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La dynamique du discours nationaliste au Gabon.

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par ADIELA BOUSSOUGOU KASSA
Université Omar Bongo - Master de sociologie 2016
  

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Chapitre IV : Le nouvel esprit de la nationalité

Dans Le Nouvel esprit du capitalisme, Luc Boltanski et Eve Chiapello constatait la formation depuis quelques années d'un nouvel esprit du capitalisme, définit comme « l'idéologie qui justifie l'engagement dans le capitalisme ». L'esprit du capitalisme fournit aux acteurs sociaux des raisons individuelles et des justifications collectives pour adhérer à sa logique. Ce constat est issu de l'analyse des textes de management, révélateurs de la politique menée par le capitalisme au sein de l'entreprise, de deux périodes : 1959 à 1969 et 1989 à 1994. Les textes des années soixante critiquent le capitalisme familial tandis que les textes des années quatre-vingt-dix dénoncent les grandes organisations hiérarchisées et planifiées. Cette mutation, sinon, sa fonctionnalité est l'idée que nous voulons emprunter, dans ce chapitre pour expliquer la transposabilité de l'ethnicité, dont les expressions ne relèvent plus toujours, des modes primaires, à travers lesquels on l'a connu jadis et qu'on « croit » le reconnaitre.

Bourdieu écrit que les dispositions constitutives de l'habitus sont, non seulement durables, mais aussi transposables. Autrement dit, les dispositions acquises dans une certaine activité sociale sont transposées dans une autre activité. Dans notre cadre, il s'agit d'entrevoir l'actualité de l'ethnie par rapport à son historicité. C'est-à-dire, les dispositions acquises pendant la socialisation et ayant engendrées des habitus ethniques, peuvent être transférées dans une activité sociale différente de celle du champ de leur engendrement. L'habitus qui flirte dans des subtilités quasiment insaisissables est transposé. Cela, laisse supposer une métamorphose encore plus complexe à saisir.

Ce propos porte sur le questionnement de la gabonité, dans ses retranchements et dans ses recompositions et recoupements. La territorialité, la consanguinité ou l'utérinité, la patronymie, le droit et les logiques métisses sont ici mis en discussion.

Section I : Qu'est-ce qu'un Gabonais ?

L'image de la radiation de Jean Marie Le Pen du Front national (FN), parti dont il est le fondateur et par ailleurs, Président honoraire, reste, à la lecture des motifs, sujet à de vives polémiques. D'ailleurs, l'intérêt des quotidiens et magazines d'information pour ce sujet témoigne de l'importance du débat qu'il a engendré. En effet, ce dernier impliquait dans ces propos, Manuel Valls, Premier ministre de la République française, selon lui, français

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seulement depuis « trente années » comparativement à un « lui-même », dont les racines de la « francité » repose sur un millier d'années.

Dans quel intérêt Le Pen évoque-t-il l'identité nationale du Premier ministre en termes de durée ? Et pourquoi, ce propos suscite-t-il l'intérêt de toute la classe politique française qui va alors fustiger l'attitude du fondateur du F.N. ?

Au Gabon, le jeu politique intègre, manifestement, depuis 2009, la question de l'identité nationale, dont des personnalités, non les moindres, sont mises en cause. Mais la référence à l'identité nationale a toujours demeuré les représentations des acteurs sociaux. Ainsi entend-t-on urbi et orbi, dans le discours commun, « Qui est plus Gabonais que qui ? », « Gabonais 100% », « Gabonais de naissance », « Gabonais d'origine étrangère », « Gabonais d'adoption », « il est café au lait », « on n'est tous Gabonais ». Par ces nominations particulières, le sens commun opère une hiérarchie des origines.

1. Du droit à la gabonité

L'acquisition de la nationalité gabonaise est régit par la loi n° 37/98 du 20 juillet 1999, portant Code de la nationalité gabonaise, et le décret n° 767/PR/MJGS du 16 octobre 2002 portant application de certaines dispositions du Code de la nationalité.

L'acquisition de la nationalité gabonaise se fait d'abord en raison de la naissance au Gabon. Selon l'article 11 du Code de la nationalité gabonaise, possède la nationalité gabonaise à titre de nationalité d'origine : l'enfant qui a, au jour de la naissance et quel que soit le lieu de celle-ci, un parent au moins de nationalité gabonaise ; l'enfant né au Gabon de parents inconnus ou apatrides. Toutefois, cet enfant sera réputé n'avoir jamais été gabonais si, au cours de sa minorité, sa filiation est établie à l'égard de parents étrangers.

Par ailleurs, possède également la nationalité gabonaise à titre de nationalité d'origine, sauf à la répudier dans les douze mois suivant sa majorité : l'enfant légitime né au Gabon de parents étrangers, si l'un d'eux y est lui-même né ; l'enfant naturel né au Gabon, lorsque celui des parents étrangers à l'égard duquel la filiation a d'abord été établie y est lui-même né.

L'article 12 ajoute que l'enfant nouveau-né, trouvé au Gabon, est présumé jusqu'à preuve du contraire être né au Gabon.

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La nationalité gabonaise peut-être acquise par une attribution en raison de la filiation. Ainsi, l'enfant légitime dont l'un des parents au moins est gabonais à la nationalité gabonaise. De plus, l'enfant naturel, lorsque l'un des parents au moins à l'égard duquel sa filiation est établie est gabonais, a lui-même la nationalité gabonaise (article 13 du Code de la nationalité gabonaise).

L'acquisition de la gabonité se fait aussi par l'attribution par voie de reconnaissance. En effet, d'après l'article 14, peut se faire reconnaître la nationalité gabonaise à titre de nationalité d'origine : toute personne née au Gabon de parents étrangers, ayant souscrit sa déclaration dans les douze mois précédent l'accomplissement de sa majorité, à condition d'avoir à cette date son domicile ou sa résidence habituelle au Gabon depuis au moins cinq années consécutives ; toute personne née dans une localité d'un État frontalier du Gabon, située dans un rayon de vingt-cinq kilomètres du territoire gabonais et ayant souscrit sa déclaration dans les douze mois précédent l'accomplissement de sa majorité à condition d'avoir son domicile ou sa résidence habituelle au Gabon depuis au moins dix années consécutives ;toute personne qui, ayant été recueillie au Gabon avant l'âge de quinze ans, y a été élevée soit par l'Assistance publique, soit par une personne de nationalité gabonaise ; toute personne qui a perdu la nationalité gabonaise par l'effet d'une renonciation faite en son nom durant sa minorité.

Il peut s'agir d'une attribution par l'effet du mariage, selon l'article 22. Une personne de nationalité étrangère qui a épousé une personne de nationalité gabonaise acquiert la nationalité gabonaise. Cependant ce même article pose des conditions pour que cette disposition prenne effet : il faut une demande expresse de la part de la personne de nationalité étrangère ; cette demande ne peut avoir lieu qu'après l'expiration d'un délai de 3 ans à compter de la date de célébration du mariage ; et par voie de conséquence, le mariage ne doit pas avoir été dissous ; le tout, sous réserve de l'article 23.

D'autres dispositions légales permettent une acquisition de la gabonité. Il s'agit entre autres, l'acquisition par l'effet de l'adoption de l'enfant et de la réintégration ou de la naturalisation des parents. L'article 25 dispose que l'enfant mineur, adopté par une personne de nationalité gabonaise, acquiert cette nationalité lors de l'adoption. Mais ce dernier peut la répudier. Toutefois, l'article 26 ajoute que les enfants mineurs, même adoptés, des personnes réintégrées ou naturalisées dans la nationalité gabonaise, en application des dispositions des articles 28, 31 et 33 ci-après, acquièrent ou retrouvent, s'il y a lieu, la nationalité gabonaise à la date d'effet de cette réintégration ou de cette naturalisation.

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Pour ce qui concerne l'acquisition par l'effet de la réintégration, l'article 27 énonce que « la réintégration dans la nationalité gabonaise est prononcée par décret, pris après enquête sans condition d'âge ou de délai, sous réserve que l'intéressé apporte la preuve qu'il a eu la nationalité gabonaise et justifie de sa résidence au Gabon au moment de la demande ».

L'acquisition par voie de naturalisation quant à elle, n'est jamais de droit, elle doit être demandée par l'intéressé (art. 30). Mais l'article 31 pose des conditions à cette naturalisation. Exception faite de l'acquisition de la nationalité par naturalisation de l'article 30 et par réintégration de l'article 27 qui sont obtenus par les effets d'un décret du président de la République, les autres cas de figure relèvent de la compétence des tribunaux de première instance des lieux de résidence des requérants.

Les critique suscitées par la thèse élaboré jadis par Patrick Weil en 2002, dans Qu'est-ce qu'un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, peuvent éclairer sur l'impertinence d'une perspective analytique qui essentialise le droit pour définir l'identité nationale. En effet, si en lui reconnait d'avoir tenté de mettre fin à un éternel débat qui problématise sans cesse, l'identité nationale en France, en rappelant par un truisme, que c'est l'Etat seul, via le droit, qui confère la qualité de Français aux individus. Et cette qualité permet à son détenteur de s'en prévaloir sans restriction aucune.

Conclure ainsi, c'est essentialiser le droit, ce qui d'un point de vue juridique est légal pour la détermination de l'identité nationale. Pourtant c'est aussi marginaliser les substrats sociologiques, qui structurent les représentations mentales des individus. Le droit suffit-il à faire un Gabonais ?

Notre (re)questionnement de l' « essence » de la gabonité est justifié par les récentes propositions de loi présentée par le Président de l'Assemblé Nationale et initiée par le Président de la république lors de son allocution prononcée, le 12 septembre 2012, devant le Parlement réuni en congrès. Celle-ci s'inscrit dans la lutte contre le « tribalisme et la xénophobie », eu égard au discours nationalitaire qui, à la manière du Front national en France, repose sur une démarche qui se dédouane du Droit dont l'optique d'inculper, par l'arbitraire, pour fausse identité, ses adversaires politiques.

« Le Président de la République avait fortement regretté et condamné, à juste titre, les manifestations de tribalisme et de xénophobie qui ont cours dans le pays. (...) la persistance de

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ces pratiques constitue un risque majeur de déstabilisation de notre pays, en particulier, lorsqu'elles sont le fait de leaders politiques ou de personnes dépositaires de l'autorité »263. D'où le « questionnement de notre dispositif juridique »264 qui, « laisse apparaître un vide qui peut être considéré comme le terreau de toutes les dérives constatées »265.

Voici, l'extrait de des articles 6 et 9 de cette proposition de loi : « Quiconque soit par paroles, gestes, écrits, images ou emblèmes, soit par tout autre moyen, aura manifesté de l'aversion ou de la haine raciale, ethnique, tribale, régionale ou l'intolérance religieuse à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes ou aura commis un acte de nature à provoquer cette aversion ou cette haine sera puni d'une peine d'emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de cinq cent mille francs à cinq million de francs, ou l'une de ces peines seulement. Si l'infraction est commise par un dépositaire de l'autorité dans l'exercice de ses fonctions, la peine est portée au double ».

« Si l'infraction a causé une désorganisation des pouvoirs publics, des troubles graves, un mouvement sécessionniste ou une rébellion, le coupable est puni de la peine d'emprisonnement à perpétuité. » Et dans l'article 9, « la diffamation, l'injure ou la menace faite envers une personne ou d'un groupe de personnes qui appartient par son origine à une race, à une ethnie, à une religion ou à une nationalité déterminée, est punie d'une peine d'emprisonnement de cinq à dix ans et d'une amende de 5.000.000 francs à 50.000.000 de francs, ou de l'une de ces peines seulement. Ces peines sont portées au double si l'infraction a été commise par la voie de la presse, de la radio ou de la télévision ».

Le point suivant porte sur la discussion du droit à l'épreuve des représentations des Gabonais de leur nationalité.

263 Extrait du discours du Président de l'Assemblé nationale présentant le projet de loi contre le tribalisme et la xénophobie.

264 Ibid.

265 Ibid.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld