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Les zones a defendre: d'un mouvement de contestation sociale à un nouveau courant de pensée politique

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par Antoine Vieu
Université de Bordeaux - Master 2 2016
  

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Penser la zad dans le réseau d'opposition au Grands Projets Inutiles et imposés

Si les zads n'ont pas de définition stricte en raison de leur singularité, elles partagent certaines valeurs. Elles se constituent dans la lutte contre les grands projets d'aménagement symboles d'un « modèle consumériste, climaticide et énergivore »1. Philippe Subra énumère les zads dans son ouvrage à partir du critère d'occupation permanente2. Son analyse n'est pas partagée par le site zad.nadir qui présente une liste actualisée et non-exhaustive des « zad et espace occupé »3 dans laquelle l'occupation permanente n'apparait pas comme le critère déterminant. A titre d'exemple de grands projets dits « inutiles et imposés », il y a la construction d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, un barrage pour constituer une réserve d'eau à Sivens, un Center Park à Roybon, une technopole et une LGV (ligne à grande vitesse) à Agen, un centre d'enfouissement des déchets nucléaires à Bure, une scierie géante à Macilly, une rocade autoroutière à côté d'Avignon, un nouveau stade de foot à Lyon. Pour autant, les grands projets d'aménagement sont confrontés à une contestation qui dépasse le cadre des zads.

Diane Robert, dans son travail sur les mouvements sociaux et les grands projets inutiles et imposés, définit ces derniers comme « des investissements de grande ampleur dans des installations matérielles. Le terme fait référence non seulement aux grands projets d'infrastructure de transport, d'énergie, de gestion de l'eau ou des déchets, mais aussi aux

1 CAMILLE, Le petit livre noir..., Op.cit., p.25.

2 SUBRA Philippe, Zones A Défendre..., Op.cit., p.20.

3 http://zad.nadir.org/spip.php?rubrique80

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infrastructures minières, à la fracturation hydraulique, aux projets de renouvellement urbain, de stations touristiques et de grandes zones commerciales ». 1 Pour les auteurs du « petit livre noir des grands projets inutiles », le pouvoir politique depuis les pharaons d'Egypte, assure et manifeste sa domination par la construction de ce type de projet. Le pouvoir politique actuel utiliserait ces projets pour créer des emplois et relancer la croissance économique tout en acquérant une indépendance énergétique mais il ne prend pas en compte les catastrophes sociales et écologiques qu'il produit.

Diane Robert entend mettre en évidence les grands projets avec le courant économique néolibéral. Le néolibéralisme prône un contrôle de la sphère politique mais aussi de la vie sociale par le marché. Les individus sont passés du statut de citoyen à celui de consommateurs. La démocratie deviendrait de plus en plus obsolète dans la mesure où « les possibilités de véritables prises de décision et de conflits politiques sont écartées »2 au profit d'un consensus autour de la dérégulation du marché et de la disparition du secteur publique. Enfin le néolibéralisme a introduit dans l'économie des outils tels que les Partenariats Publics Privés qui permettent aux entreprises privées de construire et gérer des établissements de service public tel que les prisons ou dans le cadre de Notre-Dame-des-Landes un aéroport. Toujours selon Diane Robert, le système néolibéral repose sur une logique de prédation dans lequel le plus fort économiquement « aspire » le plus faible. Ainsi, les grandes entreprises internationales vont prospérer tandis que les petites entreprises nationales vont disparaître, ne pouvant rivaliser avec la concurrence des grands groupes. Mais l'angle mort de ce système - l'épuisement des ressources naturelles et la destruction de la nature - nourrit son opposition. Si, comme le note Diane Robert, le modèle néolibéral conçoit les inégalités sociales comme un moteur de l'économie donc intégrées au système, il n'envisage pas de solutions aux problèmes écologiques.

Les grands projets apparaissent ainsi pour leurs opposants comme « imposés » car décidés par les grandes entreprises et les Etats sans la participation des citoyens et « inutiles » dans la mesure où même avant d'être construits ils sont obsolètes en raison de l'absence de considérations écologiques.

Pour Diane Kruger, les grands projets « participent au processus de métropolisation ». Ce processus conduit à la création de métropoles ultra connectées entre elles par un réseau

1 ROBERT Diane « Les mouvements sociaux opposés aux grands projets inutiles imposés », http://www.pcscp.org/IMG/pdf/mouvements sociaux anti gpii.pdf.

2 Ibid., p.3.

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de transport et de communication intense. Ce processus aurait pour conséquence de créer des déserts entre les métropoles. Les mouvements d'opposition à ces projets comme les zads profitent de ces espaces laissés à l'abandon par le « Progrès » pour expérimenter un autre schéma de vie. Cette analyse est reprise par Anahita Grisoni dans son article « Les Grands Projets Inutiles et imposés (GPII) à l'avant-garde de la ruralité ? »1 qui voit dans l'organisation globale et compétitive du territoire la raison des répartitions des GPII.

Diane Robert analyse l'organisation des mouvements opposés aux grands projets d'aménagement comme un rhizome qui est un « réseau avec des caractéristiques de multiplicité, de relation intense avec son environnement et un potentiel transformateur ». Il n'y a pas de relation hiérarchique, pas d'origine et pas de fin dans un rhizome. Dans le mouvement contre les GPII, comme dans un rhizome, chaque composante de la lutte peut avoir des relations avec une autre composante, ou plusieurs. Il n'y a pas de structure centrale. Les relations consistent dans un échange d'information, de conseils et de techniques, de soutiens humains lors de gros rassemblement. Depuis 2010 et la création du premier dans le Val Susa, un forum contre les GPII est organisé chaque année dans un pays différent et rassemble les différentes composantes de la lutte.

Le Collectif Mauvaise Troupe souligne l'importance du réseau qui ressemble au rhizome entre les différents combats. « Il faut dépasser l'entraide de zad à zad »2 et profiter de l'importance de Notre-Dame-des-Landes tant politiquement que dans l'imaginaire des individus en tant que soutien des autres combats d'aménagement. Les combats doivent s'unir et exprimer leurs solidarités à grande échelle. Mais la mise en réseau contrairement aux structures plus traditionnelles type parti ou syndicat permet de préserver la spécificité propre de chaque mouvement d'opposition, des buts singuliers à l'autonomie d'action. Les connexions se font et se défont au gré des événements. Pour autant, le collectif critique aussi l'absence d'ancrage dudit réseau et du besoin d'ancrée les relations pour éviter l'affaiblissement qu'a connu la lutte altermondialiste qui fonctionnait en réseau. Cet ancrage doit autant reposer sur l'affectif que les proximités politiques.

Concernant la convergence des luttes entre les mouvements sociaux, les zadistes restent assez méfiants. Ils estiment que les luttes n'avancent pas nécessairement vers un même point ou elles n'ont ni le même rythme, ni la même dimension géographique. Ainsi,

1 GRISONI Anahita, « Les Grands Projets Inutiles et Imposés (GPII) à l'avant-garde de la ruralité » dans Mouvement n°84, 2015.

2 COLLECTIF MAUVAISE TROUPE, Contrées : ..., Op.cit., p.375.

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rechercher leurs convergences par le plus petit dénominateur commun serrait une erreur qui atténuerait toute la portée de la multiplicité des revendications. Ils préconisent de créer des jonctions entre les combats. Ces créations nécessitent du temps et ont autant besoin de l'affectif que du politique.

La zad se construit ainsi sur trois plans : son mode d'organisation, ses techniques de luttes et sa place dans le réseau contre les grands projets inutiles et imposés. A la lecture des sources primaires, les zadistes développent conception singulière du politique et des alternatives qu'ils envisagent. De plus le rapport entre la violence et la non-violence semble avoir trouvé un certain équilibre. Pour prouver cette singularité, nous allons étudier l'historicité des zads en les comparants à d'autres phénomènes politiques qui partagent à première vue de nombreuses particularités.

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