WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La dynamique du discours nationaliste au Gabon.

( Télécharger le fichier original )
par ADIELA BOUSSOUGOU KASSA
Université Omar Bongo - Master de sociologie 2016
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre I : La socio-archéologie de l'ethnicité

La socio-archéologie de l'ethnicité postule que l'être social est un homo ethnicus. Dans ce chapitre, nous allons proposer des prolégomènes en vue de la validation de cette hypothèse.

Dans « Le groupe territorial et son identité, le lien social au-delà de la crise politique », Bernard Poche propose une prise de vue qui met en exergue le lien social. En effet, pour lui, « le langage commun utilise des termes dont la démarche `'scientifique» a renoncée à rendre analytiquement compte »95. L'objection clairement exprimée est celle qui postule l'existence du groupe « qu'en fonction de la dialectique `'nous/les autres» »96, déniant à ce dernier toute logique. Une « analyse menée avec sang-froid et sans `'peur ancestrale»(...) montre au contraire que le groupe s'auto-constitue, non pour dominer ni pour résister à une domination, ni même pour marquer ses frontières, mais par suite d'un processus d'agrégation qui auto-construit le caractère et s'oppose à la `'réduction» (...), à la définition d'un individu sans identité, sans origine »97.

Aussi, « l'internationalisme qui fut longtemps au principe, reconnu ou non, de la réflexion sociologique européenne,(...) fondé, en réalité, sur la dénonciation de tout relent culturaliste, lieu où l'identité comme on sait puise l'essentiel des contenus concrets de sa revendication »98 fit-il que « l'historicité coloniale déteint en quelque sorte sur l'historicité locale.»99

L'analyse des stratégies identitaires nous révèlent des logiques de pouvoirs dans les rapports sociaux entre groupes ethniques et ce, depuis la précolonie. Célestine Koumba Boupo nous apprend d'ailleurs que « les sociétés `'modernes» ne sont, de ce point de vue pas les seules dans lesquelles les membres de la société s'entretuent autour des `'richesses» »100. Il convient d'appréhender dans cette assertion le terme « richesses » au sens bourdieusien de capitaux.

Il s'agit pour nous, à travers ce chapitre sur la socio-archéologie, d'exhumer les vestiges de l'animal politique aristotélicien et donc, de laisser découvrir l'ethnie, sous de nouveaux

95 B. Poche, « le groupe territorial et son identité, le lien social au-delà de la crise du politique », in Nadir Marouf (Dir.), Identité-Communauté, Paris, L'harmattan, 1995, p.74.

96 Ibid., p.79

97 Ibid.

98 Sylvia Ostrowetsky, « les quatre voies de l'identité » in Nadir Marouf, op.cit., p. 23.

99 J. Copans, Op. Cit, p. 106.

100 C. Koumba Boupo, « Dynamique de la socialisation chez les mitsogho » in Stéphanie Nkoghe (Dir.), Anthropologie de la socialisation, Paris, L'Harmattan, 2013, p. 190.

47

auspices, entant que forme élémentaire d'organisation politique, qui eut pour sens, de répondre au besoin de la socialité de l'individu. Les développements qui suivront ne sauront se résumer à la seule Afrique.

L'hypothèse centrale qui conforte l'argument de la colonialité de l'ethnicité n'est d'aucune validité empirique ; car, au fait de figer cette réalité complexe à l'intérieur d'espaces stables à présider une facilitation du dénombrement, des levée d'impôts et du recrutement des travailleurs, nous rappelle Catherine Coquery-Vidrovitch101.

C'est dans cet ordre que Matsiegui Mboula constate à juste titre que « les premiers occidentaux à mettre les pieds en Afrique ont bien trouvé des peuples avec lesquels ils ont bâti leurs comptoirs commerciaux et pour qui ils ont prêché la « bonne parole ». Servons-nous de son questionnement pour appréhender l'ethnicité dans la précolonie : « Qui étaient ces peuples ? Comment se nommaient-ils ? »102

Section I : Des prolégomènes pour une théorie de l'homo ethnicus

Disons-le d'entrée de jeu, nous nous inscrivons en faux contre les thèses de la colonialité de l'ethnicité. Outre dans le cas d'un nominalisme pur, la colonialité de l'ethnicité est réfutée par l'inexistence de l'unicité. Cependant, nous admettons que son expression est rendu manifeste de plusieurs manières : race, ethnie, nationalité etc. Le lien commun demeure alors la notion d'identité dans sa relation au politique.

Les débats « passionnés » autour de la responsabilité de l'Europe concernant la traite des esclaves et la colonisation brouillent la sérénité de l'analyse historique. Les hésitations sémantiques, révélatrices des difficultés présentes d'assumer le passé, ne peuvent toutefois occulter des réalités structurales qui transcendent les remous de l'actualité.

L'identité nationale est un discours, mais un discours qui fait sens. Donc, « ce n'est pas sacrifier à une vision raciale de l'histoire de l'humanité que de dresser le constat des différences entre des groupes humains, ces différences ne se réduisant évidemment pas à l'aspect physique, mais incluant les dimensions culturelles, linguistiques, technologiques constitutives de la

101 Catherine Coquery-Vidrovitch, cite par Matsiegui Mboula, Op.cit, p 187.

102 F. Matsiegui Mboula, Op.cit., p. 187.

48

définition des ethnies - concept tout aussi controversé, au demeurant, que celui de race »103. Et l'Histoire de l'humanité ne saurait faire l'impasse d'une analyse de ce qui constitue son substratum : les hommes dotés de spécificités fondatrices d'identités collectives, de modalités diverses de socialisation, d'appropriation de la nature, de rapports sociaux, d'organisation politique des espaces de vie.

Postuler un homo ethnicus c'est donc non seulement, oser tordre le coup à un sens commun savant très répandu dans la littérature scientifique africaine et africaniste, mais peut sembler aussi fallacieux. Pourtant en dehors des considérations éthiques posées par la catégorie d'analyse « ethnie », l'hypothèse de l'homo ethnicus est recevable à plusieurs titres. La problématique relative à l'usage du concept d'ethnie est tributaire de son passif. Si de nombreux scientifiques le récusent au nom de l'unité de l'espèce, ce sont surtout des raisons historiques et politiques qui remettent en cause son usage, par suite des crimes, commis par des idéologies racistes, qui ont traduit différence par infériorité et trouvé dans la race une légitimation à la colonisation.

1. L'étymologie et la généalogie de l'ethnie

Une socio-archéologie de l'ethnicité doit nécessairement tenir compte de l'étymologie et de la généalogie de ce concept. L'étymologie est l'étude de l'origine et de l'évolution des unités du lexique (mots, locutions...), depuis leur état le plus anciennement accessible. Son étymologie (du lat. etymologia, grec etumologia, de etumos « vrai »), établit la vérité, (aussi concrète que l'affirmait Bertholt Brecht) sur l'origine des mots. L'importance de cette vérité est un impératif du débat scientifique, car comme le constatait Montaigne, la plupart des malentendus du monde sont grammairiens.

La généalogie quant à elle, nous dit Le Grand Robert, désigne l'étude scientifique de la filiation. La généalogie d'ailleurs, dans le cadre de notre objet d'étude, lève toutes les amphibologies, en ce qu'elle s'y intègre « heureusement », par son étymologie (de genea « espèce, race, famille; génération) et ses liens avec les concepts de race, souche, famille, origine, entre autre104.

103 R. Pourtier, « AFRIQUE. Structure et milieu - Géographie générale » in Encyclopédie Universalis, 2014, version électronique.

104 Alain Rey (Dir.), Le Grand Robert de la langue française, version électronique, 2ème éd.

49

Brunot et Bruneau ont d'ailleurs établit, à travers une comparaison que, « ce que le généalogiste fait pour les familles, l'étymologiste le fait pour les familles de mots »105. l'étymologie doit d'ailleurs beaucoup à la sociologie et à l'histoire car, « L'étymologiste doit tenir compte des lois phonétiques, des lois sémantiques, de la date d'apparition du mot, de son extension géographique, et enfin du milieu social où il a vécu (...) L'on doit donc, pour établir l'origine d'un mot (...) prouver que ce mot correspond bien, son pour son, à l'étymon proposé, il est nécessaire que le rapport des sens soit clair, et que les circonstances historiques, géographiques et sociales ne s'opposent pas à l'hypothèse présentée »106.

Il s'agit donc d'éclairer sur le concept d'ethnie, afin de valider notre hypothèse de l'homo ethnicus. L'étymologie de l'ethnie, nous dit Le Grand Robert est une référence à Vacher de la Pouge et au vocable grec « ethnos » qui a pour sens, « peuple, nation », et qui désigne l'ensemble d'individus que rapprochent un certain nombre de caractères de civilisation, notamment la communauté de langue et de culture. Le Grand Robert distingue par ailleurs, l'ethnie de la race, qu'il définit fallacieusement par une relation les caractères anatomiques107.

Henri Vallois, malgré une amorce définitionnelle similaire, et d'autres « hérésies » sur ses définitions de l'Etat et de la nation se rattrape dans l'établissement des homologies entre le champ lexical, de la nationalité. Pour lui, « on réserve le nom de races à ceux (les groupements humains) établis d'après un ensemble de caractères physiques (...) On sait, d'autre part, qu'on appelle nation ou état ceux qui correspondent à une communauté politique. Viennent enfin ceux basés sur des caractères de civilisation, en particulier une langue ou un groupe de langues identiques; on a créé pour eux un terme qui tend de plus en plus à s'imposer, ce sont les ethnies (...) Dès qu'on aborde les grandes masses qui peuplent la majeure partie des continents, les races, les ethnies et les frontières politiques s'enchevêtrent à qui mieux mieux108

Maintes auteurs conviennent des homologies entres le lignage ou le clan en vogue avec les notions plus modernes, diront-nous d'ethnie ou de race. Pour G. Nicolas, « il existe une profonde parenté entre ethnie, lignage ou clan, parenté qui se trouve le plus souvent étayée par un vocabulaire familial, voire un mythe d'origine établissant la commune descendance des membres du groupe à partir d'un couple initial ou d'un héros mythique »109.

105 F. Bruno et Ch. Bruneau, Précis de grammaire historique, Paris, Masson et Cie., 1899, pp. 160-162.

106 Ibidem

107 « Ethnie » in Le Grand Robert, op.cit.

108 Henri Vallois, Les Races humaines, Paris: PUF. 7e édition, 1944.p. 8.

109 G. Nicolas, « Fait ethnique et usages du concept d'ethnie », in Cahier internationales de sociologie, vol. LIV, 1973, p. 103.

50

Nadir Marouf établit cet analogie dans la supposition suivante : « Si les critères qui se rattachent à la catégorie de la nation sont ceux de la souveraineté, elle est tout à fait applicable, alors à la tribu, qui connaît son système de pouvoir, ses hiérarchies internes et les limites de son territoire... ».110 Ainsi, une homologie structurale entre la tribu (ou l'ethnie) et la nation et même la race, au-delà des dérives relatives à cette notion, est donc valide, telle que Amselle le soutient111.

L'histoire de la catégorie nation éclaire avec pertinence cette similarité entre les logiques sous-jacentes à cet ensemble conceptuel. Les difficultés relatives à la saisie de l'intelligibilité de l'ethnie ne sont pas sans analogie à celles qui concernent la nation.

L'étude de l'étymologie du mot « nation », renvoie, outre les différentes déclinaisons, selon les sources explorées au verbe latin «nascor» qui traduit ad litteram signifie « naître », à « peuple » et « nation ». Entre « natios » qui signifie la déesse de la naissance et de la provenance chez les Romains, Habermas, dont l'usage classique appréhende, telle la communauté au sens de Tönnies, (avec le langage, la filiation(sous-entendue) et la territorialité, entre autres) comme substrat, toutefois sans politique organisationnelle moderne112 et « natio», c'est-à-dire l'espèce, la race, le peuple chez Gil Delannoi, dont la primitivité renverrait à « genus » qui donne à son tour « indigène », les homologies demeurent, du fait de leur relation avec « nascor ».

Par ailleurs l'importance des apports de Cicéron qui « emploie « genus romanum » pour désigner la nation romaine ou encore le genre humain nommé, selon le procédé, « genus humain », sont toujours équivalentes à la naissance.

Elle est donc là, la borne, qui à la remarque de Matsiegui Mboula établit, « depuis la Grèce jusqu'à nos jours, cette équivoque entre le fait et l'idée, entre l'appartenance héritée, fermée, et l'appartenance acquise, ouverte, demeure dans la nation »113.

La lecture de Matsiegui Mboula du vocable « nation » permet l'aisance de cette homologie. En effet, « le Grec signale d'ailleurs que la nation en tant que peuple, ethnos, diffère

110 Nadir Marouf, « Identité culturelle et Identité nationale en Algérie et au Maghreb », Colloque National : La place des formes d'expressions populaires dans la définition d'une culture nationale. Université de Tizi-Ouzou, novembre 1999, p.26.

111 Jean-Loup Amselle, op.cit. pp. 18-19.

112 Jürgen Habermas, L'Intégration républicaine. Essai de théorie politique, Paris, Fayard, 1998, p.70.

113 Matsiegui Mboula, op.cit.p.197.

51

du peuple en tant que puissance politique, nommé « dêmos » et attaché à l'idée politique de démocratie »114. « Soi-même, né, héritier d'un sang, d'un sol, d'une langue, voire d'une morale : telles sont les composantes étymologiques de la nation. S'il existe, un seul mot capable de les réunir sans trahir, c'est le mot famille. »115

La nation in finum, s'appréhende, à l'égard de l'étymologie ainsi convoquée, à la notion de famille, dans la perspective de Tönnies tel que nous l'évoquions supra. La symbolique de la nation, au sens de la filiation, la territorialité ou encore du langage est omniprésente dans les bases de la vie sociale. Les armoiries, les hymnes, les devises dans plusieurs nations modernes renvoient la plupart du temps à la « mère patrie » dont alliance paternité/maternité, confère sa sacralité et son autorité, tout en consacrant, l'allégeance et l'affectivité des membres liés par un destin commun. Le totémisme des nations primitives procède également de cette logique avec le caractère suprasensible et symbolique du commun protecteur qui régit la vie de tous les descendants d'une communauté.

« Il n'est donc pas étonnant que cette sorte de chaîne de génération, ce lieu ancestral d'une culture, prenne de l'importance quand progresse la conscience de la profondeur et la durée historique »116. Et, c'est avec les processus historiques que « la nation ou l'ethnie, au sens de famille et que l'on peut saisir à travers les critères de territoire, de langue, de culture, de filiation, a pu évoluer vers la nation au sens de superstructure politique connu à l'époque précoloniale sous forme d'empire et de nos jours sous la forme de l'Etat-Nation »117.

La thèse de l'ethnie comme pure « invention » coloniale est donc réfutée. Non seulement, elle témoigne d'un manque de profondeur historique, en faisant abstraction des mouvements endogènes de recomposition identitaire, mais aussi parce qu'elle postule que le colonisateur aurait été capable de créer ex nihilo, des ethnies qui n'existaient pas avant son arrivée et qui n'existeraient pas sans son intervention.

Or, même en admettant qu'il l'ait fait, les tenants de cette thèse oublient que pour « inventer » une ethnie, il faut qu'il y ait le minimum de substrat historique nécessaire à la cristallisation, d'un sentiment d'être différent. Et la seconde aporie est relative au réductionnisme de ces auteurs, qui pensent l'ethnie, comme une propriété singulière des

114 Ibid.

115 Ibid.

116 Ibid., p.198.

117 Ibid.

52

colonies, alors même qu'Amselle parle d'une transposition de la réalité occidentale à l'Afrique en l'occurrence. La nation (ethnos) est un principe universelle et Aristote et son animal politique l'avait déjà esquissé. Notre réserve, consistant à évoquer plutôt la distinction, pour s'inscrire en dehors de ce débat, d'une scientificité improbable et d'un militantisme justifiée.

Enfin, nous concédons qu'il est acquis que le colonisateur a bien « bricolé » les identités, sans toutefois les inventées. Il les a, le plus souvent, manipulées, reformulées, classifiées, hiérarchisées, secondé en cela par les Églises chrétiennes qui contribuèrent, à leur manière (codification des langues indigènes, spatialisation de l'action missionnaire, fixation de certaines coutumes, etc.), à ce travail de bornage ethnique, comme le montre Coquery-Vidrovitch.

Les propos empruntés à Von Götzen que Chrétien reprend pour postuler l'assimilation entre « maîtres » et « sujets » ne sont confortés par aucune argumentation empirique rigoureuse, outre l'armement et les parures qu'il prend en exemple118.

La colonisation quant à elle, moins sans doute par souci de « diviser pour régner » que portée par un besoin d'inventaire, de nomenclature, d'encadrement administratif et de cartographie, a procédé à une ethnographie classificatoire qui a eu pour effet de figer des situations mouvantes, dans certains cas d'« inventer » des ethnies.

Mais si cette entreprise de bornage ethnique a pu être menée à bien, c'est parce qu'il existait sans doute, de manière plus ou moins diffuse, un minimum de substrat historique grâce auquel a pu se cristalliser un sentiment d'être différent. Comme le résume le titre d'un ouvrage coordonné par J.-P. Chrétien et G. Prunier, qui défend cette thèse, Les ethnies ont une histoire119, histoire qui ne se réduit pas à celle de la rencontre avec la modernité occidentale.

En outre, en se fondant sur les stratégies dans les rapports de pouvoir, la référence à Ndaywel-E-Nziem, cité supra, confirme que l'ethnie, à travers la structure clanique, a connu une organisation sociale, politique et économique en Afrique centrale précoloniale. « C'est dire en d'autres termes que l'ethnie a connu son système de souveraineté tout comme la nation occidentale »120.

C'est une piste à mobiliser dans l'optique de la mise en crise des thèses de Jean Loup Amselle, car c'est au crible des confusions et des méprises que son oeuvre suscite qu'il faut

118 J.P. Chrétien, in Au coeur de l'ethnie, op.cit. pp.135-136.

119 G. Prunier & J.-P. Chrétien, Les ethnies ont une histoire, Karthala, Paris, 2e éd. 2003.

120 F. Matsiegui Mboula, op.cit. p.195.

53

rechercher les germes de sa critique. Outre la distance qu'il observe vis-à-vis de l'hypothèse de la colonialité de l'ethnie, il ne s'éloigne guère en réalité du réductionnisme des théories de la fausse conscience. Entre les concessions par ici et les réfutations par là, dans son oeuvre sa position difficile à cerner revient à denier, la pertinence heuristique de l'ethnie quand il ne s'agit pas, pour lui de l'assigner à la colonisation. Mercier et Nicolas ont bien vu, en l'ethnie ou en la race, une continuité directe du clan et du lignage121. Si Amselle, par un flou prétend « qu'il n'existait rien qui ressemblât à une ethnie pendant la période précoloniale » 122, la subtilité de son raisonnement obscurcit sa position. Certes, « A chacun son bambara » de Jean Bazin ou « Les Bété, une création coloniale » de Jean-Pierre Dozon, démontrent que certaines ethnies ont bien été créées par le colonisateur123, il n'en demeure pas moins que l'ethnicité faisait sens dans la précolonie. Dans Au coeur de l'ethnie, Amselle affirme pourtant en reprenant Mercier et Nicolas, à travers l'exemple du dialecte Bambara-Malinké, l'existence de l'ethnie et de la race dans la précolonie : «(...) il existe une notion, celle de «shiya« qui correspond bien à celle de «race« ou d'«ethnie«, voire de clan ou de lignage ». une grande envie de questionner alors cette révélation nous vient à l'esprit : Comment expliquer l'existence d'un vocable qui désigne l'ethnie alors que celle-ci n'existe guère, surtout que les colons n'y sont pas encore ?

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote