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Enjeux des nouvelles pratiques religieuses dans l’église catholique romaine à  Cotonou.


par Yaovi Martin CAPO
Université d'Abomey-Calavi - Maîtrise en Sociologie-Anthropologie 2018
  

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1.5. Quelques axes actuels de la discussion

Les religiosités populaires, à l'heure actuelle, constituent un élément explicatif du revivalisme religieux, qui met en cause certaines conceptions théoriques comme la sécularisation et en suscite d'autres comme celle du marché de la religion. A cet effet, la littérature en la matière est pléthorique et éclaire davantage notre recherche.

La première partie du mémoire de Bastin (2003) intitulée Sociologie et religion aborde la religion sous ses différentes dimensions dans la société ultramoderne. Elle y démontre que la religion est par nature un fait social. S'il est vrai que traditionnellement le collectif imprègne le religieux, souligne-t-elle, les facteurs individuels sont autant d'indices du religieux dans la postmodernité. Par ailleurs, elle met en relief les besoins structurels de l'être humain et les stratégies de satisfaction des besoins. « Les stratégies de satisfaction sont anthropologiquement sédimentées dans l'espèce et utilisées au cas par cas, par les individus pour construire des systèmes culturels complexes ou des constellations de valeurs socialement diffusées ». En effet, dans la société moderne, les individus tentent de rationaliser leur croyance et cherchent à faire l'expérience religieuse qui, selon Bastin, est « une expérience dé-structurante créatrice d'un nouvel ordre de pensées et de valeurs qui survient à un moment précis de la vie individuelle ».

Bastin montre que bien qu'il soit coercitif, le fait religieux, dans la modernité, offre à chacun la liberté de choisir ses croyances et ses pratiques à cause de sa conformité aux normes de la mondialisation. Elle rejoint Roy O. (2008) qui démontre que, dans le cadre d'un marché mondialisé, les nouvelles pratiques de religiosité et les nouvelles religions sont de plus en plus déterritorialisées, déculturées et formatées pour offrir à tous le libre choix de ses convictions religieuses. Ainsi, le religieux étant déconnecté de la culture, les nouveaux convertis "font leur marché, goûtent et expérimentent..." Ces produits religieux, prêts-à-consommer, selon Roy, sont standardisés et bénéficient d'un marketing qui facilite leur exportation et la concurrence.

En effet, les stratégies utilisées par tels ou tels acteurs, dans le marché de la religion, visent la satisfaction des intérêts personnels et la conquête de positions dominantes, comme l'expliquent Amouzouvi D. (2005) et Gauthier V. (2011).

Avec Amouzouvi, la religion est perçue comme business. En effet, après une analyse approfondie des réalités religieuses, le fonctionnement des différentes religions qui existent dans le champ béninois, il conclut l'existence d'un marché dans la religion. Les biens marchands ainsi que les différents services rendus aux fidèles correspondent à des prestations qui sont payés à travers diverses souscriptions financières comme les tarifs de consultation (chez un devin), les zindo, les quêtes, les demandes de messe (dans les Eglises chrétiennes), etc. Ainsi, Amouzouvi démontre le processus par lequel des représentants des différentes religions utilisent la religion pour devenir riches.

L'autre volet du marché de la religion qui vise le positionnement privilégié des acteurs religieux est décrit par Gauthier. Elle étudie la relation complexe entre Eglise catholique et groupes évangéliques, à Lima, de 1990 à 2010. Elle note la croissance des Eglises évangéliques qui se fait aux dépens de l'Eglise catholique ; ce qui amène la hiérarchie catholique, soumise à ce qu'elle considère comme un « défi pressant », à développer des stratégies pour empêcher l'exode des fidèles catholiques. Dans le domaine pastoral, elle privilégie les dévotions traditionnelles qui s'expriment dans de grandes manifestations populaires à caractère nationaliste, comme le culte au Seigneur des Miracles qui rassemble des centaines de milliers de fidèles dans plusieurs processions, et les services du Renouveau charismatique. Mais au niveau des croyants, la logique est différente. Gauthier souligne que les évangéliques doivent leur succès au fait qu'ils reproduisent des modes de fonctionnement des cultes catholiques d'où la facilité avec laquelle les catholiques transitent vers une dénomination évangélique.

L'exemple de l'Amérique Latine s'observe en Afrique où les institutions traditionnelles (catholicisme, protestantisme, islamisme) connaissent une désaffection au profit des mouvements évangéliques et pentecôtistes qui ventilent partout un nouveau langage religieux. La réalité de l'effervescence religieuse en Afrique amène Muanda Kienga J. (2015) à y voir à la fois crise et vitalité de la foi. La crise, c'est que l'Afrique contemporaine est traversée çà et là par une effervescence religieuse sans précédent, qui s'exprime par la recherche effrénée de biens matériels, du succès, de la guérison, de la protection, des miracles, etc. Selon lui, une telle religiosité est devenue l'exutoire salutaire d'une grande partie des populations africaines, lesquelles n'espèrent que par elle. L'effervescence religieuse pourrait être signe d'une vitalité de la foi, mais encore faudra-t-il qu'elle soit assainie, réorientée et encadrée.

C'est le même souci d'encadrement qui, en vue de préserver les fidèles de l'Eglise catholique et l'homme en général, a inspiré Peloux et Pian (2010). Selon eux, bien que « les repères habituels de la pratique religieuse (messes dominicales, nombre de mariages ou d'enfants en catéchèse) indiquent une baisse importante de l'influence de l'Eglise dans la vie quotidienne », les manifestations de la religiosité requièrent une attention particulière et informent sur l'engouement pour le religieux. C'est ainsi que la confiance aux grandes institutions religieuses s'érode et naît alors chez les acteurs un attachement aux petites communautés où les relations sont plus chaleureuses. Dans ces communautés, les fidèles retrouvent et vivent les pratiques religieuses qui semblent dépassées, mais qui sont revitalisées. Sur la plupart des paroisses, les responsables de la pastorale sont confrontés à des demandes de bénédiction, de guérison, de dévotion ou de pèlerinage, etc. Les auteurs soulignent que ces démarches se situent dans un contexte de mondialisation qui « recomposent les attentes religieuses, de sociétés qui fragilisent les individus et ne favorisent pas leur propre épanouissement ». Devant une telle soif de satisfaction des besoins légitimes des populations, Peloux et Pian cherchent d'abord à les comprendre, ensuite proposent qu'on les accompagne et, enfin, qu'elles soient orientées de sorte qu'elles conduisent à Christ « déjà présent dans leur vie... en vue d'un plein épanouissement de la vie humaine et afin que les hommes réussissent leur vie ».

La plupart des NMR clament haut et fort que leur préoccupation majeure, c'est la réussite tant humaine que spirituelle des hommes, comme l'ont démontré Peloux et Pian en proposant l'encadrement des pratiques religieuses populaires. Mais la tâche s'avère très ardue pour les institutions traditionnelles. Comme Gauthier (2008) l'a démontré, l'exode des fidèles catholiques ne cesse de s'observer. Alors, Perretant-Aubourg (2011) dira que L'Eglise est à l'épreuve du pentecôtisme. Car dans sa thèse, elle aborde le développement des mouvements pentecôtistes-charismatiques à l'île de La Réunion et démontre que leur attraction est due à l'importance particulière qu'ils accordent à l'émotion religieuse. Ces groupes religieux donnent des preuves tangibles que l'agir de Dieu ne dépend pas des dogmes. Ainsi selon l'auteur, « ils concourent à l'imprécision des croyances et à la fluidification des itinéraires religieux, ils contribuent à la poussée des individualismes religieux, ils encouragent la scissiparité ecclésiale ». L'Eglise catholique est, sans ambages, mise à l'épreuve. Alors, Perretant-Aubourg ouvre l'étude au Renouveau charismatique catholique qui, à la différence du pentecôtisme, est vu comme l'expression d'une contestation interne à l'Église d'autant plus que les groupes se réclamant de cette mouvance demeurent rattachés à Rome et « ses pratiques et références empruntées au pentecôtisme ont été ré-acculturées dans le cadre de la tradition catholique ». Néanmoins, cette protestation, en se voulant davantage culturelle et existentielle que socio-économique, dénonce le rationalisme privilégié par l'Église au détriment des besoins émotionnels de ses fidèles.

Parlant des pratiques qui aident et soulagent, Kennedy D. (2004) montre que l'évangélisme est bel et bien une solution. Car selon lui, il trouve un écho favorable auprès des individus et des populations en perdition, dont l'itinéraire est marqué par l'alcool, les crises familiales, la drogue, la solitude. A ceux-là, le discours des prédicateurs apporte plus qu'un réconfort : la conversion des « born-again » correspond bien à une expérience existentielle de renouveau. L'individu est reconnu et accepté par une communauté, Dieu lui propose une voie individuelle de salut par une sorte de ressourcement moral. De ce point de vue, la religion oeuvre pour un développement personnel. Les born-again évangéliques décrits par Kennedy ne demandent pas forcément la vie éternelle. Ils cherchent à redonner du sens à leur existence, ils veulent de l'aide pour combattre tel ou tel démon intérieur : l'alcool ou la sexualité extraconjugale. L'encouragement à changer d'existence, à reprendre sa vie en main, ne relève pas que de la sollicitation verbale. Les communautés apportent une aide concrète par les petits groupes de soutien, par le recours à des actes « miraculeux » de guérisons, des aides matérielles directes, etc.

Kennedy soulève un problème capital de la pastorale, celui de l'accompagnement, de l'écoute et du soutien qui font défaut dans les villes où de plus en plus les individus ont besoin de la disponibilité de quelqu'un à qui ils peuvent se confier. Et il rejoint Mbodo O. (2011) qui affirme que les formes actuelles de la religiosité en Afrique invitent à découvrir des pratiques religieuses inspirées par une éthique du présent, de l'ici et maintenant. Leur succès, selon lui, s'explique par leur capacité réelle ou supposée à fournir des réponses aux problèmes vécus au quotidien. Ainsi, pour les populations africaines, dont la maladie et la misère sont le lot, une offre religieuse est d'autant plus intéressante qu'elle aide à trouver des solutions aux problèmes de la vie présente. Partout donc, devant les vicissitudes de la vie et les épreuves de l'existence, on attend de l'Évangile des remèdes efficaces aux maux du destin et des solutions infaillibles aux problèmes du milieu (Semporé, 1994, p. 21).

Voilà pourquoi les NMR acquièrent de plus en plus de succès et envahissent tous les univers. Depuis plus d'une vingtaine d'années, Mayrargue C. (2014) fait constater que le champ religieux béninois est occupé par plusieurs courants chrétiens évangéliques et pentecôtistes. Bien qu'ils soient minoritaires, écrit Mayrargue, ils sont parvenus à acquérir une forte visibilité depuis les années 1990 où la liberté religieuse est devenue une réalité dans un contexte de libéralisation politique et de démocratisation. Ces dynamiques contemporaines sont l'expression de la pluralisation religieuse. Pour n'en point douter, ces mouvements chrétiens sont à l'origine du processus de fragmentation des paysages religieux et d'éclatement de l'offre et de la pratique. Mais ils nouent de nouvelles interactions avec les autres acteurs religieux avec qui ils se trouvent en situation de compétition. Ces relations se traduisent par un partage nouveau des territoires et des formes inédites de porosité religieuse. Qu'ils soient d'origine nord-américaine ou européenne, ou africaine, voire béninoise, ces groupes de prière, associations, ou mouvements religieux, grands ou petits en termes d'effectifs, utilisent largement les technologies de l'information (émissions radio, programmes télévisés, consultations par téléphone), des théologies produites au sein de l'évangélisme mondial (comme les théologies de la prospérité), des espaces publics et privés, marqués de signes, d'images, de symboles (affiches annonçant des manifestations religieuses, pancartes indiquant la présence d'églises, autocollants apposés sur des véhicules avec des versets bibliques). Ils sont tous mus par l'esprit du prosélytisme et envahissent tous les espaces de la ville : établissements scolaires, centres de santé, marchés, prisons, bâtiments collectifs (Salle de cinéma, Hall des Arts, Palais de Sports), concessions, domiciles privés, etc. En fin de compte l'évangélisme valorise et promet la réussite individuelle, encourage le succès personnel, garantit la délivrance, la prospérité, l'abondance, et le succès.

Un tel contexte d'occupation des espaces urbains et périurbains, voire villageois, par les NMR est l'un des graves problèmes que relève Alladaye C. J. (2003) dans son ouvrage et qui menacent l'Eglise catholique dans sa pureté et sa prédominance. Le second problème se trouve être le syncrétisme religieux. Que ce soit l'un ou l'autre, Alladaye, affirme que « ces phénomènes imposèrent à l'Eglise catholique des efforts d'adaptation qui se traduisirent par des mutations... ». En effet, la manière dont les chrétiens béninois pratiquent la religion catholique ne respecte pas les prescriptions de l'Eglise. Bien qu'ils soient dévoués pour les oeuvres de l'Eglise, plusieurs d'entre eux n'hésitent pas à adopter le syncrétisme, en restant attachés aux rites traditionnels et en recourant au « bo » dans des situations particulières de la vie. En outre, l'auteur présente le panorama des différentes catégories de mouvements religieux qui partagent le pays avec les institutions établies : Christianisme céleste, Chérubins et Séraphins, Témoins de Jéhovah, Baptistes, Pentecôtistes, Assemblées de Dieu, Eglise du Fa, etc.

A la lumière de tout ce qui précède, nous retenons que les nouvelles pratiques de religiosité ne cessent pas d'interpeller nombre de spécialistes tant des sciences sociales et humaines que ceux des sciences théologiques et religieuses. Leurs contributions éclairent davantage le sujet de cette recherche : elles situent bien le contexte de la prolifération des NMR, la nécessité du religieux pour le bien-être des hommes, le développement des stratégies par les acteurs des différentes religions pour se maintenir en bonne place sur le marché de la religion, afin de tirer plus de profits, le déclin des institutions religieuses établies, etc.

Dès lors, le présent travail portera sur les nouvelles pratiques religieuses qui ont cours actuellement dans l'Eglise Catholique Romaine et les enjeux qui justifient leur existence. La manière dont les fidèles vivent le phénomène et l'appréciation qu'ils en font eux-mêmes sera cernée.

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