III-3-2- L'asymétrie d'information et le non-respect
de la réglementation
Pour les raisons déjà évoquées
plus haut, le marché financier camerounais, à l'instar de ceux de
la plupart des pays pauvres, sont sujets à de graves asymétries
d'information exploitées au maximum par les banques. Il faut dire que
les banques camerounaises sont regroupées au sein d'une association de
type professionnel (l'APECCAM). Et cette asymétrie d'information est
aggravée par le non-respect des dispositions règlementaires tant
communautaires que nationales par les banques.
Par exemple, suite aux recommandations de la COBAC et en vue
d'améliorer le taux de bancarisation dans la zone CEMAC, le Ministre des
Finances du Cameroun a signé un texte portant « services bancaires
minimum garanti » (Annexe II) qui rendent les services de
base tels que la tenue de compte et les consultations de solde gratuits, tout
en supprimant certains frais exorbitants. Les banques, dans leur ensemble, soit
n'appliquent pas ces dispositions pour certaines, soit ont créé
d'autres frais (« commissions de mouvement », frais divers, etc.) et
que les clients ignorent (cf. Rapport COBAC 2012).
En outre, dans l'application des taux maxima des coûts
de transfert à faible montant, la plupart des banques ont fixé
des montants plancher (entre 5000FCFA et 10 000FCFA) ; et le coût,
ramené au montant de la transaction, dépasse le taux maximum
fixé (Rapport COBAC 2012):
Figure 5:Tableau Surcoût transferts. Source :
nous-même
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Taux maxima fixé par la BEAC
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Taux appliqués au finish (prise en compte des
coûts minima instaurés par les banques) (1)
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Ecarts ou surcoûts
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Transfert zone CEMAC
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0,25% (2)
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0,93%
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0,68%
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Transfert hors zone CEMAC
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0,50% (2)
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3,95%
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3,45%
|
(1)Calculés par la COBAC (cf. Rapport COBAC 2012).
(2)Réglementation des changes (Règlement
n°02/00/CEMAC/UMAC/CM du 29 avril 2000)
Thèse MSc Finance : « L'optimisation de
l'accès au financement court terme et de la gestion de compte
courant au sein des PME au Cameroun », ALIOU ADAMOU BELLO, KEDGE BS,
MAI 2015.
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S'agissant de la règlementation CEMAC sur le taux
usuraire (article 3 du Règlement N°02/CEMAC/UMAC/CM du 20/10/2012
portant définition et répression de l'usure dans la CEMAC : un
taux est dit usuraire lorsqu'il « excède de plus de 33% le TEG
moyen au cours du semestre précédent »; elle est
systématiquement et largement enfreinte dans le cadre des «
tontines » (où circulent tout de même selon les chiffres du
Ministère des Finances, 190 milliards de FCFA). En effet, il n'est pas
rare d'y appliquer des taux de 30%. Or, si le TEG
s'établit autour de 7,3% pour le Cameroun en 2012, le seuil usuraire
sera en 2013, selon la règlementation citée, de [7,3*(1,33)]% =
9,71% !
La COBAC, suite à son enquête sur les conditions
de banque réalisée en 2011, avait également :
« -Exhorté les Autorités
monétaires à prendre des mesures en vue d'assurer la
mobilité bancaire et faciliter l'accès aux services financiers
par le plus grand nombre. A cet égard, l'adoption, à l'instar du
Cameroun, par les autres pays de la CEMAC d'un texte fixant le service bancaire
minimum garanti a été jugée nécessaire ;
-Examiné, sous la houlette du Comité
Régional de Normalisation Financière (CORENOFI), les
modalités d'application des dates de valeur au regard de la
modernisation des systèmes et moyens de paiement dans la CEMAC ;
-invité les banques à appliquer une
tarification « juste et raisonnable » sur les opérations
transitant par la plate-forme SYSTAC et SYGMA ;
-Accru la lisibilité, la transparence et la
comparabilité des tarifs bancaires par l'adoption, au plus tard le 31
décembre 2011, des dénominations communes et uniques de
l'ensemble des tarifs bancaires sur la base d'une liste standard à
proposer ainsi que de leurs modalités de publication et de
présentation ; cette action devait s'intégrer dans le cadre plus
général de la protection des consommateurs à mettre en
place au niveau de la CEMAC sous une forme à définir ;
- Demandé aux banques de tout mettre en oeuvre pour
que l'ensemble des éléments relatifs aux coûts du
crédit soient aisément identifiables pour la détermination
fiable du TEG ;
Thèse MSc Finance : « L'optimisation de
l'accès au financement court terme et de la gestion de compte courant au
sein des PME au Cameroun », ALIOU ADAMOU HELLO, KEDGE HS, MAI 2015.
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- Attiré en particulier l'attention des banques sur
la nécessité de clarifier le contenu des packages qu'elles
offrent à la clientèle. A cet effet, les composantes des packages
devraient être explicitement listées dans les plaquettes des
conditions de banque et leur mise en place soumise à un contrat
dûment signé par le titulaire du compte ;
- Invité toutes les banques de la CEMAC à
respecter scrupuleusement la tarification des opérations de change et de
transferts ;
- Appelé les Etats, à l'instar du Cameroun,
à mettre en application effective le Règlement
n°00/02/CEMAC/UMAC/ relatif au calcul du Taux Effectif Global (TEG).
»
(COBAC, «Architecture de la tarification des services
bancaires 2011-2012-CEMAC », 2013).
Ces exhortations sont restées sans succès
puisque par exemple les frais des opérations SYSTAC/SYGMA continuent
d'être assez exorbitants car les coûts, même des
opérations bancaires de compensation et de virement dans le
système automatique de règlement et de compensation
(SYSTAC/SYGMA) sont trop élevés au vu des charges unitaires y
relatives supportées par les banques. En effet, les treize banques
ordinaires du Cameroun sont « participant direct » au
système de paiement CEMAC (SYSTAC et SYGMA) c'est-à-dire le
système de télé-compensation et de règlement
interbancaire, supervisé par la BEAC, la banque centrale. Les deux
systèmes SYSTAC/SYGMA sont payants par opération et selon la
période de la journée à laquelle l'opération est
initiée. Les factures sont envoyées mensuellement à chaque
participant par la BEAC. Ces frais par opération et quelle que soit la
période de la journée ne dépassent pas 2000 F CFA (pour
SYGMA) et même 700F CFA pour SYSTAC. Or les mêmes opérations
peuvent être facturées aux clients des banques jusqu'à
30.000FCFA ! (voir chapitre 4, IV-1-3, PP52-53 et Annexe 4).
Soit une marge de 28.000FCFA par opération ! Pratiquement toutes les
banques de la place financière pratiquent cet «
écrémage ».
Les entreprises, à cause à la fois du faible
ancrage de la culture financière mais aussi du rapport de force
(n'obtient pas du crédit qui veut !) en faveur des banques, ont peu de
choix.
Thèse MSc Finance : « L'optimisation de
l'accès au financement court terme et de la gestion de compte courant au
sein des PME au Cameroun », ALIOU ADAMOU HELLO, KEDGE HS, MAI 2015.
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