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Plaidoyer pour une judiciarisation du concubinage en Haà¯ti.

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par Reginald Altanas
Institut Supérieur des Sciences Economiques Politiques et Juridiques (ISSEPJ) - Licence en sciences économiques 2007
  

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1.2 LE CONCUBINAGE UNE REALITE SOCIALE EN HAÏTI

Dans les places à vivre, les noirs esclaves pour faire face à la rigueur de la vie de bête de somme `' se plaçaient `'. Le plaçage remonte donc aux temps coloniaux ou les esclaves de jardins à talent ou domestiques pour pallier au changement continu de maître ou de maison, se retrouvaient en permanence avec un conjoint différent. Les blancs en usaient également à profusion en se mettant en ménage avec des esclaves des négresses libres ou des mulâtresses. Cette tradition a perduré et nous avons retrouvé le concubinage dans toutes les sphères sociales même après l'indépendance.

Historiquement la notion de concubinage se retrouve inscrite dans le Code Noir, particulièrement aux articles 8 et 9. L'article 8 en interdisant le mariage des esclaves qui n'étaient pas de religion catholique apostolique romaine, encourageait le concubinage.31(*) A l'article 9 l'état des enfants nés dans le concubinage est identifié et c'est également la première fois que l'on retrouve dans un texte de loi le mot concubinage .En effet le législateur déclare ceci : « Les hommes libres qui auront eu un ou plusieurs enfants de leurs concubinages avec leurs esclaves... »32(*).

A travers l'histoire, le concubinage a eu ses heures de gloire. Il subit maintes interdictions sous le gouvernorat de Toussaint Louverture, qui à l'article 9 de la loi du 18 juillet 1801 interdit la reconnaissance d'un enfant né d'un père déjà engagé dans les liens du mariage, tout en reconnaissant ce droit à la paternité des pères non mariés.33(*)

Le général Jean Jacques Dessalines, qui devient le premier Chef d'Etat haïtien et le premier Empereur du nouveau monde, père et amant prolifique ayant remarqué plus que deux tiers de la population vivaient dans le concubinage fit sortir la fameuse loi du 28 mai 1805 réglementant la situation des enfants naturels. Dans cette loi dite loi sur les enfants nés hors mariage : « Un père même engagé dans les liens du mariage, peut reconnaitre un enfant naturel né pendant le cours du dit mariage »34(*).

La préoccupation de l'Empereur était de protéger tous les enfants en général, cette loi touche une certaine réalité sociologique puisque le mariage était loin d'être honoré. Plusieurs raisons expliquent cette attitude et nous en retiendrons quelques-unes.

1) L'absence d'officier d'Etat civil ;

2) L'absence de prêtres et de pasteurs dans certaines communes ;

3) Les longues distances à parcourir pour trouver une paroisse ;

4) L'ignorance d'une population des normes civilisatrices ;

5) Les attitudes usages et traditionnelles poussant vers la polygamie.

Le Roi Christophe va prendre le contrepied de son prédécesseur dans le Royaume du Nord. Il pourfendra le concubinage et forcera ses sujets à se marier. Sous prétexte que les unions libres et précaires ne convenaient pas à une constitution stable de la famille, il mariait à tour de bras. Vergniaud Leconte dans ``Henri Christophe'' dans l'Histoire d'Haïti et Aimé Césaire dans ``La Tragédie du Roi Christophe'' nous rapporte qu'il arrivait même que le Roi maria des personnes ignorant tout l'un de l'autre pour son bon plaisir, parce qu'il estimait ces gens faits l'un pour l'autre.

Dans la République de l'Ouest le Président Pétion, laxiste à souhait, laissait le droit au citoyen de choisir la manière dont il voulait mener leur vie. Depuis, le concubinage est devenu un fait social en usance dans toutes les couches de la société haïtienne.

1.2.1 LE CONCUBINAGE, UNE REALITE SOCIALE HAITIENNE

La société haïtienne a toujours vu le concubinage comme un mode de conduite qui ne sied pas avec la morale et la religion. La concubine est toujours considérée comme une femme de second ordre ne méritant pas de l'estime.

Bien des fois stigmatisée ou indexée, elle est traitée péjorativement en des termes peu élogieux ; on la traite de : `` ti bouboute ,  fanm déyò,  apiyé sou gason , yon ti grenn ''35(*), etc.

Cette marginalisation tire sa source de l'exclusion enseignée par les églises catholiques et protestantes vis-à-vis de la femme concubine. La religion vodouisante est beaucoup plus tendre et tolérante vis-à-vis des femmes concubines. C'est un exercice courant que de trouver dans la même cour ou sur la même propriété un `` Gran don36(*) un  Hougan37(*) ou un  Mèt lakou 38(*)'' entretenant une multitude de femmes qui vivent en bon voisinage et dont les enfants s'amusent entre eux. De toute manière le concubinage entraine une critique générale, une indexation et une stigmatisation des concubins.

A) De la critique générale du concubinage

Le concubinage est une réalité sociale en Haïti. Pour pouvoir faire la critique générale du concubinage en Haïti, il faut l'étudier à travers les trois classes sociales qui en ont l'usage.

a) La classe bourgeoise

Généralement on a tendance à se marier entre privilégiés dans cette classe, mais deux causes peuvent conduire ces aisés au plaçage. Maintes fois, ce sont les hommes qui entretiennent des relations avec certaines femmes de modestes conditions. Elles sont leur concubine et ne peuvent pas le présenter à leurs familles et à leur relation. Il arrive que des femmes divorcées ou veuves de la classe bourgeoise prennent des concubins de leur classe ou dans les autres classes.

Ces derniers temps se dessinent une certaine mutation de la jeunesse. Les jeunes ont tendance à vivre dans le'' plaçage'' afin de faire des expériences de vie commune avant de s'engager définitivement dans le lien du mariage. Toutes ces pratiques se font sous le boisseau et sont hypocritement condamnées.

b) Les classes moyennes

Divisées en deux groupes, une aisée, et une plus ou moins débrouillarde. La classe moyenne en Haïti n'est pas uniforme. Elle se trouve en butte à des difficultés énormes puisque les éléments qui se composent sont en perpétuel transfert de classe ou de pays. Certains rêvent de devenir bourgeois, d'autres dégringolent vers les classes pauvres et la majeure partie s'organisent pour envoyer leurs enfants à l'étranger.

Cette classe est loin d'être stabile, mais il faut reconnaitre qu'elle est friande de mariage et de concubinage. Les hommes de cette classe entretiennent en majorité une maitresse partant du prétexte que leur foyer n'est pas stable et qu'il peut se décomposer à tout moment. Autant on se marie, autant on se divorce dans les classes moyennes, et les hommes se peuplent tant dans leur foyer que chez les concubines. Ils multiplient les enfants et s'arrangent pour les faire reconnaitre par leurs épouses. Quant aux femmes mariées, elles vilipendent les concubines qu'elles considèrent comme des poisons sociaux.

c) La classe pauvre

Au niveau des villes et au niveau des campagnes, les classes pauvres prospèrent dans le plaçage. Cette attitude trouve sa source dans plusieurs phénomènes plus ou moins palpables tels :

1) Les difficultés financières ;

2) L'impossibilité de faire face aux exigences du mariage ;

3) L'absence d'officiant dans certains lieux ;

4) Les usages et les coutumes encore vivaces.

Certaines monographies de terrain étudiant le'' plaçage `'dans les milieux paysans, démontrent que dans certaines régions, il devient un rituel ou le concubin obéit à un ensemble de coutumes pour disposer de sa promise. Dans certaines zones reculées, il doit préparer sa case, faire une demande en bonne et due forme avec ses parents, participés aux agapes préparées par la famille de la femme et emmener cette dernière sur son cheval, après la cérémonie.

Certaines traditions exigent qu'il envoie le lendemain aux parents de cette dernière un présent qu'il justifie ou non sa satisfaction. Il se peut que ce soit une bouteille de cola capsulée s'il est satisfait, décapsulée et vidée d'une partie de son contenu, s'il ne l'est pas. Dans d'autres contrées, c'est le linge souillé ; le pain avec ou sans mie qui est d'usage39(*).Le concubinage est donc moins stigmatisé dans les classes pauvres des sections communales et plus toléré que dans les grandes villes.

B) Indexation et stigmatisation des concubins.

La société haïtienne a une nette tendance à pointer du doigt ceux qui ne rentrent pas dans l'ordre des choses ou qui ne suivent pas les règles générales imposées par la société. C'est pourquoi ceux qui vivent dans le concubinage sont bien souvent obligés de se dire épouse et de porter une bague, pour montrer une marque physique visible de leur appartenance sociale au groupe le plus prisé. C'est cette tranche de la population vivant dans le plaçage, particulièrement les femmes, qui estiment porter un stigmate jetant un discrédit sur elles ; d'où un rejet de l'identité sociale virtuelle. Ces femmes prennent cette disposition pour éviter les discrédits, les moqueries, les railleries.

Le jeu de rôle et l'interaction entre femmes mariées et concubines sont tellement bourré de préjugé et d'étiquetage que ces dernières ont généralement honte à leur appartenance au groupe des concubines. Pourtant beaucoup plus de personnes se retrouvent en union libre statistiquement vis-à-vis des femmes mariées

.

* 31 Louis Sala Molins « Le Code Noir ou le calvaire de Canaan »Paris, Puf, 2002, p. 106

* 32 Louis Sala Molins, op cit, 2002, p. 108

* 33 « Les lois de Toussaint Louverture », P a P, PNDH, 2008, p. 54

* 34 « Les lois et les actes sous le règne de Jean Jacques Dessalines », P a P, PNDH, 2006, p.79

* 35 Termes créoles pour parler des femmes se faisant entretenir.

* 36 Gran don : Hommes aisés, vivant en milieu rural, possédant de grandes habitations.

* 37 Hougan : prêtre du vodou

* 38 Mèt lakou : Homme mystique, responsable d'une habitation où vit une communauté.

* 39 Filmographie : « Mariaj d'Antan »produit par Jean Rony Lubin, acteur principal : Simon Innocent, 2001

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo