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Les zones a defendre: d'un mouvement de contestation sociale à un nouveau courant de pensée politique

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par Antoine Vieu
Université de Bordeaux - Master 2 2016
  

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Chapitre 9 : Les zads et la perspective municipale libertaire.

Dans un article publié en juin 2016 dans Le Monde Diplomatique, Benjamin Fernandez s'intéresse aux cantons du Rojava dans le nord de la Syrie qui se sont constitués en communes autonomes1. Il explique que les membres du PKK, le Parti des Travailleurs du Kurdistan ont décidé de mettre en application les principes du municipalisme libertaire développés par Murray Bookchin. Le 26 septembre 2015, la Zad de Notre-Dame-des-Landes se déclare autonome en solidarité avec le Kurdistan2. Dans ce texte, les auteurs expliquent se sentir « proches » du processus politique en cours au Kurdistan avec la recherche d'une auto-organisation indépendante de l'Etat-Nation, l'élaboration de structures horizontales et la mise en place d'un confédéralisme démocratique. A cet égard, la pensée zadiste présente de nombreux points communs avec le municipalisme libertaire et l'écologie sociale.

La zad et le municipalisme libertaire : deux pensée fondées sur une critique similaire du système.

Le municipalisme libertaire est l'application politique de l'écologie sociale théorisée par Murray Bookchin. De la critique du système actuel à la promotion d'un autre modèle, la pensée zadiste et celle de Murray Bookchin se rejoignent. Pour autant, la pensée zadiste est bien moins théorisée et systémique que l'écologie sociale.

Pour Murray Bookchin, le désastre écologique actuel trouve son explication dans l'organisation sociale existante. Ainsi, l'Homme dans sa volonté de dominer la nature ne reproduirait que le modèle de domination existant entre les Hommes qu'il s'agisse d'une domination fondée sur le genre, sur l'ethnie, sur l'âge ou même sur la hiérarchie familiale. Défendre la nature pour Murray Bookchin revient donc à lutter contre toutes les dominations existantes entre les Hommes. Il détaille dans Le projet communaliste3 les facteurs responsables de la perpétuation de dominations. Il s'agit en premier lieu du capitalisme qui est « un système marchand d'échanges dans lequel l'objet est conçu pour la vente et où le profit imprègne et sert de médiateur à la plupart des relations humaines ». Il repose dès lors

1 FERNANDEZ Benjamin, « Aux sources du communalisme kurde, Murray Bookchin, écologie ou barbarie », Le Monde Diplomatique, Juillet 2016.

2 ZADIST, « Déclaration d'autonomie..., Op.cit.

3 BOOKCHIN Murray, « Le projet communaliste » dans Harbinger 2003 (N°1).

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sur un système économique nécessairement compétitif et inégalitaire. Pour Janet Biehl, auteure de Le municipalisme libertaire : la politique de l'écologie sociale, le capitalisme, par sa dynamique de prédation, « détruit autant les sociétés humaines que les Hommes »1. Outre son caractère « immoral », le capitalisme a produit la division de la société en classe et l'existence des hiérarchies entre les Hommes. Mais Murray Bookchin nous met en garde sur la nature du capitalisme. Il n'existe pas de « capitalisme pur »2 car il est en évolution permanente. Ainsi la division classique prolétaire/bourgeois a elle aussi connu une évolution. Pour Murray Bookchin, la classe ouvrière a été remplacée par la « classe moyenne laborieuse » qui a perdu son sentiment d'appartenance de classe. Penser la révolution uniquement en termes de lutte de classes devient caduque dans le contexte économique et politique actuel. Pour Murray Bookchin, c'est par des « luttes globales » qu'une conscience sociale pourrait émerger3. Enfin, il note ce qu'il qualifie d'extrême contradiction du capitalisme : la croyance en une croissance économique infinie et la « désertification de l'environnement naturel ». Les zadistes développent une analyse relativement similaire quant à la structure du capitalisme et son paradoxe insurmontable.4

Un autre élément qui perpétue la domination est constitué par l'Etat, qualifié par Murray Bookchin de « machinerie professionnelle conçue pour dominer et faciliter l'exploitation des citoyens dans l'intérêt d'une classe privilégiée »5. Comme dans toutes les critiques anarchistes de l'Etat, y compris chez les zadistes, il y a la dénonciation de son caractère illégitime. Murray Bookchin reprend la définition de Max Weber en la déformant et parle de « monopole professionnalisé de la violence » qui vise à assurer l'exploitation de « l'humain par l'humain »6. Pour Janet Biehl, l'Etat « substitue à la démocratie directe » un gouvernement élitiste7 d'une part et d'autre part infantilise l'individu en lui imposant un lien de dépendance et de subordination.

Cette critique de l'Etat se retrouve dans la pensée zadiste lorsqu'elle dénonce le contrôle social qu'il impose et son caractère illégitime. Concernant le contrôle social justement, les zadistes parlent du peuple comme une fonction « homogénéisante ». Pour Murray Bookchin, le mot peuple s'est vidé de son sens à partir du moment où les différences de classes, de sexes

1 BIEHL Janet, Le municipalisme libertaire : la politique de l'écologie sociale, Montréal, Ecosociété, 2013, p.128.

2 BOOKCHIN Murray, « Le projet..., Op.cit., p.3.

3 Ibid., p.3.

4 Chapitre 1

5 BOOKCHIN Murray, « Le projet..., Op.cit., p.8.

6 BOOKCHIN Murray, Pour un municipalisme libertaire, Lyon, Atelier de Création Libertaire, 2003, p.12.

7 BIEHL Janet, Le municipalisme libertaire ..., Op.cit., p.125.

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et d'éthiques ont été niées1. Pour autant, ce processus n'est pas irrémédiable et Murray Bookchin envisage une redéfinition du mot « peuple » avec l'émergence de nouveaux mouvements sociaux tournés vers de nouvelles préoccupations idéologiques de l'intérêt général autour des problématiques écologiques, morales ou culturelles.

Murray Bookchin voit comme responsable dans l'échec de la Commune de 1871 ou des Soviets, la délégation du pouvoir populaire. Il ne peut se déléguer sans se détruire2. Le suffrage universel électoral transforme le peuple en « masse » non pas en citoyen. Janet Biehl précise que le referendum ne doit pas être perçu comme un outil démocratique. Elle estime que le suffrage référendaire universel correspond plus à un « enregistrement des préférences » plutôt qu'à la participation politique du citoyen tant il transforme celui-ci en « consommateur » et les idéaux en « goûts personnels »3. Dans un texte publié le 5 juin 2016, des zadistes expliquent leur prise de position face au referendum local concernant le projet d'aéroport, organisé par le pouvoir exécutif le 26 juin 20164. Pour les zadistes, l'Etat n'est jamais neutre lorsqu'il organise un referendum. Il est d'une part dirigé par des individus qui ont un avis sur la question référendaire et ces mêmes individus l'organisent. D'autre part, l'Etat est bien souvent partie du projet en cause. Demander l'avis de la population constitue ainsi une « parodie » de la démocratie pour les zadistes.

Une autre critique partagée entre la pensée de Murray Bookchin et la pensée zadiste concerne les « mass médias ». Pour les deux, les « mass médias » sont au service du capitalisme dans la mesure où ils font accepter aux individus leurs exploitations, les transforment en « dociles consommateurs » et maintiennent ainsi la paix sociale en rendant toute perspective de révolte inutile et illégitime.

Il y a un point sur lequel la pensée zadiste semble s'opposer au municipalisme libertaire de Murray Bookchin. Il s'agit du besoin de gouvernement. Cette question apparait lorsque Murray Bookchin décrit les idéologies marxiste et anarchiste. En ce qui concerne l'anarchisme, Murray Bookchin considère qu'il ne constitue pas une « théorie sociale »5 dans le sens où il ne permet pas de fournir une explication du monde moderne et industriel mais aussi car sa définition est trop polysémique. Il estime que l'anarchisme utilise le marxisme pour justifier

1 BOOKCHIN Murray, Pour un municipalisme libertaire..., Op.cit., p.24.

2 Ibid., p.19.

3 BIEHL Janet, Le municipalisme libertaire ..., Op.cit., p.102.

4 ZADIST, « Le mouvement de lutte de Notre-Dame-des-Landes face à la consultation », zad.nadir.org [le 5 juin 2016] ; URL : http://zad.nadir.org/spip.php?article3747 [réf. Le 15 juin 2016].

5 BOOKCHIN Murray, « Le projet..., Op.cit., p.7.

sa pensée économique. Il va même jusqu'à dire que l'anarchisme représente la forme la plus poussée de « l'autonomie sans entrave de l'idéologie libérale ». Outre ces éléments qui pourraient être discutés, Murray Bookchin conteste l'approche anarchiste qui consiste à rejeter toute idée de gouvernement. Pour lui, le gouvernement n'est pas intrinsèquement autoritaire et se révèle même être nécessaire pour « traiter les problèmes de la vie consociétale de manière ordonnée»1. Or, la pensée zadiste rejette l'idée de la nécessité pour un groupe d'individu d'avoir un gouvernement qu'ils définissent comme un pouvoir exécutif charger de faire appliquer les lois décidés par le peuple2. Murray Bookchin qualifie de « stupide » le refus libertaire à la loi et au gouvernement.

Cette dernière différence est importante pour comprendre la distinction entre la pensée zadiste et le municipalisme libertaire. Murray Bookchin, contrairement aux zadistes, entreprend l'élaboration d'une théorie sociale qui a nécessairement une portée générale bien qu'elle doit permettre la mise en place d'un système qui respecte les spécificités locales .

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1 Ibid., p. 9.

2 Chapitre 1 et ZADISTE, « En quoi l'organisation de la vie..., Op.cit.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984