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Du respect des droits de l'homme en prison. Cas de la RDC.

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par Dabissi David LANKOANDE
Université de Nantes - Master droit international et droits fondamentaux 2015
  

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    UNIVERSITE DE NANTES

    FACULTE DE DROIT ET SCIENCES POLITIQUES DE NANTES & AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE

    ANNEE UNIVERSITAIRE 2014-2015

    DU RESPECT DES DROITS DE L'HOMME DANS LES PRISONS DES PAYS EN RECONSTRUCTION : ETUDE DU CAS DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

    MEMOIRE DE RECHERCHE

    MASTER 2 SPECIALITE DROIT INTERNATIONAL ET EUROPEEN
    DES DROITS FONDAMENTAUX

    Présenté par :

    Prénom NOM : Dabissi David LANKOANDE

    Tuteur :

    Prénom NOM : Robinson TCHAPMEGNI

    Juge au Cameroun et enseignant à l'Université de NANTES

    JUILLET 2015

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION GENERALE 10

    I. Problème 15

    II. Questions de recherche 15

    A. Question principale 15

    B. Questions secondaires 15

    III. Objectifs de la recherche 15

    A. Objectif général 15

    B. Objectifs spécifiques 15

    IV. Délimitation de notre thème 15

    V. Hypothèses de recherche 16

    A. Hypothèse principale 16

    B. Hypothèses secondaires 16

    VI. Stratégie de vérification de l'hypothèse principale 16

    CHAPITRE I : LE CADRE JURIDIQUE RELATIF À LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DES

    DETENUS 19

    Section I. Les instruments juridiques internationaux internalisés en droit positif Congolais19

    §1. Les normes internationales de portée générale 19

    A. La Déclaration Universel des droits de l'Homme 19

    B. Les Conventions catégorielles 20

    §2. Les normes internationales spécifiques 21

    A. Les normes internationales spécifiques au traitement des détenus 21

    B. Les normes Africaines spécifiques aux détenus : la charte Africaine des droits de

    l'Homme et des peuples (CADHP) 25

    Section II. Les instruments juridiques nationaux 25

    §1. Les textes garantissant les droits fondamentaux des détenus en République

    Démocratique du Congo (RDC) 25

    A. La constitution 26

    1

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    B. La législation pénale nationale relative aux droits de l'homme 27

    §2. L'ordonnance 344 du 17 septembre 1965 régissant les établissements pénitentiaires 28

    A. L'organisation des établissements pénitentiaires 28

    B. Le fonctionnement des établissements pénitentiaires 30

    CHAPITRE II : L'ETAT DES LIEUX DU SYSTEME PENITENTIAIRE 31

    Section I - L'architecture du système pénitentiaire 32

    §1. L'organisation de l'Administration Pénitentiaire 32

    B - Les prisons de district 34

    §2. Les conditions d'entretien des personnes incarcérées 36

    Section II - Le constat de violations continues des droits des détenus 40

    §1.Les violations des normes en matière de détention 40

    A - le milieu de vie des détenus 41

    B - L'administration journalière des prisons 44

    §2. Les violations des droits minimum 48

    A - Le droit à l'alimentation 48

    B - Le droit à la santé 50

    CHAPITRE I : LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DES DETENUS 54

    Section 1 - L'amélioration possible du système pénitentiaire 54

    §1. Le renforcement de la déontologie et des capacités opérationnelles 54

    A - Le recrutement d'un personnel 54

    B- La formation adéquate du personnel 55

    §.2 - Le renforcement de la sécurité des prisons 56

    A- La motivation et amélioration des conditions de travail du personnel 57

    B - Les équipements 57

    Section II - La maitrise de la détention par le personnel 58

    A - Le renforcement des postes de sécurité 58

    B - La suppression du système de Capita ou gouvernorat dans la détention 60

    2

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    §2 - L'assurance alimentaire des détenus 61

    A - L'allocation d'un budget autonome pour l'entretien des détenus 61

    B- La lutte contre la surpopulation carcérale 62

    a. Les remises de peine 63

    b. Le travail d'intérêt général 63
    CHAPITRE II : RENFORCEMENT DES MESURES SANITAIRES ET DE REINSERTION SOCIALE EN FAVEUR

    DES DETENUS 64

    Section I - Le renforcement de la lutte contre l'oisiveté 64

    §1 - La promotion du travail pénitentiaire 65

    A - La création de centres pénitentiaires agricoles 65

    B - La promotion du maraichage et des ateliers de formation 67

    §2 L'introduction des mesures alternatives à l'emprisonnement et les aménagements de

    la peine. 70

    A - L'adoption d'une réglementation pour régir les prisons 70

    B - L'amélioration de la prise en charge sanitaire des détenus 71

    Section II - La réhabilitation des infrastructures selon les normes internationales 74

    §.1 - La création de quartiers distincts 74

    A - La séparation des détenus militaires des détenus civils 74

    B - La séparation des détenus prévenus des condamnés 75

    §.2 - L'humanisation de l'univers carcéral 77

    A - Le droit à une éducation formelle des détenus 78

    B - L'ouverture de la prison au monde extérieur 80

    CONCLUSION GENERALE 83

    BIBLIOGRAPHIE 87

    3

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    4

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    A mes feus parents:

    - TIAMBA LANKOANDE ;

    - MOSSIPOA MANO,

    Vous qui m'avez soutenu au prix de sacrifices inoubliables,

    Nulle dédicace ne saurait exprimer toute ma reconnaissance et mon affection à votre égard.

    Que vos âmes reposent en paix

    5

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    6

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    Au-delà de l'effort personnel, La réalisation de ce travail n'aurait pu être possible sans le concours de certaines personnes que je tiens à remercier, que celles-ci trouvent ici l'expression de notre profonde gratitude. Mes remerciements vont particulièrement à :

    Notre Directeur de Mémoire Robinson TCHAPMEG Juge au Cameroun et enseignant à l'Université de NANTES qui, en dépit de ses lourdes charges professionnelles, a su avec douceur et fermeté conduire ce travail. Sa constante disponibilité, son suivi, ses conseils et ses exhortations continues sont le reflet de ce travail.

    Qu'il trouve en ce document l'expression manifeste de notre profonde gratitude.

    Nous aimerions témoigner aussi notre reconnaissance à l'ensemble de l'Administration et du corps professoral de la Faculté de droit et sciences politiques de l'Université de Nantes qui ont assuré notre formation universitaire.

    Nous exprimons toute notre admiration à notre épouse Fatimata LANKOANDE et à nos enfants, Fidèle, Firmin, Philippe, Cynthia, aux nièces Christiane, Natou, qui ont supporté toute notre absence, votre patience mérite un hommage reconnaissant.

    Aux amis Jean Jacques Ouédraogo et Joël Somda pour leurs inestimable critiques, conseils ; et accompagnement tout au long de notre rédaction.

    A nos camarades de promotion et collègues des Nations Unies, nous vous témoignons notre amitié ;

    A toutes les personnes que nous n'avons pas pu citer nommément. Que chacun de vous trouve dans ce document l'expression de notre profonde gratitude.

    7

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    LISTES DES ACRONYMES ET ABREVIATIONS

    AG Assemblée Générale des Nations Unies

    Art Article

    CADHP Charte Africaine des droits de l'Homme et des peuples

    CCP Code de Procédure Pénale

    CP Code Pénal

    CICR Comité International de Croix-Rouge

    DUDH Déclaration Universel des Droits de l'Homme

    EP Etablissement Pénitentiaire

    FARDC Forces Armées de la République Démocratique du Congo

    MONUSCO

    Mission de l'Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo

    ONG Organisation non gouvernementale

    ONU Organisation des Nations Unies

    OUA Organisation de l'Unité Africaine

    PIDCP Pacte international relatif aux droits civils et politiques

    PNC Police Nationale Congolaise

    PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement

    RDC République Démocratique du Congo

    REJUSCO Restauration de la justice pour le Juste à l'est du Congo

    RMT Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus

    UA Union Africaine

    UNOPS United Nation for Project Services

    § Paragraphe

    8

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux
    Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    GLOSSAIRE1

    Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

    Ensemble de règle minima pour le traitement des détenus

    Prison : terme générique qui désigne les établissements au sein desquels des individus subissent des mesures privatives de liberté.

    Maison d'arrêt et de correction : Etablissement pénitentiaire destiné à recevoir des détenus prévenus et des condamnés à une peine privative de liberté

    Détenu prévenu : personne emprisonnée qui n'a pas encore été jugée, contre laquelle est exercée l'action publique devant une juridiction de jugement en matière correctionnelle et contraventionnelle

    Détenu condamné : personne ayant fait l'objet d'une décision de condamnation à l'emprisonnement ferme, ayant acquis un caractère définitif

    Inculpé : personne soupçonnée d'une infraction pendant une procédure d'instruction
    Remise de peine : mesure permettant de raccourcir la durée de la peine temporaire,

    privative de liberté accordée à un condamné en cas de bonne conduite Amendement : vertu attribuée à la sanction pénale, garantie sérieuse de réinsertion

    sociale, condamné ayant montré une bonne conduite ou de l'ardeur au

    travail.

    Concession : contrat passé entre une personne publique (Etat, collectivité territoriale) et une personne de droit privé ou de droit public

    Pénologie : science pénitentiaire dont l'objet est d'étudier les mesures d'exécution des sanctions et de déterminer les solutions pénales les plus efficaces, permettant d'orienter la politique criminelle

    1 1 Les définitions présentées dans le glossaire sont issues du lexique des termes juridiques du DALLOZ 13è édition 2001

    9

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    INTRODUCTION GENERALE

    «Toupictionnaire», le dictionnaire politique définit les droits de l'homme comme une notion selon laquelle tout être humain possède des droits universels, inaliénables, quel que soit le droit en vigueur dans l'Etat ou groupe d'Etats où il se trouve, quelles que soient les coutumes au niveau local, liées à l'ethnie, à la nationalité ou à la religion.

    Cette philosophie considère que l'être humain, de par son appartenance à l'espèce humaine, dispose de droits "inhérents à sa personne, inaliénables et sacrés". Ces droits sont opposables en toutes circonstances à la société et au pouvoir. Et selon le criminologue Dostoïevski : «nous ne pouvons juger du degré de civilisation d'une nation qu'en visitant ses prisons»

    Tout individu reconnu alors en tant qu'être humain est reconnu par les constitutions, les divers traités et conventions internationales des différents pays afin qu'il soit respecté par tous, y compris par l'Etat qui doit en être le garant. Sur le plan international, il faudra attendre en 1948 à l'initiative de René Cassin pour que soit adoptée la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme par l'Organisation des Nations Unies. Il convient de noter que les droits de l'homme s'appliquent aux gouvernements même si la tendance de nos jours est que les acteurs non étatiques sont aussi concernés.

    Les droits de l'homme occupent une place importante dans la Charte des Nations Unies de 1945. L'Assemblée générale de l'ONU adoptait la Déclaration universelle des droits de l'homme qui stipule que la façon dont les Etats traitent leurs citoyens est un sujet de préoccupation légitime qui doit être soumise à des critères internationaux. C'est dans ce même objectif que les Nations Unies ont élaboré à Genève en 1955 l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus2 afin d'établir les principes et les règles d'une bonne organisation pénitentiaire et de la pratique du traitement des détenus.

    2 Adopté par le premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvé par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du

    13 mai 1977

    10

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    Cette norme internationale, tout en reconnaissant qu'elle ne peut pas s'appliquer systématique dans tous ses aspects vu la diversité des conditions juridiques, sociales, économiques et géographiques. Elle devrait néanmoins servir de sorte de boussole tendant à son application si telle qu'elle représente les conditions minima qui sont admises par les Nations Unies.

    Dans le cas spécifique du traitement des détenus dans les pays en phase post conflit et particulièrement dans les prisons de la République Démocratique du Congo on peut se poser la question comment une société peut apprendre la norme sociale à une partie de ses membres même en prison, alors que le droit ne semble pas ou mal parfois s'appliquer à eux ?

    Si la prison est un moyen pour la société de se protéger, elle a aussi une mission éducative car elle est le fait de l'aboutissement d'échecs de la famille, de l'école, de la société elle-même. Au nom donc de cette même nécessité de protection de la société, il faut aussi se donner les moyens d'assurer l'entretien et l'encadrement des détenus.

    La prison doit punir, certes, mais aussi resocialiser. C'est le sens qu'il faudra donner à la peine exécutée dans un établissement pénitentiaire.

    La vie carcérale a, pendant longtemps, été dominée exclusivement par les préoccupations de sécurité et par l'idée que les conditions de détentions doivent être nécessairement pénibles pour amener le condamné au repentir qui ouvre la voie à l'amendement. Certes, « le caractère pénible de la peine ne doit pas disparaître, mais il ne doit pas prédominer jusqu'au point de compromettre le but de réadaptation sociale qui est lui aussi poursuivi ».3 . Platon4 avait déjà depuis l'antiquité5 « mis en garde contre la colère à l'égard des criminels et demandait qu'on leur enseigne

    3 G. Stefani et alii. , Criminologie et science pénitentiaire, Paris, 5e édition DALLOZ, p.294

    4 Philosophe grec (428- 348 av. Jésus Christ), disciple de Socrate

    5 Antiquité, période de l'histoire occidentale qui commence avec la naissance du monde grec vers 2000 avant Jésus Christ., pendant l'âge du bronze, et s'achève à la fin de l'Empire romain d'Occident en 476 après Jésus Christ.

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    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    surtout comment ne plus commettre d'infractions en leur donnant l'instruction et la formation qui leur ont souvent fait défaut »6.

    A propos du sort du détenu, Alexandre de TOCQUEVILLE disait « Peut-être ne sera-t-il pas, pendant sa détention, devenu un honnête homme ; mais il aura contracté des habitudes honnêtes ; peut-être, au fond de son âme, ne sentira-t-il pas un grand respect pour les lois de la morale ; mais il se montrera obéissant aux lois de la société ; et c'est tout ce que la justice peut lui demander

    Ainsi la peine doit aussi être « humainement appliquée, car celui qui la subit est une personne humaine dont, quel que soit la déchéance, il faut respecter la dignité humaine. Le détenu qui est un homme doit mener, même en prison, une vie physique et morale aussi normale que possible »7.

    Les établissements pénitentiaires ne sont pas certes, par leur nature des lieux où les libertés ordinaires doivent s'épanouir, mais ils doivent nécessairement offrir à leurs hôtes des conditions de vie décentes, le respect total de leur droit lié à leur état et une alternative aux comportements répréhensibles. Les établissements pénitentiaires exercent une mission de service public en assurant à la société une quiétude et une tranquillité. Cela se traduit par une mise en quarantaine d'individus ayant enfreint aux lois instaurées pour le fonctionnement normal de ladite société. La mission de l'institution pénitentiaire serait alors un échec si elle ne se préoccupait pas du devenir de cette frange de la population. Car les personnes détenues finiront par être libérées et être soumises aux mêmes exigences de la société, il convient alors que les mesures de leur privation de liberté soient conformes aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.

    Le but de l'incarcération est avant tout la protection du corps social contre les actes de délinquance. Pour atteindre cette fin, il faudra agir de sorte que l'incarcération n'affecte pas tous les droits, mais certains droits particuliers qui sont entre autres : le droit à la liberté, à la vie privée, la liberté de mouvement, liberté d'association. C'est-

    6 G. Stefani et alii. , Criminologie et science pénitentiaire, Paris, 5e édition DALLOZ, p.300

    7 G. Stefani et alii. , Criminologie et science pénitentiaire, Paris, 5e édition DALLOZ, p.481

    12

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    à-dire donc, que les autres droits, universellement reconnus à l'être humain, ne prennent pas fin avec la détention. C'est le cas du droit à la vie, au respect de son intégrité physique, à la liberté d'opinion, le droit de religion, à l'application équitable de la loi etc.

    Il est donc de plus en plus admis que les détenus conservent tous leurs droits à l'exception de ceux liés à l'incarcération et à la bonne gestion des établissements pénitentiaires.

    Parler du respect des droits des détenus est un sujet qui peut nourrir la polémique auprès de l'opinion publique, très souvent, peu informée sur le milieu pénitentiaire. Il faut nécessairement une exploration profonde des réalités des conditions de détentions au Congo pour être convaincu des conditions de détention précaires, aggravées par la sous-alimentation, les problèmes de soins médicaux, l'inadaptation des locaux de détention, l'oisiveté des détenus, l'insuffisance et le manque de professionnalisme du personnel pénitentiaire, le pouvoir disciplinaire exercé par des détenus sur leurs codétenus. Notre étude vise ainsi à jeter un éclairage et proposer des pistes de solution aux maux qui minent les Administrations Pénitentiaires dans les pays post-conflit, singulièrement au Congo que nous avons porté le choix de notre étude sur le thème « Du Respect des droits de l'homme en prison dans les pays en reconstruction : Etude de cas de La République Démocratique du Congo. »

    Le choix de notre thème trouve sa justification dans notre expérience professionnelle comme Inspecteur des établissements pénitentiaires de notre pays et surtout en tant que conseiller en matière pénitentiaire au sein du système des Nations Unies successivement dans les pays post conflit que sont la Côte d'Ivoire et la République Démocratique du Congo qui est notre champ d'étude. L'intérêt qui motive le choix de ce thème se fonde sur le fait que la prison doit être utile aussi bien à la société qu'aux détenus eux-mêmes. Si au contraire la prison participe à un processus inéluctable de descente aux abysses de la condition humaine, le criminel gardera une rancune envers ceux qui l'ont privé d'un temps de vie. Et de fait, probablement, jamais il n'effectuera le travail d'amendement que lui réclame pourtant la société. Alors que « Le but et la justification des peines et mesures privatives de liberté sont, en définitive, de protéger la société contre le crime. Un tel but ne sera atteint que si

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    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux
    Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    la période de privation de liberté est mise à profit pour obtenir dans toute la mesure du possible que le délinquant une fois libéré soit non seulement désireux mais aussi capable de vivre en respectant la loi et de subvenir à ses besoins.

    8 Premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants réunit en 1955 à Genève

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    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux
    Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    I. Problème

    La problématique du respect des droits de l'homme dans les prisons de la République Démocratique du Congo.

    II. Questions de recherche

    A. Question principale

    Les droits de la personne humaine sont-ils effectifs dans les prisons en République Démocratique du Congo ?

    B. Questions secondaires

    1- La personne humaine perd-elle ses droits du fait de son incarcération ?

    2- Les conditions de détention permettent-elles le respect des droits de la personne incarcérée ?

    III. Objectifs de la recherche

    A. Objectif général

    Faire l'état des lieux des conditions de vie et de détentions des détenus en RDC et faire des propositions pour améliorer les droits fondamentaux des détenus.

    B. Objectifs spécifiques

    1- Faire une analyse de la situation des conditions de vie et de détention des personnes incarcérées.

    2- Formuler des propositions en vue d'améliorer la protection des droits fondamentaux des détenus.

    IV. Délimitation de notre thème

    Du respect des droits de l'homme s'entend ici des droits violés dans les prisons qui sont les établissements pénitentiaires dans lesquels sont subies les mesures privatives de liberté régulières. Sont donc exclus de notre étude, les lieux de détention illégaux ou clandestins et les prisons de police ou cachot qui ne constituent

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    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    pas des établissements pénitentiaires où doivent s'exécuter des peines privatives de liberté.

    V. Hypothèses de recherche

    A. Hypothèse principale

    Les droits de la personne humaine sont effectifs dans les prisons en République Démocratique du Congo

    B. Hypothèses secondaires

    1. La personne humaine perd ses droits du fait de son incarcération

    2. Les conditions de détention ne permettent pas le respect des droits fondamentaux de la personne incarcérée

    VI. Stratégie de vérification de l'hypothèse principale

    Pour vérifier nos hypothèses nous procèderons :

    - A la visite des lieux de détention, notamment les prisons

    - A de l'analyse documentaire

    - A des entretiens et à l'analyse de leurs contenus.

    L'Etat des lieux du système pénitentiaire, le fonctionnement de l'Administration pénitentiaire, l'analyse qui en sera faite telle que déclinée sur le plan de mémoire permettront de vérifier l'hypothèse principale.

    L'ensemble de la recherche s'articule autour de deux parties dont : La première donne un « aperçu général sur le cadre légal et la situation des prisons » subdivisée en deux chapitres à savoir : Le cadre juridique de la protection des droits fondamentaux des détenus (Chapitre I) et l'état des lieux du système pénitentiaire (Chapitre II)

    Et une deuxième partie qui envisage « Des perspectives de reformes et d'améliorations du système pénitentiaire » avec la protection des droits fondamentaux des détenus (Chapitre I) et le renforcement des mesures sanitaires et de réinsertion sociale en faveur des détenus (chapitre II).

    16

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    PREMIERE PARTIE :

    APERÇU GENERAL SUR LE CADRE LEGAL ET LA SITUATION

    DES PRISONS

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    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    La protection des libertés individuelles est la première mission de l'institution judiciaire. L'arsenal juridique doit constituer le rempart contre l'arbitraire même venant de l'administration, l'atteinte à l'intégrité physique et morale des personnes et, en général, toute atteinte à la jouissance des droits.

    C'est ce cadre juridique de la protection des droits fondamentaux des détenus que nous tenterons d'explorer (Chapitre I). Nous ferons ensuite l'état des lieux (chapitre II) du système pénitentiaire pour en déceler les garanties ou les manquements à la jouissance des droits fondamentaux des détenus en République Démocratique du Congo.

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    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    CHAPITRE I : LE CADRE JURIDIQUE RELATIF À LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DES DETENUS

    Toute activité de l'Homme est règlementée par un certain nombre de règles qui sont contenus dans les instruments juridiques internationaux (section I) et généralement retranscrits dans les instruments juridiques nationaux (section II). Le cadre spécifique de la protection des droits fondamentaux des détenus n'en déroge pas à la règle.

    Section I. Les instruments juridiques internationaux internalisés en droit positif Congolais

    Pour la protection les droits fondamentaux de la personne humaine en générale des normes internationales générales (§1) sont édictées, dans le cas des personnes incarcérées des normes spécifiques (§2) sont aussi en leur faveur.

    §1. Les normes internationales de portée générale

    Les normes internationales en matière de protection de droits fondamentaux n'ont pas toutes le caractère contraignant pour les différents Etats Parties ; elles ne sont pas là pour qu'on les atteigne, mais plutôt pour servir de guide. Parmi ses normes internationales il y a la Déclaration universelle des droits de l'homme (A) considérée comme la norme fondamentale dans la protection des droits humains et les conventions catégorielles (B) qui concernent une catégorie spécifique d'individu dont les détenus.

    A. La Déclaration Universel des droits de l'Homme

    La Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, a contribué à la vulgarisation des droits de l'homme. Même si elle reste un "idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations", elle a été largement reconnu et la série de traités, pactes et protocoles qui ont formés la Charte internationale des droits de l'homme ont fait d'elle la norme fondamentale des droits de l'homme dont tous les hommes devraient respecter et protéger.

    La plupart des Etats y compris la République Démocratique du Congo ont inclus dans leurs constitutions ou autres lois des garantis, qui protègent formellement les

    19

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    droits fondamentaux de l'homme.9 Lorsqu'un Etat devient partie à un traité il a l'obligation d'éviter d'intervenir ou d'entraver l'exercice des droits de l'homme et protéger les individus ou groupes d'individus contre les violations des droits de l'homme et au besoin prendre des mesures en vue de permettre la jouissance des droits fondamentaux.

    En ratifiant les traités internationaux des droits de l'homme, l'Etat Congolais s'est ainsi engagé à prendre des mesures nationales et à adopter dans sa législation interne des lois compatibles avec les obligations dérivant des traités.

    Ainsi donc, la DUDH reconnait au détenu en tant qu'individu en son Article 3, le droit à la vie et pour lui garantir son intégrité physique et morale, l'Article 5 stipule que « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »

    Il lui confère également en son Article 8, le droit en tant que personne humaine la possibilité de recourir aux juridictions compétentes lorsque ses droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution et autres lois sont violés.

    A côte de cette norme fondamentale générale propice à la protection des droits des détenus en tant que sujet de droit à part entière en sa qualité de personne humaine, des droits spécifiques lui sont reconnus dans les conventions catégorielles.

    B. Les Conventions catégorielles

    La DUDH a inspiré un corpus assez abondant de normes internationaux légalement contraignants relatif aux droits de l'homme pour tous les Etats. Nous entendons par conventions catégorielles cette série de normes favorables à une catégorie spécifique de personne. Au titre de ses normes se trouvent entre autres la convention relative aux droits des enfants du 20 novembre 1989, la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 8 décembre 1979, la convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille du 18 décembre 1990, la convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées du 20 décembre 2006. Ainsi deux conventions peuvent s'appliquer aux personnes incarcérées, il

    9 Art 16 de la Constitution de 2006

    20

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    s'agit de la convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 et au protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitement inhumains ou dégradants du 18 décembre 2002. Le premier a été signé le 18 mars 1996 par la République Démocratique du Congo. Quant au protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels inhumains ou dégradants, il a été ratifié le 23 septembre 2010.

    Ces deux conventions rappellent le caractère sacré des droits de la personne incarcérée quant à son intégrité physique et morale et que leur violation sont interdits. Ils encouragent d'ailleurs les Etats à prendre d'autres mesures pour faciliter l'atteinte des objectifs des conventions pour renforcer la protection des détenus contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumain ou dégradants. Le renforcement du respect de la protection des droits de l'homme des détenus et leur effective application sont de la responsabilité des Etats, et les organes internationaux sont aussi chargés de veiller à l'application de ces principes et des mesures prises à l'échelon national pour compléter et renforcer la protection des dits droits.

    §2. Les normes internationales spécifiques

    Au plan international plusieurs textes sont consacrés au respect des droits fondamentaux de façon générale. D'autres par contre sont des normes internationales spécifiques au traitement des détenus (A), sur le plan régional on trouve également des normes Africaines spécifiques aux détenus (B).

    A. Les normes internationales spécifiques au traitement des détenus

    Le DUH a rendu le traitement des personnes incarcérées une question universelle qui ne doit plus être traitée par les seuls Etats. La transformation du DUH en loi internationale liant les Etats se retrouve dans :

    A.1 Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)

    Il stipule en son article 10 que « toute personne privée de sa liberté doit être traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine » ; l'article 7 reprend l'article 5 de la DUDH et souligne que « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitement humains, cruels ou dégradants ». La non-

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    discrimination est également contenue dans les principes du PIDCP notamment en son article 2(1) qui affirme que « chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente déclaration, sans distinction aucune, de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de richesse, de naissance, ou de toute autre situation

    La discrimination se reflétant au niveau de la prison est souvent le traitement de faveur accordé à certains détenus considérés comme importants ou de statut social plus élevé 10 , par contre les différences religieuses ou sociales doivent être reconnues et respectées.

    Le PIDCP en son article 10(2) (a) parlant de la présomption d'innocence affirme que « les prévenus sont, sauf dans les circonstances exceptionnelles, séparés des condamnés et soumis à un régime distinct, approprié à leur condition de personnes non condamnées

    A.2. L'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus (RMT)

    Ses quatre-vingt-quinze (95) règles donnent la substance des bons principes et pratiques en matière pénitentiaire, en dessous des seuils minimaux auxquels on ne devait pas tomber. Les RMT visent à prévenir les mauvais traitements dans les prisons surtout en matière de maintien de discipline, la population carcérale se doit d'être une communauté organisée sans risque pour la vie, la santé ou l'intégrité physique. De même, les conditions de vie et de détention ne doivent en aucun cas constitués une peine supplémentaire et aggraver la souffrance causée par l'incarcération. L'administration pénitentiaire se doit de promouvoir des activités à même de développer le savoir-faire des détenus qui facilitera leur réinsertion sociale.

    Les règles d'application générale sont définit dans le premier chapitre, notamment la tenue des registres, la séparation des détenus, le logement, l'hygiène, l'habillement, l'alimentation, l'exercice, les services médicaux, la discipline, les châtiments et les moyens de contrainte. Tandis que le second chapitre a attrait à différentes catégories de détenus.

    10 Penal Reform International, lack of implementation of the United Nations Standard Minimum Rules for the Treatment of prisoners, 1995

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    A.3. Les règles minima des Nations unies pour l'élaboration des mesures non privatives de libertés

    La surpopulation carcérale peut anéantir à elle seule, les tentatives d'humanisation des conditions de détention et des mesures tendant à la réduction de la surpopulation doivent être prises. Une des solutions peut être la promotion des peines alternatives à l'emprisonnement dont ses présentes règles en donnent des directives.

    L'article 1 des RMT stipule que « Les présentes Règles minima énoncent une série de principes fondamentaux en vue de favoriser le recours à des mesures non privatives de liberté ainsi que des garanties minima pour les personnes soumises à des mesures de substitution à l'emprisonnement. »

    Le principe invite également la société à jouer sa partition afin que le délinquant puisse payer sa dette à la société sans pour autant subir les effets néfastes de l'emprisonnement. C'est pourquoi « Les présentes Règles visent à encourager la collectivité à participer davantage au processus de la justice pénale et plus particulièrement au traitement des délinquants ainsi qu'à développer chez ces derniers le sens de leur responsabilité envers la société. »11

    A.4. L'Ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement

    Le 1er principe dit que « toute personne soumise à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ». Le Principe 3 insiste sur la non dérogation des droits de l'homme des personnes incarcérée en ces termes « Si une personne est soumise à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, il ne peut être admis à son égard aucune restriction ou dérogation aux droits de l'homme reconnus ou en vigueur dans un Etat en application de lois, de conventions, de règlements ou de coutumes, sous prétexte que le présent Ensemble de principes ne les reconnaît pas ou les reconnaît à un moindre degré

    11 Art 2 des règles minima des Nations unies pour l'élaboration des mesures non privatives de libertés

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    A.5. Les Règles des Nations-Unies pour la protection des mineurs privés de liberté

    Les règles internationales prévoient que les conditions de détention doivent être adaptées à l'âge de l'individu notamment dans sa minorité, l'incarcération du mineur doit être d'ailleurs une mesure de dernier recours comme le précise le principe 1 de ses règles : « La justice pour mineurs devrait protéger les droits et la sécurité et promouvoir le bien-être physique et moral des mineurs. L'incarcération devrait être une mesure de dernier recours. »

    L'incarcération du mineur est encadrée par les règles de Beijing comme l'indique le principe 2 « Les mineurs ne peuvent être privés de leur liberté que conformément aux principes et procédures énoncés dans les présentes Règles et dans l'Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing). La privation de liberté d'un mineur doit être une mesure prise en dernier recours et pour le minimum de temps nécessaire et être limitée à des cas exceptionnels. La durée de détention doit être définie par les autorités judiciaires, sans que soit écartée la possibilité d'une libération anticipée. »

    Le mineur doit être protégé des effets néfastes de l'incarcération et bénéficier de conditions favorables de détention qui soient compatibles avec les droits de l'homme et favoriseront à terme sa réinsertion sociale.

    A.6. Les principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus

    Adoptés par l'Assemblée générale dans sa résolution 45/111 du 14 décembre 1990 les principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus réaffirme en son principe 1 que « Tous les détenus sont traités avec le respect dû à la dignité et à la valeur inhérente à l'être humain

    Et que tous les détenus doivent continuer à jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme.

    Les conditions de vie sont un facteur déterminant pour le bien être, l'estime de soi, la dignité et la santé physique et mental du détenu. Par contre les mauvais conditions de vie violent la dignité et peuvent s'assimiler à un traitement cruel, inhumain ou

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    dégradant. Les normes régionales en font également écho notamment les normes Africaines spécifiques au respect des droits de l'homme de la personne incarcérée.

    B. Les normes Africaines spécifiques aux détenus : la charte Africaine des droits de l'Homme et des peuples (CADHP)

    Elle a été adoptée par la 18ème Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement de l'OUA le 18 juin 1981 à Nairobi au Kenya. A son article 4 elle réaffirme que « La personne humaine est inviolable. Tout être humain à droit au respect de sa vie et l'intégrité physique et morale de sa personne. Nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit

    En cas d'incarcération, la CADHP reprend à son compte la disposition de la DUDH qui dit que « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains, cruels ou dégradants »

    En plus de la CADHP au niveau régional africain, on peut citer l'Institut Africain pour la Prévention du Crime et le Traitement des délinquants (UNAFRI) dont le siège est à Kampala en Ouganda. Ce dernier pour des difficultés budgétaires dû au manque de ressources est moribond et n'est pas actif dans le domaine de la défense des droits humains.

    S'inspirant des normes internationales, la législation Congolaise a également des instruments juridiques nationaux relatifs à la protection des droits fondamentaux.

    Section II. Les instruments juridiques nationaux

    Comme la plupart des pays, un certain nombre de textes nationaux garantissent aux détenus à la jouissance des droits de l'homme en République Démocratique du Congo (§1), la règlementation de la vie en détention et le régime pénitentiaire sont eux régit par l'ordonnance 344 du 17 septembre 1965 régissant les établissements pénitentiaires (§2) qui règlementent la vie au quotidien en détention

    §1. Les textes garantissant les droits fondamentaux des détenus en République Démocratique du Congo (RDC)

    La République Démocratique du Congo a intégré dans son droit interne des aspects des normes internationales pour l'effectivité du respect des droits de l'homme de la personne incarcérée notamment dans sa Constitution (A) qui est la loi fondamentale mais aussi dans sa législation pénale nationale (B).

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    A. La constitution

    La constitution se définit comme étant «... la règle juridique qu'une société politique qui s'organise en Etat se donne pour permettre la réalisation du bien public. A cette fin, elle établit, en premier, les droits et les devoirs qui reviennent aux membres de la société politique. Elle détermine également les règles d'aménagement des pouvoirs publics »12. Elle est par conséquent la charte ou loi fondamentale de l'Etat qui consacre l'existence des droits et libertés fondamentaux des citoyens, elle est la première source de droit dans un Etat. C'est donc elle qui tient la première place dans les sources juridiques nationales et à ce titre doit procurer au citoyen la protection des droits de l'homme.

    Dans le cas de la RDC, la Constitution a connu de nombreuses révisions et modifications, dans le cadre de notre étude nous nous focaliserons sur la dernière constitution toujours en vigueur c'est dire celle de février de 2006. Celle-ci qui affirme dans son préambule, « l'attachement du peuple congolais aux principes de la démocratie et aux droits de l'homme tels qu'ils sont définis par la Déclarations universelle des droits de l'Homme du 10 décembre 1948, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples adoptée le 18 juin 1981, ainsi que tous les instruments juridiques internationaux et régionaux adoptés dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies et de l'Union Africaine, dûment ratifiés par la République Démocratique du Congo13»

    C'est dire donc de façon implicite que la loi fondamental de la RDC reconnait l'ensemble des droits et liberté proclamé par le DUHD et la charte Africaine des droits de l'Homme et des peuples. Pour la première fois dans l'histoire des constitutions du pays, celle du 4 avril 2003 crée, au niveau des mécanismes spécifiques de sauvegarde des droits de l'homme, un Observatoire national des droits de l'homme, avec comme entre autre missions « de promouvoir et de protéger les droits de l'homme »14

    12 DELPEREE, F., « Le droit constitutionnel de la Belgique », Bruxelles-Paris, Bruyalant-L.G.D.J., 2000, p.11

    13 Préambule de la Constitution de février 2006

    14 Articles 154 et 155 Idem

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    B. La législation pénale nationale relative aux droits de l'homme

    Outre la constitution qui est la loi fondamentale quelques lois spécifiques sont favorables à la jouissance des droits fondamentaux de l'homme. Nous ne retiendrons que celles qui ont attraient aux lois et procédures pénales.

    B.1 Le code pénal

    Il résulte du Décret du 30 janvier de 1940, il est composé de deux cent vingt (220) articles, on peut dire qu'il est protecteur des droits de l'homme dans son contenu. En son article 1er déjà, le code pénal Congolais affirme que « Nulle infraction ne peut être punie des peines qui n'étaient pas portées par la loi avant que l'infraction ne soit commise.» Aux infractions pouvant être qualifiées de violation aux droits de l'homme, le code pénal a prévu diverses peines.

    En sanctionnant ainsi les infractions qui portent atteinte à l'intégrité physique15, à l'arrestation et à la détention illégale16, on peut effectivement dire qu'il protège dans une certaine mesure les droits de l'homme.

    B.2. Le code de procédure pénale

    Le code de procédure pénale Congolais du 6 août 1959, encadre la procédure d'arrestation, du traitement judiciaire et dans une certaine mesure l'application de la peine.

    La détention provisoire qui est déjà une incarcération doit être une mesure exceptionnelle.17 Si elle venait à être appliquée, l'individu qui fait l'objet de poursuite doit être placé sous mandat d'arrêt provisoire et doit être présenté à un juge dans les cinq (05) jours de la délivrance du mandat d'arrêt provisoire.

    Si la culpabilité de l'auteur d'une infraction a été reconnue, jugé et condamné « A l'expiration de sa peine principale, le condamné doit être remis en liberté, à moins que le gardien de l'établissement où il a subi sa peine n'ait été requis de le retenir du

    15 Articles 43 à 45 du Code pénal du livre II Congolais

    16 Article 67 Idem

    17 Article 28 (O-L82--016 du 31 mars 1982) art 1er du CPP

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    chef de servitude pénale subsidiaire ou de contrainte par corps18 Par contre « Le prévenu qui, au moment du jugement est en état de détention prévention avec ou sans liberté provisoire et qui est acquitté ou condamné à une simple amende est immédiatement mis en liberté, nonobstant appel, à moins qu'il ne soit détenu pour autre cause.»19

    L'élaboration du régime pénitentiaire, de la discipline à laquelle les détenus doivent être soumis, sont confié au Gouverneur général.20 Cependant, c'est L'ordonnance 344 du 17 septembre 1965 régissant les établissements pénitentiaires qui rythme la vie des détenus.

    §2. L'ordonnance 344 du 17 septembre 1965 régissant les établissements pénitentiaires

    En matière d'organisation administrative pour la gestion les établissements pénitentiaires, l'ordonnance 344 du 17 septembre 1965 est le document de référence par excellence en République Démocratique du Congo. Dans ce paragraphe nous nous intéresserons à l'organisation administrative des Etablissements pénitentiaires (A) et au fonctionnement de ceux-ci (B).

    A. L'organisation des établissements pénitentiaires

    En République Démocratique du Congo les prisons comprennent :

    - Les prisons centrales - Les prisons de district - Les prisons de police

    Au siège de chaque tribunal de première instance se trouve une prison centrale, les prisons de district dans chaque localité où un tribunal de district a son siège habituel, à l'exclusion des localités où est établie une prison centrale.

    Les prisons de police communément appelé cachot dans chaque localité où un tribunal de police a son siège habituel, à l'exclusion des localités où est établie une

    18 Art 113 Idem

    19 Art 83 du CCP

    20 Art 15 Idem

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    prison centrale ou une prison de district.21. L'article 6 ajoute qu'en annexe de chacune à chacune des prisons visées est établit une maison d'arrêt.

    L'ordonnance donne la possibilité au ministre de la justice du gouvernement central de créer des camps de détention dans toutes les localités en vue de décongestionner les prisons centrales ou pour affecter des détenus qui seront commis à des travaux d'ordre général.

    En plus de ses lieux de détention ci-dessus répertoriés l'art 8 de l'Ordonnance dit que « Dans les centres d'occupation administrative autres que les localités où un tribunal de police a son siège habituel et dans les endroits où ils séjournent temporairement, les fonctionnaires ou agents ayant qualité de juge de police ou de juge auxiliaire de police peuvent, sur avis conforme du gouverneur de province et du ministère public, garder les détenus sous leur surveillance et sous leur responsabilité pour une période qui ne dépassera pas quinze jours

    Les prisons ont pour vocation à recevoir :

    - Les individus condamnés par un jugement ou arrêt coulé en force de chose jugée à la peine de mort, à une peine de servitude pénale principale ou à une peine de servitude pénale subsidiaire.

    - Les individus mis à la disposition du gouvernement par une décision devenue définitive.

    - Les personnes mises à la contrainte par corps

    Les maisons d'arrêts quant à elles sont destinées à recevoir :

    - Les individus condamnés et les individus mis à la disposition du gouvernement et faisant l'objet d'un jugement ou d'un arrêt non coulé en force de chose jugée ou d'une décision non devenue définitive, ainsi que les détenus préventifs. Elles peuvent également servir de lieux de détention des personnes faisant l'objet de mandat d'amener ou de procès-verbal de saisie de prévenu établi par un officier de police judiciaire en attendant d'être déférées devant l'autorité judiciaire compétente.

    21 Art 5 de l'Ordonnance 344

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    Les maisons d'arrêts peuvent aussi servir de lieux de garde pour :

    - les personnes faisant l'objet d'une réquisition écrite d'une autorité, soit en exécution des arrêtés des gouverneurs de provinces ou des premiers bourgmestres conformément à la loi.22

    - les personnes faisant l'objet d'une réquisition écrite d'une autorité agissant en exécution des décrets coordonnés par l'arrêté royal du 22 avril 1958 relatifs à la police l'immigration.

    Pour être complet en parlant de lieux de détention, il nous faudra faire allusion aux prisons militaires car les lieux de détentions militaires et de droit commun, se côtoient et même s'entremêlent, les uns pouvant servir de lieu de détention et vice versa. Une même prison peut d'ailleurs servir de lieu de détention des auteurs d'infractions de droit commun comme de militaires ayant commis d'infractions militaires. L'article 363 de la LOI n° 023 du 18 novembre 2002 portant Code Judiciaire Militaire stipule qu' : « Il est créé des prisons militaires sur toutes l'étendues de la République. Leur organisation et leur fonctionnement sont déterminés par voie réglementaire

    S'il est vrai que l'on retrouve les juridictions militaires sur l'ensemble du territoire, il n'en est pas de même des prisons militaires, c'est d'ailleurs pourquoi l'article 364 du code militaire dit que Les personnes condamnées à une peine privative de liberté par les juridictions militaires purgent leurs peines dans une prison militaire ou, le cas échéant, dans une prison civile Ses prisons militaires dans l'esprit de l'article 364 ont vocation que de recevoir des détenus militaires condamnés à une peine devenue définitive car il n'est fait nulle part de mention concernant des détenus en prévention.

    B. Le fonctionnement des établissements pénitentiaires

    Au terme de l'ordonnance 344 du 17 septembre 1965, l'Institution Pénitentiaire assure quatre missions pouvant être résumées à savoir, sécuriser, garder, surveiller, et préparer à la réinsertion.

    Au niveau des établissements pénitentiaires, on retrouve le personnel de garde et d'administration, le personnel de surveillance et le personnel éducatif des établissements pénitentiaires qui est placé sous la direction et la surveillance de

    22 Art 52 de l'ordonnance n021 /219 du 29 mai 1958 réglementant la résidence de la population des circonscriptions et l'ordonnance 11-182 du 14 février 1959 relative aux désordres sur la voie publique

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    l'inspecteur territorialement compétent chargé de la direction de la section d'inspection des établissements pénitentiaires23.

    La prison est dirigée par un gardien, qui fait office de directeur de l'établissement et des surveillants civils non armés qui assurent la surveillance immédiate des détenus. Toutefois l'article 21 précise que « Dans les prisons, maisons d'arrêt ou camps de détention où il n'est pas possible de placer des surveillants ou d'en placer en nombre suffisant, la surveillance est exercée par des gendarmes, des agents de la police nationale ou de la police provinciale. »

    Le personnel éducatif lui est responsable de l'éducation immédiate des détenus, l'ordonnance en son article 23, précise que le directeur de la prison peut charger les surveillants qui y sont aptes, des fonctions d'éducateurs.

    Quant à la prise en charge sanitaire des détenus, il revient au ministre du gouvernement central ayant dans ses attributions la santé publique de charger un médecin de desservir les prisons, camps de détention et maisons d'arrêt établis sur le territoire de la ville de Léopoldville.

    Le gouverneur de province ou son délégué charge un médecin de desservir les prisons, camps de détention et maisons d'arrêt établis sur le territoire de la province.24 L'ordonnance 344 semble muette sur la sécurité des établissements pénitentiaires, si elle mentionne la présence de gendarmes ou de policiers dans un établissement pénitentiaire c'est pour suppléer au manque d'effectif de surveillant et jouer le rôle de ses derniers à l'intérieur de la détention.

    CHAPITRE II : L'ETAT DES LIEUX DU SYSTEME PENITENTIAIRE

    La République Démocratique du Congo couvre un territoire immense de 2 345 000km2 avec une population d'environ 65 millions d'habitants. L'histoire politique du pays est restée mouvementée ces quinze (15) dernières années, ponctuées de crises politico militaires ayant conduit à de graves violations des droits de l'homme.

    23 Art 5 de Op.cit p.5

    24 Art 54 de l'Ordonnance 344 du 17 septembre 1965 relatif au régime pénitentiaire de la République Démocratique du Congo

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    L'effet des guerres ont eu des répercussions sur le disfonctionnement de la chaine pénale dont le système pénitentiaire. Cette situation est-elle à l'origine de l'architecture pénitentiaire actuelle (section I) ? Où s'observe régulièrement de graves violations des droits des détenus (section II) ?

    Section I - L'architecture du système pénitentiaire

    Le système pénitentiaire Congolais a une organisation administration pénitentiaire (§1) embryonnaire. Les conditions d'entretien des personnes incarcérées (§2) demeurent préoccupantes sur l'ensemble du territoire national.

    §1. L'organisation de l'Administration Pénitentiaire

    La configuration administrative telle que prévue par l'Ordonnance 344 25, laisse apparaitre l'existence des Sections d'inspection des établissements pénitentiaires dans chaque chef-lieu de province. Ces sections placées sous l'autorité directe du Ministre de la Justice, fonctionnent comme des entités indépendantes les unes des autres.26

    La Direction des Services Pénitentiaires en tant que structure centrale assure la coordination de l'ensemble des activités du système pénitentiaire de la RDC. Elle s'appuie sur un organigramme comprenant des Divisions et des Bureaux au niveau central, un Bureau rattaché à une Division au niveau provincial et des Etablissements Pénitentiaires parmi lesquels on distingue les Prisons centrales (A) et les prisons et de district (B) répartis à travers le territoire national.

    A- Les prisons centrales

    Les prisons centrales se retrouvent dans les localités où un tribunal de première instance a son siège, elles sont le lieux d'exécution de peines mais aussi là où se retrouve de prévenus de tous genres, d'inculpés, et de personnes sous contrainte par corps. La plupart de ses prisons sont vétustes, elles datent depuis les

    25 Ordonnance 344 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire de la République Démocratique du Congo

    26 Art1-Art5 de l'Ordonnance 344 du 17 septembre 1965 relatif au régime pénitentiaire de la République Démocratique du Congo

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    indépendances. Avec les guerres à répétition, beaucoup d'entre elles ont été partiellement ou entièrement détruites

    Cette situation a conduit certaines autorités locales à aménager des cachots à la police ou au parquet pour en faire des lieux de détentions définitives. Des actions de réhabilitation et de construction de prisons ont été menées par la MONUSCO et dans les provinces de l'est du pays par le programme REJUSCO et UNOPS, PNUD et les Pays Bas.

    Il ne serait pas faux de dire que la situation des quelques prisons centrales que nous aurons à examiner soit la réalité de près de 90% des prisons de la République Démocratique du Congo.

    A ses prisons centrales devaient se greffer des prisons militaires sur toute l'étendue du territoire comme le prévoit la loi n° 023 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire stipule qu'il « est créé au sein du Ministère de la Défense une Direction pénitentiaire chargée de l'administration de toutes les prisons militaires.

    Elle s'occupe plus précisément de l'étude de la personnalité de chaque détenu, de l'affectation des condamnés dans une prison convenant à leur cas, de la mise à la disposition des prisons du personnel qualifié devant administrer un traitement pénitentiaire aux condamnés ; du patronage postpénal et de la réinsertion des détenus libérés.»27

    Cette architecture n'ayant pas été achevée, les détenus militaires qu'ils soient condamnés ou poursuivis pour des infractions militaires ou de droits communs se retrouvent dans les mêmes lieux de détention que les civils. Dans les faits il n'y a que trois (03) prisons militaires qui sont en bon état de fonctionnement à savoir celle de N'DOLO à Kinshasa, la prison de TSHINKAKASA à Boma et celle de ANGENGA dans l'Equateur.

    Le mode de fonctionnement des prisons centrales est vidé de son contenu et celles-ci se sont transformées en des maisons d'Arrêt et de Correction abritant toutes les catégories de détenues. Il en résulte un total de onze (11) prisons centrales sur l'ensemble du territoire du Congo RDC, soit une prison centrale par province.

    27 Art 366 de la loi n° 023 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire

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    La cartographie des prisons en République démocratique du Congo, réalisée en Août 2013 par la Section d'Appui à l'Administration Pénitentiaire SAAP de la MONUSCO se présente comme suit.

    Provinces

    Fonctionnelles

    Non fonctionnelles

    BANDUNDU

    14

    7

    BAS CONGO

    7

    6

    EQUATEUR

    19

    18

    KASAI OCCIDENTAL

    9

    3

    KASAI ORIENTAL

    9

    4

    KATANGA

    20

    10

    KINSHASA

    2

    0

    MANIEMA

    8

    22

    NORD KIVU

    5

    6

    PROVINCE ORIENTALE

    16

    22

    SUD KIVU

    11

    9

    Total

    120

    107

    Tableau 1 : prisons par province en République Démocratique du Congo aout 2013, source SAAP/MONUSCO

    B - Les prisons de district

    Selon la cartographie réalisée par la MONUSCO en Aout 2013, la République Démocratique du Congo compte au total vingt-huit (28) prisons de district situées dans chaque localité où un tribunal de district a son siège habituel, à l'exclusion des localités où est établie une prison centrale.

    A ces prisons, il faut ajouter huit (08) camps de détention sur toute l'étendue du territoire dans lesquels devaient être détenus les individus condamnés à de longues peines, vingt-sept (27) maisons d'arrêt dont huit (08) seulement sont fonctionnelles , cent cinquante (150) prisons de police qui sont en fait des cachots de police et ne rentrent donc pas dans le cadre de la présente étude.

    La somme nous donne un total cumulé de deux cent vingt-sept (227) lieux de détention réguliers. Sur ce total seul, cent-vingt (120) lieux de détention sont en état

    34

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    Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    de fonctionnement et les cent sept (107) autres, vétustes sont tombés en ruine et ont été abandonnées ou tout simplement fermés.

    Dans cette catégorie de prisons on retrouve également des détenus de diverses situations juridiques, des détenus militaires comme civils, des détenus de droits commun, comme des combattants des groupes armés.

    Les mineurs qui devaient être détenus dans les Etablissements de Garde et d'Education de l'Etat (EGGE) au terme de l'article 39 de l'ordonnance 344 du 17 septembre 1965 sont incarcérés dans les mêmes lieux de détention que les adultes. Ses établissements se sont fermés les uns après les autres par manque de moyen. En plusieurs endroits (Buluwo, Beni, Kananga, Bandundu), les détenus sont gardés dans des locaux construits pour un tout autre usage, comme des usines ou autres dépôts.

    Il faut enfin mentionner l'état insalubre des prisons, si bien que les détenus ne peuvent faire l'objet d'aucun aménagement de peine.

    Le personnel administratif exerçant dans ces prisons est en général des bénévoles qui y travaillent depuis des dizaines d'années sans aucune rémunération ou motivation. Le tableau suivant résume en substance le nombre des lieux de détention.

    Provinces

    Prison Centrale

    Camp de

    détention

    Prison de

    Police

    Prison de

    District

    Prison Militaire

    Maison
    d'arrêt
    Annexe

    Total

    Fonctionnelles

    Non fonctionnelles

    BANDUNDU

    1

    1

    14

    5

    0

    0

    21

    14

    7

    BAS CONGO

    1

    1

    7

    3

    1

    0

    13

    7

    6

    EQUATEUR

    1

    1

    28

    6

    1

    0

    37

    19

    18

    KASAI OCCIDENTA L

    1

     

    8

    3

    0

    0

    12

    9

    3

    KASAI ORIENTAL

    1

     

    9

    3

    0

    0

    13

    9

    4

    KATANGA

    1

    1

    21

    5

    0

    2

    30

    20

    10

    KINSHASA

    1

    0

    0

    0

    1

    0

    2

    2

    0

    MANIEMA

    1

    1

    7

    0

    0

    21

    30

    8

    22

    NORD-KIVU

    1

    1

    6

    0

    0

    3

    11

    5

    6

    PROVINCE
    ORIENTALE

    1

    2

    32

    3

    0

    0

    38

    16

    22

    SUD-KIVU

    1

    0

    18

    0

    0

    1

    20

    11

    9

    Total

    11

    8

    150

    28

    3

    27

    227

    120

    107

    Tableau 2 : prisons par catégorie suivant les termes de l'ordonnance 344 en République Démocratique du Congo aout 2013, source SAAP/MONUSCO

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    L'organisation de l'Administration Pénitentiaire de la RDC laisse apparaitre deux types d'organigramme ; d'une part, celui qui est caractérisé par la prépondérance des Sections d'Inspection des établissements pénitentiaires et d'autre part, celui qui est caractérisé par une Direction des Services Pénitentiaire centralisatrice inexistante dans les faits sur le terrain.

    Au terme du titre Ier de l'Ordonnance 344, il est prévu une Section d'Inspection des établissements pénitentiaires dans chaque chef-lieu de province et dans la ville de Léopoldville (Kinshasa), placée sous l'autorité du Ministre de la Justice du Gouvernement Central. L'opérationnalité de cette structure n'est pas évidente, notamment pour des raisons d'ordre organisationnel.

    Les lacunes de l'Ordonnance 344 devaient en partie être comblées par l'Arrêté d'Organisation Judiciaire de 1987 instituant les comités de gestion des établissements pénitentiaires. On retrouve alors au sommet du dispositif pénitentiaire la Direction des Services Pénitentiaires née de la fusion des deux directions aux relations horizontales qui partagent l'espace pénitentiaire est placée sous la tutelle du Secrétaire Général du Ministre la justice. Cette démarche collégiale devait en principe permettre au pouvoir public d'encadrer au mieux le fonctionnement des établissements pénitentiaires.

    §2. Les conditions d'entretien des personnes incarcérées

    Dans les situations de post-conflit comme celle qu'a connue la RDC, le système pénitentiaire se caractérise par le délabrement des locaux, l'absence de sécurité, l'inadéquation de la législation, des carences diverses qui déteignent d'une part, sur les conditions de détention (A) et d'autre part, les conditions de vie (B) de l'ensemble de la population carcérale en République Démocratique du Congo.

    A - Les conditions de détention

    Les locaux de détentions à quelques exceptions près présentent la même physionomie sur l'ensemble du territoire de la RDC. Les infrastructures pénitentiaires ont été en partie détruites par les multiples guerres et rebellions qu'a connue la RDC si bien que la distinction des lieux de détention telle que préconisée par l'Ordonnance 344 n'est que théorique. Si l'effort est fait dans la capitale Kinshasa et certains chefs-lieux de province pour respecter la séparation des quartiers par

    36

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    catégorie à savoir le quartier des adultes, des mineurs, des femmes, il n'en est pas de même pour les prisons de district.

    La vétusté et le manque d'entretien des prisons militaires ont entrainé leur fermeture et le transfert des détenus militaires vers les prisons civiles sur l'ensemble du territoire. Il en résulte que la population pénale civile subie la pression et le diktat des détenus militaires, car ceux-ci restent généralement avec leur uniforme dans les lieux de détention. A Kinshasa où la prison militaire de Ndolo est fonctionnelle n'empêche pas que qu'un nombre important de détenus militaires se retrouvent dans la grande prison civile de Makala.

    Outre les militaires de l'armée régulière, on trouve aussi dans les mêmes lieux de détention les combattants des divers groupes armées comme le Raï Mutomboki, les Maï-maï de la plaine du Ruzizi, le groupe armé Shikito, les Yakutumba, les FDL etc.

    Le manque de sécurité est le dénominateur commun des lieux de détention en témoignent les multiples cas d'évasion soit par le fait de la vétusté des locaux, soit par les intrusions c'est-à-dire les attaques extérieures, les prisons étant assez fréquemment la cible de groupe rebelles qui pour libérer des membres détenus, qui pour s'emparer des armes et munitions.

    Dans les prisons de districts les mineurs sont détenus dans les mêmes locaux que les détenus adultes contrairement aux normes internationales en vigueur en RDC28 et à l'Ordonnance 344 portant Régime Pénitentiaire qui dispose que «Les mineurs âgés de moins de 18 ans ne seront incarcérés dans les prisons que s'il n'existe pas dans le ressort du tribunal de première instance, d'Etablissement de Garde et d'Education de l'État. À défaut d'existence d'un pareil établissement, ils seront détenus dans un quartier spécial.»

    Quant aux femmes, en lieu et place de quartiers séparés, il n'y a de séparation que les dortoirs, partageant souvent avec les hommes la même cour intérieure. Certaines d'entre elles sont en grossesses ou souvent accompagnées d'enfant à bas âge quand bien même cela devait être une exception.29 La séparation des femmes des

    28 CDE, Art.37.c, Charte Africaine sur les droits et Bien n'être de l'Enfant, Art.17.10 du Pacte international relative aux droits Civils et Politiques.

    29 Art.20 de la Charte africaine sur les Droits et le bien-être de l'Enfant.

    37

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    hommes en de quartiers séparés comme l'exige la norme internationale30, n'est pas exprimée formellement, dans l'ordonnance 344 portant Régime Pénitentiaire, qui préconise simplement en son Art. 39 que « Les détenus sont en règle générale, enfermés dans les locaux, destinés à l'emprisonnement en commun. Les femmes sont séparées des hommes. »

    Les prisons sont logées dans leur ensemble en pleine ville, entourées par des maisons à usage d'habitation, sans clôture, les domaines pénitentiaires ont été l'objet de spoliation, si bien qu'il n'y a de domaine pénitentiaire que la superficie sur laquelle est bâtie la détention. Dans de telles conditions, il n'y a ni cour de promenade, ni aire de jeux, ni espace pouvant servir d'activités socioéconomiques pouvant favoriser la réinsertion sociale des détenus.

    La surpopulation et l'oisiveté sont une chronique situation malheureuse qui caractérise l'ensemble des établissements pénitentiaires en RDC. Cette surpopulation est souvent la cause indirecte de désordre, d'agitation et même de mutinerie dans les établissements pénitentiaires, toutes choses qui peuvent déstabiliser le système carcéral avec des conséquences négatives sur la discipline, le traitement des détenus et surtout de la protection des droits fondamentaux de l'homme.

    B - Les conditions de vie

    La surpopulation carcérale dans les lieux de détentions, notamment dans les prisons influence notablement sur les conditions de vie des détenus. En effet, la surpopulation carcérale et la vétusté des locaux de détention rendent vaine, l'humanisation des conditions de détention en RDC. Cette surpopulation est la

    30 RMT8. Les différentes catégories de détenus doivent être placées dans des établissements ou quartiers d'établissements distincts, en tenant compte de leur sexe, de leur âge, de leurs antécédents, des motifs de leur détention et des exigences de leur traitement. C'est ainsi que :

    a) Les hommes et les femmes doivent être détenus dans la mesure du possible dans des établissements différents; dans un établissement recevant à la fois des hommes et des femmes, l'ensemble des locaux destinés aux femmes doit être entièrement séparé;

    b) Les détenus en prévention doivent être séparés des condamnés;

    c) Les personnes emprisonnées pour dettes ou condamnées à une autre forme d'emprisonnement civil doivent être séparées des détenus pour infraction pénale;

    d) Les jeunes détenus doivent être séparés des adultes.

    38

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    résultante de l'augmentation du nombre de détenus particulièrement les militaires et les combattants issus des groupes armés, cette situation est la conséquence directe de guerre. Cette guerre qui a aussi contribué à détruire les infrastructures pénitentiaires, réduisant ainsi le nombre des lieux de détention. L'autre facteur qui est d'ailleurs la plus importante est la condamnation excessive à de longue peine d'emprisonnement et de la longue période de la détention provisoire. Les mesures d'individualisation de la peine comme la libération conditionnelle, le placement, la semi-liberté sont rarement appliquées.

    La non séparation des quartiers hommes-femmes-mineurs expose les couches vulnérables que sont les femmes et les mineurs à des abus de tous genres. Les premières à des harcèlements voire même des viols pendant le jour où elles partagent la même cour que les hommes. Les mineurs quant à eux subissent les effets néfastes de la promiscuité et des abus sexuels de la part des adultes.

    Les conditions hygiéniques sont souvent déplorables, dans la plupart des prisons, l'eau et l'électricité font défaut dans la détention, les détenus vivent dans une crasse indescriptible sans eau pour se laver, laver les vêtements et nettoyer les locaux. Les toilettes n'existent pas ou sont en nombre insuffisant, pendant les pluies les toitures suintent ou les parois des locaux laissent passer l'humidité.

    La situation alimentaire est déplorable dans l'ensemble des lieux de détention de la RDC. Dans de nombreux lieux de détention, l'Etat ne fournit pas de l'alimentation aux détenus, seules les familles des détenus, le CICR, des ONG et des confessions religieuses assistent alimentairement les détenus.

    Sur le plan sanitaire, la situation n'est guère meilleure, malgré la présence de médecins et d'infirmiers dans les infirmeries des prisons. Le manque de produits pharmaceutiques est criard et là encore le plus souvent c'est des ONG comme le CICR qui interviennent pour mettre à la disposition des détenus, des médicaments de premières nécessités. De nombreuses tractations compliquent le transfert des détenus gravement malades vers les centres hospitaliers de références augmentant

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    ainsi le nombre de décès de détenus pour cause de maladie, contrairement aux dispositions de l'Ordonnance 344.31

    La discipline à l'intérieur de la détention est régie par des clans de détenus en véritable milice avec le système de Gouvernorat ou de Capita32 sur l'ensemble des prisons. Ces organisations font la pluie et le beau temps dans la détention, elles perçoivent des taxes et sont à la base de trafic de toute sorte, il se développe ainsi une véritable mafia qui échappe aux autorités de la prison. Il faut aussi signaler qu'en matière de discipline et de sanction, la règlementation pénitentiaire congolaise est en flagrante contradiction avec les normes internationales33, notamment en son article 78.34

    Section II - Le constat de violations continues des droits des détenus

    La prison est le lieu de privation de la liberté des individus qui se sont mis au travers des lois de la société. Mais elle n'est nullement un lieu où la dignité et le respect de la personne humaine ne sont pas pris en compte. C'est pourquoi il importe au regard des normes internationales de jeter un regard sur les violations en matière de détention (§1) et de voir de ce qu'il en est des violations des droits minimum (§2) dans les prisons de la RDC ?

    §1.Les violations des normes en matière de détention

    Des normes spécifiques aussi bien internationales que nationales constituent le cadre légal de protection des personnes incarcérées. Ces différents instruments ont

    31 Art. 60. - Si le médecin estime qu'en raison de la gravité ou de la nature de la maladie, il est impossible de soigner le détenu dans la prison, le camp de détention ou la maison d'arrêt, celui-ci est conduit à la formation médicale ou hospitalière la plus proche.

    32 Système de self-government cf P16

    33

    RMT 27- L'ordre et la discipline doivent être maintenus avec fermeté, mais sans apporter plus de restrictions qu'il n'est nécessaire pour le maintien de la sécurité et d'une vie communautaire bien organisée.

    34 Art. 78. - Les peines disciplinaires applicables dans les prisons et camps de détentions sont :

    1° La privation des visites pendant deux mois au maximum, sous réserve du droit pour le prévenu de communiquer avec son

    conseil ;

    2° La privation des correspondances pendant deux mois au maximum, sous réserve du droit pour le détenu de correspondre

    avec son conseil et d'écrire aux autorités administratives et judiciaires ;

    3° Les travaux ou corvées supplémentaires pendant quinze jours au maximum à raison d'une heure par jour ;

    4° Les menottes pendant sept jours au maximum ;

    5° Le cachot pendant 45 jours au maximum.

    40

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    été adoptés pour favoriser le respect de la dignité humaine aussi bien dans le milieu de vie des détenus (A) que dans l'administration journalière des prisons (B).

    A - le milieu de vie des détenus

    Le milieu carcéral doit constituer un cadre de sécurité d'abord pour le détenu qui y vit et pour les autres membres de la société qui peuvent vaquer librement à ses occupations étant rassurés que le délinquant est hors d'état de nuire.

    Les Règles Minima pour le Traitement des détenus (RMT) recommandent un minimum de confort quant aux locaux servant de dortoir pour les détenus. Les toilettes, l'éclairage des chambres, la ventilation et la superficie minimum sont décrits comme des exigences minimales pour satisfaire les besoins élémentaires qui peuvent permettre le maintien en bonne santé de l'individu.35

    La plupart des prisons de la RDC, sont dans une situation déplorable, les locaux qui servent de dortoirs aux détenus sont dans un état de délabrement total. Les cellules sont sombres par manque d'éclairage, les aérations d'air sont insuffisantes, si bien que certains détenus sont obligés de monter sur le mur pour accéder aux petits trous d'aération pour respirer. Le sol des cellules est toujours mouillé car n'étant pas cimenté, les toitures suintent quand il pleut. Le manque d'eau dans les cellules oblige les détenus à s'approvisionner en eau dans les bidons dans des conditions d'insalubrité totale.

    35 RMT 10. Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des détenus pendant la nuit, doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, la surface minimum, l'éclairage, le chauffage et la ventilation.

    11. Dans tout local où les détenus doivent vivre ou travailler,

    a) Les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que le détenu puisse lire et travailler à la lumière naturelle; l'agencement de ces fenêtres doit permettre l'entrée d'air frais, et ceci qu'il y ait ou non une ventilation artificielle;

    b) La lumière artificielle doit être suffisante pour permettre au détenu de lire ou de travailler sans altérer sa vue.

    12. Les installations sanitaires doivent permettre au détenu de satisfaire aux besoins naturels au moment voulu, d'une manière propre et décente.

    13. Les installations de bain et de douche doivent être suffisantes pour que chaque détenu puisse être mis à même et tenu de les utiliser, à une température adaptée au climat et aussi fréquemment que l'exige l'hygiène générale selon la saison et la région géographique, mais au moins une fois par semaine sous un climat tempéré.

    41

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    L'absence totale de toilette oblige les détenus à se soulager la nuit dans des sceaux qu'ils partagent à l'intérieur des dortoirs, ce qui entraine la prolifération de maladie et une odeur nauséabonde qui se dégage dans la détention.

    Les détenus se couchent à même le sol, les quelques-uns qui possèdent des nattes ou bâches apportées par leurs parents sont dans un luxe, les punaises et les poux qui se propagent facilement sont les fidèles compagnons de la population carcérale. Les murs fortement dégradés de part et d'autres menacent de s'effondrer à tout moment, les fissures sur les parois accroissent les tentatives d'évasion des détenus.

    La surpopulation carcérale est telle que les détenus dorment dans certaines prisons à tour de rôle et les places font l'objet de trafic à l'intérieur de la détention, la promiscuité qui en découle du fait de manque d'espace entraine des abus graves, notamment des viols, l'exploitation des mineurs et même de l'homosexualité forcée. Cette surpopulation carcérale franchit le seuil de 500% 36dans certaines prisons, allant jusqu'à 1093% dans la prison de Kipushi dans le Katanga. Cette surpopulation exponentielle rend ainsi vaine, toutes tentatives d'humanisation des conditions de détention alors que les RMT stipulent clairement que les détenus doivent disposer d'un espace de vie suffisant, assez aéré et lumineux pour rester en bonne santé.

    La séparation des catégories n'est pas observée de manière rigoureuse par manque de locaux, si bien que détenus, adultes et mineurs, condamnés et prévenus sont logés dans une même enceinte. Les femmes ne sont guère mieux loties même si elles bénéficient dans certaines prisons de cellules séparées, elles se retrouvent le jour dans la même cour que les hommes. La présence des détenus militaires auteurs de tous genres d'infractions soumet les détenus à une autre confiscation supplémentaire de liberté.37

    Si les mauvaises conditions de détention sont dues au manquent de moyens ou de volonté politique, dans certains cas, elles s'apparentent plutôt à une manière d'intimider ou de briser le détenu. Dans certains cas, elles résultent de la négligence ou du manque de formation du personnel pénitentiaire. L'un dans l'autre, ce n'est ni plus, ni moins qu'une violation grave des droits de l'homme les plus fondamentaux.

    36 Tableau : Taux de surpopulation carcérale dans les prisons de RDC en Janvier 2015

    37 Idem : Pourcentage des détenus militaires dans les prisons

    42

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    Les mauvaises conditions de détention violent le droit des détenus à la dignité, mais aussi peuvent être considérées comme une punition cruelle, injustifiée, dangereuse pour la santé et même pour la vie des détenus.

    Ainsi la population carcérale en RDC se voit tous les jours privée de son droit à ne pas subir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants continuellement violé.

    PRISONS

    Capacité

    Effectifs

    % de surpopulation

    Kinshasa

     
     
     

    Makala PC

    1300

    6571

    505%

    Ndolo PM

    520

    1470

    283%

     
     

    8041

     

    Nord-Kivu

     
     
     

    Goma PC

    150

    1233

    822%

    Butembo PU

    120

    475

    396%

    Beni PD

    150

    398

    265%

    Rutshuru

    300

    149

    50%

     
     

    2255

     

    Sud Kivu

     
     
     

    Bukavu PC

    500

    1366

    273%

    Uvira

    150

    428

    285%

    Kabaré

    300

    96

    32%

    Fizi

    120

    16

    13%

     
     

    1906

     

    Province Orientale

     
     

    Kisangani PC

    1500

    979

    65%

    Bunia PD

    220

    1248

    567%

    Osio

     

    193

     

    Aru PT

    100

    122

    122%

    Mahagi

    250

    24

    10%

    Dungu

    150

    171

    114%

     
     

    2737

     

    Katanga

     
     
     

    Kasapa/Lubumbashi PC

    600

    1731

    289%

    Buluo

    100

    390

    390%

    Kolwezi PD

    150

    320

    213%

    Kipushi PD

    30

    328

    1093%

    Kamina

    150

    177

    118%

    Kalemie

    250

    507

    203%

    Kongolo

    100

    39

    39%

    Kasumbalesa

    50

    38

    76%

    Bukama

    100

    27

    27%

    43

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    Boma/Likasi PD

    350

    189

    54%

    Moba

    100

    87

    87%

    Malemba Nkulu

    250

    14

    6%

    Kambove

    100

    44

    44%

    Sakania

    250

    87

    35%

    Kasaji

    50

    38

    76%

    Lubudi

    100

    56

    56%

    Pweto

    250

    42

    17%

    Kabalo

     

    15

     

    Kabongo

    100

    2

    2%

    Manono

    20

    12

    60%

    Kaniama

    100

    22

    22%

     
     

    4165

     

    Total:

    9030

    19104

     
     
     

    19104

     

    37 Prisons

     
     
     
     
     
     
     

    Total

    19104

     
     
     
     
     
     

    Civils

    15210

    79.6%

     

    Militaires

    3894

    19,5%

     

    Total

    19104

     
     

    Tableau 3 : taux de surpopulation carcéral dans les prisons de RDC en janvier 2015 Tableau 3 : taux des détenus militaires

    B - L'administration journalière des prisons

    Le manque de personnel pénitentiaire fait que l'administration journalière et laissé à une auto gestion des détenus entre eux. Les quelques-uns du personnel que l'on trouve en poste sont d'un âge très avancé et ne sont plus aptes pour la plupart à exercer en tant que fonctionnaire de l'Etat. La retraite du fonctionnaire n'existant pas en RDC, ceux-ci continuent d'être présents à leur poste pour bénéficier soit de la ration alimentaire qu'ils partagent avec les détenus là où l'Etat en fournit ou de l'argent des visiteurs des parents détenus contre une quelconque faveur pour ce dernier.

    Les détenus passent la journée entière dans la cour dans une oisiveté totale pourtant, en avril 1999, à Egham, dans le Comté de Surrey en Angleterre, la conférence internationale pour la réforme pénale organisée par Penal Reform International (PRI) en son objectif 8 pour une nouvelle approche en matière pénitentiaire faisait la recommandation suivante : « la possibilité de travailler doit être

    44

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux
    Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    offerte aux détenus ». Cela bien sûr, a pour finalité, que « les détenus soient convenablement préparés à leur sortie de prison » Un nouveau programme en matière de réforme pénale (PRI), avril 1999, P.13. A la conférence panafricaine sur les réformes pénales et pénitentiaires tenue à Ouagadougou à l'initiative de la CADHP, de PRI et de l' Association Pénitentiaire Africaine en septembre 2002, il a aussi été conclu la nécessité de promouvoir les activités de production en milieu pénitentiaire en recommandant, entre autres, les mesures suivantes à l'endroit des gouvernements et des institutions de justice pénale :

    ? Encourager les activités agricoles, manufacturières et artisanales en prison afin d'améliorer les conditions de vie des détenus et du personnel pénitentiaire.

    ? Promouvoir une gestion transparente des prisons

    Se faisant on permettra ainsi au détenu « de susciter en lui, le goût de l'effort, de la participation à une tâche communautaire et constructive ; d'éveiller en lui l'esprit de créativité et de l'amener à se libérer par le travail»38.

    Il faut signaler la particularité des prisons en RDC qui disposent d'un local où se tiennent les jugements correctionnels. Dans ces conditions un détenu peut passer tout le temps que durera sa peine sans jamais mettre les pieds dehors.

    La visite des parents des détenus se fait à l'intérieur de la détention, il n'y a pas de parloir, les visiteurs pouvant même se retrouver à l'intérieur des cellules sans aucune restriction. Il s'en suit des trafics de tout genre, de la drogue, la prostitution et même des armes. Ainsi, on a pu être témoin en décembre 2014, lors d'une minuterie à la prison centrale de Makala à Kinshasa à la prise en otage de trois cent vingt-neuf (329) visiteurs dont 59 mineurs par les détenus pour exiger la satisfaction de leur revendication. Et à Bukavu dans le Sud Kivu, le 5 juin 2014 des détenus quittent leur cellules munis d'armes automatiques et abattent 2 militaires des FARDC en faction devant la prison, un détenu aussi trouvera la mort dans la réplique de l'attaque.

    Dans la prison de Butembo dans le nord Kivu, des individus armés non identifiés, certainement de connivence avec des détenus, ont pris d'assaut la prison dans la

    38 Alexandre KONE et Didier Y. HIEN, la réglementation pénitentiaire au Burkina Faso p. : 13

    45

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    nuit du 18 octobre 2014 aux environs de 19 heures pour vider le maximum de pensionnaires soit trois cent vingt-six (326) détenus.

    Toujours dans la prison de Bukavu, le 20 janvier 2015 c'est une grenade offensive et des cartouches de munitions de guerre, que le Capita général brandira à l'intérieur de la détention pour exiger des autorités la satisfaction de ses revendications. C'est donc montrer tout le danger de la gestion de la détention par les détenus eux-mêmes, en l'occurrence les détenus militaires qui ont installés une gestion administrative militarisée39 qui échappe même à l'administration de la prison. Cette administration parallèle appelée Capita ou gouvernorat en fonction des prisons, perçoit des taxes aussi bien des détenus que de leurs visiteurs, les chefs règnent en vrai maître et collaborent avec l'administration de la prison qui tolère leur existence. Le maintien de la discipline assurée par des détenus sur d'autres détenus est contraire à la règle 28 du RMT qui dispose qu' « Aucun détenu ne pourra remplir dans les services de l'établissement un emploi comportant un pouvoir disciplinaire.»

    La violence est quasi permanente dans la détention à cause des rivalités pour le contrôle des différentes bandes et les détenus font souvent les frais de cette violence, les prisons en RDC ne sont donc pas les lieux où règnent la sécurité.

    Le personnel pénitentiaire ou ce qu'il y a de personnel pénitentiaire n'est ni formé, ni rémunéré, cette situation de bénévolat est contraire aux prescriptions des normes internationales40.

    39

    1. Capita Général

    2. Commandant PM

    3. Commandant Adjoint Second PM

    4. Commandant Second PM

    5. Commandant T2

    6. Commandant T2 Adjoint

    7. Commandant Second T2

    8. Commandant Chargé de discipline

    9. Commandant Chargé de discipline Adjoint

    10. Commandant Chargé de Lutte contre les incidents

    11. Commandant de la Cour 12.Commandant de la Cour Adjoint

    13.Les Capita des cellules 14.Secrétaire

    15.Secrétaire Adjoint

    16. Conseiller militaire

    17. Conseiller civil

    18. Gardes Rapprochés (GR) du Capita Général

    40 RMT46. 1) L'administration pénitentiaire doit choisir avec soin le personnel de tout grade, car c'est de son intégrité, de son humanité, de son aptitude personnelle et de ses capacités professionnelles que dépend une bonne gestion des établissements pénitentiaires.

    46

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    Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    La sécurité extérieure des établissements pénitentiaires est assurée en RDC soit par la Police Nationale Congolaise (PNC), soit par les Forces Armées de la RDC (FARDC) ou les deux forces ensembles. Ces corps n'ont à l'origine bénéficiés d'aucune formation en matière pénitentiaire, il s'en suit alors souvent des exactions de toutes sortes sous forme de sanctions. Ces châtiments fréquemment infligés aux détenus constituent des traitements inhumains, cruels et dégradants dans presque toutes les prisons à des divers degrés. Ses pratiquent vont de la mise au cachot durant une période pouvant aller jusqu'à quarante-cinq (45) jours, l'usage des chaînes ou entraves et des fouets etc., l'utilisation de la lumière dans certaines prisons dans les cellules est également pratiquée comme châtiment. Même si la pratique est conforme à l'Ordonnance n° 344 du 17 septembre 1965 relative au régime pénitentiaire de la République Démocratique du Congo41, elle est en total contradiction avec l'ensemble des règles minima42 . Ainsi, dans un rapport publié mi-mars 2013, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l'homme a recensé

    2) L'administration pénitentiaire doit s'efforcer constamment d'éveiller et de maintenir dans l'esprit du personnel et de l'opinion publique la conviction que cette mission est un service social d'une grande importance; à cet effet, tous les moyens appropriés pour éclairer le public devraient être utilisés.

    3) Afin que les buts précités puissent être réalisés, les membres du personnel doivent être employés à plein temps en qualité de fonctionnaires pénitentiaires de profession, ils doivent posséder le statut des agents de l'Etat et être assurés en

    conséquence d'une sécurité d'emploi ne dépendant que de leur bonne conduite, de l'efficacité de leur travail et de leur aptitude physique. La rémunération doit être suffisante pour qu'on puisse recruter et maintenir en service des hommes et des femmes capables; les avantages de la carrière et les conditions de service doivent être déterminés en tenant compte de la nature pénible du travail.

    47. 1) Le personnel doit être d'un niveau intellectuel suffisant.

    41 Art. 78. - Les peines disciplinaires applicables dans les prisons et camps de détentions sont :

    1° La privation des visites pendant deux mois au maximum, sous réserve du droit pour le prévenu de communiquer avec son

    conseil ;

    2° La privation des correspondances pendant deux mois au maximum, sous réserve du droit pour le détenu de correspondre

    avec son conseil et d'écrire aux autorités administratives et judiciaires ;

    3° Les travaux ou corvées supplémentaires pendant quinze jours au maximum à raison d'une heure par jour ;

    4° Les menottes pendant sept jours au maximum ;

    5° Le cachot pendant 45 jours au maximum

    42 RMT 27. L'ordre et la discipline doivent être maintenus avec fermeté, mais sans apporter plus de restrictions qu'il n'est nécessaire pour le maintien de la sécurité et d'une vie communautaire bien organisée.

    RMT31. Les peines corporelles, la mise au cachot obscur ainsi que toute sanction cruelle, inhumaine ou dégradante doivent être complètement défendues comme sanctions disciplinaires.

    RMT37. Les détenus doivent être autorisés, sous la surveillance nécessaire, à communiquer avec leur famille et ceux de leurs amis auxquels on peut faire confiance, à intervalles réguliers tant par correspondance qu'en recevant des visites.

    47

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    deux cent onze (211) personnes mortes en détention entre janvier 2010 et décembre 2012, dont cinquante-quatre (54) en 2010, cinquante-six (56) en 2011 et cent onze (101) en 2012. Abstraction faite des « décès en détention qui ont pu être confirmés comme résultant de violations des droits de l'homme ». Les traitements cruels, inhumains et dégradants sont présents dans les lieux de détention en RDC et Emmanuel Okundji, responsable de l'ONG Observatoire national des prisons d'affirmer que « L'usage de la torture est fréquent dans certains lieux de détention qui, pour la plupart, échappent à tout contrôle de l'autorité et des défenseurs des droits de l'Homme ».

    L'alimentation et les soins sont des droits minimums pour tout homme et doivent être garantis même pour les personnes privées de liberté.

    §2. Les violations des droits minimum

    Les principales plaintes des détenus au sein des établissements pénitentiaires reste sans conteste celles relatives au droit à l'alimentation(A) soit en raison de son insuffisance, soit en raison de sa médiocre qualité nutritive et au droit à la santé (B).

    A - Le droit à l'alimentation

    Emmanuel O'kubasu parlant de la situation des prisons au Kenya disait : « Nourrir des milliers de détenus en prison ne peut pas être la priorité d'un pays en voie de développement, comme le nôtre, où nos ressources peu abondantes ne peuvent satisfaire la demande ». (PRI, Les conditions de détention en Afrique, Paris, Octobre 97 P. 24.)

    Si cette réalité peut être considérée comme celle de tous les Etats africains, dans la mesure où le taux d'accroissement du budget n'est pas proportionnel à celui de l'évolution de la population carcérale, la situation en RDC est dramatique.

    La Voix des Sans-Voix, une ONG de défense des droits humains au Congo, révélait dans un communiqué de presse n° 007 Bis/ Rdc/Vsv/Cd/ 2008, que le gouvernement de la RDC prévoit un budget journalier de cent trente francs (130Fc) (congolais, soit environ 0,20 euros par détenu. Ce budget théoriquement libéré au niveau du gouvernement n'arrive pas, selon elle, à la prison en vue de payer les arriérées accumulées des fournisseurs ou d'honorer des frais de fonctionnement. Dans les

    48

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    prisons où l'Etat fournit encore l'alimentation notamment les prisons centrales, les ruptures en vivres sont légion et sont la cause de fréquentes mutineries à travers le pays. La ration alimentaire servie par détenu est en quantité très insuffisante, médiocre en qualité nutritive, pas du tout variée, préparée et consommée dans un environnement malsain. Certaines ONG comme le CICR, la CARITAS et des associations ou confessions religieuses apportent souvent un repas additionnel aux détenus dans l'extrême nécessité, les quantités ne pouvant pas suffire à servir tous les détenus.

    De nombreuses prisons en RDC qui ne reçoivent absolument rien comme budget pour l'entretien des détenus qui sont abandonnés à eux-mêmes, ne survivant que grâce au soutien des familles et de quelques bonnes volontés. L'administration centrale et déconcentrée se rejetant la balle quant à la responsabilité sur la gestion des établissements pénitentiaires, les prisons les plus modestes sont particulièrement affectées par la carence en alimentation.

    Dans le rapport publié en mi-mars en 2013, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l'homme affirmait que « seules les 11 prisons centrales et trois camps de détention bénéficient d'un budget régulier43 », le pays comptant 222 établissements pénitentiaires, selon les chiffres officiels de l'époque.

    La situation est si dramatique qu'un rapport de 'Legal Aid Wordwide' (LAW), une ONG internationale de défense des droits humains, affirmait que «les déficiences graves dans l'alimentation, dans l'hygiène et dans les soins de santé transforment certaines prisons en véritables mouroirs».

    Et Emmanuel Bofoe Lomalisa, un expert de cette ONG, d'estimer qu'en « certains endroits, être condamné par un tribunal, parfois pour des faits bénins, à douze (12) mois ou cinq (5) ans d'emprisonnement, équivaut en fait à une condamnation à mort, tant les risques de décéder en prison sont élevés». La privation des détenus en alimentation adéquation est contraire à la disposition internationale et nationale en la matière.44

    43 Cf tableau : 2 supra

    44

    RMT20. 1) Tout détenu doit recevoir de l'administration aux heures usuelles une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur nutritive suffisant au maintien de sa santé et de ses forces.

    2) Chaque détenu doit avoir la possibilité de se pourvoir d'eau potable lorsqu'il en a besoin.

    49

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    B - Le droit à la santé

    Dans l'ensemble des prisons en RDC, la situation hygiénique est déjà préjudiciable à l'état de santé des détenus, la surpopulation carcérale et la promiscuité qui s'en suivent devient un facteur aggravant de la situation sanitaire. Pourtant en matière de soin de santé à apporter aux détenus les normes aussi bien internationales45 que nationales46 fixent les conditions de la prise en charge sanitaire des détenus. S'il faut se féliciter de la présence de personnels de santé qualifiés en l'occurrence des médecins au moins en ce qui concerne les prisons centrales, ce qui n'est pas le cas pour les autres types de prisons, c'est plutôt le manque de produits pharmaceutiques qui cause problème. L'article 54 et suivant de l'ordonnance 344 relatif aux soins médicaux ne fait pas allusion à une quelconque mise à la disposition de médicaments contrairement à la règle 22-2 des RMT qui dispose que «Lorsque le traitement hospitalier est organisé dans l'établissement, celui-ci doit être pourvu d'un matériel, d'un outillage et des produits pharmaceutiques permettant de donner les soins et le traitement convenables aux détenus malades».

    Beaucoup de détenus sont malades sur l'ensemble des prisons du pays sans en prise en charge adéquate, même s'il faut signaler l'effort du CICR et certaines ONG qui pourvoient à certains produits de première nécessité. La malnutrition aidant, la prison est un terreau favorable à l'apparition de toutes sortes de maladie, on retrouve surtout, la galle, les maladies intestinale et diarrhéique, la prison fournit le taux le plus élevé du pays en tuberculose. L'aspect sécuritaire semble primer sur

    Art. 61. de l'Ord 344 - Les détenus reçoivent une nourriture correspondant le plus possible à leur nourriture habituelle. Cette nourriture doit avoir une valeur suffisante pour maintenir le détenu en parfaite condition physique.

    45 RMT 22. 1) Chaque établissement pénitentiaire doit disposer au moins des services d'un médecin qualifié, qui devrait avoir des connaissances en psychiatrie. Les services médicaux devraient être organisés en relation étroite avec l'administration générale du service de santé de la communauté ou de la nation. Ils doivent comprendre un service psychiatrique pour le diagnostic et, s'il y a lieu, le traitement des cas d'anomalie mentale.

    2) Pour les malades qui ont besoin de soins spéciaux, il faut prévoir le transfert vers des établissements pénitentiaires spécialisés ou vers des hôpitaux civils. Lorsque le traitement hospitalier est organisé dans l'établissement, celui-ci doit être pourvu d'un matériel, d'un outillage et des produits pharmaceutiques permettant de donner les soins et le traitement convenables aux détenus malades, et le personnel doit avoir une formation professionnelle suffisante.

    46 Art. 54. - Le ministre du gouvernement central ayant dans ses attributions la santé publique charge un médecin de desservir les prisons, camps de détention et maisons d'arrêt établis sur le territoire de la ville de Léopoldville.

    Le gouverneur de province ou son délégué charge un médecin de desservir les prisons, camps de détention et maisons d'arrêt établis sur le territoire de la province.

    Selon l'importance de la population pénitentiaire, le médecin visite l'établissement soit quotidiennement, soit une ou plusieurs fois par semaine.

    50

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux
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    l'humanitaire si bien que le transfert des détenus malades dans les centres de référence souffre de lourdeur, surtout quand le détenu ne dispose pas de ressource pour monnayer le service. Pour ceux qui le sont, une fois sur place, ils sont abandonnés à eux même et plusieurs cas de décès sont régulièrement enregistrés parmi la population carcérale.47

    La malnutrition, l'insalubrité, la promiscuité, sont des causes de maladies conduisant souvent à la mort des détenus en RDC. La majorité des détenus est sans assistance médicale ou assistance tout court des membres de leur famille et exposée à des maladies ou à la mort certaine.

    Prison

    Jan

    Fev

    Mars

    Avril

    Mai

    Juin

    Juil

    Août

    Sept

    Oct

    Nov

    Dec

    Totaux

    %

    Makala PC

    5

    5

    2

    2

    1

    1

    1

    0

    3

    1

    1

    2

    24

    17,14

    Kasapa

    2

    1

    1

    0

    1

    1

    3

    1

    3

    1

    3

    2

    19

    13,57

    Bukavu PC

    1

    1

    1

    4

    0

    5

    2

    1

    0

    1

    0

    0

    16

    11,42

    Kipushi

    1

    0

    0

    1

    0

    6

    1

    1

    0

    0

    0

    1

    11

    7,85

    Kisangani PC

    2

    2

    1

    0

    1

    1

    0

    1

    1

    2

    0

    0

    11

    7,85

    Bunia

    1

    1

    0

    0

    2

    1

    1

    1

    2

    0

    0

    2

    11

    7,85

    Goma

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    1

    0

    0

    0

    4

    1

    7

    5

    Butembo

    0

    1

    0

    0

    1

    0

    1

    2

    0

    1

    0

    0

    6

    4,28

    Kalémie

    0

    1

    0

    0

    0

    1

    1

    0

    1

    1

    0

    1

    6

    4,28

    Kamina

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    1

    1

    1

    0

    5

    3,57

    Aru

    0

    0

    0

    1

    1

    0

    1

    0

    0

    1

    1

    0

    5

    3,57

    Ndolo

    2

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    3

    2,14

    Lubero

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    2

    3

    2,14

    Dungu

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    1

    0

    1

    0

    3

    2,14

    Kasumbalesa

    0

    0

    1

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    2

    1,42

    Boma / Likasi

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0,71

    Pweto

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0,71

    Uvira

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0,71

    47 Tableau 4 : Taux de décès dans quelques prisons de la RDC

    51

    Mémoire de Master 2, spécialité droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    Kasadji

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0,71

    Sakania

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    1

    0,71

    Kolwezi

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    1

    0,71

    Bukama

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    1

    0,71

    Béni

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    1

    0,71

    Totaux

    16

    13

    7

    10

    10

    17

    13

    9

    12

    10

    11

    12

    140

     

    Tableau 4 : taux de décès dans quelques prisons de la RDC, source statistique SAAP/MONUSCO Fév. 2015

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    Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    DEUXIEME PARTIE :

    DES PERSPECTIVES DE REFORMES ET D'AMELIORATIONS

    DU SYSTEME PENITENTIAIRE

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    Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015

    CHAPITRE I : LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DES DETENUS

    La protection des droits fondamentaux des détenus en RDC passe nécessairement par l'amélioration du système pénitentiaire (section1). La maitrise de la détention par le personnel (Section 2) en est une des conditions sine qua none

    Section 1 - L'amélioration possible du système pénitentiaire

    Les surveillants doivent maintenir l'ordre et la discipline pour assurer la sécurité et la bonne organisation de la vie en détention. Car c'est de par son intégrité, de son humanité, de son aptitude personnelle et de ses capacités professionnelles que dépend une bonne gestion des établissements pénitentiaires. L'Administration doit donc veiller au renforcement de la déontologie et des capacités opérationnelles de son personnel (§1). La multiplication des incidents au niveau des établissements pénitentiaires commande le renforcement de la sécurité des prisons (§2) sur l'ensemble du territoire national.

    §1. Le renforcement de la déontologie et des capacités opérationnelles

    La justice dans sa composante pénitentiaire est l'un des domaines de souveraineté de l'Etat. Son organisation et son fonctionnement doivent marquer l'effectivité et l'autorité de l'Etat. En effet, le système pénitentiaire est un élément important de la sécurité publique et de la stratégie d'éradication de l'impunité, en tant que dernier maillon de la chaine pénale. Un état des lieux exhaustif de la situation pénitentiaire révèle un sous-effectif du personnel de l'Administration pénitentiaire d'où la nécessité du recrutement d'un personnel (A) suivi d'une formation adéquate (B) pour relever le défi de la sécurité et de la protection des droits de l'homme en prison.

    A - Le recrutement d'un personnel

    Si le système pénitentiaire de la RDC dans son ensemble souffre du délabrement, de l'insuffisance et de l'inadaptation de ses infrastructures tant au niveau central, provincial qu'à celui des établissements pénitentiaires. Il souffre également d'une grave pénurie d'effectifs, d'une répartition déséquilibrée de ses effectifs ainsi que de l'absence de structures de formation appropriées.

    Cette pénurie des effectifs est caractéristique du mal qui ronge le système pénitentiaire dans toutes ses composantes.

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    Le système pénitentiaire a besoin de rebâtir une politique de gestion structurée du personnel pénitentiaire. Cette politique implique un nouveau système de recrutement, de formation et une nouvelle politique salariale. Le recrutement de ce personnel peut être envisagé en deux phases, c'est-à-dire à court et long terme.

    A court terme, il s'agira de mettre à la disposition de l'Administration pénitentiaire sous forme de détachement des effectifs à partir de la Police nationale congolaise (PNC) et de la police Militaire des FARDC. Ainsi, les 80% des effectifs peuvent être composées essentiellement d'éléments de la PNC qui seront déployés dans les prisons relevant de la Direction des Services Pénitentiaires et les 20% provenant de la police militaire des FARDC dans celles dépendant de la Direction de l'Administration Pénitentiaire Militaire.

    La mise à la disposition par détachement de ses effectifs de ses deux corps au profit de l'Administration Pénitentiaire sera soumise à un test de niveau et d'une bonne moralité. Cette opération doit constituer une situation intermédiaire pour permettre à l'Administration Pénitentiaire à long terme de procéder au recrutement de son propre personnel. Des mesures transitoires donneront le choix au personnel placé en détachement d'y rester et faire carrière tout en conservant leur acquis en ancienneté et en grade. Par contre, ceux qui souhaiteraient retourner dans leur corps d'origine pourront aussi le faire avec les reconnaissances de l'Administration Pénitentiaire qui pourra par exemple leur décerner la médaille d'honneur de l'Administration Pénitentiaire.

    B- La formation adéquate du personnel

    Pour le personnel issu des effectifs de la PNC et de la Police Militaire des FARDC, une formation complémentaire dans le domaine pénitentiaire de trois (03) à six (06) mois sur des matières spécifiques. Elle pourra se dérouler sous la forme de modules consacrés à des matières spécifiques ayant notamment trait à la connaissance de l'environnement carcérale, de la psychologie de la personne privée de liberté, à la règlementation pénitentiaire, à la sécurité des établissements pénitentiaires, au maintien de l'ordre en établissement pénitentiaire et à des notions de base relatives aux droits humains et aux instruments de protection des droits de l'homme en prison etc.

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    Pendant ce temps l'Administration Pénitentiaire pourra mettre en projet la création d'un corps spécifique avec une école pénitentiaire pour la formation de son personnel de plusieurs niveaux selon la hiérarchie des emplois à savoir :

    - L'emploi de conception et de direction

    - L'emploi d'application et d'encadrement

    - L'emploi d'exécution

    Ce corps de service correctionnel doit être autonome et déconnecté des services de police ou de l'armée et se doter d'un statut juridique et d'une identité propre, même si ce dernier aura besoin de l'appui et de l'expérience des autres dans un premier temps.

    En effet, pour la phase d'instruction et de la formation militaire, elles pourront être dispensées dans les structures de formation de la PNC ou des FARDC. Par ailleurs, dans le souci d'une bonne fraternité d'arme, il est souhaitable qu'une formation commune de base soit unique pour l'ensemble des forces de défense et de sécurité. A la fin de la formation commune de base et du cycle de l'école pénitentiaire, ses fonctionnaires doivent être engagés comme des agents publics de l'Etat.

    La formation et l'engagement font référence à la sécurité immatérielle, aux pratiques professionnelles, à l'observation des personnels et à leur conscience professionnelle. Il s'agira surtout de substituer le personnel de sécurité ainsi formé au personnel de surveillance ayant pratiquement cédé ses pouvoirs, son autorité à des détenus qui assurent la surveillance de leurs codétenus. Cela va se traduire par l'installation progressive d'une sécurité dynamique à même d'aider à la mise en place d'un dispositif de veille et de gestion des situations d'urgence, confié à un personnel au fait des pouvoirs dont il dispose et des conditions de leur utilisation.

    §.2 - Le renforcement de la sécurité des prisons

    L'une des fonctions majeures de la prison est de protéger la société et de punir le délinquant. Pour mener à bien cette mission, l'Etat doit mettre un mécanisme de motivation et d'amélioration des conditions de travail du personnel (A) et de lui fournir des équipements (B) adéquats.

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    A- La motivation et amélioration des conditions de travail du personnel

    Un environnement professionnel adéquat étant une source de motivation, des efforts considérables devront être déployés pour renforcer les capacités du personnel pénitentiaire de la RDC.

    Ces efforts impliquent nécessairement des locaux adaptés à la mission dévolue au système pénitentiaire, de l'administration centrale à celle des prisons en passant par l'administration provinciale.

    Ils impliquent également, un organigramme du personnel définissant la répartition des effectifs et des attributions, une lettre de mission déclinée en objectifs et une stratégie orientée vers la promotion du service public pénitentiaire.

    Le système pénitentiaire a besoin de rebâtir une politique de gestion structurée du personnel pénitentiaire. Cette politique implique un nouveau système de recrutement, un nouveau système de formation mais surtout une nouvelle politique salariale. Cette politique doit prendre en compte la spécificité de l'Administration Pénitentiaire en tant qu'administration spéciale qui répond à la mission de service publique, pour favoriser l'émergence d'un corps de personnel pénitentiaire autonome quant à sa gestion administrative et financière. Ceci est une condition première pour la reconnaissance et la valorisation de la fonction pénitentiaire au regard de la communauté.

    B - Les équipements

    Le système pénitentiaire de la RDC dans son ensemble souffre du délabrement, de l'insuffisance et de l'inadaptation de ses infrastructures. Les constructions ou les réhabilitations doivent pouvoir répondre aux besoins sécuritaires et dans le respect des normes internationales.

    La sécurité est indispensable dans une prison en tant qu'instrument d'autorité engageant la responsabilité des pouvoirs publics vis à vis des personnes privées de liberté et de l'ensemble du corps social. Elle consiste à garantir une protection maximale aussi bien aux personnes qui travaillent dans la prison qu'à celles qui y sont détenues et combine la sécurité de tous les jours et la sécurité dans les situations d'urgence.

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    Les événements graves et récurrents qui portent atteinte à l'intégrité des prisons sont légions comme évoqué plus haut, combinés aux observations relevées sur leur niveau actuel de sécurité, compromettent jour après jour les importantes actions déjà entreprises et celles en cours d'exécution.

    Ils démontrent s'il en était encore besoin qu'au coeur des multiples problèmes qui secouent les prisons de la RDC, se trouve un défi crucial : la gestion de la sécurité des prisons.

    Pour relever ce défi, il faudra après la formation adéquate du personnel pénitentiaire avec un statut propre. Il faudra ensuite doter ce corps en matériel spécifique conséquent pour maintenir l'ordre et la discipline à l'intérieure de la détention, mais aussi mettre à sa disposition un arsenal militaire lui permettant de repousser les attaques successifs des groupes armées dont les prisons en sont toujours les cibles.

    L'ouverture d'une troisième prison dans la ville de Kinshasa est devenue un impératif si l'on considère que plus du 1/3 de la population carcérale de la RDC y est concentré dans des conditions parfois inhumaines avec un taux de surpopulation de plus de 288% pour une moyenne nationale d'environ 85%. L'option consiste à réhabiliter le camp de détention de Luzumu pour désengorger la prison civile de Makala. Il faut aussi et absolument séparer les détenus militaires des détenus civils en mettant dans un bon état de fonctionnement les prisons militaires dont nous avons fait cas plus haut.

    Section II - La maitrise de la détention par le personnel §1- Le contrôle et la gestion des mouvements des détenus

    La sureté d'une prison est intimement liée à la connaissance permanente du lieu où se trouvent les détenus et qu'ils ne puissent pas franchir les limites de la détention sans autorisation. Il convient alors de renforcer les postes de sécurités (A) et assurer le contrôle de toute la détention en supprimant le système de capita ou de gouvernorat (B) dans la détention.

    A - Le renforcement des postes de sécurité

    Les contrôles et la gestion des mouvements doivent être compris comme les premières mesures de sécurité dont dépend l'équilibre d'une prison. Ils doivent être

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    effectués en tout lieu et en tout temps, du premier jour de l'incarcération jusqu'au dernier jour de la levée d'écrou.

    Ils doivent se traduire par des opérations de sécurisation fréquentes portant sur les équipements, les infrastructures mais surtout sur des détenus par la technique du profilage et de l'observation qui permet d'anticiper les agissements qui précèdent la survenue d'un incident.

    Les objets introduits dans la prison doivent faire l'objet d'un contrôle. Il en est de même des détenus, des intervenants et des usagers de la prison qui doivent faire l'objet d'un contrôle à l'occasion de leurs différents mouvements. Ces mouvements impliquent les extractions des détenus, les visites rendues aux détenus ainsi que toutes autres formes de relation et de communication des détenus avec le monde extérieur.

    Les postes protégés jouent un rôle primordial pour la sécurité d'une prison, le mirador est le seul poste protégé permettant aux surveillants d'avoir une vue d'ensemble sur l'établissement en restant totalement à l'écart des détenus. Les établissements pénitentiaires doivent être pourvus de miradors et de postes de garde protégés à tous les endroits stratégiques et notamment à l'entrée de chaque quartier, de chaque secteur, de chaque bâtiment ainsi que des espaces communs tels que la bibliothèque, les lieux de culte etc. Les installations et équipements seront ainsi renforcés pour servir d'appui aux dispositifs de sécurité dynamique. Les miradors restent les meilleurs moyens pour renforcer la sécurité, car ils peuvent constituer un rempart en cas de tirs.

    Deux murs doivent encadrer un chemin de ronde accessible depuis l'entrée unique, les murs intérieurs peuvent être en grillage dans leur partie intérieur, aussi le chemin de ronde peut être en macadam souple. Il doit également avoir un rouleau de concertina sur le haut du mur d'enceinte extérieur.

    L'introduction de produits ou de matériel prohibé comme souligné plus haut est un fléau qui perturbe la sécurité à l'intérieur de la détention L'intrusion d'objets illicites dans la détention peut donner suite à des agressions ou à des tentatives d'évasion. La pose de grillage au-dessus des murs peut limiter les lancées d'objets par-dessus les murs d'enceintes, mais l'outil le plus efficace reste le professionnalisme du

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    personnel pour lutter contre l'intrusion d'objets illicites. (Fouille après la fin des ateliers, des formations et les corvées.)

    Le portique de sécurité, le bagage X et le détecteur de métaux peuvent également contribuer à renforcer la lutte contre l'intrusion des objets illicites.

    Le portable fait l'objet de grand trafic dans les prisons de RDC et contribue à favoriser les évasions (relation avec les complices) mais aussi les attaques récurrentes des établissements pénitentiaires. La corruption aidant, il est très répandu en détention, la meilleure façon est donc de neutraliser les ondes radioélectriques, cette neutralisation ne devait pas cependant empêcher l'administration de communiquer, pour cela les prisons doivent être couverts par des bornes radio pour ne pas être perturbés par la neutralisation.

    B - La suppression du système de Capita ou gouvernorat dans la détention

    L'appropriation de la détention par le personnel pénitentiaire devait progressivement réduire les responsabilités occupées par les détenus car il faut le dire avec force, les capitas ou les gouverneurs48 et leurs potentats outrepassent leur pouvoir au mépris des textes. Même ce qu'on trouve de personnel pénitentiaire dans les établissements leur sont soumis et l'administration de la prison s'accommode et même compose avec eux. Le personnel pénitentiaire doit entrer dans la détention, maitriser l'ensemble des pavillons, des dortoirs et cellules, en un mot se rendre maître des lieux. Chaque local de la détention doit être sous la supervision d'un membre du personnel, toutefois cette règle ne saurait faire obstacle au bon fonctionnement des systèmes à base de self-government. Ces systèmes impliquent en effet que certaines activités ou responsabilités d'ordre social, éducatif ou sportif soient confiées, sous contrôle, à des détenus groupés en vue de leur traitement. C'est le manque de professionnalisme du personnel pénitentiaire qui a favoriser l'émergence du système de capita et de gouverneur, les agents pénitentiaires devront s'approprier les valeurs ci-après: la légalité, l'humanité, la responsabilité et l'engagement.

    48 Cf. P.47

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    - La légalité: valeur nodale dans le métier du pénitentiaire, consiste à veiller à la conformité d'avec les normes juridiques et réglementaires régissant les peines privatives de liberté. Chaque acte, chaque attitude posée par l'agent pénitentiaire ou son administration, doit traduire une disposition légale ou réglementaire. Les droits humains, les droits du citoyen, les droits de l'usager de service public ainsi que les droits du détenu, jugés vulnérables ou non, doivent être réalisés dans toute leur plénitude et dans les limites de la loi.

    - L'humanité: pendant et après la période de détention guide les logiques d'intervention, d'encadrement de sécurité et de gestion. L'humanisation des rapports entre personnel pénitentiaire et détenus devra au-delà des phénomènes de contaminations propres à leur métier être contrastée par l'encadrement légal.

    - La responsabilité: renvoie à la fois à la transparence dans la gestion des ressources et à l'intégrité morale qui doit présider à la gestion des publics vulnérabilisés qu'ils ont en charge.

    - L'engagement: pendant la compétence, implique de la part de chaque agent et à tout moment, une mobilisation autour des objectifs et missions poursuivis par l'Administration Pénitentiaire.

    Enfin, aux termes de l'ordonnance 344 du 17 septembre 1965, l'Institution Pénitentiaire assure quatre missions pouvant être résumées à sécuriser, garder, surveiller, et préparer à la réinsertion et la mise en oeuvre revient au personnel pénitentiaire.

    §2 - L'assurance alimentaire des détenus

    Pour améliorer l'alimentation et renforcer la sécurité alimentaire dans les prisons de la RDC, il faut une allocation d'un budget autonome pour l'entretien des détenus (A) mais aussi envisager des mécanismes pour lutter contre la surpopulation carcérale (B).

    A - L'allocation d'un budget autonome pour l'entretien des détenus

    Cela doit se traduire par la mise en place régulière d'un budget destiné à
    l'alimentation des détenus dans chaque prison et une forte implication des Directeurs

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    à la gestion des fonds, à travers les comités de gestion, en accord avec l'arrêté d'organisation judiciaire du 31 mars 1987.

    Cela suppose également l'initiation des membres du comité de gestion à la procédure d'élaboration et d'exécution du budget. A terme, il faut arriver à la responsabilisation accrue du directeur, en le nommant administrateur des crédits de son établissement. L'Etat congolais se doit de s'attaquer aux causes profondes de la situation alarmante de la sous-alimentation de la population carcérale, comme le disait Navi Pillay, la Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme « Il ne devrait

    jamais être permis qu'une personne privée de liberté meurt de faim ». Si
    théoriquement les fonds alloués à l'alimentation des détenus sont libérés par l'Etat, en raison de la corruption au sein de l'administration, de nombreuses prisons ne reçoivent pas les budgets qui leur ont été, en théorie, alloués, ou les reçoivent avec un retard considérable.

    La prévision en termes de dotation alimentaire d'une prison à défaut d'être annuelle doit se faire au moins par trimestre et maintenir en permanence un stock de sécurité qui puisse couvrir la consommation de la prison d'au moins un mois. Ce stock de sécurité doit servir en cas de lenteur ou de retard administratif dans le ravitaillement surtout en céréale et autres condiments.

    Le personnel doit s'impliquer dans la répartition journalière de la ration alimentaire ce qui va incontestablement contribuer au renforcement de la sécurité par la réduction du trafic à l'intérieur de la prison.

    B- La lutte contre la surpopulation carcérale

    La surpopulation est une chronique situation malheureuse qui caractérise la presque totalité des établissements pénitentiaires en RDC. Cette surpopulation est l'une des causes indirecte du désordre, de l'agitation et même des multiples mutineries dans les prisons, toutes choses qui déstabilise le système carcéral avec des conséquences négatives sur la discipline, le traitement des détenus et surtout de la protection de leurs droits fondamentaux.

    La surpopulation anéantie à elle seule, les tentatives d'humanisation des conditions de détention et des mesures tendant à la réduction de la surpopulation doivent être prises. Les règles internationales stipulent clairement que les détenus doivent disposer d'un espace de vie suffisant, assez aéré et lumineux pour rester en bonne

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    santé. Le logement des détenus doit garantir un cubage d'air, une surface minimum, un éclairage, une ventilation et un chauffage adéquats. Pour résoudre ce problème faire face au phénomène des options s'imposent : ainsi, pour les petits délits et les conflits mineurs d'autres solutions envisageables sont :

    a. Les remises de peine

    Dans la plupart des pays, à l'occasion de certains événements nationaux, il peut être envisager de procéder à des remises de peine partielle ou du reliquat de la peine totale soit la bonne conduite, soit pour l'ardeur au travail ou même pour des raisons de santé.

    b. Le travail d'intérêt général

    Il s'agira de substituer certaines peines à des mesures n'impliquant pas la privation de liberté, ainsi le délinquant se retrouve à faire des travaux d'intérêt général dans un organisme publique ou dans une structure déconcentré, se faisant, on lui évite l'incarcération et ses effets néfastes

    c. La réduction du nombre de détenus en détention préventive, la libération avant le procès ou à la libération conditionnelle.

    Dans bons nombres d'établissements pénitentiaires, il y a toujours un nombre très importants des détenus en attente de jugement alors que la procédure d'instruction en elle-même est terminée, pour tous ceux qui peuvent donner des garanties, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de risque de fuite, les libérations dans ces conditions peut être envisagée

    d. Que le principe de la réparation civile ou l'amende soit envisagé en tenant compte des capacités financières du délinquant et éventuellement de ses parents.

    Pour certains types d'infractions, l'incarcération n'est pas toujours nécessaire et dans ce cas, il est préférable d'envisager la réparation civile ou l'amende, toute chose qui sera plus bénéfique pour la victime et même pour la société.

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    e. Que le principe de la compensation par le travail du délinquant au profit de la victime soit envisagé.

    Il peut être dans l'intérêt de la victime et de l'auteur de l'infraction de ne pas incarcérer systématiquement le délinquant et s'il se trouve que ce dernier ne dispose pas de ressource pour dédommager la victime qu'il soit procédé à la compensation du travail de ce dernier au profit de la victime.

    f. Les autres mesures non-privatives de liberté soient autant que possible, favorisés par rapport à l'incarcération

    Dans les différentes sociétés, il y a souvent des mécanismes qui permettent le règlement de certains délits sans forcément passer toujours par l'incarcération. Cependant les différents mécanismes nécessitent d'avoir l'approbation de la société d'où la nécessité de mener une campagne de sensibilisation dans ce sens.

    e. Le professionnalisme du personnel pénitentiaire

    Le personnel pénitentiaire doit aussi veiller à une répartition rationnelle de l'espace disponible pour éviter que d'autres dortoirs ne soient surpeuplés tandis que d'autres dispose suffisamment de place.

    CHAPITRE II : RENFORCEMENT DES MESURES SANITAIRES ET DE REINSERTION SOCIALE EN FAVEUR DES DETENUS

    Punir un homme, c'est accepter que celui-ci puisse être corrigé et réinséré un jour au sein de la société dont il avait par son fait troublé l'ordre public.

    Cela signifie aussi dès lors que la société assume son devoir d'éducation et de réinsertion, le travail en milieu carcéral peut contribuer au renforcement de la lutte contre l'oisiveté (section 1) dans un environnement favorable en ce sens que la prison est un réservoir de main-d'oeuvre. Ce qui commande la réhabilitation des infrastructures selon les normes internationales (section 2).

    Section I - Le renforcement de la lutte contre l'oisiveté

    Le travail peut être curatif pour le détenu. En effet, l'occupation du temps et de l'esprit que nécessite tout emploi permet au détenu de « s'évader » un tant soit peu et se décharger ainsi de son stress habituel et du poids de sa culpabilité. D'où la

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    nécessité de promouvoir le travail pénitentiaire (§1) tout en le combinant aux mesures alternatives à l'emprisonnement et aux aménagements de la peine (§2) pour décongestionner la détention.

    §1 - La promotion du travail pénitentiaire

    Selon les Règles Minima pour le Traitement des détenus « il faut fournir aux détenus un travail productif suffisant pour les occuper pendant la durée normale d'une journée de travail ».49 L'Administration Pénitentiaire doit être à mesure de répondre aux demandes d'emploi des détenus en leur offrant des activités rémunératrices par la création de fermes agricoles (A) et en favorisant l'exploitation maraîchère aux alentours des établissements et en instituant des ateliers de formation (B) au profit des détenus.

    A - La création de centres pénitentiaires agricoles

    La RDC est cette partie de l'Afrique qui ne connait pas encore la sécheresse, la saison pluvieuse dure neuf mois sur les douze que compte l'année, la zone est donc propice à l'agriculture et à l'exploitation maraichère. Aussi, les détenus dans leur grande majorité, proviennent du milieu rural habitué à l'exploitation agricole, il faut alors promouvoir les unités de production agricole qui est l'activité principale de beaucoup d'entre eux. Libérés de toutes les autres vicissitudes de la vie quotidienne, les détenus sont disponibles dès les premières heures de la matinée et pourraient se retrouver dans les différents postes de travail. Malheureusement, la détention est généralement perçue comme une nuisance plutôt qu'un réservoir de main-d'oeuvre si bien que cette force de travail est victime, à tort ou à raison, d'une certaine méfiance. En effet, les éventuels employeurs « fuient » les établissements pénitentiaires. Toute chose qui vient amplifier l'exclusion sociale des détenus comme le souligne Juliette BEGHIN « ni accès au travail, ni accès à la formation ...... l'institution carcérale est non seulement un mode de gestion de la pauvreté.... mais aussi, une machine à produire de la pauvreté et à la consolider ». (Juliette BEGHIN, Observatoire international des prisons, journal du collectif n°39, juillet/août 2003.)

    49 Art 71 al.3

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    L'Administration Pénitentiaire peut alors se saisir de cette opportunité pour promouvoir le travail en milieu carcéral par la création de centres pénitentiaires agricoles. Les établissements pénitentiaires coûtent chers au budget national : si pour alléger ce poids, les détenus, de par leur travail, participaient à leur propre entretien sur le plan alimentaire, l'Etat pourrait ainsi réorienter les ressources qu'il consacre à cet effet vers d'autres axes, comme l'hygiène, la santé ou l'instruction. L'Administration Pénitentiaire occupera ainsi utilement sa population carcérale, et résoudra le problème de la surpopulation des établissements pénitentiaires en réduisant la prison à un minimum constitué des peines les plus longues, pour les infractions les plus graves.

    Le travail en détention peut donc être un outil de réinsertion et de préparation du détenu au retour dans la société. C'est pourquoi ce travail doit être choisi non seulement en fonction des capacités physiques et intellectuelles du détenu mais aussi de l'influence que ce travail peut exercer sur les perspectives de sa réinsertion dans la société qui devra accueillir ces hommes et femmes à l'issue de leur peine.

    Les centres de productions agricoles utiliseront ainsi la main-d'oeuvre pénale et contribueront ainsi à la réinsertion sociale des détenus et devraient ainsi contribuer à l'approvisionnement en vivres aux établissements pénitentiaires.

    En effet, à travers leurs programmes de formation agricole, ces centres contribueront à faire acquérir aux détenus des techniques modernes de production et alléger le budget de l'Etat par la production de céréales au bénéfice de l'ensemble de la population carcérale et amoindrir la sous-alimentation qui est caractéristique dans les prisons en RDC. Le travail est le meilleur moyen d'occuper les détenus et est un élément fondamental à la préparation à la vie libre.

    Les centres pénitentiaires agricoles efficacement exploités et bien gérés, contribueront à l'autosuffisance alimentaire des détenus et apporteront une valeur ajoutée pour l'économie nationale. Il faut améliorer l'activité de production en matière d'agriculture et d'élevage par l'utilisation des techniques agricoles modernes, de nouvelles variétés de semences, de différentes sortes d'engrais et des méthodes de protection des cultures. Autant d'éléments qui auront un impact sur la rentabilité, sans nécessiter pour autant de grands moyens.

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    Ainsi, le séjour en détention ne sera plus perçu comme une perte de temps, mais il aura permis l'amendement et le reclassement social du détenu, c'est-à-dire que celui-ci aura été transformé en prison et aura ainsi la possibilité de reprendre normalement sa place parmi ses semblables pour être utile à la collectivité.

    Après avoir transgressé les lois qui régissent la société, le détenu doit se réconcilier avec celle-ci et participer à son développement économique comme tout autre citoyen.

    B - La promotion du maraîchage et des ateliers de formation

    La production en milieu carcéral s'imposera et tous les obstacles doivent être levés, car dans aucune société, surtout Africaine, il n'est concevable qu'une communauté d'individus puisse se soustraire à cette obligation de travailler qui est le propre au genre humain et vivre au dépend des autres à travers l'Etat dans le cas des détenus. Quand bien même les difficultés inhérentes au travail en milieu carcéral sont légions, ils ne sont pas insurmontables.

    Ainsi, dans les prisons situées en ville et ne disposant pas suffisamment d'espace pour l'exploitation agricole, on pourrait développer le maraîchage et la mise en place d'ateliers de formation. Le maraîchage occupera les détenus qui seront presqu'en fin de peine et la production contribuera à améliorer la ration alimentaire journalière. Le surplus pourrait être vendu et les ressources obtenues serviront au pécule des détenus qui y travaillent. Les jeunes détenus qui purgent une assez longue peine pourront être formés dans les ateliers de leur choix comme la menuiserie, la soudure, la couture et autres spécialités de la région.

    Le travail en milieu carcéral nécessite des réformes et ne sera pas du tout aisé. Cela passe nécessairement par l'adoption d'une politique pénitentiaire claire qui fera une large place au travail en milieu carcéral car aussi bien sur le plan juridique et institutionnel qu'au niveau de l'opinion publique, le travail des détenus suscite toujours des hostilités. Si le travail en milieu carcéral s'avère être un moyen principal de traitement criminologique et de lutte contre la misère, l'effort doit être fait pour que ce traitement, touche le plus grand nombre de détenus, en aplanissant les différents obstacles.

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    Des efforts particuliers doivent être menés par l'Administration Pénitentiaire pour sensibiliser la population par une meilleure communication. Cette question de l'emploi des détenus peut faire l'objet d'un débat de société, l'importance du sujet recommande son appropriation par les décideurs politiques et administratifs. La contribution de certains ONG et institutions de réflexions comme des commissions spécialisées de l'Assemblée nationale ou du Conseil économique et social pourrait être bénéfique. Au nom même de la nécessaire protection de la société, il faut se donner les moyens d'assurer une meilleure réinsertion socioprofessionnelle des détenus. Au demeurant, il s'agit de mettre en place des investissements de production pour que le produit de ces investissements permette à l'Etat de faire des économies chaque année. Dans le même temps les retombés sociaux et humains seront profitables à l'ensemble de la société. Ainsi, le travail en milieu carcéral de façon générale participera à la formation du détenu quant à son aptitude à jouer un rôle actif au sein de la collectivité.

    Ces activités, qui seront exercées par les détenus, sont un retour aux sources dans la mesure où ils trouveront là un moyen de se replonger dans l'univers habituel du travail.

    L'Etat, ne serait-ce que pour des raisons économiques, devrait s'employer à financer conséquemment la production pénitentiaire. Il lui reviendra alors dans sa politique pénitentiaire de « s'efforcer d'indiquer la stratégie de production au sein des EP, les priorités de cette production [...] les moyens à mettre en oeuvre, les instruments de gestion adéquats, les principes d'utilisation de la production... »50. L'Administration Pénitentiaire se constituera ainsi une chaîne de production pénitentiaire diversifiée dans ses activités, transformant ainsi le détenu en un agent de développement et le Directeur de la prison en un véritable chef d'entreprise.

    Au plan individuel c'est-à-dire pour les détenus eux-mêmes ça sera l'occasion de développer chacun sa capacité à prendre en main les rênes de sa propre vie et de gagner un peu d'argent pour subvenir à leurs petits besoins et de se constituer un pécule. C'est aussi un moyen pour eux d'échapper aux effets néfastes de

    50 Rapport Préliminaire d'Audit de l'Association Pénitentiaire Africaine, APA sept 2001

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    l'enfermement absolu, de communiquer aussi souvent avec l'extérieur et de se soustraire de l'extrême dénuement.

    Les conditions de détention à savoir la surpopulation, l'insalubrité, le manque de soins sanitaires et l'insuffisance de l'alimentation, font régner une misère ambiante en détention et sont une entorse aux droits fondamentaux de l'homme. L'emploi des détenus dans les centres pénitentiaire agricoles, les jardins maraichers, les ateliers de formations permettront aux détenus de participer à leur propre entretien en détention.

    A terme le programme visera la création de véritables fermes pénitentiaires capables de produire en quantité suffisante les denrées essentielles qui entrent dans la composition de l'alimentation des détenus de la RDC. Dans cette perspective, l'affectation de terre à usage de culture par l'état au profit de l'Administration Pénitentiaire serait un préalable.

    Ainsi, l'activité de production sera axée sur les produits les plus appropriés d'une région à l'autre et pour diversifier le marché, résoudre les difficultés d'écoulement ou de mévente de la production des initiatives pourront être prises pour éviter un quelconque blocage. Et pour réhabiliter le travail en milieu pénitentiaire, il faudra poser le principe de contrat de travail.

    Les fermes pénitentiaires sont en général victimes de leurs succès quand les sommes engrangées deviennent importantes. Il faut anticiper et poser les bases d'une stratégie de gestion transparente et rationnelle.

    La situation juridique du détenu « travailleur » fait obstacle à une possibilité de relation contractuelle conformément au droit du travail ; mais un protocole entre l'Administration Pénitentiaire, représenté par le Directeur de la prison et le détenu pourrait être signé. Ce protocole intégrera l'emploi occupé, la rémunération, les horaires de travail et les modalités de suspension et /ou de rupture d'activité qui se traduirait par le transfert dans une autre prison. Un protocole bien élaboré évitera une exploitation de la force de travail du détenu, et un pécule minimal peut être fixé par l'administration centrale. Afin d'assurer une bonne application des textes en matière de travail pénitentiaire et d'éviter toute dérive, il est nécessaire d'accentuer un contrôle aussi bien interne qu'externe de l'activité pénitentiaire. Pour veiller au respect de la déontologie et de la discipline du personnel exerçant des activités de

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    sécurité, il peut être envisagé la création d'une commission de déontologie de l'Administration Pénitentiaire.

    §2 L'introduction des mesures alternatives à l'emprisonnement et les aménagements de la peine.

    Les mesures alternatives à l'incarcération et les aménagements de la peine sont des moyens efficaces pour lutter contre la surpopulation carcérale mais aussi soustraient le délinquant primaire des effets néfastes de la prison. Leur introduction dans la législation nationale permettra l'élaboration d'une réglementation à même de régir l'ensemble des prisons (A) ce qui va sans doute améliorer la prise en charge sanitaire des détenus (B) sur l'ensemble du territoire.

    A - L'adoption d'une réglementation pour régir les prisons

    S'il importe de reconnaitre la pertinence du dispositif légal qui régit l'organisation et le fonctionnement du système pénitentiaire de la RDC, il y'a cependant lieu de relever l'inadéquation entre le cadre légal tel que défini et la réalité actuelle. Dans le traitement du détenu, il faut se dire que c'est le manque de parcours de réinsertion socioprofessionnelle qui fait souvent dire que la « prison détruit l'individu » car elle ne donne pas la possibilité à un détenu d'acquérir ni l'habitude du travail, ni le savoir-faire à ceux qui en ont une qualification et de maintenir leur niveau afin de ne pas perdre les acquis.

    L'histoire pénale montre que la peine ne peut se contenter uniquement de la seule dimension sécuritaire mais qu'elle permet également l'amendement et la réinsertion sociale du détenu.

    Aussi, certaines dispositions de l'Ordonnance N° 344 sont désuètes (Art.2...)51 tandis que d'autres sont en contradiction avec les instruments juridiques internationaux sur le traitement des détenus, ratifiés par la RDC (Art.77, 78...)52. En effet, l'Ordonnance

    51 II est créé pour la ville de Léopoldville et au chef-lieu de chaque province une section d'inspection des établissements pénitentiaires.

    52 Art. 77. - Les peines disciplinaires sont infligées par le gardien, ou en cas d'absence ou d'empêchement par celui qui le remplace.

    Art. 78. - Les peines disciplinaires applicables dans les prisons et camps de détentions sont :

    1° La privation des visites pendant deux mois au maximum, sous réserve du droit pour le prévenu de communiquer avec son conseil ;

    2° La privation des correspondances pendant deux mois au maximum, sous réserve du droit pour le détenu de correspondre avec son conseil et d'écrire aux autorités administratives et judiciaires ;

    3° Les travaux ou corvées supplémentaires pendant quinze jours au maximum à raison d'une heure par jour ;

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    n° 344 du 17 septembre 1965 relatif au régime pénitentiaire de la République Démocratique du Congo n'est plus adaptée. Il convient aujourd'hui d'élaborer une nouvelle réglementation, conforme aux standards internationaux en matière pénitentiaire, qui renforcera les droits des détenus et apporter de modifications en matière de gestion du travail des détenus et de réinsertion sociale. Car la prison aujourd'hui certes, doit punir, mais aussi resocialiser, il faudra donner un sens à la peine exécutée dans un établissement pénitentiaire. Si la prison est un moyen pour la société de se protéger, elle a aussi une mission éducative, car elle est de fait l'aboutissement d'échecs de la famille, de l'école, de la société elle-même. Au nom donc de cette même nécessité de protection de la société, il faut aussi se donner les moyens d'assurer une meilleure réinsertion sociale des détenus, toutes choses que l'Ordonnance 344 n'en a pas fait une priorité.

    L'Arrêté d'organisation judiciaire n° 87-025 du 31 mars 1987 instituant des comités de gestion dans les prisons et les camps de détention encore en vigueur, qui devait combler quelque lacunes de l'Ordonnance 344, n'est toujours pas d'application, en dépit de la gestion cahoteuse observées dans les établissements pénitentiaires.

    L'organisation et le fonctionnement du système pénitentiaire de la RDC, rend suffisamment compte de la complexité de la question pénitentiaire et des obstacles à la mise en oeuvre des orientations. Dès lors, il urge de repenser la stratégie par l'adoption d'une approche dynamique sous tendue par une structure intermédiaire entre le niveau stratégique et le niveau opérationnel à même d'amener le système pénitentiaire de la RDC à capitaliser de nouvelles orientations qui vont se construire autour d'une vision ajustée, déclinée en valeurs partagées et en missions clairement définies.

    B - L'amélioration de la prise en charge sanitaire des détenus

    La récurrence des décès liés, entre autres, à la malnutrition, à la tuberculeuse, à la diarrhée, à la malaria etc. démontre que la gestion de la santé est également un défi crucial dans les prisons de la RDC.

    4° Les menottes pendant sept jours au maximum ; 5° Le cachot pendant 45 jours au maximum.

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    Il convient aussi de souligner que les multiples déficiences observées dans la prise en charge médicale des détenus continuent d'être un obstacle aux solutions conjoncturelles.

    Nous sommes d'avis que l'amélioration de la qualité des soins passera nécessairement par une réponse structurelle. Il convient de mener une réflexion pour l'intégration de la prise en charge médicale des détenus au système national de santé publique de la RDC. Les soins en milieu carcéral comporte une certaine spécificité, il y a donc nécessité d'organiser périodiquement des ateliers et de cycles de formation sur site sur la santé et l'hygiène en milieu carcéral pour le personnel sanitaire affecté ou détaché pour les soins des détenus.

    Il faudra que le personnel soignant ait un statut qui lui concède une marge de manoeuvre dans la prise de certaines décisions telle que l'admission dans une formation médicale extérieure aux fins d'hospitalisation ou d'examen approfondie, sans crainte d'être arrêté ou humilié, en cas d'incident souvent indépendant de sa volonté. Il y a aussi lieu d'alléger la lourdeur administrative afin de faciliter les évacuations sanitaires par la mise en place d'un dispositif opérationnel permettant de transférer les détenus ne pouvant pas être soignés dans la détention comme le prévoit l'article 60 de l'Ordonnance 34453.

    Le plateau technique médical doit être également amélioré pour permettre au personnel de santé de prendre en charge les cas dont le transfert n'est pas nécessaire et réduire ainsi les délais d'admission dans une formation hospitalière de référence, en assurant le suivi de ces cas à l'infirmerie de la détention. Un quartier spécial doit être aménagé pour accueillir les détenus atteints de maladies contagieuses, principalement les tuberculeux dont les prisons sont les principaux foyers de propagation de cette maladie.

    Les conditions hygiéniques doivent être considérablement améliorées compte tenu de l'importance de la communauté, car beaucoup de maladies sont dues aux mauvaises conditions d'hygiène. La prescription des RMT est édifiante et dit que les conditions d'hygiène doivent être décentes et que les Etats doivent se conformer aux

    53 Art. 60. - Si le médecin estime qu'en raison de la gravité ou de la nature de la maladie, il est impossible de soigner le détenu dans la prison, le camp de détention ou la maison d'arrêt, celui-ci est conduit à la formation médicale ou hospitalière la plus proche.

    À la formation médicale ou hospitalière, le détenu est placé dans une chambre séparée; sa garde est assurée par la police locale.

    Si le malade ainsi transféré est un prévenu, le gardien est tenu d'aviser du transfert, sur-le-champ, l'autorité judiciaire et l'inspecteur territorialement compétent chargé de la direction de la section d'inspection des établissements pénitentiaires

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    exigences adéquates et prévoir dans les prisons des installations sanitaires appropriées, des possibilités adéquates de toilettes et de bains pour la propriété individuelle et collective des détenus54. En prison, beaucoup de gens ne supportent pas l'enfermement ou l'univers carcéral et tombent dans la déprime, si ces cas ne sont pas vite repérés et pris en charge, ils sombrent dans l'anomalie mentale. C'est pourquoi le médecin qui officie doit avoir des connaissances en santé mentale et que les services médicaux de la prison doivent comprendre un service psychiatrique pour le diagnostic.55

    La situation spécifique des femmes doit également être prise en compte en matière de prise en charge sanitaire, surtout celles qui sont incarcérées avec des nourrissons ou enceintes.56

    Enfin l'administration des prisons doit faciliter le transfert des malades ne pouvant pas être pris en charge en détention vers les hôpitaux de référence habilitées et aucune restriction ne doit faire obstacle à ce droit.57

    54 RMT12. Les installations sanitaires doivent permettre au détenu de satisfaire aux besoins naturels au moment voulu, d'une manière propre et décente.

    RMT13. Les installations de bain et de douche doivent être suffisantes pour que chaque détenu puisse être mis à même et tenu de les utiliser, à une température adaptée au climat et aussi fréquemment que l'exige l'hygiène générale selon la saison et la région géographique, mais au moins une fois par semaine sous un climat tempéré.

    RMT14. Tous les locaux fréquentés régulièrement par les détenus doivent être maintenus en parfait état d'entretien et de propreté.

    RMT15. On doit exiger des détenus la propreté personnelle; à cet effet, ils doivent disposer d'eau et des articles de toilette nécessaires à leur santé et à leur propreté.

    RMT16. Afin de permettre aux détenus de se présenter de façon convenable et de conserver le respect d'eux-mêmes, des facilités doivent être prévues pour le bon entretien de la chevelure et de la barbe; les hommes doivent pouvoir se raser régulièrement.

    55 RMT22. 1) Chaque établissement pénitentiaire doit disposer au moins des services d'un médecin qualifié, qui devrait avoir des connaissances en psychiatrie. Les services médicaux devraient être organisés en relation étroite avec l'administration générale du service de santé de la communauté ou de la nation. Ils doivent comprendre un service psychiatrique pour le diagnostic et, s'il y a lieu, le traitement des cas d'anomalie mentale.

    56 RMT23. 1) Dans les établissements pour femmes, il doit y avoir les installations spéciales nécessaires pour le traitement des femmes enceintes, relevant de couches et convalescentes. Dans toute la mesure du possible, des dispositions doivent être prises pour que l'accouchement ait lieu dans hôpital civil. Si l'enfant est né en prison, il importe que l'acte de naissance n'en fasse pas mention.

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    La pratique du sport est nécessaire pour le maintien du corps humain, les détenus dont l'âge et la condition physique le permettent doivent avoir la possibilité de s'adonner au sport ou à défaut d'avoir accès à la cour de promenade au moins une heure/jour58.

    Section II - La réhabilitation des infrastructures selon les normes internationales

    L'adaptation et la modernisation des locaux de détention doivent répondent aux normes internationales par la création de quartiers distincts (§1) et contribueront à l'humanisation de l'univers carcéral (§2).

    §.1 - La création de quartiers distincts

    En matière pénitentiaire, la règlementation prévoit la séparation des détenus selon les catégories et la situation juridique. Ainsi, à défaut des prisons militaires, la séparation des détenus militaires des détenus civils (A) peut être une solution palliative et la séparation des détenus prévenus des condamnés permettra le traitement de chaque catégorie de détenus en fonction de sa situation juridique.

    A - La séparation des détenus militaires des détenus civils

    L'Art. 363. du Code militaire dit qu'« Il est créé des prisons militaires sur toutes l'étendues de la République....» dans la réalité il n'y a que la prison militaire de Ndolo à Kinshasa qui soit vraiment fonctionnelle, ce qui n'empêche pas dans cette ville de retrouver des militaires détenus dans la civile de Makala. Cette situation n'est pas irrégulière, puisque prévue par la LOI n° 023 du 18 novembre 2002 portant Code Judiciaire Militaire prévoit en son Art. 364. Qui stipule « Les personnes condamnées

    57 Art. 60 Ord 344 - Si le médecin estime qu'en raison de la gravité ou de la nature de la maladie, il est impossible de soigner le détenu dans la prison, le camp de détention ou la maison d'arrêt, celui-ci est conduit à la formation médicale ou hospitalière la plus proche.

    58RMT 21. 1) Chaque détenu qui n'est pas occupé à un travail en plein air doit avoir, si le temps le permet, une heure au moins par jour d'exercice physique approprié en plein air.

    2) Les jeunes détenus et les autres détenus dont l'âge et la condition physique le permettent doivent recevoir pendant la période réservée à l'exercice une éducation physique et récréative. A cet effet, le terrain, les installations et l'équipement devraient être mis à leur disposition.

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    à une peine privative de liberté par les juridictions militaires purgent leurs peines dans une prison militaire ou, le cas échéant, dans une prison civile

    Il y a cependant la nécessité de pouvoir séparer le quartier des militaires de celui des civiles dans les cas où ils viendraient à purger leur peine dans des prisons civiles. Il faut signaler qu'un nombre importants de détenus dans les prisons en RDC sont en fait des militaires condamnés ou placés en détention provisoire par la Cour d'Ordre Militaire (COM)59. Les nombreux incidents qui troublent l'ordre et la tranquillité des prisons sont en grande partie du fait des détenus militaires, aussi la cohabitation avec les détenus civiles n'est pas toujours aisée, les premiers exerçant diverses pressions sur les autres. Les surveillants pénitentiaires censés faire régner la discipline à l'intérieure de la détention sont des civils qui n'ont aucun moyen de contrainte à l'égard des détenus militaires qui occupent tous les postes de responsabilité dans la détention.

    Aménager un quartier militaire à l'intérieur de la prison civile permettrait d'avoir dans ce quartier spécifique un règlement assez rigoureux à l'instar de la discipline militaire. Des surveillants militaires en petit nombre pourraient alors être déployés dans toutes les prisons pour la surveillance de ses quartiers militaires, la sécurité extérieure du quartier serait aussi à la charge des FARDC avec des moyens de réplique conséquente.

    B - La séparation des détenus prévenus des condamnés

    Les prévenus par principe jouissent de la présomption d'innocence et devaient bénéficier de mesures plus souples et de traitements particuliers en fonction de leur situation juridique. On peut se demander si les détenir dans les mêmes conditions que les détenus condamnés à une peine devenue définitive n'est-il pas assimilable à leur faire subir une peine en avance. S'il est vrai que c'est l'emprisonnement collectif qui est la règle dans les prisons en RDC, la division selon la situation juridique est

    59 Crée par décret-loi n°019 du 23 août 1997 en vue de faire face à «l'urgence et impérieuse nécessité de parachever les opérations de consolidation des positions conquises par la 50ème Brigade des forces armées», la COM a été dissout en avril 2003, mais la pratique judiciaire développée par celle-là a accentué voire abuse de son pouvoir, voilant ainsi les normes de droits de l'homme et cette situation s'est accrue avec du fait de la guerre. Il en résulte qu'une grande proportion des militaires encore détenus n'ont pas en réalité bénéficié d'un procès équitable répondant aux normes internationales en la matière. En lieu et place des révisions des procès, il est question de plus en plus de remise de grâce, de libération conditionnelle ou d'amnistie.

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    prévue quand bien même son énoncé60 fait la part belle à la situation actuelle. Les règles minima pour le traitement des détenus fait un point d'honneur à la différence de traitement qui doit exister entre les différents types de détenus et les prévenus doivent pouvoir jouir du privilège de leur statut61.

    Il convient de signaler que l'une des causes de la surpopulation carcérale en RDC est la durée excessive de la détention préventive, de nombreuses personnes sont arrêtées et ne sont souvent traduits devant les tribunaux qu'après des mois voire des années surtout au niveau de la justice militaire. Les retards dans la procédure d'instruction, le recours systématique ou l'abus du recours à la détention préventive sont à l'origine de la surpopulation des prisons qui elle-même est une des causes majeures des mauvaises conditions de détention. Pourtant aussi bien le droit international62 que national63 fait du recours à la détention préventive une mesure d'exception et non une règle.

    60 Art. 44. - Dans la mesure où les installations le permettent, le gardien répartit les détenus de manière à grouper séparément: 1 ° les détenus condamnés par un jugement ou arrêt non coulé en force de chose jugée, à une peine de servitude pénale ne dépassant pas deux mois; 2° les détenus condamnés par un jugement ou arrêt non coulé en force de chose jugée, à une peine de servitude pénale supérieure à deux mois; 3° les vagabonds et mendiants mis à la disposition du gouvernement par une décision qui n'est pas devenue définitive; 4° les personnes mises en état de détention préventive en application du chapitre III du Code de procédure pénale;

    5° les personnes retenues en attendant qu'elles puissent être interrogées par l'autorité judiciaire compétente et celles qui ont fait l'objet d'un mandat d'amener;

    61 RMT84. 1) Tout individu arrêté ou incarcéré en raison d'une infraction à la loi pénale et qui se trouve détenu soit dans des locaux de police soit dans une maison d'arrêt, mais n'a pas encore été jugé, est qualifié de "prévenu" dans les dispositions qui suivent.

    2) Le prévenu jouit d'une présomption d'innocence et doit être traité en conséquence.

    3) Sans préjudice des dispositions légales relatives à la protection de la liberté individuelle ou fixant la procédure à suivre à l'égard des prévenus, ces derniers bénéficieront d'un régime spécial dont les règles ci-après se bornent à fixer les points essentiels.

    RMT85. 1) Les prévenus doivent être séparés des détenus condamnés.

    2) Les jeunes prévenus doivent être séparés des adultes. En principe, ils doivent être détenus dans des établissements distincts.

    RMT86. Les prévenus doivent être logés dans des chambres individuelles, sous réserve d'usages locaux différents eu égard au climat.

    62 Art 9(3) Pacte international relative aux droits civils et politiques mentionne que «...la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties Assurant la comparution de l'intéressé à l'audience, à tous les autres actes de la procédure et, le cas échéant, Pour l'exécution du jugement H.

    63 En vertu du Code de procédure pénale congolais, l'inculpé ne peut être mis en état de détention préventive que si :

    a) Il existe à son égard des indices sérieux de culpabilité et ;

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    La pauvreté aidant beaucoup de détenus en préventive ne peuvent s'acquitter des sommes imposées en contrepartie d'une liberté provisoire, toute libération est condition par le versement d'une somme en RDC 64 ou souvent de peine transactionnelle.

    Agir donc positivement sur la situation judiciaire des détenus en réduisant les détentions préventives diminuerait du coup la surpopulation carcérale, ce qui entrainerait une amélioration sensible des conditions de vie et de détention et par ricochet un meilleur respect de certaines règles minima sur le traitement des détenus.

    §.2 - L'humanisation de l'univers carcéral

    L'humanisation de l'univers carcéral est un défi majeur pour l'administration pénitentiaire congolaise car comme le disait Hélène DORLHAC de BORNE65 « si le criminel ou le délinquant sort de la prison comme il y est entré ou plus dangereux encore, l'emprisonnement n'est plus défense de la société mais bien menace pour la société ». Aussi, pour que la prison puisse restituer un homme nouveau à la cité, il faut, en dépit, des contraintes liées à l'emprisonnement reconnaître aux détenus le droit à une éducation formelle (A) et d'envisager une ouverture de la prison au monde extérieur (B).

    b) Le fait paraisse constituer une infraction que la loi réprime d'une peine de six mois de servitude pénale au moins

    S'il s'agit d'une infraction que la loi réprime d'une peine de moins six mois mais de plus de sept jours la personne peut néanmoins être mise en détention préventive si :

    a) Il y a lieu de craindre la fuite de l'inculpé ou

    b) Son identité est inconnue ou douteuse ou;

    c) Si eu égard à des circonstances graves et exceptionnelles, la détention est impérieusement réclamée par l'intérêt de la sécurité publique.

    Lorsque les conditions ci-dessus sont réunies, l'officier du Ministère public peut, après avoir interrogé l'inculpé, le placer sous mandat d'arrêt provisoire, à charge de la conduire devant le juge le plus proche compétent pour statuer sur la détention.

    64 Dans de nombreux système judiciaire la mise en liberté peut être obtenue moyennant le paiement d'une garantie financière, ce qui laisse en détention les personne qui pourraient bénéficier d'une mesure de libération mais n'ont pas de ressources nécessaires pour s'acquitter de cette caution. Cette possibilité existe en RDC et est abusivement utilisé par les magistrats qui monnaient tout simplement la mise en liberté provisoire qui est prévue par le Code de procédure en son article 27.

    65 Hélène DORLHAC de BORNE, Changer la prison, Paris, éditions PLON, 1984, p.166

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    A - Le droit à une éducation formelle des détenus

    Si les différents instruments juridiques internationaux et nationaux qui gouvernent le système pénitentiaire de la RDC poursuivent l'amendement et la réinsertion sociale des détenus, d'énormes difficultés se dressent sur le terrain. Elles sont à la fois d'ordre institutionnel, structurel et conjoncturel. En d'autres termes, il y a un défaut de cohérence des activités de préparation à la réinsertion, une absence de politique de réinsertion et une absence de conditions préalables à la mise en oeuvre d'une politique de réinsertion.

    Il en résulte un déséquilibre dans l'exercice de la mission dévolue à l'institution pénitentiaire par la primauté de la composante sécuritaire sur la composante réinsertion dans l'imaginaire professionnel du personnel pénitentiaire. Cet état d'esprit crée ainsi une espèce de dichotomie entre les deux composantes, alors que celles-ci sont complémentaires. Elles participent toutes de la mission de sécurité publique.

    Il est urgent que le service socioéducatif soit inscrit comme service à part entière dans l'établissement son inclusion formelle dans l'organigramme de la prison.

    Le personnel pénitentiaire ayant des aptitudes, en accord avec les dispositions de l'article 23 de l'ordonnance 344 mettront leur compétence au bénéfice des détenus volontaires pour apprendre un métier, le Service Socio-éducatif sera alors organisé en vue de constituer le levier pour la promotion d'une véritable politique de réinsertion.

    Cela impliquera notamment le renforcement des capacités organisationnelles et humaines de la structure avec l'accroissement des effectifs du personnel pénitentiaire affranchi de la surveillance immédiate des détenus par le personnel issu d'un recrutement sérieux.

    On transformera ainsi progressivement le détenu de l'éternel assisté à « un agent de développement » visant à opérer une transition de l'occupationnel à l'utilitaire. Cette démarche sera axée sur une planification qui implique, l'étude préalable de l'environnement, le choix des activités et des formateurs, la formation de l'encadrement à la gestion de la production entre autres.

    Ce faisant, la menuiserie, la savonnerie, la couture, l'élevage pourraient être envisagé en association avec des activités de même nature auxquelles les détenus

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    s'adonnent dans un cadre informel telles que la menuiserie métallique, la confection de layette, le jardinage, l'embouche bovine.

    Un véritable programme d'exploitation agricole et maraîchère pourrait être mis en chantier avec un slogan révolutionnaire comme « Une prison, une ferme agricole» qui à terme produiront des quantités suffisantes de denrées essentielles qui rentreront dans la composition alimentaire des détenus.

    Dans cette perspective, l'affectation de terre à usage de culture mis à la disposition de l'administration pénitentiaire par l'état sera un préalable. Des fermes pénitentiaires, dotées d'un régime de semi-liberté à l'exemple du centre pénitentiaire agricole de Baporo au Burkina Faso 66 ou de la ferme agricole pénitentiaire de Sébikotane au Sénégal67 pourraient voir le jour. Ces diversités dans la production agropastorale constitueront un véritable atout pour les établissements pénitentiaires leur permettant de se spécialiser dans des exploitations spécifiques en fonction des potentialités dont regorge la zone d'implantation des sites pénitentiaires.

    Sur le plan de la formation dans les ateliers, en Afrique l'exemple du Maroc peut faire école68. Depuis 1975, l'Administration a entrepris de faire bénéficier certains de ses cadres d'une formation d'instructeur dans les branches qui semblent présenter un certain intérêt pour la formation ultérieure des détenus. Ainsi, plusieurs agents pénitentiaires ont reçu une formation dans plusieurs disciplines au Centre national de la formation des cadres. Les branches retenues sont : La couture, le dessin industriel, le dessin en bâtiment, la menuiserie, la menuiserie métallique, l'électricité et la mécanique générale.

    Des ateliers spécialisés sont ainsi disséminés à travers le territoire national dans l'enceinte des établissements pénitentiaires. C'est ainsi que les menuisiers sont

    66 Le Centre pénitentiaire agricole de Baporo (CPAB) est une prison en milieu ouvert qui couvre une superficie de 100 hectares. Le centre reçoit les détenus ayant purgé la moitié de leur peine en milieu fermé, et « dont le comportement a été jugé bon et ayant manifesté, sur demande le désir de l'intégrer » Les objectifs assignés au centre sont, entre autres, de former les prisonniers bénéficiant du régime de semi-liberté en agriculture, en élevage et en artisanat.

    67 La ferme pénitentiaire de la maison de correction de Sébikotane a une exploitation agricole de 20 ha et accueille plus de 100 détenus en fin de peine (moins d'un an à purger) pour une durée moyenne de 5-6 mois. Entre 2004 et 2008, 7 417 pensionnaires sont passés par Sébikotane, dont 2 372 prévus en 2008. Tous les détenus reçoivent une formation pratique de base en agriculture.

    68 Dabissi David LANKOANDE , le travail en milieu pénitentiaire comme moyen de lutte contre la pauvreté au Burkina Faso, mémoire de fin cycle, ENP 2007 P.42

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    formés à Casablanca, Rabat, et Kenitra ; les forgerons et les ferronniers à Rabat et Casablanca, les cordonniers, imprimeurs et relieurs à la maison centrale de Kenitra.

    La formation par l'apprentissage traditionnel est aussi appliquée aux métiers de l'agriculture où les détenus sont initiés aux différents travaux et méthodes de culture, à l'usage et à la maintenance du matériel agricole par les surveillants et d'autres détenus qui en maîtrisent les techniques. Les détenus d'origine rurale sont employés à des travaux d'agriculture et d'élevage dans les différentes exploitations agricoles de l'Administration. Ainsi, ils peuvent garder des liens avec leur milieu d'origine qu'ils sont appelés à réintégrer tôt ou tard.

    Ces exploitations situées dans les périmètres des établissements pénitentiaires, fournissent à l'Administration pénitentiaire une grande partie de ses besoins en produits agricoles.

    B - L'ouverture de la prison au monde extérieur

    Le raffermissement des liens sociaux du détenu avec les autres membres de la société revêt un intérêt capital dans la perspective de la future réinsertion de ce dernier dans son milieu. C'est ainsi que «le service socio-éducatif, institué au sein de chaque établissement pénitentiaire, doit avoir pour mission première de participer à la prévention des effets désocialisant de l'emprisonnement sur les détenus, de favoriser le maintien de leurs liens sociaux et familiaux et de les aider à préparer leur réadaptation sociale »69.

    L'exécution de la peine privative de liberté doit devenir utile et permettre à l'individu incarcéré d'acquérir la capacité de mener dans le futur une vie socialement responsable. Le détenu doit acquérir la capacité et la volonté de mener une vie responsable, de s'affirmer dans une société libre, à l'avenir, sans commettre de délit, de profiter de ses chances et de tenir compte de ses risques.

    Il est important d'en tenir compte pour mieux appréhender l'objectif de l'insertion. Les personnels de l'administration pénitentiaire et les intervenants extérieurs doivent être formés à cette connaissance, à l'écoute et au dialogue avec les plus démunis car «C'est en ouvrant la prison à l'extérieur ainsi que l'on pourra faire prendre

    69V.M. CUSSON, Fondements empiriques, p.122 cité par Paul MBANZOULOU, La réinsertion sociale des détenus : de l'apport des surveillants de prison et des autres professionnels pénitentiaires, éditions L'Harmattan, 2000, p.256

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    conscience à l'opinion publique de la nécessité d'humaniser la condition pénitentiaire »70. La période d'incarcération ne doit plus aboutir à l'aggravation des situations de précarité ou de grande pauvreté non seulement des détenus mais de leurs familles.

    Les conditions fort peu satisfaisantes dans lesquelles les détenus entretiennent des relations avec l'extérieur rendent indispensable une intervention législative en ce domaine. Il convient de garder à l'esprit que non seulement la famille ne doit pas être frappée par la sanction prononcée contre l'individu incarcéré, mais encore que le maintien des liens familiaux est une donnée essentielle pour le retour dans de bonnes conditions à la société libre. Ainsi, permettre aux détenus de maintenir des relations affectives avec leurs proches contribuerait à préserver leur bien-être psychologique et, partant, à alléger la tension inhérente à la privation de liberté, en particulier lorsque celle-ci se prolonge. Toute limitation de tels contacts devrait être fondée exclusivement sur des impératifs sérieux de sécurité ou sur des considérations liées aux ressources disponibles.

    L'ouverture de la prison se fera par le décloisonnement vers l'extérieur des prisons dans le but de favoriser des partenariats tant au niveau institutionnel que non institutionnel. Cette dynamique sera favorable à la conduite d'actions conjointes avec les ministères techniques en charge de l'éducation, de la formation professionnelle, de la culture, de l'agriculture, des sports etc. pour soutenir les initiatives.

    Par ce décloisonnement, il sera également possible de travailler à faire prendre en compte par l'extérieur (administrations, municipalités, ONG et associations) les besoins de la population carcérale et de les intégrer dans les dispositifs de droit commun. Associer les programmes de réinsertion aux activités de production :

    L'amélioration de l'offre en réinsertion du système pénitentiaire congolais impliquera la mise en place d'un programme de développement des activités de production avec un volet formation au profit des détenus comme évoqué plus haut.

    La réussite de la mission de réinsertion dépendra dans une large mesure de la mise en oeuvre de mécanismes visant à inscrire les détenus dans une dynamique de formation, de remise au travail, de valorisation et de réadaptation sociale.

    70 Hélène DORLHAC de BORNE, Changer la prison, Paris, éditions PLON, 1984, p.95

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    Un programme de mise en oeuvre ou d'opérationnalisation pourra préconiser l'adoption et la mise en oeuvre simultanée de programmes pilote, avec des slogans qui cristallisent les préoccupations de toutes les parties prenantes à l'appui du système pénitentiaire.

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    CONCLUSION GENERALE

    Nous voici au terme de notre étude consacrée à la problématique du respect des droits fondamentaux des détenus dans les prisons de la RDC. Elle a surtout consisté à faire l'état des lieux, à analyser les causes des violations et de faire une exquise de proposition pour l'amélioration du respect des droits fondamentaux de la personne incarcérée.

    La pertinence de cette étude et les propositions faites sont notre façon de contribuer à la promotion du respect des droits de l'homme en détention. Elle constitue également une interpellation de l'opinion publique, des hommes politiques, de la société civile et de la communauté internationale sur les conditions de vie et de détention dans les prisons de la RDC,

    La lutte pour le respect des Droits de l'Homme est une lutte perpétuelle et permanente, elle est encore plus quand la personne humaine se trouve incarcérée. Cette lutte pour le respect des droits fondamentaux de tout individu en tant qu'être humain doit faire partir d'un projet politique, social et réaliste car comme le dit la maxime latine « sol lucet, omnibus», c'est à dire que le soleil brille pour tout le monde. En extrapolant nous dirons que tout individu a le droit de jouir des droits fondamentaux que lui reconnaissent les différentes normes internationales et nationales fusse-t-il un détenu. Comme le disait le professeur Olinga Alain Didier parlant du droit de l'enfant «le droit à la vie et à la survie ne signifie pas seulement le droit de n'être pas tué, de n'être pas de manière arbitraire privé de sa vie; il implique aussi le droit de ne pas être placé dans les conditions d'existence telles que la mort apparaisse comme inévitable et immédiate.»71

    Les différents obstacles aux droits de l'homme, relevés tout au long de notre développement démontrent l'ineffectivité du respect des droits fondamentaux dans

    71 V. Olinga,A.D.«Le droit à des conditions matérielles d'existence minimales en tant qu'élément de la dignité humaine». In Marin<Y> (dir). Les droits fondamentaux, Bruyant, Bruxelles, 1997, pp.91-103.

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    les prisons de RDC. Notre hypothèse de départ se trouve alors vérifiée, du fait que la garantie matérielle des droits des détenus est plus en phase théorique que pratique.

    Il convient alors de tirer les conséquences de ses obstacles, de s'atteler à les y éradiquer par la mise en application des propositions que nous avons élaborées. Il est urgent que l'Etat de la République Démocratique du Congo puisse s'inscrire définitivement dans le concert des Etats de droit avec pour axiome de base le respect des droits fondamentaux de la personne humaine en générale et de celui de la personne privée de liberté en particulier, Etat de droit et droits fondamentaux sont un triptyque indissociable dans tout Etat qui se veut démocratique et doit constituer l'idéal à atteindre. Les droits fondamentaux se doivent ainsi, dans toute société, d'être reconnus, respectés, mais surtout, protégés, afin que les citoyens puissent véritablement en bénéficier.

    Si dans le cas de la RDC, on peut se satisfaire de la garantie matérielle des droits fondamentaux, la garantie pratique des dits droits quant à elle reste une sinécure et des initiatives rigoureuses doivent être prises pour son édification.

    Pour bénéfiques que puissent être les ratifications et signatures des différents instruments juridiques internationaux relatifs aux droits fondamentaux, isolées ces actions ne peuvent suffire et doivent être accompagnées de la protection de ceux-ci. C'est la phase de la garantie pratique et cette dernière qui recèle des insuffisances dans la mise en oeuvre de la protection des droits fondamentaux en RDC.

    La vérification de nos hypothèses ont été faites à partir de la théorie générale de l'Etat, de la méthode, fonctionnelle dite relativisée dont le tenant est Robert King MERTON et de la méthode dite génétique. En effet, c'est à l'Etat dans ses missions régaliennes que revient la mission de la sécurité intérieure, du maintien de l'ordre et de la protection des personnes et de leurs biens par la prévention de toute crise et tout délit. Lorsqu'un Etat se trouve dans l'incapacité ou dans l'impossibilité de remplir cette mission de protection, celui-ci expose ses administrés à la violation des droits les plus fondamentaux. L'Etat de droit est, en principe, au service du bien du peuple et de la justice sociale par contre l'effondrement ou la faillite de l'Etat l'empêche de jouer son rôle de protecteur et de promotion des droits de l'homme, on assiste alors à des violations massives des droits fondamentaux surtout lorsque les personnes sont privées de leur liberté.

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    Quant à la méthode fonctionnelle dite relativisée, Robert King MERTON a proposé quatre concepts clefs : la dysfonction qui gêne l'ajustement et l'adaptation du système, l'équivalent ou le substitut fonctionnel qui montre qu'une fonction peut être remplie par les éléments différents mais interchangeables, les fonctions manifestes qui sont des conséquences objectives comprises et voulues par les participants du système, et, enfin, les fonctions latentes dont leur existence est inévitable bien que n'étant pas comprises ni voulues par les participants du système. L'étude des causes et des conséquences nous a également inspiré le choix de la méthode génétique. Des techniques telles que la visite des lieux de détention, l'analyse documentaire, les entretiens et l'analyse de leurs contenus nous ont servi dans notre analyse.

    Il apparaît clairement que nos hypothèses de départ sont pratiquement confirmées comme démontré tout au long de notre développement. En effet, que toutes les générations ou catégories de droits de l'homme sont constamment violés en détention. On peut ainsi se rendre aisément compte de la violation du droit des détenus à un environnement saint ( locaux de détention vétuste, sans toilette décente, sans eau ni d'éclairage) le droit à une alimentation de bonne qualité, ayant une valeur nutritive ( détenus ne recevant aucune ration alimentaire de la part de l'Etat et devant survivre grâce à des dons de bonnes volontés, nombreux cas de décès par suite de malnutrition ), le droit à l'éducation et aux loisirs (les détenus sont confinés dans les cellules à longueur de journée) le droit au soins médicaux (les infirmeries ne peuvent pas assurer la prise en charge sanitaire par manque de produits pharmaceutiques et le transfert dans un hôpital de référence est un parcours de combattant, voir tableau des décès), le droit à la sécurité, à l'intégrité physique et moral (attaque fréquente des lieux de détention, traitement inhumain et dégradant infligé aux détenus), le droit à la vie (placé dans les conditions d'existence telle que la mort apparaisse comme inévitable et immédiate).

    Au terme de notre étude et eu égard des résultats auxquels nous sommes parvenus, nous avons formulés dans notre deuxième partie des perspectives de réformes et d'amélioration du système pénitentiaire en République Démocratique du Congo. Si ses propositions venaient un jour à être mise en oeuvre, la protection des droits fondamentaux des détenus se trouvera améliorée, mais la lutte contre les violations des droits de l'homme en générale en RDC passe par la restauration d'un Etat de droit respectueux de la dignité humaine et soumis à la loi d'un Etat fort et

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    démocratique. C'est en ce moment que l'on peut espérer voir les lois en matière de protection et de promotion des droits de l'homme rigoureusement appliquées en vue de décourager tous ceux qui auraient, une fois de plus, l'intention maléfique d'y porter atteinte.

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    BIBLIOGRAPHIE

    OUVRAGES SPECIFIQUES

    1. G. Stefani et alii. , Criminologie et science pénitentiaire, Paris, 5e édition DALLOZ, p.294

    2. Alexandre KONE et Didier Y. HIEN, la réglementation pénitentiaire au Burkina Faso p. : 13

    3. Les conditions de détention en Afrique, Actes d'un séminaire panafricain tenu les 19 et 21 Septembre 1996 à Kampala, Ouganda

    OUVRAGES GENERAUX

    1. Penal Reform International, lack of implementation of the United Nations Standard Minimum Rules for the Treatment of prisoners, 1995

    2. Hélène DORLHAC de BORNE, Changer la prison, Paris, éditions PLON, 1984, p.166

    3. V.M. CUSSON, Fondements empiriques, p.122 cité par Paul MBANZOULOU, La réinsertion sociale des détenus : de l'apport des surveillants de prison et des autres professionnels pénitentiaires, éditions L'Harmattan, 2000, p.256

    4. V. Olinga,A.D.«Le droit à des conditions matérielles d'existence minimales en

    tant qu'élément de la dignité humaine». In Marin<Y> (dir). Les droits fondamentaux, Bruyant, Bruxelles, 1997, pp.91-103.

    Mémoires et thèses

    1. Jean-Marie DADO TOSSOU ; la garantie du droit à la
    santé des détenus dans les prisons du Bénin, Université de NANTES mai-2003

    2. LANKOANDE Dabissi David, le travail en milieu
    pénitentiaire comme moyen de lutte contre la pauvreté au Burkina Faso
    , mémoire de fin de cycle, ENP, juin 2007, 79 p.

    3. BANAZARO Ibrahim, l'humanisation, renforcement du
    processus d'humanisation de la détention en milieu carcérale : le cas du Burkina Faso, mémoire de fin de cycle, ENP 2011

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    TEXTES INTERNATIONAUX

    1. La Déclaration Universel Des droits l'Homme adoptée et proclamée à New-York le 10 décembre 1948.

    2. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté le 16 décembre 1966 à New-York

    3. L'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus adopté à Genève en 1955.

    4. Les règles minima des Nations unies pour l'élaboration des mesures non privatives de libertés Adoptées par l'Assemblée générale dans sa résolution 45/110 du 14 décembre 1990.

    Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, adopté par l'Assemblée générale dans sa résolution 43/173 du 9 décembre 1988

    Les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté adoptées par l'A.G dans sa résolution 45/113 du 14 décembre 1990

    Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus adoptés par l'Assemblée générale dans sa résolution 45/111 du 14 décembre 1990

    Protocole facultatif à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Genève 18 décembre 2006

    La charte Africaine des droits de l'Homme et des peuples adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi au Kenya.

    TEXTES NATIONAUX

    1. La constitution de la RDC du 18 février 2006, telle que modifiée par la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011

    2. Le Code pénal de la RDC, Décret du 30 janvier 1940, tel que modifié et complété par la loi n° 06/018 du 20juillet 2006

    3. Le Code de procédure pénale de la RDC, Décret du 6 août 1959, tel que modifié et complété par la loi n° 06/019 du 20 juillet 2006

    4. Code Judiciaire Militaire de la RDC selon la LOI n° 023 du 18 novembre 2002

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    5. Code Pénal Militaire selon la LOI n° 024 du 18 novembre 2002

    6. Ordonnance 344 du 17 septembre 1965 relatif au régime pénitentiaire de la République Démocratique du Congo

    7. Arrêté royal du 22 avril 1958 relatifs à la police l'immigration

    8. ARRETE d'Organisation Judiciaire n° 87-025 portant création des Comités de Gestion des Etablissements Pénitentiaires du 31 mars 1987

    9. ARRETE d'Organisation Judiciaire n° 029/CAB/MIN/J&DH/ 2013 du 28 janvier 2013, portant création, organisation et fonctionnement des Comités Locaux d'Encadrement de la Gestion du Budget des Prisons Centrales Provinciales et Camps de Détention

    10. CIRCULAIRE n° 002/CAB/MIN/J&DH/2013 relative au fonctionnement des Comités Locaux d'Encadrement de la Gestion du Budget des Prisons Centrales Provinciales et Camps de Détention

    11. CIRCULAIRE n° 6/008/IM/PGR/2011 relative au Régime Pénitentiaire

    12. CIRCULAIRE n° 003/CAB/MI/J&DH/2013 du 31 Août 2013 relative à la politique pénale gouvernementale en matière de privation de liberté

    RAPPORTS-ARTICLES-REVUES

    1. Rapport Préliminaire d'Audit de l'Association Pénitentiaire Africaine, APA sept 2001

    2. Rapport sur la détention dans les prisons et cachots de la RDC, MONUC avril 2004

    3. Arrestation et détention dans les prisons et cachot de la RDC, MONUC mars 2006

    4. Rapport du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l'homme mars 2013

    5. Juliette BEGHIN, Observatoire international des prisons, journal du collectif n°39, juillet/août 2003

    SITES INTERNET

    1. http://www.enda.sn/

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