiers d'aménagements et les entreprises qui y travaillent.

Si le Comité Invisible estime qu'il faut utiliser toutes les ressources financières disponibles afin de se « libérer du temps pour exprimer son énergie », le pillage et la récupération ne sont pas viables. Il faut pour les auteurs s'inscrire dans une logique d'auto-organisation qui permet de ne pas dépendre du système et ainsi éviter de s'empêcher de le détruire. Les zadistes défendent également cette idée de l'autonomie2.

Dans l'ouvrage A nos amis3, les auteurs développent une réflexion portant sur la distinction entre pacifiques et radicaux lors des mouvements sociaux. Comme les zadistes, ils estiment qu'opposer les deux est contreproductif et illogique car les deux groupes sont liés par leur refus d'un système. Ils considèrent comme essentiel la « désactivation de ce couple infernal » pour parvenir à destituer le pouvoir. Ce dernier utilise cette distinction selon les zadistes et le Comité Invisible pour diviser un groupe homogène et semer la discorde. En revanche, le Comité Invisible, contrairement aux zadistes, critiquent tant l'attitude pacifiste que l'attitude radicale et appelle à adapter ses actions en fonction des circonstances.

Enfin, ses auteurs reconnaissent l'importance d'occuper un territoire afin de l'intégrer et lutter contre les nouvelles intégrations dues à la métropolisation. Il faut lutter contre les différents projets d'aménagement en habitant et en créant un attachement pour le territoire mais il ne faut pas revendiquer le local contre le local car le premier n'est que le « résidu »4 du

1 LE COMITE INVISIBLE, L'insurrection..., Op.cit., p.90-110.

2 Chapitre 1.

3 LE COMITE INVISIBLE, A nos amis..., Op.cit., p.137-146.

4 LE COMITE INVISIBLE, A nos amis..., Op.cit., p.191.

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second. L'enjeu des luttes n'est pas le territoire géographiquement parlant mais bien les façons de vivre qui se créent dans le conflit.

Destituer le pouvoir doit conduire à l'installation de communes pour le Comité Invisible. Leur définition de la commune n'est pas très détaillée dans leurs deux ouvrages. Elles existeraient dans « toute grève sauvage, tout squat, dans les comités d'actions, les villages d'esclaves »1. Cette définition s'apparente finalement à la TAZ qui « libère une zone puis se dissout [...] pour se reformer ailleurs dans le temps ou dans l'espace »2. Les communes doivent pour le Comité Invisible être des lieux où l'argent n'existe plus car il n'est plus nécessaire. Dans A nos amis, les auteurs précisent qu'un des fondements de la commune réside dans « le serment mutuel prêté par les habitants de se tenir ensemble »3. L'espace de la commune est « habité » dans le sens où les individus qui y vivent l'affectent et en sont affectées. La commune est donc une manière de vivre sur un espace. Le Comité Invisible précise que les communes ne peuvent dépasser une certaine taille géographique sans disparaitre. De même elles doivent éviter l'isolement, comme la Commune de 1871, qui les perdraient. En ce qui concerne l'analyse de l'économie dans les communes, les auteurs expliquent que l'objectif n'est pas de s'emparer de tous les communs (air, environnement, ressource, éducation, culture...) mais «d'élaborer un rapport » à ce qu'elles peuvent s'approprier.

Cette deuxième définition de la commune s'apparente beaucoup plus au modèle des zads. Dans les textes intitulés Rencontres sur la Commune4 et De la zad au communaux5, des zadistes détaillent la vision qu'ils ont de la commune. Ils décrivent la Zad de Notre-Dame-des-Landes comme la « forme vernaculaire » de la Commune. Elle doit permettre d'aborder la subsistance et l'existence en sortant de l'échelle individuelle et hors du contrôle étatique. La commune remplace la notion de propriété par la notion d'usage. Elle permet de s'ancrer sur le territoire et de s'inscrire dans « une autre temporalité » qui diffère des mouvements sociaux. Pour ces zadistes, « faire commune » permet de reprendre en main « les conditions matérielles et spirituelles de leurs existences ».

1 LE COMITE INVISIBLE, L'insurrection qui vient..., Op.cit., p.90.

2 BEY Hakim, TAZ..., Op.cit., p.8.

3 LE COMITE INVISIBLE, A nos amis..., Op.cit., p.201.

4 ZADIST, « Rencontre sur la Commune », zad.nadir.org [en ligne] le 22 mai 2016 ; URL : http://zad.nadir.org/spip.php?article3778 [réf. 8 juin 2016].

5 ZADIST, « De la zad aux communaux », zad.nadir.org [en ligne] le 17 juin 2015 ; URL : http://zad.nadir.org/spip.php?article3067 [réf. 7 mars 2016].

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams