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La contribution du programme cartographie participative dans la promotion des droits des communautés forestières de la république démocratique du Congo.


par Blaise MUDODOSI MUHIGWA
Université du Burundi, chaire de l'UNESCO - DESS en droits de l'homme et résolution pacifique des conflits 2008
  

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UNIVERSITE DU BURUNDI

CHAIRE UNESCO EN EDUCATION A LA PAIX ET LA RESOLUTION

PACIFIQUE DES CONFLITS

DESS EN DROITS DE L'HOMME ET RESOLUTION PACIFIQUE DES CONFLITS

LA CONTRIBUTION DU PROGRAMME CARTOGRAPHIE
PARTICIPATIVE DANS LA PROMOTION DES DROITS
DES COMMUNAUTES FORESTIERES DE LA
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

ANNEE ACADEMIQUE 2007-2008

Par : MUDODOSI MUHIGWA BLAISE

Travail de fin d'études spécialisées en droits de l'homme et résolution pacifique des conflits.

Directeur : STANISLAS MAKOROKA Professeur

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DEDICACE

A toi Eternel DIEU d'Israël, d'éternité en éternité, le tout puissant qui pense à nous et qui est notre aide et notre recours,

A vous nos très chers parents,

A notre future épouse pour tous les sacrifices et les privations qu'elle aura à s'imposer pour le bonheur de notre foyer,

A vous nos frères et soeurs,

A vous tous qui luttez pour le respect des droits humains, en général, et les droits des communautés forestières, en particulier ainsi que pour la transparence dans la gestion des forêts congolaises,

A vous tous qui nous aimez et qui avez un jour ou l'autre posé à notre égard un acte d'amour.

Nous dédions ce travail.

Blaise MUDODOSI MUHIGWA NTUMWA

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AVANT-PROPOS

Ce modeste travail est le fruit des efforts conjugués des « têtes » et surtout des « coeurs » tous généreux et sympathiques. A son sevil, il nous est agréable d'exprimer nos sentiments de gratitude envers toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à sa réalisation.

Ce travail de fin d'étude est certes l'indicateur le plus manifeste que nous sommes parvenu au bout du tunnel. Que des contours hétéroclites le long du parcours n'ont failli avoir pour conséquences malheureuses le chavirement de notre arsenal, si des hommes de bonne volonté n'étaient pas venus à la rescousse.

Nos remerciements sincères et inconditionnels s'adressent spécialement au Professeur Stanislas MAKOROKA pour l'esprit de rigueur scientifique et l'amour du travail bien fait avec lequel il a dirigé ce travail.

Nous pensons, ensuite, à tout le corps académique, scientifique et technique de la Chaire UNESCO, Université de Bujumbura, dont la qualité et le dévouement sont vraiment dignes d'admiration.

Nos remerciements vont droit à Jean de Dieu WASSO et à tous les membres de notre grande famille pour leurs soutiens matériels et moraux.

Nous exprimons également notre gratitude à tout le staff du RRN, du Point Focal du RRN Sud Kivu et de APED-KIVU pour avoir mis à notre disposition une documentation fournie en rapport avec notre travail.

Nous ne pouvons pas, enfin, oublier tous nos amis et camarades de promotion qui nous ont soutenu durant ce parcours. Leurs apports divers ont été considérables.

A vous tous, nous disons merci.

Blaise MUDODOSI MUHIGWA NTUMWA

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SIGLES, ACRONYMES ET ABREVIATIONS

APED-KIVU : Action pour la promotion de l'Environnement et du Développement au Kivu.

CED : Centre pour l'Environnement et du Développement.

CUB : Centre Universitaire extension de Bukavu.

DO : Directive Opérationnelle.

EIC : Etat Indépendant du Congo.

ERND : Environnement Ressources Naturelles et Développement.

FAO : Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation.

GPS : Global Positioning System.

ICCN : Institut National pour la Conservation de la Nature.

Kin. : Kinshasa.

Labo : Laboratoire de cartographie.

OIT : Organisation Internationale du Travail.

OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement.

ONG : Organisation Non Gouvernementale.

ONU : Organisation des Nations Unies.

OUA : Organisation pour l'Unité Africaine.

p. : page.

pp. : pages.

PA : Peuple Autochtone.

PNKB : Parc National de Kahuzi Biega.

PUZ : Presses Universitaires du Zaïre.

RAPY : Réseau des Associations Autochtones Pygmées.

RDC : République Démocratique du Congo.

RRN : Réseau Ressources Naturelles.

SIG : Système d'Information Géographique.

T.F.C. : Travail de Fin de Cycle.

Technicien labo : Agent SIG.

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la
Culture (United Nations agency for Education, Science and Culture).

UOB : Université Officielle de Bukavu (ex CUB).

WCS : Wildlife Conservation Society.

WWF : Word Wildlife Fund

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INTRODUCION

Les communautés forestières de la République Démocratique du Congo traversent une période difficile de leur vie, suite à la nouvelle politique de gestion des forêts congolaises. La RDC est l'un des plus grands pays du monde ; elle dispose d'une pléthore de ressources naturelles et c'est pourtant l'un des pays le plus pauvre de la planète. Ses forêts couvrent environ soixante pour cent de la superficie du pays (soit environ 134 millions d'hectares). Avec les forêts des pays voisins, elles constituent la forêt pluviale d'Afrique Centrale appelée communément « forêt du bassin du Congo », la deuxième plus grande forêt tropicale au monde, derrière l'Amazonie1.

Le Bassin du Congo se situe majoritairement en RDC, au Cameroun, en République du Congo, au Gabon, en Guinée Equatoriale et en République centrafricaine. La RDC vient en tête des écosystèmes les plus riches avec 11.000 espèces végétales identifiées2. La forêt congolaise renferme plusieurs richesses fauniques et floristiques, raison pour la quelle elle est trop sollicitée pour l'exploitation et pour la conservation.

Elle constitue le milieu de vie et la source principale de revenus ainsi que la première source de protéines animales et végétales pour la totalité des communautés forestières de la RDC. Leur survie en dépend largement. Ainsi, nous comptons plus de 156 concessions d'exploitation industrielle du bois3 et 64 forêts classées. Autour de celles-ci ou dans celles-ci, nous trouvons des communautés locales et autochtones misérables.

L'accroissement des ces concessions forestières et aires protégées sans respecter les droits traditionnels des communautés environnantes et/ou aux autochtones conduit, très souvent, à des situations de conflits. Ceci nous a poussé à nous intéresser à une conciliation entre ces deux besoins impérieux, à savoir la nécessité de conserver les forêts, de les exploiter ou les faire exploiter pour faire des recettes à l'Etat avec le respect des droits des ces communautés en vue de leur développement.

Depuis 2002, le Réseau Ressources Naturelles travaille avec ces communautés dans le but de promotion et protection de leurs droits à travers ses programmes dont le plus important est la cartographie participative.

La situation actuelle des communautés forestières congolaises préoccupe tous les regroupements ou les ONG pour la défense des droits des communautés forestières de la RDC. Le programme de cartographie participative coordonné par le RRN se fait le devoir

1 Marie-Claude SMOUTS, Forêts tropicales jungle internationale : les revers de l'éco politique mondiale, Paris, Presses de Sciences Politiques, 2001. p 118.

2 David BERENGER LOEMBA, Les politiques forestières dans le bassin du Congo, cas de la République du Congo, mémoire de DEA, Faculté de Droit, Université de Lomé, 2008. p. 13

3 Décret Présidentiel n°O5/116 du 24 octobre 2005 fixant les modalités de conversion des anciens titres forestiers en contrats de concession forestière.

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de militer pour le respect des droits de communautés forestières locales et autochtones et voudrait l'exiger à tous les acteurs du domaine forestier à savoir : l'Etat congolais, les exploitants forestiers, les gestionnaires des aires protégées.

Peut-on concilier l'exploitation forestière avec le développement des communautés se trouvant dans et autours de ces forêts, ou concevoir une gestion des aires protégées avec le concours des communautés locales ? Le programme de cartographie contribuera-t-elle à la promotion et au respect des droits des communautés forestières de la RDC ? Autant de questions aux quelles notre travail donnera des réponses suivies des recommandations afin d'amener tous les acteurs à concourir au bien-être des communautés forestières de la RDC.

Cette étude sur « la contribution du programme de cartographie participative dans la promotion des droits des communautés forestières de la RDC » en vue de leur développement présente, aujourd'hui, un intérêt particulier dans la mesure où ces communautés vivent depuis quelques décennies dans une pauvreté endémique. Celle-ci est la conséquence de plusieurs facteurs dont notamment l'inaccessibilité aux ressources forestières, causée par le classement de leurs forêts ou l'octroi de celles-ci aux exploitants, la dépossession des terres. La forêt joue un rôle important pour les sociétés humaines. En effet, la forêt congolaise n'est pas seulement une source de bois d'oeuvre4 ; c'est aussi l'habitat des certaines communautés. Elle assure la subsistance et l'intégrité culturelle des populations locales qui y vivent particulièrement celle des pygmées qui dépendent beaucoup de la forêt.

Aujourd'hui, plus de 50 % des forêts congolaises sont soumises à une exploitation incontrôlée par des sociétés d'exploitation forestière de toute sorte alors que 9 % des forêts congolaises sont soumises à la conservation5.

Les motivations profondes de la cartographie participative en RDC reposent sur la loi N°011/2002 du 29 août 2002 portant Code forestier qui, tout en reconnaissant les droits des communautés locales, est plus favorable à l'exploitation industrielle du bois. Cet état de choses a suscité la crainte partagée par le RRN de voir les droits traditionnels de ces communautés ne pas être pris en compte lorsque l'Etat congolais aura à concéder les forêts aux exploitants industriels comme il a été le cas au Cameroun.

Comme préalables à la foresterie communautaire, au zonage et à la conversion des titres forestiers, l'Etat devrait élaborer un plan de zonage du territoire national qui tienne compte des droits des populations forestières. Mais cela n'est possible que si l'Etat connaît

4 Arbres transformables en produits industriels. Ce terme est parfois utilisé comme synonyme de bois rond industriel et défini parfois certaines grandes pièces de bois de sciage (bois de charpente).

5 Travaux préparatoires du Code Forestier de 2002.

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l'espace de production et de vie pour chaque communauté locale, afin d'éviter les conflits de voisinage avec les exploitants forestiers et les conservateurs.

La cartographie participative a pour objet de représenter, répertorier ou référencer toutes les activités, leurs étendues et les droits de ces communautés sur la forêt. Ces cartes communautaires constituent donc des outils pouvant permettre à ces populations, au RRN et aux autres ONG qui les accompagnent et défendent leurs droits, de bien faire le lobbying avec des supports servant de « preuves » de ces droits auprès de l'Etat et de ses partenaires impliqués dans la gestion des forêts.

Pour vérifier l'hypothèse de travail, les principales démarches entreprises sont les suivantes :

1° La méthode exégétique. Elle nous permettra d'analyser les textes juridiques afin de bien comprendre l'évolution des droits des communautés sur les forêts concernées par l'exploitation ou par la conservation ainsi que leur problème d'applicabilité. A côté de cette méthode, nous procéderons à l'approche juridique qui consistera à analyser et à exposer les différentes mesures prises par l'Etat congolais dans le secteur forestier tout en les confrontant à la réalité.

2° La méthode comparative. Elle nous aidera à comparer la façon dont les droits des communautés forestières d'autres pays - notamment le Cameroun - sont défendus à travers les activités de cartographie et de la façon dont le RRN le fait en RDC.

3° La technique documentaire nous aura permis d'analyser des ouvrages et de récolter des informations nécessaires disponibles sur les communautés forestières, la gestion des forêts tropicales, les activités du RRN.

4° L'observation directe suivie des entretiens, enfin nous permettra d'avoir beaucoup d'informations sur ce qui se passe dans le secteur forestier.

Le caractère scientifique de ce travail nous oblige de délimiter notre champ d'analyse en tenant compte des groupes d'individus ciblés, des zones géographiques et du temps imparti. Le travail ne cible pas toutes les communautés rurales de la RDC, mais les communautés forestières seulement qui sont principalement visées par la cartographie du RRN ; car ce sont elles qui, très souvent, sont victimes des faits d'exploitation et de conservation des forêts. Il n'analysera pas les actions du programme cartographie participative du RRN dans toute la RDC. La recherche de l'efficience incite à traiter ces activités de cartographie selon deux thématiques ; cartographie face à la conservation (Sud Kivu) et la cartographie face à l'exploitation forestière (Bandundu).

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Sur le plan temporel, l'étude commence en 2005, car cette année coïncide avec le premier atelier national de formation des facilitateurs provinciaux en cartographie participative. Quant à l'année 2008, prise comme le terminus ad quem, elle marque la fin de nos recherches pour le présent travail. Signalons que nous dépasserons de temps en temps ce cadre chronologique dans le but d'expliquer certains faits importants.

Outre l'introduction et la conclusion suivie des recommandations, l'étude est subdivisée en deux chapitres. Dans le premier chapitre, la théorie générale sur les droits des communautés forestières de la RDC sera étudiée et dans le second chapitre, seront analysés le programme cartographie participative et ses expériences dans la promotion des droits des communautés vivant dans et des forêts érigées en aires protégées et dans des concessions forestières.

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Chapitre I : THEORIE GENERALE SUR LES DROITS DES COMMUNAUTES
FORESTIERES.

Dans chaque région du globe, des communautés vivent dans des zones forestières, ou aux abords de celles-ci ; elles dépendent des forêts pour leur subsistance. Cette situation leur confère certains droits sur ces forêts.

Dans ce chapitre, seront identifiées les communautés forestières de la RDC prises dans la globalité (section I) avant d'aborder leurs droits (section II) qui leur sont reconnus et sont protégés (section III) par les différents instruments juridiques nationaux et internationaux.

Section I. LES COMMUNAUTES FORESTIERES DE LA RDC.

Par le concept de « communauté forestière », on peut entendre l'ensemble des populations vivant dans les forêts et qui dépendent généralement de celle-ci pour leur subsistance, en l'occurrence les peuples autochtones pygmées et les communautés locales.

§1. Peuples autochtones pygmées

Depuis plusieurs années, les peuples autochtones n'ont pas été distingués des minorités. Cependant, la distinction entre les deux termes est nette. Elle réside dans le lien solide des peuples autochtones avec le territoire sur lequel ils vivent. Roger PLANT souligne que les peuples autochtones sont des peuples qui se trouvent sur un territoire avant sa conquête, plus précisément avant « l'expansionnisme occidental ». Ce qui caractérise la problématique des peuples autochtones c'est la référence à un mécanisme de marginalisation économique et à la logique de spoliation des biens, de la terre6. Le facteur décisif de la définition des peuples autochtones est le fait qu'ils vivent sur des terres qu'ils occupent depuis des temps immémoriaux7, à la différence des minorités qui peuvent être récente sur un territoire.

Eu égard à cette définition, il ressort que les « pygmées » de la RDC sont des autochtones, car l'histoire témoigne qu'ils sont les premiers occupants du pays. Les pygmées, en Afrique, vivent dans l'immense forêt tropicale, dans huit Etats de l'Afrique du

6 Roger PLANT, Les droits fonciers et les minorités, in Minority rights group international, Manchester Free Press, Londres, juillet 1994, p.6

7 Idem

10

Sud au Sahara : Burundi, Cameroun, Congo Brazzaville, Centrafrique, Guinée Equatoriale, Gabon, Rwanda et RDC. En RDC, les pygmées sont présents comme autochtones dans presque toutes les provinces du pays, hormis la province du Bas Congo8.

On retient généralement deux critères pour identifier les peuples autochtones: le critère objectif et le critère subjectif.

Sur le plan objectif, on évoque l'antériorité d'un peuple sur un territoire. Sur le plan subjectif, la référence est faite à l'autodéfinition, c'est-à-dire, la consolidation par un groupe lui-même qu'il est autochtone sur les terres qu'il occupe. Elle se traduit en comportement d'attachement aux terres9.

§2. Les communautés locales

Selon le professeur KALAMBAY L., la communauté locale peut être définie comme l'ensemble de personnes réunies par les liens de parenté, de mariage, d'allégeance et d'autres qui vivent sur un même territoire.10

Une communauté est dite locale, selon le code forestier, lorsqu'elle est constituée par un groupe des gens d'une même ethnie ou d'un même clan vivant ou attaché à un terroir forestier déterminé. Des personnes sans lien de parenté ou clanique ne peuvent pas constituer une communauté locale au sens du code forestier. Mais en revanche, une communauté constituée des pygmées peut valablement se considérer comme communauté locale au sens du code forestier.11

La doctrine ne propose aucun critère de communauté locale. A partir des définitions ci haut données, on peut proposer comme critère : les liens de solidarité clanique ou parentale qui fondent la cohésion interne du groupe suivi de l'attachement à un terroir forestier donné. La constitution congolaise reconnaît à chaque individu se trouvant sur le territoire national le droit d'y circuler librement, d'y fixer sa résidence (...)12 c'est à dire de choisir son cadre de vie, d'établir sa résidence n'importe où sur le territoire congolais sauf exception prévue par la loi13.

8 Chaire UNESCO, Situation des « Autochtones » Pygmées ( Batwa) en République Démocratique du Congo : Enjeux des droits humains, Université de Kinshasa, Novembre 2005, p.27

9 Nous ne voulons pas entrer en détail de ces concepts populations autochtones - communautés locales, car cette situation pose problème et constitue souvent un motif de positionnement des premiers qui peut ne pas être bien perçu par les autres.

10 KALAMBAY LUMPUNGU, Régime foncier et immobilier, Kin, PUZ, 1985, p.73

11 RAPY (Réseau des Associations Autochtones Pygmées), Guide pour la compréhension du code forestier à l'usage des populations locales et peuple autochtone pygmée de la RDC, octobre, 2004, p.13

12 Art 30 de la constitution de la RDC

13 Les individus qui n'ont aucun lien de sang peuvent décider de vivre ensemble en groupe, nous pensons qu'il faudra se baser seulement sur la volonté des membres du groupe de vivre ensemble pour qualifier une population de « communauté locale ».

11

Il y a lieu de poser la question du choix et du sens de l'expression « communauté locale » employée par le législateur congolais dans le code forestier. Il faut constater que cette expression « communauté locale » converge celle de « population autochtone ». Une communauté locale peut être un peuple autochtone ou un groupe indigène, en un mot ; toute communauté forestière.

Section II. LES DROITS RECCONUS AUX COMMUNAUTES FORESTIERES DE LA RDC

Depuis plusieurs siècles, il était établi que les forêts de la RDC étaient habitées par des populations locales et autochtones. Ils y pratiquaient la chasse, la pêche, la cueillette et le ramassage, bref ce sont eux qui faisaient la « loi » dans ces forêts. Cependant, avec la domanialisation du sol, le souci de protéger l'environnement et d'exploiter les forêts, ces populations ont trouvé leurs droits réduits.

§1. Fondement du droit des communautés sur leur fonds

Les droits fonciers et les revendications territoriales des populations locales sont peut-être encrés dans la nuit de temps, avant la création des Etats-nations. Les demandes de ces populations sont étayées par la notion qu'elles ont un droit de regard spécial sur la terre, du fait que leur relation unique avec la terre est nécessaire à leur survie (...)14. Dans la conception negro-africaine, la terre n'est pas seulement un bien fonctionnel susceptible de fournir à son propriétaire certaines utilités économiques. La terre est sacrée parce qu'elle porte la demeure de ceux qui vivent et elle est le domicile des ancêtres morts avec lesquels elle se confond15. Ainsi dans la pensée traditionnelle authentique, la terre ne peut être aliénée ; car, qui parmi les vivants pourraient oser « vendre » la tombe des ancêtres et de surcroît à des étrangers ?

Selon MALEGREAU16, évoquant le collectivisme traditionnel comme fondement des droits fonciers des communautés locales, le droit foncier coutumier est un droit en relation constante avec l'homme pris individuellement ou inscrit dans un groupement bien déterminé où la primauté d'une volonté d'appropriation collective rend le fonds intangible et attaché au groupe, chaînon vital des morts, des vivants et des êtres à venir. D'où son inaliénabilité, son incessibilité, etc. En effet, les collectivités traditionnelles sont fondées

14 Roger PLANT, Op cit., p.7

15 KALAMBAY LUMPUNGU, Droit Civil : Régime général des biens, vol.1, PUZ, 1989, p.62

16 G. MALEGRAU, Les droits fonciers coutumiers chez les indigènes du Congo : Essai d'interprétation juridique, inédit, 1974, p.135

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sur certaines valeurs visées, entre autres, la perpétuité, la permanence et la cohésion du groupe.

Les résultats de nos recherches montrent qu'il existe des liens étroits entre certaines communautés avec certaines forêts, les animaux, les cours d'eau, etc. Chez les Basengele de la province forestière de Bandundu par exemple, certaines puissances et les forces magiques d'un individu n'auront d'effet que sur une étendue du territoire considérée comme le fief de celui-ci. C'est pourquoi, le déplacer de ce territoire, c'est le dépouiller de certaines forces17.

§2. Evolution législative des droits fonciers et forestiers congolais.

Juste après la création de l'EIC, l'Administrateur Général du Congo prit une ordonnance le 1 juillet 1885 qui reconnut trois sortes de terres18 :

- Les terres occupées par les autochtones, càd celles qu'ils occupaient à titre collectif ou individuel conformément à leurs pratiques traditionnelles notamment par l'agriculture extensive, le nomadisme, l'habitation. Ces terres furent soumises à la coutume.

- Les terres en possession des non indigènes (hollandais, portugais, anglais, etc.). Ceux-ci occupaient le sol en vertu des contrats passés avec les chefs indigènes. Ces contrats sur l'occupation des terres furent reconnus valables en exécution du décret du 22 août 1885. Les terres occupées furent enregistrées et soumises à la législation de l'Etat.

- Les terres vacantes formèrent le domaine de l'Etat et une partie de celui-ci constitua le domaine privé. Cette ordonnance de 1885 stipulait que « nul n'a le droit d'occuper les terres vacantes ni de déposséder les indigènes des terres qu'ils occupaient, les terres vacantes doivent être considérées comme appartenant à l'Etat ».

Dès l'origine de l'occupation, l'Etat semble avoir convoité les forêts congolaises ; car déjà en janvier 1882, le roi s'accapara le droit d'exploiter les forêts, les mines ; en fait, toutes sortes de richesse végétales ou minérales dont les indigènes ne se serviraient que pour leurs besoins personnels19.

Les forêts sont devenues la propriété de l'Etat par le décret du 17 octobre 1889.

17 TANDE BOKOTE, entretien du 26 avril 2008 à Bokote, District d'Inongo, Province de Bandundu.

18 T. MERLIER, Aperçu sur les régimes fonciers du Congo belge, Bruxelles, 1933, p.6 cité par KALAMBAY LUMPUNGU, Régime foncier immobilier, Kin, PUZ, 1985, p.16.

19 MUCHIZA BAYUNVANYE, Régime foncier face au système coutumier Shi de distribution des terres, TFC, CUB/Droit, 1999, p.22.

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A. Lors de la colonisation belge

La Charte coloniale avait reconnu, malgré sa discrimination raciale, des droits réels aux indigènes sur les terres qu'ils occupaient, cultivaient ou exploitaient. Un droit d'usage personnel s'étendaient en dehors de leurs terres.

Le 3 juin 1906, le Roi signa le décret selon lequel 20:

1. Sont terres occupées par les indigènes aux termes des dispositions précitées, les terres que les indigènes habitent, cultivent et exploitent d'une manière quelconque, conformément aux coutumes et aux usages locaux. Il sera vu sur place à la détermination et à la constatation officielle de la nature et de l'étendue du droit d'occupation des indigènes.

Cela étant, il était difficile de constater le droit d'occupation des plusieurs communautés forestières surtout pygmées ; car ils étaient nomades et/ou peut-être moins nombreux par rapport à l'étendue de toute la forêt. C'est pourquoi, il était difficile de constater effectivement la partie de la forêt habitée par ces communautés pour enfin confirmer la nature et l'étendue des leurs droits.

2. Le Gouverneur Général ou le Commissaire de district délégué à cette fin, en vue de tenir compte des modes de culture des indigènes et de les encourager à des nouvelles cultures, celles-ci sont autorisées quels que soient les droits d'occupation des indigènes, en vertu de l'article 1er ; d'attribuer à chaque village une superficie triple. Cette extension de terre sera indiquée au croquis.

3. Il sera fait, au moment de la délimitation des dites terres, un relevé des plantes en latex ou en arène qui existent ; ce relevé, comprenant tous les détails utiles, sera annexé au croquis en vue de constater la propriété des indigènes sur le caoutchouc provenant de ces terres. Il leur sera délivré par le chef de poste le plus voisin, un certificat d'origine des qualités récoltées.

4. En dehors de ces terres qui leur seront attribuées, les indigènes peuvent couper le bois destiné à leur usage personnel. Ils peuvent pêcher dans le fleuve, rivière, lac, étang et chasser dans les terres et des forêts domaniales.

La nouvelle législation forestière s'est inspirée de cette disposition en octroyant aux communautés vivant à l'intérieur ou à coté de la forêt le droit d'usage forestier dans les forêts classées, avec quelques exceptions21, et dans les concessions forestières22.

20 KALAMBAY LUMPUNGU, Régime foncier immobilier, Kin, PUZ, 1985, p.18

21 Article 38 et 40 du code forestier

22 Article 44 du code forestier.

23 Un droit de superficie consistant à jouir d'un fond appartenant à l'Etat et des disposer des constructions, bois, arbres et autres plantes qui y sont incorporés. La superficie ne peut être établie pour une durée excédant 25 ans

14

Signalons que jusqu'à la fin de la colonisation, le Congo connaissait un régime foncier fondé sur une discrimination raciale. Les européens, dans les circonscriptions urbaines et sur les terres rurales possédaient sur le fond qu'ils occupaient un droit de propriété, d'emphytéose ou de superficie régie par le code civil et, en conséquence, protégé par la Charte coloniale. Ils ne pouvaient être privés de leur droit foncier que pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.

Les droits des autochtones sur le sol étaient en nature différente selon qu'ils habitaient les circonscriptions indigènes appelées terres indigènes régies par les coutumes. Les terres indigènes ne pouvaient être cédées qu'à la colonie seule. Dans les agglomérations urbaines, le congolais pouvait être titulaire d'un droit d'occupation précaire matérialisé par un livret de logeur ou un titre équivalent. Il s'agissait d'un droit révocable. En un mot, les congolais ne pouvaient accéder à la propriété immobilière individuelle23 que pour les immeubles construits par l'office des cités africaines ou construits avec des crédits du fonds d'avance.

B. Après la colonisation

Le régime foncier de l'après colonisation avait connu deux temps forts, à savoir ; la domanialisation et la conversion des droits de propriété foncière en concession.

1) Domanialisation des terres et forêts congolaises

Le régime foncier en RDC date du 20 juillet 1973 avec l'ordonnance loi n°073-023. Certaines dispositions contenues dans cette loi portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime de sûretés, tel que modifié et complétée par l'ordonnance loi n°80-008 du 18 janvier 1980 invoquent la domanialité publique des terres congolaises y compris, par ricochet, celles sur les quelles habitent les communautés locales et autochtones pygmées.

La disposition clé de la gestion du domaine foncier est l'article 53 du code foncier libellé de manière suivante : « le sol est la propriété exclusive et imprescriptible de l'Etat ». Autrement dit, d'abord le droit de propriété sur le sol en RDC n'a d'autre sujet que l'Etat. Ensuite ce droit s'étend sur toutes les terres du pays dans les limites de ses

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frontières et enfin la compétence de l'Etat en tant que propriétaire du sol est illimitée et inconditionnelle.

Le régime forestier en RDC, quant à lui, est porté par la loi n°0011-2002 du 29 août 2002 portant code forestier congolais. Cette loi précise clairement que le droit sur une terre ne confère pas automatiquement un droit sur la forêt qui s'y trouve et précise, en son article 7, que les forêts constituent la propriété de l'Etat. A cette règle existe une exception selon laquelle un titulaire d'un titre foncier régulièrement obtenu est propriétaire des forêts naturelles ou plantées qui se trouvent sur ses terres24. Ce principe de la domanialité des terres et des forêts congolaises est réaffirmé par la constitution actuelle à son article 9 qui stipule que l'Etat exerce une souveraineté permanente notamment sur le sol, les eaux et les forêts (...).

Il découle de cette situation que toutes les terres, et par conséquent, les forêts sont devenues domaniales sans aucune exception. Ceci dans le but d'empêcher certaines puissances étrangères qui géraient, à leur profit, l'essentiel du potentiel économique du Congo et de permettre ainsi à l'Etat de procéder librement de son patrimoine, de ses ressources naturelles pour le bien de sa population25.

Etant donné que l'appropriation privative du sol n'a pas organisée, le législateur a procédé à une redéfinition restrictive des droits réels fonciers. Il ne peut être reconnu aux particuliers que les droits de jouissance appelée concession26. La concession perpétuelle ou ordinaire (emphytéose, la superficie, l'usage, la location et l'usufruit).

2) La conversion des droits de propriété en concession

En ce qui concerne le droit écrit, la loi foncière a stipulé un effet rétroactif. Tous les titulaires des droits fonciers régis par le code civil ont vu automatiquement leurs droits convertis en concession et ce, sans indemnisation27 : la conversion, pour le congolais, en droit de « concession perpétuelle », et, pour les étrangers, en un nouveau droit réel appelé « concession ordinaire ».

Les terres occupées par les communautés locales quant à elles (càd celles qu'elles habitent, cultivent ou exploitent de manière quelconque individuelle ou collective, conformément aux coutumes et aux usages locaux), deviennent, à partir de l'entrée en

24 Article 8 du code forestier.

25 Exposé des motifs de la loi n°66-343 du 7 juin 1966 dite loi BAKAJIKA cité par MUDODOSI MUHIGWA B., La précarité des droits coutumiers des pygmées sur la forêt du PNKB face à la loi n°0011-2002 du 29 août 2002 portant code forestier congolais, mémoire, UOB/ Droit, 2005, p.38

26 Article 57 de la loi foncière.

27 Article 367 et 372 de la loi foncière.

16

vigueur de cette loi, des terres domaniales28. Mais une ordonnance du Président de la République, ordonnance qui n'a jamais été prise jusqu'à ce jour, doit régler les droits de jouissance régulièrement acquis sur ces terres. Reconnaîtra-t-on ces droits aux communautés locales et autochtones ou individuellement aux membres de ces communautés ou aux deux à la fois ? Le droit de propriété collectif, ou individuel sera-t-il reconnu aux membres des populations intéressées sur les terres qu'elles occupent traditionnellement29 ?

Après avoir séparé la propriété foncière du droit de jouissance de fonds, la législation foncière et forestière en vigueur, basée sur le droit écrit et sur la coutume selon les situations, permet à l'Etat qui a une maîtrise totale du sol et de son environnement, de mener sa politique d'aménagement du territoire et (sa politique) de son environnement sans entrave. Cependant, elle ne sécurise pas véritablement les populations rurales, à cause de ce « vide »provoqué par l' absence de cette ordonnance destinée à régler les droits de jouissance, qui attend toujours d'être comblé.

Section III. PROTECTION DES DROITS DES COMMUNAUTES FORESTIERES DE LA RDC

De ce qui précède, nous remarquons que les communautés forestières de la RDC ont des droits sur leurs terres et leurs forêts coutumières. Ceux-ci sont protégés par les instruments juridiques internationaux et internes.

§1. Instruments juridiques internationaux

Les droits des communautés forestières de la RDC sont garantis par les standards internationaux en pleine croissance depuis le début des années 70.

Les instruments juridiques internationaux ci-après peuvent être considérés comme les principales bases des obligations internationales de la RDC relatives aux droits des communautés locales et peuples autochtones, tous constituant la communauté forestière du pays. De la sorte, le code forestier et ses mesures d'application doivent être conformes aux engagements pris par la RDC.

28 Article 385 de la loi foncière.

29 Art 11 de la convention 107 de l'OIT

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1) Le Pacte relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ratifié par la RDC en 1976.

Cette convention internationale protège le droit à la vie30. Des tribunaux des plusieurs pays ont condamné la violation du droit à la vie des communautés locales du fait des exploitations minières ou forestières qui affectent leur environnement, leurs eaux, etc.

Par ailleurs, le PIDCP protège les droits des membres d'une communauté à leur culture et à sa célébration. La culture peut revêtir plusieurs formes et s'exprimer notamment par un certain mode de vie associé à l'utilisation des ressources naturelles, en particulier dans les cas des communautés locales forestières et autochtones31. Ces droits peuvent porter sur l'exercice d'activités traditionnelles telles que la pêche ou la chasse.

2) La convention relative aux droits de l'enfant adopté par l'AG des Nations Unies le 20 novembre 1989, ratifiée par la RDC en 1990.

L'article 30 de cette convention stipule que dans les Etats où existent des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques d'une personne d'origine autochtone, un enfant autochtone ou appartenant à l'une de ces minorités ne peut être privé de droit d'avoir sa propre vie culturelle, de professer et de pratiquer sa propre religion ou d'employer sa propre langue en commun avec les autres membres de son groupe. L'enfant pygmée a droit de jouir de sa propre vie culturelle, de pratiquer sa propre religion et d'employer sa propre langue.

3) La charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

La Charte sera visitée en ce qu'elle protège le droit à la vie32 des communautés locales.

La commission africaine des droits de l'homme a établi, à cet égard, le lien entre une menace au droit à la vie des membres d'une communauté locale et une exploitation abusive des ressources naturelles dans le cas des Ogoni du Nigeria. Elle a condamné le gouvernement nigérian pour la violation du droit à la vie du peuple Ogoni du fait des pollutions environnementales par une société pétrolière33.

4) La Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones du 2 octobre 2007.

Selon BELLIER, cette Déclaration renferme les droits collectifs de trois ordres : politiques, territoriaux et culturels. Le droit des autochtones à l'autodétermination, le droit de conserver leurs territoires traditionnels ou de se voir compensés pour leur perte, et

30 Article 6 du PIDCP

31 Article 27 du PIDCP

32 Article 4 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples

33 MUDODOSI MUHIGWA B., La précarité des droits coutumiers des pygmées sur la forêt du PNKB face à la loi n°0011-2002 du 29 août 2002 portant code forestier congolais, mémoire, UOB/ Droit, 2005, p.27

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celui de protéger, développer et transmettre leur patrimoine culturel34. La communauté internationale affirme, à travers cet instrument, que les autochtones pygmées ont droit à l'amélioration de leur situation économique et sociale, de définir et d'élaborer des priorités et des stratégies en vue d'exercer leur droit au développement, à leur pharmacopée, aux terres, territoires et ressources qu'ils possèdent et occupent traditionnellement.

Les peuples autochtones ont le droit de posséder, d'utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires aux terres et ressources qu'ils possèdent parce qu'ils occupent ou les utilisent traditionnellement, ainsi que ceux qu'ils ont acquis35. Les Etats accordent reconnaissance et protection juridique à ces terres, territoires et ressources. Cette reconnaissance se fait en respectant dûment les coutumes, traditions et régimes fonciers des peuples autochtones concernés36.

Les peuples autochtones ont droit à réparation, par le biais notamment de la restitution ou, lorsque cela n'est pas possible, d'une indemnisation juste, correcte et équitable pour les terres et ressources qu'ils possédaient traditionnellement ou occupaient ou utilisaient et qui ont été confisqués, pris, occupés, exploités ou dégradés sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause37.

Il existe d'autres standards internationaux liés au développement.

5) La Directive Opérationnelle 4.20 de la Banque Mondiale.

Cet instrument sert de guide à tout pays qui emprunte de l'argent à cette institution. La DO 4.20 a « pour objectif central de garantir que le développement et en particulier les projets financés par la Banque Mondiale n'aient pas d'effets néfastes sur les populations autochtones »38. Cette règle pourrait être applicable au secteur forestier congolais.

La DO exige également l'élaboration d'un plan de développement des peuples autochtones pour tout Etat prêteur des fonds à la Banque Mondiale destinés à un projet pouvant avoir un impact sur la vie du peuple autochtone. Un peuple ou une personne autochtone, voire même une ONG peut saisir le panel d'inspection de la Banque Mondiale d'une plainte lorsqu'il estime que les dispositions de la DO 4.20 n'ont pas été respectées dans la mise en exécution d'un projet de développement. A sa saisine, cet organe quasi juridictionnel mène des investigations et enquêtes qui généralement débouchent sur des recommandations pouvant donner lieu à des compensations.

34 BELLIER I., « Les populations autochtones à la recherche des droits collectifs », Courrier de la planète, n° 74, 2007. p.18

35 Article 26.2 de la Déclaration des Nations unies sur les peuples autochtones

36 Article 26.3 de la Déclaration des Nations unies sur les peuples autochtones

37 Article 28.1 de la Déclaration des Nations unies sur les peuples autochtones

38 Point 6 DO 4.20

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En 2003, la Banque Mondiale a initié un projet appelé `'Projet de Soutien d'Urgence Pour la Réunification Economique et Sociale (PSUPRES)», qui préconise de recourir aux forêts pour générer des recettes nécessaires dans le développement des pays pourtant riches en forêts. Parmi ces pays figurent la RDC, le Cameroun, le Congo Brazzaville, le Gabon, la République Centrafricaine et la Guinée Equatoriale. A cette fin, la Banque Mondiale a proposé de faire le zonage qui consiste à déterminer à quoi va servir tel et tel autre espace de la forêt.

Le Panel a noté, à l'issue de la plainte de la Dynamique Pygmée de la RDC, que le processus de conversion des anciens titres forestiers peut être assimilé à un zonage de facto aux termes duquel les intérêts juridiques et économiques des compagnies d'exploitation industrielle du bois seront considérés en vue d'une reconnaissance à long terme (25 ans), alors que la considération et la reconnaissance des droits à la terre et aux ressources des populations vivant dans les forêts ou qui en dépendent, seront retardés et donc menacés par la validation potentielle de titres forestiers couvrant des millions d'hectares de forêts tropicales primaires dans lesquelles vivent de nombreuses communautés locales et peuples autochtones. Le Panel s'est montré préoccupé par le retard dans l'élaboration de mesures d'application du Code forestier concernant les droits coutumiers39.

6) Le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique.

Le chapitre sur l'environnement de cette déclaration prescrit par exemple : « le NEPAD entend accroître la part des revenus tirés de l'exploitation des ressources forestières et fauniques destinés aux populations locales, y compris les pygmées et développer les mécanismes appropriés de rétrocession et élaborer un plan d'affectation des terres sécurisant les terres des populations indigènes et tribaux 40».

Ainsi, les pays membres du NEPAD se trouvent obligés de respecter les droits des communautés locales quand ils affectent leurs terres ou leurs forêts, à travers les techniques comme ; enquête préalable ou la consultation préalable.

7) La convention 169 de l'OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants adoptée en 1989.

Cette convention prévoit que les droits des peuples intéressés sur les ressources naturelles (dont sont dotées leurs terres,) doivent être spécialement sauvegardés. Ces

39 WASSO MILENGE J., La protection des minorités autochtones : cas de la République Démocratique du Congo, TFE, Chaire de l'UNESCO/Université du Burundi, 2008, p.44

40 http// www. Nepadforum.com/pdf-document/plan d'action Nepad ENV.pdf consulté le 12 décembre 2008

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droits comprennent celui pour ce peuple, de participer à l'utilisation, à la gestion et à la conservation de ces ressources41.

L'impératif de maintenir les communautés locales sur les terres qu'elles occupent, compté tenu des liens sacrés qui les unissent à la terre, constitue déjà une préoccupation au niveau de la communauté internationale. Il est vrai que plusieurs instruments internationaux de droit de l'homme reconnaissent les droits qu'ont les communautés forestières sur les terres et forêts auxquelles elles sont coutumièrement liées. La liste présentée ci haut n'est pas exhaustive. Il revient alors à la RDC d'appliquer ceux qu'elle a déjà ratifiés et de ratifier ceux qui ne les sont pas encore, telle que la convention 169 de l'OIT de 1989 pour qu'ils puissent avoir effet dans son droit interne.

§2. Instruments de droit interne

Ce sont, principalement, les lois comme la loi foncière et le code forestier dont certaines dispositions, à leur manière, protègent spécialement les droits fonciers et forestiers des populations locales.

A. Code foncier (L'ordonnance loi n°073-023 du 20 juillet 1973)

Depuis la colonisation, le système foncier congolais est régi d'une part par la coutume et, d'autre part, par le droit moderne. Continuer d'avoir deux systèmes de droit foncier est, à notre avis, une source d'insécurité accrue et de spéculation caractérisées par la multiplication des conflits fonciers entre individus, familles, autochtones et migrants (exploitants), agriculteurs et pasteurs. L'ordonnance loi du 20 juillet 1973 a tenté d'unifier le système foncier héritage de la colonisation en domanialisant le sol, mais laissa les terres rurales gérées par la coutume.

Le code foncier reconnaît à la personnes de nationalité congolaise, le droit de jouir indéfiniment de son fonds aussi longtemps que sont remplies les conditions de fond et de forme prévues par la loi (concession perpétuelle) et, à toute personne, des concessions ordinaires qui sont l'emphytéose, la superficie, l'usage, l'usufruit et la location42.

Pour pallier aux insuffisances du droit traditionnel, le droit moderne met en place un système de sécurisation des droits fonciers. Ce régime est prévu dans la loi foncière en ses articles 222 à 243. Cette loi prévoit l'inscription de chaque immeuble sur le registre ou

41 Article 15 de la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989 (N° 169)

42 Article 109 de la loi foncière

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le livre d'enregistrement et le certificat d'enregistrement. Ce dernier fait pleine foi de la concession, des charges réelles et, éventuellement, des droits qui y sont constatés. Ces droits sont inattaquables et les actions dirigées contre eux ne peuvent être qu'en dommages - intérêts43.

La législation foncière congolaise met en oeuvre un mécanisme qui assure principalement la protection des droits fonciers des paysans. Le code foncier dispose : « en vue de sauvegarder les droits immobiliers des populations rurales, toutes transactions sur les terres rurales seront soumises à la procédure d'enquêtes préalables prévue par la présente loi »44. Cette enquête a pour but de constater la nature et l'étendue des droits que les tiers pourraient avoir sur les terres demandées en concessions45. L'enquête préalable protège les droits des communautés forestières qui comprennent les communautés locales et autochtones pygmées. Elle est ouverte par l'affichage de l'avis favorable de l'autorité compétente où le terrain demandé en concession se situe. Cette publicité permettra à tous ceux qui ont des réclamations à propos de la demande de concession de les formuler. L'enquêteur a pour mission de recenser et auditionner les personnes se trouvant sur le terrain demandé ou y exerçant certaines activités46. Pour crédibiliser l'issue de l'enquête, le législateur la soumet au double contrôle de l'administration et du parquet47.

Enfin, la protection des droits des populations locales par l'enquête de vacance réside dans sa publicité, dans la consultation des populations habitant ou exploitant la terre demandée, dans le contrôle de l'administration publique et du parquet, ainsi dans la nature juridique même du procès-verbal qui constate l'enquête.

B. Code forestier

La politique internationale des forêts vise, ces dernières années, une implication grandissante des communautés locales dans la gestion des forêts en vue de leur meilleure conservation. La RDC, avec l'appui de la Banque Mondiale, a adhéré à cette philosophie en adoptant la loi forestière de 2002.

Le régime forestier en RDC est régi par loi n°0011-2002 du 29 août 2002 partant code forestier congolais. Cette loi marque une grande réforme en matière de politique forestière en RDC, en remplacement de l'ancienne qui datait de 1949.

43 Article 227 du code foncier

44 Article 166 du code foncier

45 Article 193 al.2 du code foncier

46 Article 194 al.2 du code foncier

47 Pour en savoir plus, il faut consulter les articles 196 à 202 de la loi foncière.

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Il convient de noter que l'un des mérites du code forestier de 2002 est d'avoir tenté de rapprocher le droit coutumier en matière de terre au droit moderne48. Même s'il souligne que les forêts congolaises constituent la propriété de l'Etat, les droits d'usage, de possession et de jouissance en faveur des communautés locales sont désormais codifiés.

Depuis la période coloniale, l'Etat s'est toujours présenté comme étant le propriétaire des forêts. Les droits des communautés locales n'ont été perçus que comme un droit de fait. Le code forestier prévoit des dispositions réglementaires sur l'exercice des dits droits. Il en est de plusieurs catégories.

1. Le droit d'usage.

L'article 36 stipule que les droits d'usage forestiers des populations qui vivent à l'intérieur ou à proximité du domaine forestier sont ceux résultant de coutumes et traditions locales pour autant que ceux-ci ne soient contraire aux lois. Le code forestier autorise les populations de prélever les ressources forestières en vue de satisfaire leurs besoins domestiques, individuellement ou collectivement.

La loi souligne que même dans les forêts classées, les droits d'usage peuvent être exercés dans le respect de celle-ci. L'article 44 dispose que les populations riveraines d'une concession forestière continuent d'exercer les droits d'usage sur la concession dans la mesure de ce qui est compatible avec l'exploitation forestière à l'exclusion de l'agriculture.

Dans certaines contrées étudiées dans la forêt de Bandundu, l'agriculture est pratiquée dans des concessions, car ce qui préoccupe l'exploitant forestier c'est la ressource bois qu'il tire.

2. Le droit de possession.

Une communauté locale peut, à sa demande, obtenir à titre de concession forestière, une partie ou la totalité des forêts protégées parmi les forêts régulièrement possédées en vertu de la coutume49. Les articles 7 et 9 font allusion aux droits des communautés locales de disposer en propriété des arbres situés dans un village ou dans son environnement immédiat. Ces arbres peuvent faire l'objet d'une cession en faveur de tiers.

3. Le droit d'être consulté.

L'article 29 du code consacre le droit du public d'être consulté par les mécanismes de création des mécanismes de création des Comités consultatifs au niveau national et

provincial .

48 NGOY ISIKIMO B., « Applicabilité du code forestier congolais : cas des dispositions relatives aux communautés locales » dans La transparence, gouvernance et la loi : Etude de cas du secteur forestier en Afrique centrale, CED Cameroun - RF UK et Forest Monitor, octobre 2003, p.51

49 Article 22 du code forestier

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Le code oblige aussi le président de la République à consulter les communautés riveraines avant tout classement des forêts50.

4. Le droit de jouissance.

L'article 89 prévoit que les sociétés forestières qui exploitent une contrée donnée réalisent des actions sociales au bénéfice des populations riveraines (construction de routes, écoles, hôpitaux, etc.).

5. La procédure d'enquête publique.

Le code forestier dit qu'avant une exploitation industrielle d'une forêt, celle-ci doit faire objet d'une enquête publique préalable au cours de laquelle les communautés doivent démontrer l'utilité de la forêt visée, ce qu'ils y tirent comme produits et ce qu'ils y exercent comme activités. Ceci doit servir de base pour le calcul du montant d'indemnisation à payer au village ou à la communauté locale visée. Si l'Etat et la communauté locale concernée ne s'entendent pas, ils peuvent saisir le tribunal51.

6. L'exigence d'un plan d'aménagement d'une forêt.

Il s'agit d'un ensemble d'opérations conçues afin de prolonger la durée de son exploitation en tenant compte des divers intérêts notamment ceux relatifs à la conservation ou à la lutte contre la pauvreté. Ce plan doit statuer sur les droits des personnes et des communautés qui y vivent ou qui habitent dans ses environs52. C'est pourquoi le code forestier exige la participation des communautés locales à l'élaboration de tout plan d'aménagement53.

En résumé, les droits communautés forestières de la RDC peuvent être répertoriés de

la manière suivante :

- le droit de disposer d'eux-mêmes ;

- le droit de disposer librement de leurs richesses et ressources naturelles ;

- le droit de ne pas être privés de leurs moyens de subsistance ;

- le droit de posséder, de gérer et utiliser les terres communales, les territoires et

les ressources qu'ils possèdent ou occupent traditionnellement ;

- le droit de jouir librement de leur propre culture et de maintenir leur mode de vie

traditionnelle ;

50 Article 15 du code forestier

51 Article 84 du code forestier

52 Article 39 du code forestier

53 Article 74 du code forestier

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- le droit d'exiger de ceux qui projettent des activités dans leurs terres, qu'ils obtiennent leur consentement préalable, exprimé librement et en toute connaissance de cause ;

7. le droit à la restitution de leurs terres et à l'indemnisation pour les pertes subies.54

Les droits des communautés forestières sont, comme vu précédemment, fondés sur les normes internationales et nationales agrées. Le secteur forestier congolais regorge beaucoup d'acteurs qui sont capables de tout. Ainsi, pour éviter tout conflit dans ce domaine, il est important de localiser toutes ces communautés forestières locales en indiquant leurs espaces de vie et de production pour appréhender la situation et l'étendue de leurs droits avant toute démarche visant à affecter leur forêt, soit à l'exploitation industrielle, soit à la conservation. Ceci constitue le défi majeur du programme de cartographie participative du RRN.

54 COLCHESTER M., Nature sauvage, nature sauvée ? Peuples autochtones, aires protégées et conservation de la biodiversité, Stratford, Rosgal, 2003, p. 18

25

Chapitre II. DU PROGRAMME « CARTOGRAPHIE PARTICIPATIVE » ET SON
IMPACT DANS LA PROMOTION DES DROITS DES COMMUNAUTES

Les activités de cartographie participative dont il est question dans ce travail, sont celles inscrites dans le projet « Renforcement du plaidoyer de la société civile congolaise pour le développement d'un cadre politique et juridique assurant une gestion durable des ressources forestières fondée sur le respect des droits et pratiques traditionnels des populations forestières » coordonné par le Réseau Ressources Naturelles dans toute la RDC.

Dans ce second chapitre, il sera question de montrer la cartographie participative faite par le RRN (section 1) avant d'indiquer quelques effets de la cartographie participative dans la promotion des droits des communautés forestières de la RDC (section 2).

Section 1. LA CARTOGRAPHIE PARTICIPATIVE PAR LE RRN

§1. Le Réseau Ressources Naturelles (RRN)

Le RRN est un groupement d'ONG oeuvrant dans les domaines de l'environnement, des ressources naturelles et de la défense des droits des communautés locales et les peuples autochtones en RDC soucieuses de la prise en compte effective des intérêts, des droits et pratiques traditionnels des communautés locales et peuples autochtones dans le processus des reformes forestières et la gestion des ressources minières55.

Crée en 2002 en RDC, le RRN est une association sans but lucratif regroupant 26 membres effectifs oeuvrant sur tout le territoire du pays. Il a pour objectifs56 d'assurer la prise en compte des intérêts, droits et pratiques traditionnels des communautés locales et des peuples autochtones dans la gestion des ressources naturelles ; de renforcer les capacités des communautés locales et peuples autochtones pour un plaidoyer en vue de la reconnaissance de leurs droits d'accès aux ressources naturelles et aux terres, et leur apporter le cas échéant, une assistance judiciaire et administrative en vue du respect effectif de leurs droits.

55 Alinéa 9 du préambule des statuts du RNN

56 Article 5 des statuts du RRN

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Le RRN fonctionne sur toute l'étendue de la RDC à travers ses cinq organes57 qui sont : l'Assemblée Générale, le Comité National, la Coordination Nationale, les Comités d'Orientation et les Points Focaux provinciaux.

§2. La cartographie participative en RDC

La cartographie participative est une approche du RRN, en collaboration avec le CED Cameroun et la Rainforest Foundation, qui vise à sécuriser les communautés forestières contre toute tentative de spoliation ou de négation de leurs droits dans le processus de mise en oeuvre du code forestier qui place l'exploitation forestière et la conservation avant le zonage. Cette situation a causé plusieurs préjudices et conflits dans le secteur forestier au Cameroun.

En RDC, des conflits liés aux limités d'aires protégées ou d'une concession sont déjà nés et la cartographie participative est capable de fixer les uns et les autres sur l'étendue de leurs droits et parvient ainsi à juguler les différents conflits qui pourraient en résulter.

A. Historique et motivation

La cartographie participative s'est inspirée non seulement des expériences de Rainforest Foundation qui, depuis de longues années, a facilité les activités de cartographie participative dans d'autres continents, par exemple le travail des Ye'kwana et Sanema au Venezuela, mais aussi des expériences de la Rainforest Foundation et le CED au Cameroun. Les droits des Baka et les Bagyeli58 ont connu des restrictions sérieuses depuis la loi forestière camerounaise de 1994 qui inspira59 paradoxalement le code congolais de 2002. Le CED a, avec ces communautés, produit des cartes participatives afin d'assurer la prise en compte de leurs droits dans le Plan de Gestion de plusieurs Parcs Nationaux.

Conscients du danger qui guette les communautés forestières de la RDC, Rainforest Foundation et CED ont entré en contact avec le RRN pour développer une stratégie de veille afin que les droits de contrôle, d'accès et d'utilisation des ressources par les communautés forestières soient inscrits dans les politiques et processus législatifs congolais liés à la forêt.

57 Article 13 des statuts du RRN

58 Les Baka et les Bagyeli sont des populations autochtones habitant les forêts du Cameroun.

59 En parcourant le code forestier camerounais, on constate que le code forestier congolais en est, mutatis mutandis, une copie.

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Le volet important de cette stratégie est la cartographie participative. Depuis 2006,

elle est réalisée par plusieurs communautés autochtones et locales dans toutes les
provinces du pays, avec l'appui technique des membres du RRN (Facilitateurs et Techniciens labo) formés, à Kisangani en mai 2006 à la facilitation de la production des cartes auprès des communautés et à l'utilisation du GPS; et, à Kinshasa en mai 2006 au cours de cette formation, certains facilitateurs du RRN ont été initiés au Système d'Information Géographique (SIG) et Arcview 3.X. Cette dernière formation a porté sur le SIG, un outil informatique qui permet d'intégrer, de localiser, d'analyser et de représenter des données ayant ou non une dimension géographique ; elle a porté également sur le logiciel de traitement Arcview 3.X.

Il est vrai que partout la cartographie a contribué beaucoup au respect des droits traditionnels des communautés forestières. Le RRN a identifié le fait de sécuriser les droits60 des communautés sur leurs espaces de vie comme une nécessité absolue. La coordination avait discuté cette problématique avec des partenaires qui se sont mis d'accord sur « la stratégie appropriée pour identifier les droits des communautés forestières et leur prise en compte dans la planification et la gestion des forêts est la cartographie participative ».

B. Enjeux de la cartographie participative en RDC

L'idée de la cartographie participative en RDC est née à partir du Processus de planification de terre et le plan de zonage issu de l'adoption du code forestier de 2002 qui apporte des changements dans la gestion des forêts congolaises. Vu les enjeux autour de la gestion des forêts de la RDC, particulièrement les processus de zonage et de conversion des titres forestiers, avant le zonage, le RRN a trouvé qu'il était opportun de faire participer les communautés locales et peuples autochtones vivant dans et de ces forêts à ce processus, à travers l'élaboration des cartes de leurs espaces coutumiers et des espaces d'utilisation des ressources naturelles qu'ils tirent de ces forêts. Cette technique pourrait constituer « un remède pour contrer le zonage » test déjà fait sur base des images satellitaires, c'est-à-dire prises à partir des avions. De telles images n'avaient pas réussi à faire apparaître sur les cartes des villages ou encore des habitations isolées situées sous le feuillage des arbres. La conversion des titres précédent le zonage apparaissait aux yeux du RRN comme un zonage imposé. De ce fait, la cartographie

60 Il faut noter ici que les structures et l'organisation sont diverses, entre régions et aussi entre peuples. Le fait qu'un système de gestion coutumier est plus ou moins reconnu localement ne signifie pas qu'il est le seul système qui est valable. Souvent, il y a plusieurs types et niveaux de droits qui s'appliquent à la même superficie de la forêt)

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participative s'avérait comme une arme appropriée au service des communautés locales, pour fixer la situation de leurs espaces vitales et celles de production sur papier, avant ou pendant une allocation forestière.

Selon la loi, l'Etat aurait dû élaborer un plan de zonage61 pour délimiter les concessions forestières, les espaces de production des populations et ceux destinés à l'érection des nouvelles aires protégées. Est apparu comme un zonage de fait, à sens unique, et concentré sur l'exploitation industrielle du bois sans implication effective des communautés locales.

Le code prévoit62 par ailleurs l'augmentation des forêts classées à la hauteur de 15% de la superficie totale du territoire national au lieu de 9%. La cartographie participative est, à cet égard une méthodologie qui permettra aux communautés locales de protéger leurs espaces de champs, d'habitation, de rituel, de chasse, de pêche, etc. susceptibles d'être affectées par le processus de mise en oeuvre du code forestier.

C. Importance et utilité des cartes communautaires

Les cartes d'utilisation des ressources des communautés forestières ont une importance capitale dans les activités des différentes associations de promotion et de protection des droits des communautés.

Elles déterminent :

- les zones d'activités des communautés locales affectées par l'exploitation forestière, minière et pétrolière (champs, pêche, chasse, cueillette etc.) ;

- les sites des villages délocalisés suite au classement d'une forêt ou d'une exploitation industrielle des minerais, etc. ;

- les cours d'eau affectés par la pollution.

Les cartes communautaires seront utilisées, il a déjà été dit, dans le lobbying visant le respect des droits des communautés pour une paix dans le secteur forestier.

De ce fait les carte:

1. doivent constituer un élément important du dossier de demande de la forêt communautaire ;

2. les cartes feront partie des documents utiles à l'élaboration du plan d'aménagement et de gestion des forêts communautaires ;

61 C'est un plan qui décide sur la vocation prioritaire à donner à chaque espace forestier. Il s'agit de traduire sur carte, à titre indicatif, à l'échelle nationale ou provinciale, les trois catégories des forêts créées par le code( forêt classée, protégée et de production permanente).

62 Article 14 du code forestier

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3. préviendront les conflits avec les voisins concernant les limites de la forêt communautaire ;

4. constituent la base de défense des droits des communautés locales contre le débordement des exploitants et des gestionnaires des aires protégées.

Elément essentiel du plaidoyer des droits des communautés forestières, les cartes communautaires constituent les preuves de l'exercice des certains droits coutumier et délimitent l'étendue des droits des populations et des éventuels prétendants. Les Baka et les Bagyeli avaient réussi, avec la carte d'utilisation de leurs ressources produite avec le concours de CED, à avoir la reconnaissance de leur droit d'usage dans le parc national de Djah

D. Objectifs d'une carte communautaire

Une carte communautaire a pour objectif principal de permettre aux intervenants dans le secteur forestier, de connaître les espaces de production des communautés pour empêcher une éventuelle dépossession par les exploitants forestiers et le gouvernement (concessions forestières, parcs nationaux,...) ; de permettre aussi aux communautés de montrer leurs droits sur la forêt. Enfin, une carte communautaire permet à la communauté concernée de bien cerner les parties ou le contenu d'une carte.

Une carte doit comporter les mentions suivantes:

- un titre qui indique l'objectif essentiel de la carte. C'est pourquoi les cartes produites par les laboratoires du RRN portent le titre comme par exemple « Carte d'utilisation des ressources forestières de la communautés... » ;

- une légende qui explique ou interprète les symboles utilisés. Lors du travail d'une carte communautaire, une attention particulière sera accordée aux activités des communautés superposées soit aux concessions forestières, soit aux aires protégées tels que la chasse, la cueillette, le champ agricole, les sources d'eau, etc. ;

- une date et les auteurs. Ces éléments sont importants parce que si beaucoup de jours passaient, la carte peut perdre sa valeur ; ne plus contenir les informations essentielles. Les symboles peuvent ne plus correspondre aux repères physiques ;

- une échelle. Celle-ci est le rapport entre la distance sur la carte et la distance réelle. Pour dessiner une carte de façon pratique, il faut diviser la longueur de l'espace à utiliser sur le papier par la distance réelle sur le terrain et trouver

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l'échelle. En réalité, on ne peut déterminer facilement avec précision la distance entre deux points sur le terrain. Pour y parvenir, il faut utiliser un GPS63.

§3. Acteurs et cibles de la cartographie participative

A. Acteurs de la cartographie participative du RRN

Les activités de cartographie participative du RRN connaissent la participation des acteurs ci-après.

1. Les facilitateurs

Ils sont tous des activistes des droits de l'homme venus des associations membres du RRN. Ils ont appris les techniques qui aident les communautés à dresser leur carte et la manipulation et l'utilisation du GPS à travers les différentes formations des facilitateurs organisées, soit par la coordination au niveau national, soit par les points focaux au niveau provincial. Ce sont eux qui, lors des ateliers communautaires de cartographie, apprennent le GPS aux membres de la communautés désignés pour le prélèvement des waypoints64 représentant les différentes utilisation des ressources, après avoir expliqué les enjeux et le processus de mise en oeuvre du code forestier et le danger qui guette les communautés, si elles ne possèdent pas une « preuve » de leur occupation et des leurs activités.

2. Les techniciens de laboratoire

Avant d'être techniciens, ils sont d'abord facilitateurs ; mais ils sont à l'aise avec les logiciels de cartographie tels que Arcview, Mapsource et GPS Utility pour traiter les données prélevées lors des descentes dans la forêt afin de produire les cartes géo - référencées ;

3. Les cartographes locaux

Ils sont tous membres de la communauté intéressée et sont désignés par elle sur base de la connaissance des zones importantes que la communauté tient à voir figurées sur leur carte, telles que les zones de chasse, les sites sacrés, etc.

Ils apprennent des facilitateurs comment utiliser le GPS pour prélever les données eux-mêmes. Ceci constitue une stratégie conduisant les communautés à s'approprier le travail, et par la suite, la carte.

63 Global Positionning System. C'est un petit appareil portable permettant, en ce qui concerne le travail de cartographie du RRN, de localiser un point par rapport à l'Equateur, au méridien d'origine, à la mer. Bref, donner avec précision sa latitude, sa longitude et son altitude.

64 Le cartographe local et le facilitateur iront sur chaque élément représenté sur la carte faite à la main pour le localiser ce point avec le GPS afin que celui-ci puisse se projette avec précision sur la carte de base lors du travail en laboratoire.

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B) Cibles de la cartographie participative

La cartographie participative doit avoir comme cible :

1. Les communautés situées à l'intérieur ou aux cotés des concessions forestières.

Par celles-ci, il s'agit des communautés locales ou les populations autochtones pygmées qui redoutent que leurs droits soient coincés par une exploitation industrielle du bois. Ceci dit, il faut bien cibler la communauté qui a besoin de la carte. La doit venir résoudre un problème.

2. Les communautés se trouvant dans ou à la lisière des aires protégées.

Ici aussi, il peut s'agir des communautés locales ou des populations pygmées se trouvant lésées par la conservation de la nature. Elles ont été chassées de l'aire protégée ou avaient des activités dans une forêt classées. Une carte montrant cette situation servira de preuve des différents droits coutumiers qu'ont les communautés sur l'aire protégée. Une fois leurs droits confirmés, ces communautés peuvent se voir, soit indemnisées, soit participer dans sa gestion ou exercer leurs droits d'usage sans condition.

3. La présence des populations autochtones pygmées.

La population pygmée de la RDC compte parmi les plus démunies des populations pauvres du monde. Les pygmées sont tributaires de la forêt pour leur alimentation, leur revenu, leur énergie, leur logement, leurs médicaments et leurs besoins culturels. Ce dénouement pourrait être le fait qu'elles ont été, généralement, chassées de leurs milieux naturels pour se retrouver aujourd'hui en train d'errer sur les terres d'autrui. La carte servira dans le plaidoyer visant amener ces communautés sur leurs terres d'origine.

De ce qui précède, il ressort que le RRN ne fait pas la carte en choisissant le site à cartographier au hasard. La carte coûte cher. Elle a pour objectif de résoudre un problème lié à l'exploitation des ressources naturelles. Ce qui amène le RRN à examiner munitieusement le caractère « chaud65 » du site concerné.

65 L'approche participative de cartographie qualifie de « zone chaude » un site où les communautés sont confrontées à un problème sérieux d'accès aux ressources forestières grâce à l'exploitation industrielle ou à la conservation. La présence des pygmées sans terres peut aussi constituer une zone chaude.

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Section 2. EXPERIENCES DE LA CARTOGRAPHIE PARTICIPATIVE DANS LA DEFENSE DES DROITS DES COMMUNAUTÉS FORESTIÈRES : ETUDE DE CAS

Le RRN a déjà une expérience suffisante en matière de cartographie. Les laboratoires des différentes provinces ont déjà produit une quarantaine de cartes communautaires ; d'autres sont en cours de production. Pour faire une bonne cartographie participative, il existe un schéma général de l'approche à suivre (§1). Pour des raisons d'efficacité, seront analysés deux cas de cartographie participative dans la promotion des droits des communautés à l'occasion de la conservation (§2) et de l'exploitation (§3) des forêts par des compagnies forestières.

§1. Procédure de l'approche participative de la cartographie

Les activités de la cartographie participative du RRN en RDC suivent le schéma ci-

après :

1. L'identification des zones chaudes

Cette activité consiste à cibler, dans une réunions, les communautés dont la jouissance de leurs droits est restreinte par la présence des concessions forestières, minières et des aires protégés. Elle peut aussi cibler présences des populations autochtones sans terres ou chassées de leurs terres. Il est important de bien identifier les sites avant de réaliser la cartographie participative, car elle a pour finalité de résoudre un problème communautaire.

2. Les missions de prospection

Lors de cette mission, les facilitateurs se rendent sur le terrain pour s'enquérir du « caractère chaud » du terroir ciblé et aussi de préparer, d'annoncer et d'étudier la faisabilité de la prochaine mission de cartographie.

3. Les missions de cartographie proprement dites

Les activités principales suivantes sont à répertorier lors de la mission de la cartographie participative:

- les ateliers de formation des cartographes locaux ou « atelier communautaire » au cours desquels les cartographes locaux apprendront principalement les enjeux forestiers du moment et la manipulation du GPS, et dessineront les esquisses qui orienteront les équipes lors de prélèvement des données. Cette formation impliquera toutes les communautés du milieu ainsi que les autorités politico -

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administratives. Les facilitateurs formateurs doivent maîtriser les techniques de résolution pacifique des conflits.

- Le prélèvement des waypoints66. Cette opération sera conduite par les cartographes locaux qui, accompagnés par les facilitateurs, iront dans la forêt et partout où la communauté a des activités pour prélever ces points afin qu'ils apparaissent sur la carte.

4. Travail de laboratoire

Le technicien labo va se servir des esquisses produites par les membres de la communauté et des carnets des bords contenant tous les waypoints prélevés, leurs numéros et les noms des lieux qu'ils représentent suivis des observations. Avec cette technique, le laboratoire produira une carte qui ne sera pas contestée par la communauté lors de la validation.

5. Validation de la carte

L'approche de la cartographie du RRN veut qu'immédiatement après la production par le laboratoire de la première carte, celle-ci soit amenée devant la communauté concernée pour qu'elle y reçoive quelques correctifs et observations. Ce n'est qu'après cette étape, que la carte finale peut éditée.

6. Sensibilisations des autorités politico - administratives

Cette étape consiste à sensibiliser et faire le plaidoyer aux près des autorités pour remettre la communauté concernée par la carte dans ses droits.

La cartographie participative doit être considérée comme un processus dont il faut respecter les étapes vues ci haut. La mission placera au premier plan les droits des communautés qui sont superposés aux concessions ou aux aires protégées (chasse, pêche, cueillette, habitation, etc.). Ces droits doivent être exercés par les communautés conformément à la législation en vigueur. Comme il a été démontré dans le chapitre précédent, les instruments juridiques internationaux et nationaux reconnaissent notamment les droits d'usage, de jouissance et d'être consulté qui doivent être respectés par tous.

66 Les waypoints sont des données géographiques récoltées avec le GPS

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§2. La cartographie face à la conservation des forêts: cas de la cartographie faite dans le massif forestier d'Itombwe dans la province du Sud-Kivu

A) Bref aperçu sur la conservation en RDC.

Les forêts de la RDC sont conservées aujourd'hui à travers soixante aires protégées dont sept parcs nationaux couvrant 18,5 millions d'hectares, soit 9% de la RDC. Beaucoup d'elles ne sont protégées que sur papier67. La Banque Mondiale reconnaît d'ailleurs que les zones protégées existantes sont inadéquates : « le réseau actuel des aires protégées, comportant seulement 7 parcs nationaux et 57 réserves naturelles et de chasse, est insuffisant pour préserver la biodiversité de la RDC (...) 68».

En conséquence, le code forestier stipule qu'au moins 15% du territoire national (soit 35 millions d'hectares) doivent être protégés69. Cela représente une augmentation de 16,5 millions d'hectares par rapport au chiffre actuel. Du point de vue de la protection de la biodiversité, il s'agit d'un objectif ambitieux et nécessaire.

Cependant, quelle sera la situation des communautés locales et populations autochtones vivant dans et autour de ces forêts lors de cette « augmentation » alors que leur situation actuelle n'est pas bonne. La plupart des projets de conservation ne respectent pas les droits des communautés70. L'attachement des populations autochtones aux ressources forestières comme base de leur alimentation et de leur culture obligera le conservateur de tenir compte de ces populations dans le plan d'aménagement de l'aire protégée.

Dans le but d'augmenter les aires protégées, le massif forestier d'Itombwe a été proposé par ICCN après les études menées par WWF et WCS. Le RRN était négativement marqué de la façon dont l'opération s'est déroulée. La population n'ayant pas été valablement consultée, les études faites sur le terrain n'ont pas montré valablement la situation des populations dans le massif. Ces études se sont intéressées aux ressources végétales et animales. C'est dans souci de protéger la population contre le danger lié au projet de classement du massif d'Itombwe que le RRN orienta la cartographie participative à Itombwe.

67 Greenpeace, Au-delà de parcs sur papier et des forêts vides dans Le pillage des forêts du Congo, Amsterdam, Greenpeace/Reynaers, 2007, p.64

68 Banque Mondiale (2006 e) 126

69 Article 14 du code forestier

70 www.forestpeoples.org consulté le 23 janvier 2009

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B. De la cartographie participative à Itombwe

Organisé par le point focal du RRN Sud Kivu et AFRICAPACITY PROJECT71, 8 facilitateurs ont été envoyés, du 29 août 2006 au 11 septembre 2006, aider les communautés habitant ce massif forestier à produire une carte de leur utilisation des ressources forestières.

Itombwe est une collectivité du territoire de Mwenga. Elle est traversée par la chaine de montagnes « Mitumba », qui occupe la grande partie de la forêt appelée aujourd'hui : massif d'Itombwe72. Ce massif est composé de deux parties, la partie forestière occupée généralement par les agriculteurs et les chasseurs et la partie savane, par les peuples pasteurs et agriculteurs.

La mission est intervenue juste après les recherches faites par WWF et WCS visant à classer ce massif forestier riche en faune et en flore. Processus plein des contradictions et sans implication des communautés. Le RRN avait le but de sécuriser les communautés afin de ne plus vivre le scénario de triste mémoire lors de l'extension du PNKB où des milliers des pygmées avaient été chassés de leurs terres, sans condition ni indemnisation. Le travail sur le terrain a amené les 8 facilitateurs à se repartir en 4 axe (Kitopo, Ngomiano, Kitopo-Miki et Lubumba-Magunda) dans lesquels les réunions de mise en confiance ont précédé les formations des cartographes locaux, suivies des productions des esquisses des cartes et des prélèvements des données GPS. Enfin, les esquisses produites ont connu la participation de toutes les communautés qui vivent dans ce milieu ; à savoir, les babembe, les banyamulenge, les bafuliru, les banyindu et les batwa (pygmées).

20 cartographes locaux ont été formés. La formation a porté sur les matières suivantes :

? les réformes forestières telles que contenues dans le nouveau code forestier ;

? des notions introductives sur la cartographie participative ;

? la différence entre réserve et parc ;

? la production des esquisses des cartes par les communautés ;

? la manipulation, l'utilisation du GPS et les exercices pratiques suivis des prélèvements des waypoints.

Ce travail a été suivi par celui du laboratoire à l'issu de laquelle la carte était sortie en 2007. L'arrêté classant le massif en réserve naturelle intégrale a été pris la même année.

71 AFRICAPACITY PROJECT est un projet de Rainforest Foundation basé au Sud Kivu visant à renforcer les associations autochtones et ceux accompagnant les pygmées en RDC

72 RRN/S-K et AFRICAPACITY PROJECT, Rapport de mission de la cartographie participative effectuée à Itombwe, septembre 2006.

73 Greenpeace, Op cit, p. 3

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Le RRN n'est pas contre le classement d'Itombwe mais déplore la procédure entreprise par l'ICCN et ses partenaires qui n'ont pas tenu compte des aspirations des communautés, en proposant une forme (réserve naturelle intégrale) qui ne garantit pas la présence des activités traditionnelles alors que les communautés ont proposé une forme qui permet l'exercice de leurs droits traditionnels.

Etant donné que l'arrêté n'a pas traduit le consentement des populations locales, le RRN par l'entremise de sa Coordination Nationale, carte à la main avec les informations qui l'accompagnent, continue le plaidoyer pour contraindre le Ministère de l'environnement, eaux et forêts à modifier cet arrêté qui, jusqu'aujourd'hui, n'est pas encore appliqué à cause de la résistance des communautés qui craignent d'être expulsées. Aujourd'hui, la procédure reste pendante et l'arrêté attaqué n'a pas encore commencé à produire ses effets.

§3. La cartographie face à l'exploitation des forêts : cas de la cartographie territoriale d'Inongo dans la province de Bandundu

A. La situation actuelle de l'exploitation forestière en RDC

Les forêts tropicales de la RDC sont convoitées par les grandes firmes d'exploitation du bois, à cause de la diversité biologique qu'elles regorgent. En mai 2002, la Banque Mondiale a convaincu le Gouvernement de la Transition de la RDC, de suspendre l'octroi de nouvelles allocations forestières, ainsi que le renouvellement ou l'extension des titres existants. Ce moratoire faisait suite à un contrôle fiscal des permis forestiers, réalisé à l'instigation de la Banque Mondiale et qui a donné lieu à l'annulation de 163 titres non- conformes couvrant 25,5 millions d'hectares de forêt tropicale humide73. La plupart de ces titres étaient situés dans les aires où l'exploitation industrielle de la forêt n'était pas en cours.

Alors que peu de nouvelles zones forestières ont été protégées depuis l'instauration du moratoire en 2002, en date d'avril 2006, les membres du Gouvernement de Transition de la RDC avaient déjà signé 107 nouveaux contrats avec les sociétés forestières, couvrant plus de 15 millions d'hectares de forêts. Certains de ces contrats ont été octroyés sous le couvert de redéfinition, d'échange, d'ajustement et de relocalisation d'anciens titres, tandis que d'autres ont concerné des titres complètement nouveaux.

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Dans un contexte de corruption et de mauvaise gouvernance, les tentatives de la Banque mondiale pour reformer le secteur forestier n'ont donc pour l'instant pas réussi à juguler l'expansion de l'exploitation forestière en RDC. La dernière tentative, dans ce sens, est la soi- disante révision de la légalité des titres existants en RDC ; 156 permis forestiers, couvrant 21 millions d'hectares de forêt tropicale humide, ont été concernés. Cette opération s'inscrit dans le cadre de l'application du décret 05/116 du 24 octobre 2005 relatif à la conversion des titres forestiers telle que prévue par le code forestier en son article 155. Les détenteurs des anciens titres forestiers avaient soumis des requêtes pour solliciter la conversion de ces titres en contrat de concession forestière. 156 titres ont été enregistrés au niveau du Ministère de l'Environnement, seulement 29 titres sur les 156 ont reçu un avis favorable après les travaux du Groupe Technique de travail.

Les populations locales des forêts ne vivent que des ressources forestières. Que deviennent leurs droits lorsque les forêts dont elles vivent sont concédées ? Les concessions forestières, au lieu d'amener le développement dans le milieu comme cela est prévu par la législation en vigueur, constituent « une bête noire » dans la vie des communautés. Il est vrai que celles-ci ont des droits d'usage sur la concession forestière dans la mesure où ceux-ci sont compatibles avec l'exploitation forestière, à l'exclusion de l'agriculture74. A part ces droits, les communautés locales ont aussi droit à la consultation, le cahier de charge, etc.

Les investigations sur le terrain ont montré qu'en échange de la possibilité d'extraire du bois valant des centaines des milliers des dollars, les sociétés forestières peuvent faire aux communautés des cadeaux75 de moindre valeur. Lorsque l'exploitation démarre, la fourniture des services négociés par la communauté, comme la construction d'écoles, dispensaires, réfection des routes devient difficile, voire inexistante. Ce qui a amené le RRN à considérer les concessions forestières comme « zones chaudes » afin que les droits des communautés soient « mis au clair » par la cartographie.

B. De la cartographie participative à Inongo

Qualifié d'expérience réussie76, cet exercice qui avait commencé sur des espaces réduits vient d'être expérimenté sur les grands espaces. Le territoire d'Inongo au

74 Article 44 du code forestier

75 Lors de la mission de cartographie territoriale à Inongo, nous avons vu des représentants des communautés recevoir des sacs de sel, des savons, des bouteilles de bière, des paquets des cigarettes de la part de l'exploitant qui avait, lors de la conclusion du cahier de charge, promis de construire une école primaire et un dispensaire au profit de la communauté locale.

76 ERND Planète, Feuillet d'Informations et de sensibilisation sur la Gestion de l'Environnement, la Préservation de la Biodiversité, les Droits de peuples autochtones et la Bonne Gouvernance des Ressources Naturelles. N° 025 /2008, deuxième année, juin 2008, produit par ERND Institute, Point Focal du RRN dans la Province du Sud-Kuvu.

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Bandundu a été choisi parce qu'il présente des intérêts et enjeux très particuliers par rapport à l'approche de la cartographie participative que l'on peut résumer en ces termes :

- la présence de grandes étendues forestières ;

- la présence de plusieurs exploitants forestiers industriels ;

- le fait que ce territoire est concerné par le processus de conversion des anciens titres forestiers en cours soit à lui seul, 13 concessions sur les 156 déclarées officiellement sur toute l'étendue nationale ;

- l'existence de plusieurs ressources pétrolières, minières (fer) et hydrographiques ; - l'existence de l'aire protégée hébergeant l'espèce de primate rare « les Bonobo » ; - l'existence de communautés locales et peuples autochtones exerçant leurs activités vitales dans ou aux alentours des concessions forestières ;

- l'ignorance par les communautés forestières de ce territoire de leurs droits garantis par le code forestier ;

- l'absence au sein des communautés locales et peuples autochtones d'une stratégie commune et efficace de défense de leurs différents droits sur les ressources naturelles ;

Cette cartographie participative, sur une grande étendue territoriale, vient d'être réalisée par les communautés locales et autochtones et pygmées d'Inongo, accompagnées par les facilitateurs du RRN. La préoccupation du RRN est de voir le processus de zonage impliquer effectivement les communautés locales et peuples autochtones de la RDC. Ceux-ci ont déjà commencé à produire les cartes reprenant leurs espaces coutumiers sur la forêt, mais aussi les espaces d'utilisation des ressources des forêts dont ils vivent. Les décideurs politiques devront donc tenir compte de ces cartes communautaires dans le processus de planification forestière et du zonage national à faire.

La mission de cartographie participative réalisée à Inongo a permis à l'équipe du RRN composée des facilitateurs et experts en SIG, de récolter les données géographiques et socio-économiques qui ont enrichi l'exposé du Conseiller en matière forestière du RRN lors de la présentation de l'expérience de la société civile au cours de l'atelier national sur la planification forestière et le zonage forestier national de Kinshasa en mai 2008.

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Le draft de carte produit par les communautés locales et peuples autochtones des secteurs de Bolia et Basengele montre comment existe une superposition des espaces vitales et de production des communautés avec les concessions forestières d'une part et avec l'aire protégée d'autre part. La carte est ainsi appelée « draft » parce qu'elle n'a pas encore été validée par les communautés concernées. Néanmoins, elle commence déjà à produire des effets. Grâce à elle, nous assistons déjà à la reconnaissance timide des droits des communautés des communautés par les sociétés d'exploitation du bois de la place.

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