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La dynamique du discours nationaliste au Gabon.

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par ADIELA BOUSSOUGOU KASSA
Université Omar Bongo - Master de sociologie 2016
  

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2. Les ethnè comme formes élémentaires d'organisation politique.

De l'héritage des travaux de Ferdinand Tönnies, l'on retient principalement la systématisation de l'opposition entre communauté(Gemeinschaft) et société (Geselschaft) comme « catégorie de la sociologie pure ». Le concept de « communauté » offrait alors une référence organique d'appartenance, chargée d'affectivité (pathos au sens de Max Weber) alors que la société se présentait, sous la forme du contrat social. Le manifeste de la communauté « fonctionne comme définition de l'endogroupe qui marque le partage d'appartenances et d'identification entre `'eux» et `'nous», place donc les `'autres» hors de la communauté et peut même servir à l'exclusion »124. Gallissot affirme dans cette perspective que « les conflits inter-ethniques `'pré-nationaux» reposent sur cette mobilisation communautaire »125.

121 Cité par Amselle, op.cit.

122 Ibid., P. 35.

123 Pour deux études de cas, cf. Jean Bazin, « À chacun son Bambara » et Jean-Pierre Dozon, « Les Bêté, une création coloniale », in Jean-Loup Amselle et Elikia M'Bokolo (dir.), op. cit., p. 87-128 et 59-85.

124 René Gallissot, « Communauté ; communautés » in Nadir Marouf (Dir), op.cit., p.35.

125 Ibid. p. 37.

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Et, la réalité sociale de l'Afrique précoloniale est celle d'une multiplicité des communautés. L'appartenance organique inhérente au lien social entre les membres de la communauté procède des éléments mystiques, généalogiques et sacrés. À chaque communauté correspond une culture particulière faite d'objets matériels, de comportements institutionnalisés, d'organisations sociales, de connaissances techniques, de conceptions philosophiques et religieuses, de créations esthétiques. Cet ensemble, propre à chaque groupe, constitue un héritage collectif que chaque génération reçoit de la précédente, modifie quelque peu, et transmet à la suivante.

Jacques Maquet affirme que « les sociétés globales - ainsi appelées parce qu'en chacune d'elles l'individu trouve l'ensemble des réseaux de relations sociales dont il a besoin au cours de sa vie - furent nombreuses dans l'Afrique traditionnelle, celle qui prit fin avec la période coloniale en ses débuts, vers le dernier quart du XIXe siècle »126 en se prévalent des travaux de l'ethnologue George P. Murdock, qui en énumère plus de huit cent cinquante, sans en prétendre l'épuisement.

L'identité d'une communauté est une réalité dont les dépositaires sont conscients ; ils savent qu'ils sont Bayengé, Badoumbi ou Fang et que leur mode de vie est différent de celui de leurs voisins. C'est pourquoi les ethnologues ont pris comme unité d'étude, le plus souvent, une société globale et sa culture.

Pour Tönnies la communauté est à l'image de la famille. En effet, « le prototype de toutes les unions en communauté est la famille. Les trois piliers de la communauté : le sang, le lieu et l'esprit, ou encore la parenté, le voisinage et l'amitié, sont présents dans la famille, mais le premier d'entre eux est son élément constitutif »127. La territorialité est en dehors des éléments tels que la langue, un critère d'individuation chez Tönnies.

Dans une étude sur la précolonie de l'Afrique centrale Ndaywel -E- Nziem affirme que les Africains se sont toujours organisés en sociétés ethniques qui abritent les unités familiales que sont les clans ou les sous-clans128. Le clan est la base de toute société indigène dont les

126 Jacques Maquet, « AFRIQUE NOIRE. Culture et société - Civilisations traditionnelles», in Encyclopédie Universalis, op.cit.

127 F. Tönnies cité par R. Gallissot, in Nadir Marouf (dir.), op.cit.

128 Ndaywel -E- Nziem, « L'Afrique centrale ancienne: Les hommes et les structures », in Théophile OBENGA (dir.), Les peuples Bantu. Migrations, expansion et identité culturelle, Tome I, L'Harmattan, 1989, pp.256-261.

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implications sous-tendent une cohésion d'ordre plus général et supposent chez les membres, le sentiment d'un intérêt supérieur à l'intérêt individuel129.

Au coeur du clan ou de la tribu se trouve un élément fondamental, transcendantale : le totem. En effet, chaque tribu a un totem. La légende Bayengé tel que nous le rapporte Le Testu explicite la sacralité du totem qui lie à travers l'imaginaire, les membres de ce clan à un destin commun et de ce fait le distingue des autres. Le perroquet gris à queue rouge, nous conte Le Testu, est par exemple, le totem des Bayengé qui y tire leur nom. « Un homme des Bayengé avait un ennemi mortel ; il le rencontra un jour dans la forêt. Cet ennemi voulut profiter de la solitude du lieu pour satisfaire sa haine et tuer le Bayengé. Mais prudent, il lui demanda d'abord : « Es-tu seul » ? - « Non, dit le Bayengé, il y a des gens avec moi » - « appelle-les donc ! ». Le Bayengé était seul, mais, payant d'audace, il appela ses soi-disant compagnons. Ce furent les perroquets qui répondirent et lui sauvèrent la vie, car celui qui voulait le tuer eut peur de n'être plus fort et s'enfuit. Les Bayengé prirent alors le perroquet « koussou »comme protecteur et depuis ce jour, ils s'abstiennent de le manger. »130

C'est à cette communauté linguistique, pluriclanique que Matsiegui Mboula va consacrer la genèse de l'ethnie : « Au point de départ basée sur la communauté de langue, elle allait peu à peu consolider son unité interne par l'usage des mêmes institutions. Le clan, réalité homogène sur le plan de la parenté, allait désormais coexister avec l'ethnie, élément inter-clanique. La structure ethnique se trouvait être une excroissance de la structure clanique. Elle allait acquérir une plus grande importance au point d'évincer pratiquement l'autre en tant que mode d'organisation de la société »131

C'est à partir de cette nucléarité que certaines ethnies se doteront, soit d'une hiérarchie interne, au point de se constituer en unités politiques, soit d'une évolution dans le sens d'un émiettement plus grand, créant une multiplicité d'autres structures semblables, soit encore, par l'absorption ici et là, des groupes d'autochtones ou de nouveaux immigrants et se transformer ainsi en des entités culturelles composites.

L'idée fantaisiste de la hiérarchie entre des sociétés même parfois séparées par quelques centaines de mètres fit commune à toutes les sociétés humaines. Par exemple, les

129 Georges Le Testu, « Notes sur les coutumes Bapunu dans la circonscription de la Nyanga », in Annie Merlet, Autour de Loango (XIVe -XIXe siècle), histoire des peuples du sud-ouest du Gabon au temps du Royaume de Loango et du « Congo français », Libreville/Paris, CCF, « Découverte du Gabon », 1991, p. 516.

130 Le Testu, op.cit. p. 517

131 Matsiegui Mboula, op.cit. p.188.

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Grecs opposaient ainsi les ethnè (sing. ethnos) et la polis (cité). « Les sociétés qui relevaient de leur culture mais auxquelles « manquait » l'organisation en cités-États étaient des ethnè. Le terme est souvent traduit par « tribu » (en allemand, Stamm), ou par « État tribal »132. Plusieurs auteurs soutiennent cette thèse. Pour V. Ehrenberg notamment, il est « vraisemblable [que l'ethnos] est beaucoup plus proche de la société primitive »133. La déclinaison fâcheuse des thèses similaires, induit de facto, une défintion ad litteram de l'ethnologie comme une science des sociétés « a-politiques ». Or les ethnies sont vraisemblablement des formes élémentaires d'organisation politique qu'une ethnologie ethnocentriste a biaisé l'analyse, pour supposer la hiérarchie entre les peuples.

Il faut admettre comme Matsiegui Mboula, la généralisation de ce modèle organisationnel sous-tendu par l'existence de tant d'ethnies qu'on connaît de nos jours, « car suivant son principe de création, une nouvelle unité du genre peut toujours se créer même encore de nos jours »134.

Le clan, postule cet auteur constitue « donc l'instance qui assure la transition entre l'organisation purement familiale et l'organisation politique puisque, au sein de l'ethnie, ils connaissent une certaine hiérarchie. On distinguait en effet, le « clan aîné » du « clan cadet », le « clan époux » du « clan épouse », au point même où l'on en vint à parler du « clan royal », démarqué des « clans roturiers » et « esclaves », etc. Toute la vie politique utilisa donc en premier le vocabulaire familial avant de l'enrichir des termes spécifiques politiques. Ainsi, les notables du village étaient des « Aînés » des lignages en présence ; le chef du village était « l'Aîné » des lignages du village (...). »135

Empruntons, en relativisant, une esquisse de réponse, pas tout à fait à notre aise, mais suffisamment illustrative à Nadel, qui postule que la« tribu existe, non pas en vertu d'une quelconque, unité ou identité, mais en vertu d'une unité idéologique et d'une identité acceptée comme un dogme »136.

Ainsi, les rapports de pouvoir intercommunautaires, participe de la subjectivation des communautés dans les interactions quotidiennes. Plusieurs types de rapports sont en exergue dans l'Afrique précoloniale. Il en va, entre autres des alliances, du commerce, de la servitude

132 Amselle, « Ethnie » in Encyclopédie Universalis, 2013.

133 Cité par Amselle, Op.cit. 134Matsiegui Mboula, op.cit.

135 Ibid.

136 Nadel cité par Matsiegui Mboula, op.cit. p. 203.

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ou encore des conflits. Les communautés villageoises sont souvent opposé entre-elles pour des palabres portant sur la répartition des terres. Voilà pourquoi il se créa des associations de villages, c'est-à-dire des chefferies. Ceci était surtout le fait des populations des savanes.

Dans quelles conditions seraient nés les royaumes qui ont fleuri au cours de la période ancienne de notre histoire Bantu ? Pourquoi se sont-ils effrités dans la nuit des temps ? Pourquoi toutes les sociétés ethniques ne se sont-elles pas transformées en royaume ? L'étude minutieuse des royaumes d'Afrique centrale permet de mieux comprendre le phénomène d'émergence de ces structures.

Il importe de constater à la suggestion de Matsiegui Mboula que la formation politique est indépendante du phénomène ethnique. En effet, de la pluralité et même de l'hétérogénéité des royaumes qui ont existé au Zaïre ancien, pas un seul ne s'est constitué sur une base mono-ethnique. « Les traditions d'origine le mentionnent explicitement ; le « Kongo » regroupait les Mbundu et les conquérants Besi Kongo ; le « Kuba » abritait en son sein un ramassis de peuples d'origine diversifiée : Luba, Kete, Mongo, etc. L'empire Luba et surtout l'empire Lunda, aussi étendu dans l'espace, ne pouvaient être davantage homogènes sur le plan ethnique. »137

Or, c'est du fait de ce brassage interethnique sous-jacent à des impératifs politiques que certains groupes ethniques ont vu le jour. « Tel est précisément le cas des Kongo, Kuba, Lunda, Luba actuels. La structure étatique n'est donc pas le prolongement de l'organisation ethnique. Elle n'était même pas vécue, à l'époque, comme un idéal d'organisation auquel il fallait à tout prix parvenir. C'est ainsi que cela n'a pas pu se prévaloir partout. Même là où elle a existé, cette structure n'apparaît pas comme étant le résultat d'un dynamisme local »138.

Au Gabon par exemple, Du Chaillu rapporte que les « Ishogos, chassés de leur territoire par la guerre, s'étaient établis dans une enclave inoccupée, au milieu des possessions de leurs voisins »139. Outre le caractère légion des cohabitations pacifiques inter-ethniques, d'autres rapports, cette fois conflictuelles n'y sont pas absents.

Les relations de servitude se complète également pour rendre compte des rapports inter-ethniques lorsque le même auteur affirme qu'en dépit du dialecte, des parures, des coutumes et habitations communs aux « Ishogo » et aux « Apingis », ces derniers les « regardent

137 Ibid.

138 Ibid.

139 Paul Du Chaillu, « Voyages et aventures dans l'Afrique équatoriale», in Annie Merlet, op.cit. , p. 306.

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comme un peuple inférieur à eux »140. Les peuples de la côte « affichent un souverain mépris pour ceux de l'intérieur (...) quelques jours auparavant, j'avais vu Makondai, abordé par un Ishogo, lui tourné le dos avec une expression de dégout et cracher par terre. Ce jour-là, comme un des neveux du roi venait s'asseoir près de lui, il se leva en disant qu'il ne pouvait rester à côté de ces esclaves, tant ils sentaient mauvais »141. Enfin, ajoute Du Chaillu, « je leur ai souvent entendu dire :- « «Comment Chaillie peut-il croire que nous soyons du même sang que ces esclaves« ? »142 En guise de réaction à ses injonctions relatives au comportement méprisant de son compagnon.

Un fait moderne est souvent, telle une légende évoquée dans la province du Haut Ogooué au Gabon. Il s'agit du non soumission d'un édile de la ville de Franceville qui se serait refusé toute allégeance et soumission au Chef de l'Etat, sous prétexte que ce dernier était issu d'une tribu esclave. Un enquêté nous explique à ce sujet que « les Téké étaient les esclaves des Ndoumou ».

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