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Description des conséquences des violations de coutumes Luba-Kasai et leurs thérapies.

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par Augustin Mubiayi Mamba
Université de Kinshasa, RD Congo - Diplome d'Etudes Superieures (D.E.S.) en Psychologie  2015
  

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CHAPITRE QUATRIEME : ETUDE DE CAS

Ce chapitre est la base de cette première étape de notre recherche. Il est consacré à la description, l'analyse et l'interprétation des résultats en faisant la combinaison entre la pratique thérapeutique telle qu'elle est vécue dans la culture Luba et les théories sur la psychologie clinique en général et en psychothérapie en particulier.

Au cours de ce chapitre nous allons présenter les cas concernant l'aide aux mourants, en rapport avec l'assistance aux personnes en dernière instance de leur vie se trouvant en état comateux dont il faut réveiller la conscience, soit pour qu'ils disent leurs dernières volontés, soit pour les aider à avoir une bonne mort/mort en douceur, la résolution des frustrations, l'aide à l'accouchement : déclenchement de l'accouchement bloqué et enfin le rite de réparation (désertion du toit conjugal).

Pour des raisons de respect des personnes concernées par cette étude, nous utilisons les pseudonymes dans les cas suivants qui relèvent de notre propre observation participante qui constitue un récit de vie quotidienne. Ainsi le chapitre est subdivisé en deux parties :

Ø Présentation de cas avec une analyse partielle, qui ressort les détails du processus thérapeutique que comporte chaque cas individuel, les techniques utilisées pour le diagnostic, le traitement, la forme de guérison éventuelle tout en faisant mention des théories scientifiques qui s'y apparentent,

Ø Discussion des résultats qui est interprétation des données et résultats de l'étude.

4. 1. Présentation de cas

Les cas étudiés dans cette recherche concernent trois personnes que nous avons eu à assister lors de leurs dernières instances de vie, une observation de comment les femmes résolvent leurs frustrations, une manière intéressante dont on parvient à faciliter l'accouchement qui semble bloqué et nous présentons comment les baluba réparent un différend résultant d'une désertion du toit conjugal.

4. 1. 1. Aide aux mourants

Bien que la mort soit une réalité indéniable, elle continue à faire peur et pleurer, quelle que soit la culture à laquelle on appartient. En occident, par exemple, le Conseil de l'Europe s'est prononcé en 1976 sur «  les droits des malades et des mourants ». Ces droits incluent celui à la liberté, à la dignité et à l'intégrité de la personnalité, d'être informé, aux soins appropriés et celui de ne pas souffrir. Et Rosette Poletti et al (1982) dans « la mort restituée » nous disent que dans nos sociétés, statistiquement on meurt plus à l'hôpital. On y meurt trop souvent par manque d'approche axée sur le confort, l'accompagnement, les soins palliatifs, le soutien, le contrôle de la douleur, l'aide spirituelle... Bref nous devons aider nos semblables à mourir d'une bonne mort, comme qui dirait d'une mort en douceur.

La mort rappelle le travail de deuil de Sigmund Freud (2011). Sigmund Freud associe le processus de deuil à un travail psychique réactionnel à une expérience de dépression. Le dépressif  vit en effet dans la perte d'un Objet très aimé et idéalisé. Après la perte d'un Objet externe particulièrement investi, la libido doit entreprendre un détachement angoissant, vécu dans la douleur pour permettre au Moi de retrouver sa liberté. 

Dans l'Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, de Bernard Werber, Edmond Wells(2007) publie un récit de Elizabeth Kubbler Ross, une psychologue clinicienne qui a accompagné beaucoup de mourants dans leurs dernières heures et a repéré cinq étapes qui se produisent souvent chez les individus condamnés par des maladies incurables. Ces étapes sont quasiment les mêmes que celles de toutes les situations de deuil en général. Elles sont les suivantes :

- le Déni : le malade refuse sa mort. Il exige que son existence continue comme avant. Il parle de son retour à la maison après la guérison ;

- La Colère/révolte : il importe de designer un coupable ;

- Le Marchandage : il demande un répit au médecin, au destin, à Dieu ? il se fixe des dates : « je veux vivre jusqu'à Noel... » ;

- La Dépression : toute énergie disparait. Impression de renoncement. Il cesse de se battre ;

- L'Acceptation : dans les unités de soins palliatifs, celui qui va partir réclame alors les plus beaux tableaux, les plus belles musiques.

Ce tableau peint par des psychologues cliniciens explique parfois le comportement des personnes comme Vieux Lambert à se chercher des fétiches pour barrer la route à la mort bien que cela soit impossible.

Nous avons exposé dans le premier chapitre comment le peuple luba considère la mort. Nous avons retenu trois cas suivants pour analyser comment ce peuple prépare un proche à la mort.

4.1.1.1. Cas Vieux Lambert

L'étude du cas Lambert est une analyse d'aide au mourant vécue par nous-mêmes et qui explique la dimension psychologique de traitement d'une personne se trouvant dans un état comateux prolongé.

Cette observation nous illustre la manière très intéressante et originale dont les baluba s'y prennent pour accompagner un de leurs membres qu'ils trouvent en instance de fin de vie.

Dans notre analyse, nous situons la place du thérapeute et intégrant le fonctionnement de l'inconscient dans une communication parfois asymétrique. L'approche psychodynamique nous révèle les liens que Lambert a avec la vie sur terre qui l'empêche d'y renoncer par peur de manque de contrôle de la situation.

Description du contexte

Vieux Lambert était âgé de près de 95 ans. Marié à une dame qui pratiquait la divination (Tshilumbu qui signifie divinatrice) et dont la soeur était medium (Muena mikendi). Le Vieux Lambert était très réputé pour ses pouvoirs magiques ou fétichistes. Il portait un anneau en cuivre au bras gauche. Le vieux est tombé malade et est resté plusieurs jours cloué au lit et son état se détériorait chaque jour. Il est entré dans un coma profond. Et comme son corps entrait déjà en décomposition, un autre membre de sa famille est venu à son chevet et a commencé à lui parler quoique le vieux ne puisse lui répondre. Il lui a dit qu'un vieux du village de sa trame ne peut partir ainsi sans dire un mot (kutula diyi ce qui veut dire prononcer un mot ou dire quelque chose).

Quelques temps après plusieurs reprises, le vieux Lambert va ouvrir les yeux et indiquer d'un signal pointeur son anneau. Ce membre de la famille compris que le problème résidait dans l'anneau et va lui enlever l'anneau du bras et quelques heures plus tard le Vieux Lambert rendit l'âme.

Notons que dans la tradition luba, il y a certains fétiches qui rendent un homme « immortel ». Selon les pratiquants, l'initié à ce fétiche est rendu invulnérable à toute mort de mains des hommes. Toutefois, on reconnaît dans la culture luba l'existence de la mort, mais on n'accepte que celle qui vient de Dieu.

Il est bien vrai que dans la culture Luba on reconnait que l'homme nait, grandit et meurt. Aussi que les causes de la mort sont multiples : maladie, accident, vieillesse, suicide assassinat, ... (Tshibasu Mfuadi, 2004). Les baluba considèrent la mort comme une souffrance la plus chagrinante.

La société traditionnelle luba fait tout ce qui est possible pour lutter pour la survie. Mais aussi l'on accepte que lorsque la souffrance déborde, mieux vaut mourir et aller se reposer pour arrêter la souffrance. Voilà pourquoi certaines personnes se suicident quand la souffrance devient atroce et insupportable.

Un vieillard de 95 ans est assez âgé pour qu'on s'attende à sa mort ordinaire. Chez les luba, il est vrai que la mort est certaine et tout le monde naît, grandit et meurt un jour. Le fait que Vieux Lambert ait fait beaucoup de jours en coma et que son corps entre en décomposition fait penser à quelque chose d'inhabituel. On doit se poser des questions pour en savoir plus. Ce questionnement nous pousse à rentrer dans la vie du Vieux Lambert dans le but de comprendre comment il a vécu depuis son enfance jusqu'à ce stade. Quels sont les faits marquants de sa vie. Il s'agit de faire une étude psychodynamique afin de couvrir ce qui bloque le départ du Vieux Lambert. Cette étape permet de faire le diagnostic du patient.

Analyse psychodynamique

Lambert a passé la majeure partie de sa vie dans ses convictions fétichistes. Il croit fermement à ses pouvoirs magiques qu'il pense le maintenir en vie quelle que soit la maladie. Lui comme son épouse croit aux esprits qui les protègent. Puisque sa conviction relève de son psychisme, le psychisme prend le dessus sur le soma (son corps) et le maintien en vie. Dans son état, la douleur de son corps n'a aucun effet sur son être, car inconscient (en état comateux).

Il faut une tierce personne, une personne qui est soit initiée comme lui (Lambert), soit qui en a l'expérience, c'est-à-dire une personne qui en a déjà entendu parler ou qui a déjà vécu une scène similaire pour déclencher le processus d'une mort en douceur après avoir éveillé la conscience du patient pour que ce dernier exprime soit sa dernière volonté, soit dévoile quelque chose qui peut le libérer. Ici, il s'agit d'une libération spirituelle quand le patient même si il n'est pas croyant mais arrive à faire des aveux en guise d'une confession. Cette pratique constitue une sorte de cure d'âme semblable à l'huile de malades que les curés catholiques versent sur le patient afin de lui absoudre toutes les souillure (péchés) et lui préparer un chemin de retour dans le monde de l'au-delà avec apaisement (Mamba, A. M., 2013).

Le membre de la famille ou du clan du Vieux Lambert qui vient à sa rescousse n'utilise que la parole. La parole chez les Bantous et général et surtout chez les baluba est la clé de dénouement de toutes les situations (P. Temples, 2009). Il s'ensuit bien sûr d'autres rituels, mais l'élément primordial dans toutes les pratiques Luba c'est la parole (diyi). Il y a un proverbe qui dit « diyi diakangamba didi dintua ku mutshima » c'est qui signifie « la parole que tu m'avais adressée me pique au coeur ». C'est le cas ici de ce membre de famille du vieux Lambert qui lui dit : « tula diyi, muntu mukole bu wewe katu wafua nanku » pour dire «  prononce un mot ou une parole car un vieux comme vous ne peux jamais partir ainsi sans rien dire ». Mais cette (ces) parole(s) qui dénoue(nt) la situation doit/doivent être prononcée(s) dans un certain ton, et surtout en respectant certaines règles, faute de quoi on ne peut pas aboutir au résultat escompté.

Le fait que Vieux Lambert réagisse aux paroles du vieux du village, montre que la thérapie est valide et répond au cas en présence. Et la mort du Vieux Lambert qui s'en suit signifie qu'on a résolu le problème, donc c'est une forme de guérison, c'est-à-dire cela pris dans le sens d'épargner au patient les souffrances qu'il endurait et la décomposition totale de son corps.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery