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Droit au respect de la vie privée des personnes et droit de l’information en Côte d’Ivoire.


par AKA MARCELLIN KOFFI
Université de Cocody Abidjan Cote d'Ivoire - Diplome d'Etudes Approfondies (DEA) en droit privé fondamental 2005
  

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Conclusion

Toute personne peut s'opposer à la divulgation de faits concernant sa vie privée. Chaque individu est maître des faits présentant un caractère intime .Il est libre d'en autoriser ou non la divulgation .Dans pratiquement toutes les hypothèses, les informations qui ressortent de la vie privée ont trait aux relations sexuelles, à l'état de santé, aux histoires de famille ,à la situation financière aux souvenirs personnels aux convictions politiques ou religieuses.

Cependant, la divulgation d'information intéressant ces domaines n'est pas toujours constitutive d'une atteinte, voire d'une opposition.

En fonction des situations ou des circonstances, droit à la vie privée et droit de l'information se dissocient ou s'associent.

Ainsi en dehors de leur rapport d'opposition, droit au respect de la vie privée et droit de l'information se complètent positivement. Ils entretiennent, de ce fait, un rapport d'association, de conciliation et partant de complémentarité (Chapitre II).

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1 J. Ravanas, op.cit., n°449, p.519.

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Droit au respect de la vie privée et droit de l'information en côte - d'ivoire.

DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE ET DROIT
DE L'INFORMATION : DEUX DROITS CONCILIABLES
OU COMPLEMENTAIRES.

Chapitre II :

L'activité journalistique est, comme toute autre, dans une société organisée, soumise au respect de la règle de droit. Loin de porter atteinte à la liberté, et notamment à la liberté de l'information, le droit en est, dans un système démocratique, comme le notre, soucieux du respect des droits et libertés de chacun. En l'espèce, le droit est soucieux du respect des droits de la personnalité en général et du droit à la vie privée en particulier. Dans cette perspective, il s'agit, pour la loi, de poser des principes et de définir les droits et obligations réciproques entre l'exercice de l'activité journalistique et le droit au respect de la vie privée des individus.

En effet, chaque personne dispose d'un droit exclusif sur sa vie privée. Celle-ci ne peut être portée à la connaissance d'autrui par voie de presse que si le détenteur ou le titulaire de ce droit en a donné l'autorisation. Toute chose qui paralyserait l'activité journalistique à bien des égards car la vie privée de certaines personnes souvent se mêlent avec l'actualité et mérite d'être traitée par la presse puis portée à la connaissance du public au nom du droit du public à l'information. Le droit positif vient d'intégrer ce phénomène et tente de le réguler pour établir un équilibre, une conciliation entre la liberté de l'information et partant la presse et le droit des personnes1 . En ce sens, certains détails de la vie privée peuvent être révélés par la presse. Et cela s'ils sont conforme à l'idéal journalistique qui n'est que la recherche de la vérité, le respect des individus et le bien-être de la communauté. Quelle attitude doit donc adopter celui qui prétend parler de ses contemporains, qui choisit de juger leurs actes ?

La marge de manoeuvre est étroite entre la liberté d'expression de la presse, telle que l'exige le droit du public à l'information et le droit de chacun au respect de

1 P. Auvret, droit des personnes, JCP, n°12, 23 mars 2005, p.551.

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sa vie privée. Il est vrai que la ligne de partage entre la vie privée et la vie publique est incertaine. Tout acte privé retentit sur la société alors que la presse est le reflet de la société. Aujourd'hui, il faut dire que il y a une médiatisation de la société. Cependant, la dignité humaine et partant la vie privée doit être préservée, respectée par le journaliste dans l'expression de sa liberté de l'information.

D'où la nécessaire conciliation entre les droits des individus concernés par l'actualité ou non et d'observer certaines règles communes de bienséance.

Droits de la personnalité et droit de l'information sont donc conciliables.

Le journaliste peut, par conséquent, s'immiscer dans la sphère d'intimité d'une personne sans forcément lui porter atteinte.

Ils s'enrichissent mutuellement ou sont complémentaires. C'est ainsi que pour une meilleure compréhension des manifestations de la conciliation entre droit au respect de la vie privée et droit de l'information, il convient de dire que devenus indissociables, dans leurs fonctions ambivalentes respectives, le droit à la vie privée engendre et renforce l'activité journalistique (Section I) tandis que le droit de l'information consolide et protège la vie privée des individus (Section II).

Section I- Les faits justificatifs de l'immixtion du journaliste dans la vie privée des personnes.

Selon la composition des différents textes régissant respectivement le droit de l'information et le droit au respect de la vie privée, ceux- ci peuvent se combiner, se concilier.

En effet, la liberté de l'information et le droit de chacun de savoir autorisent les journalistes à rapporter divers éléments inhérents à la vie des personnes surtout que la presse puise son fondement, son existence dans les faits de société. Et c'est l'ensemble des comportements des citoyens qui forment les événements sociaux, matière à spéculation de la presse.

Ainsi la vie des individus va de paire avec l'objet de la presse à savoir rechercher des faits qui pourraient avoir une influence sur la vie ou la marche de la communauté. Voilà pourquoi droit à la vie privée et droit de l'information se

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Droit au respect de la vie privée et droit de l'information en côte - d'ivoire.

complètent. Dès lors, comment leur coexistence ou conciliation se manifeste telle ?

Quels facteurs favorisent- ils la conciliation ?

En d'autres termes, la conciliation nécessite que certaines conditions ou circonstances soient réunies (Paragraphe I) mais que cela soit fait dans le respect des règles de l'éthique et de la déontologie de la profession des médias (Paragraphe II).

Paragraphe I- Les conditions de la diffusion de la vie privée d'une personne par le journaliste.

Les conditions de la diffusion d'un élément de la vie privée d'un individu à titre d'information sont de deux ordres. Certaines sont communes à toutes les personnes (A) tandis que d'autres sont liées à une catégorie de personnes (B).

A- Les conditions générales de la diffusion de la vie privée d'une personne par le journaliste.

Il s'agit de faits ou d'événements qui motivent l'exploitation de la vie privée d'un individu, du moins d'un de ses éléments.

Ils sont au nombre de quatre (4) que la doctrine et la jurisprudence retiennent.

L'un est traditionnel et individualiste : le consentement de la personne concernée (1) ; l'autre plus récent dans son ampleur et plus collectif : l'information légitime du public ou le droit du public à l'information (2).

A ces deux (2) critères précités, il faut ajouter, depuis peu, le caractère anodin de l'élément révélé (3) et la divulgation antérieure des faits1 (4).

Reprenons ces critères de façon successive, en les scrutant en confrontation avec le droit au respect de la vie privée des individus pour en ressortir leur rapport de conciliation.

1 J.P. Gridel, liberté de la presse et protection civile des droits modernes de la personnalité en droit positif français in Recueil Dalloz, 2005, n°6, pp.292 et s.

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Droit au respect de la vie privée et droit de l'information en côte - d'ivoire.

1) Le consentement de la personne concernée.

Ce n'est qu'après avoir analysé la notion qu'il recouvre c'est-à-dire sa nature juridique (a) que nous pourrons dégager son exacte portée sur la conciliation entre droit de l'information et droit au respect de la vie privée d'un individus (b).

a) La nature juridique du consentement

Le consentement n'est pas seulement l'accord de deux ou plusieurs volontés, nécessaire à la formation du contrat. Il est aussi, dans certains cas, une autorisation donnée à un tiers d'accomplir tel ou tel acte sans qu'il y ait pourtant naissance d'une obligation quelconque.

L'individu a, en particulier, la faculté, sous certaines réserves bien sûr, de permettre la diffusion de certains détails de sa vie intime. Il a notamment la possibilité d'autoriser de façon expresse ou tacite la révélation et la divulgation d'une scène de sa vie sécrète. Un tel comportement est généralement analysé comme une permission. Il autorise, en l'espèce, la publication d'un détail ou d'un élément de sa vie privée (par exemple sa vie sentimentale, son état de santé, etc....).

Ce qui signifie, dans un raisonnement à contrario et comme on le sait, qu'en son absence, ces opérations tombent sous le coup de la sanction juridique. Mais comment expliquer que le consentement rende conciliable ou licite la diffusion de la vie privée d'un citoyen ?

b) La portée du consentement dans la conciliation entre droit au respect de la vie privée et droit de l'information

Le consentement doit être effectif, c'est-à-dire donné de façon expresse. Tel est le cas bien entendu lorsque la personne autorise expressément la publication de ses attributs essentiels et distinctifs comme son image, son nom ou une relation amoureuse qu'elle entretient avec son amant(e) en dehors de sa vie conjugale.

En est-il de même lorsque le consentement est tacite ?

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La réponse à cette interrogation trouve son unique fondement, en ce cas, dans l'intérêt légitime de l'information publique.

Retenons, à ce stade de notre réflexion, qu'il n'y a pas de faute à révéler des faits relevant de la personnalité d'autrui si l'individu concerné a permis de les révéler1.

On se trouve, en effet, en présence d'un intérêt personnel à la protection duquel chacun peut renoncer. Le consentement prive la divulgation des droits intimes d'une personne de tout caractère illicite par ricochet. Et cela en application de la maxime romaine « volenti non fit injuria »2.

En effet, cet adage signifie que la personne dont la vie privée a été exploitée par les moyens de l' information ne peut se plaindre ou saisir le juge d'une éventuelle dénaturation, tout simplement d'une publication de sa vie privée à laquelle elle a, elle-même, consenti.

Nous pouvons également adapter à cette maxime romaine la règle du droit civil, en l'occurrence, « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans ». Ceci pour dire que nul ne peut se plaindre ou être entendu (par un juge) lorsqu'elle allègue sa propre turpitude.

Par contre, le consentement de certaines personnes, en particulier les tops modèles, dans les contrats portant sur la publication de leur image, connaît une interprétation stricte par la jurisprudence qui est d'ailleurs constante par une application du principe adage « exceptio est strictissimae interpretationis »3. Il en résulte que le consentement du top modèle et partant de tout autre personne ne doit pas être interprété extensivement.

La convention qui a pour objet la reproduction et la publication de son portrait, un détail de la vie privée est d'interprétation stricte.

Cette application de cet adage tombe sous le coup du bon sens, car on ne voit pas comment la personne, qui consent à l'exploitation de sa vie privée,

1 J P Gridel---- ,op . cit* , p 292 et s .

2 J. Ravanas, La protection des personnes contre la réalisation et la publication de leur image, LGDJ, Paris 1978, p.246.

3 J. Ravanas, p.95.

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accepterait, un mode d'altération de sa vie privée susceptible de compromettre le respect de sa personnalité. C'est la position du juge français depuis 1974-

En Côte d'Ivoire, le problème ne s'est pas encore posé. Mais s'il se posait au juge ivoirien, nous osons penser, au risque de nous tromper, qu'il analysera la question par une interprétation stricte du consentement donné par le top modèle ou tout autre personne. Toutefois, il est autonome et décide selon son intime conviction.

Nous sommes fascinés par la décision du juge français en ce sens que nous estimons que lorsqu'un individu consent à une simple publication d'un détail de sa vie privée comme l'effigie, il n'accepte pas, pour autant, sa reproduction ou sa diffusion dans des conditions particulières qui aboutiraient à dénaturer sa personnalité et partant sa vie privée.

Les contrats, que passent les top modèles, ont le plus souvent un objet particulier, telle la retransmission de leur image dans une séquence cinématographique, telle encore son utilisation à une fin commerciale. Il y a donc ici un intérêt supplémentaire à appliquer le principe de l'interprétation stricte du contrat ou du consentement.

Se posent seulement les questions relatives au contenu des confidences livrées, du respect par le journaliste, de l'esprit et des modalités de la publication ainsi permise. A ce niveau, la jurisprudence est constante.

Il doit avoir une adéquation, un lien direct avec les faits révélés et l'information diffusée. C'est dire que le journaliste, en dépit du consentement reçu ou du contrat, ne peut et ne doit publier ultra petita c'est-à-dire qu'il ne doit aller au-delà de ce qui lui a été consenti par l'intéressé.

Malheureusement, il est fréquent que le journaliste, co-contractant, invoque la convention pour utiliser, par exemple l'image de la personne représentée ou le détail de la vie privée obtenue de la personne dans un but sensiblement différent de celui auquel elle a consenti Nous retrouvons, de ce chef, les difficultés soulevées à l'occasion de l'interview d'une personne.

La jurisprudence décide que celui qui accepte d'être interviewé passe un contrat . ce contrat, comme elle le précise d'ailleurs, doit être interprété d'après les

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clauses expresses qu'il contient. La personne interviewée a donc la faculté de déterminer l'étendue de l'obligation qui pèsera sur elle : par de là la liberté qu'elle a de se soumettre ou non à une interview, elle peut poser les conditions de sa diffusion, publication ou retransmission.

Le réalisateur d'une émission télévisée ou radiodiffusée peut, de son côté, formuler certaines clauses précisant la manière dont l'interview sera utilisée. En cas de contentieux, il suffira pour le juge d'interpréter le contenu du contrat.

Malheureusement, les choses ne sont pas si simples car, dans la pratique, il n'intervient pas de contrat écrit entre la personne interviewée et le journaliste, mais simplement un accord verbal généralement peu explicite. La jurisprudence la plus récente reconnaît, en ce cas, au professionnel des médias « le droit d'utiliser librement les éléments sonores et virtuels recueillis et d'opérer parmi eux un choix », tout en précisant qu'une réserve s'impose cependant à lui : « celle de respecter les droits de la personnalité de celui dont le témoignage est utilisé, qui ne saurait, en aucun cas, être présumé y avoir renoncé1.

Ce qui nous parait premier, c'est le respect de la personnalité de celui qui est interviewé et non la liberté du journaliste.

Les juges, à défaut de stipulations précises, doivent d'abord être soucieux de protéger les intérêts moraux de la personne dont la vie privée a été publiée et non la liberté du professionnel des médias, qui, si nous pouvons nous exprimer ainsi, n'est qu'une liberté seconde, conditionnée par un accord de volontés. En tout état de cause, le fardeau de la preuve pèse sur le journaliste selon la jurisprudence2.

Il faut donc en conclure que le consentement permet de réussir à concilier droit au respect de la vie privée et droit de l'information .Tous les systèmes de droit, remarque M. Stroïnholm, admettent que « le consentement prive les ingérences dans la vie privée de leur caractère illicite »3. Cependant, le seul fait de publier, par

1 J. Ravanas, op.cit., p.96.

2 Trib. Gr. Inst. Paris, Référés, 22 mars 1973, Martineau c/ Arris et autres, JCP. 1973. II. 17416, Observations Raymond Lindon, et au principal Trib. Gr. Inst. Paris, 1ère ch. 1ère session, 10 juillet 1974, précit. in J. Ravanas, op.cit, p.96.

3 Le droit à la vie privée et ses limitations. Rapport général (section IV. C.I) pour le IXe Congrès International de Droit comparé, Téhéran, 31 août - 7 septembre 1974, p.54 in J. Ravanas, op.cit, p.247.

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Droit au respect de la vie privée et droit de l'information en côte - d'ivoire.

exemple, la vie privée d'une personne, même connue du grand public, sans son consentement, au moins tacite, peut être considéré comme constitutif d'une faute1, donc répréhensible, sanctionnable.

Que dire de l'information légitime du public ?

2) L'information légitime du public .

Que pouvons-nous entendre concrètement par là ?

Le droit à la vie privée comprend trois (3) composantes. Le droit au respect de la vie privée proprement dit, le droit à l'image et le droit à la présomption d'innocence. Par exemple, la vie cachée d'une personne sera diffusé par voie de presse, malgré l'absence de consentement de la personne concernée, et même contre son consentement si elle est en liaison suffisamment étroite avec l'intérêt général2.

L'information légitime du public ou le droit de l'information est devenu un principe général de droit, voire un droit supérieur, dans certaines mesures, à cause du droit du public à l'information. En effet, avant l'on disait que la réussite était au bout de l'effort.

Aujourd'hui, compte tenu de l'importance de l'information dans notre société dite moderne, il serait plus intéressant de dire et plus correcte selon nous que la réussite ou le succès est au bout de l'information car comme le dit la Sainte Bible « le peuple de Dieu périt faute de connaissance »3 de même le citoyen se meurt faute d'information

Ce qui lui permet d'entrer dans l'univers des droits de la personnalité de façon générale et du droit au respect de la vie privée de façon particulière sans pourtant leur porter atteinte nécessairement.

1 J. Ravanas, op.cit, p.95.

2 J.P. Gridel, op.cit, p.392.

3 La Sainte Bible, Le livre du prophète Osée, Chapitre 4 versets 6.

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En conséquence, l'information légitime du public et le droit du public à l'information se concilient avec le droit a u respect de la vie privée qui leur servent de support.

Vérifions-le à travers les trois (3) composantes du droit au respect de la vie privée en dépit de l'autonomie aujourd'hui affirmée du droit à l'image.

a) Droit au respect de la vie privée proprement dit et droit de l'information.

L'intérêt public justifie la diffusion d'informations, même de nature privée. Des tribunaux recherchent toujours l'existence d'un lien logique entre le fait privé rapporté et l'intérêt du public à une telle information.

L'intérêt public, social ou général est présumé chaque fois que l'information divulguée est obtenue dans des lieux et documents publics.

Mais qu'est-ce qu'un lieu public ?

Un lieu public, en effet, est un lieu qui est ouvert à la circulation publique, un endroit où tout citoyen a accès sans autorisation préalable d'y pénétrer.

Les lieux dits publics sont, par exemple, la rue, les jardins publics, les marchés, les gares routières, ferroviaires, aéroportuaires, les établissements d'enseignement, et même, lieux privés mais ouverts au public.

En outre, on conçoit que la notion de lieu public, en dehors de son rattachement à la vie publique, comporte tous les moments où une personne se trouve dans un lieu public c'est-à-dire dès lors qu'elle serait placée hors de sa sphère d'intimité qui est un lieu privé ou une propriété privée.

Le lieu public, en somme et à l'inverse du lieu privé, est celui qui est régulièrement accessible à tous, sans autorisation de quiconque.

Toutefois, nous ne pouvons définir le lieu public sans faire cas du lieu privé en ce sens que c'est par opposition au lieu public qu'il faut définir le lieu privé.

Pour qu'un lieu ait un caractère privé, il suffit qu'il ne soit pas ouvert à toute personne sauf sur autorisation de celui qui l'occupe d'une manière permanente ou temporaire.

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Est donc un lieu privé, au sens de l'article 384 du code pénal, les domiciles et leurs dépendances.

A cela pourraient s'ajouter, par exemple, la partie d'une pharmacie où le public n'est pas admis et la partie de cette pharmacie où le public est admis, en dehors des heures d'ouverture. A ce caractère, la cantine où le ouvriers d'une usine prennent leur repas, un foyer de jeunes travailleurs, un magasin où un commerçant a des conversations téléphoniques ayant pour objet l'intimité de la vie privée.

Egalement, un lieu, public par nature, peut donc devenir un lieu privé par l'utilisation qui en est faite. Est aussi un lieu privé la cour d'une prison, son accès étant subordonné à une autorisation, le bureau d'un employeur1.

N'est pas, à l'inverse, un lieu privé une plage accessible à tous les estivants.

Il ne serait donc inexact, voire erroné de définir le lieu privé comme tout endroit clos, inaccessible aux regards de l'extérieur, et où l'entrée dépend de l'autorisation donnée par celui-là seul qui a la propriété, l'utilisation ou la jouissance, à un cercle déterminé.

Après avoir fait la distinction entre lieu public et lieu privé, il convient de revenir pour dire que le lieu public ou l'intérêt public enlève au fait concernant la vie privée son caractère intime, sacré.

Dans cette optique, les juges et la doctrine estiment que la divulgation d'une nouvelle, même si elle est préjudiciable à la réputation d'autrui, est licite pour peu que les informations soient vraies et que sa diffusion correspondre à une utilité sociale.

En effet, conformément à la jurisprudence allemande, l'intérêt public concilie la presse avec les droits de la personnalité et partant le droit au respect de la vie privée. Cela transparaît dans le code de déontologie du conseil allemand de la presse qui énonce dans son principe n°8 que « la presse respecte la vie privée et l'intimité de l'être humain. Cependant si le comportement en privé d'une personne affecte les intérêts publics, il peut être évoqué dans la presse »2.

1 P. Kayser, La protection de la vie privée, op.cit, pp.284 et s.

2 Anonyme, vie privée, droits de la personnalité, www.senat.fr.

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Par ailleurs, l'information se trouvant dans des dossiers ou documents publics permet de concilier les droits de la personnalité avec le droit de l'information. Ainsi si une information provient d'un document public (acte de naissance, rapport de police, mémoire, thèse...), les journalistes ne peuvent être poursuivis pour l'avoir rapportée. Peu importe que les personnes concernées aient été embarrassées par la publication de telles informations. Par exemple, en 1989, la Cour Suprême des Etats-Unis a jugé qu'un journal ne pouvait être poursuivi, pour avoir révélé le nom de la victime d'un viol obtenu dans un rapport de police, même si, en l'espèce, ce nom apparaissait par erreur dans le document1.

Il convient de dire, cependant, qu'en cas de conflit entre le droit au respect de la vie privée et la liberté de la presse, deux droits jouissant d'une protection constitutionnelle, la jurisprudence se refuse à donner la priorité à l'un ou à l'autre. Elle apprécie chaque situation de litige séparément selon l'intérêt en jeu.

De façon générale, elle est réticente à limiter la liberté d'expression propre au journaliste et qui consiste non seulement à diffuser des informations sur la société nationale et internationale, sur la vie publique ou privée des individus mais aussi à les commenter. Dans tous les cas, l'un ou l'autre primera selon que l'intérêt qu'il s'agira de sauvegarder ou de protéger est supérieur à l'autre et vis versa.

En revanche, la position des tribunaux est sans ambiguïté eu égard à certains faits spéciaux. En effet, ils condamnent sans hésitation la publication d'informations relatives à des faits qui se sont produits dans l'enceinte d'un domicile ou d'une maison, ainsi que la révélation d'informations initialement transmises par pli cacheté.

Il en est de même de la publication ou la révélation de contenu de lettres, mémoires ou autres écrits personnels de caractère intime, d'informations portant sur la sexualité ou la vie au foyer, les revenus, les antécédents criminels, les traitements médicaux.

En définitive, le droit au respect de la vie privée et le droit de l'information vont de paire lorsque l'information donnée sur la vie privée d'une personne concerne légitimement le public. A défaut, point de conciliation et alors conflit ou opposition.

1 Idem.

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Au regard des développements ci-dessus, le droit à la vie privée et le droit de l'information peuvent coexister harmonieusement .La révélation de faits intimes doit poursuivre un but utile d'information. Vérifions ce travail avec une autre composante du droit au respect de la vie privée à savoir le droit à l'image qui a beaucoup d'interférences avec la vie privée proprement dite et qui lui est même incorporé.

b) Droit à l'image et droit de l'information.

L'image est un attribut essentiel de la personnalité. Elle est aussi un élément ou une composante de la vie privée. Le droit à l'image se définit comme étant le droit exclusif que toute personne a sur son portrait, son physique. C'est aussi le droit de toute personne sur la réalisation, la reproduction ou la publication de son effigie sous forme de dessins, de photos, de films ou de sculptures1. Il suit de là que toute personne est en droit d'interdire la prise et la reproduction de ses traits physiques2.

C'est là le sens du principe en la matière. Lequel principe stipule l'interdiction de photographier et a fortiori de publier la photographie d'une personne sans son autorisation3. Le corollaire de ce principe est que « chaque personne dispose d'un droit exclusif sur son image et peut de manière discrétionnaire en autoriser la reproduction ou la photographie »4. En conséquence, sans le consentement, la photographie d'un individu s'avère quasi impossible. Mais un constat s'impose, de nos jours, avec l'utilisation abondante de l'image d'autrui dans la presse.

A la télévision, sur les quotidiens ou écrits périodiques, magasines, sur Internet, l'image nous envahit. Qu'est-ce qui motive cela ?

La réponse émane de la doctrine journalistique qui elle-même s'interroge en ces termes : que serait l'information sans image ?

1 A. M. Assi-Esso, précis de droit civil ivoirien, Les personnes-la famille, LIDJ, 2e édition 2002, p.53.

2 Paris 14 mai 1975, D. 1976, 291, note Lindon, et, sur pourvoir, liv., 2e, 17 mars 1977. D. 1977, IR 316.

3 B. Hess-Fallon et A.M. Simon, aide-mémoire, droit civil, 5e édition Sirey, 1999, p.61.

4 J. Mazars, La liberté d'expression, la loi et le juge, source : www.telerama.fr.

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Droit au respect de la vie privée et droit de l'information en côte - d'ivoire.

Cette interrogation montre combien de fois l'image est un élément incontournable, indispensable dans la transmission de l'information.

En effet, une émission à la radio n'intéresse pas trop le public. Par contre, une autre à la télévision attire beaucoup de monde devant leur petit écran. La différence est donc nette.

De même, un journal ou un magazine sans image serait difficile à intéresser ou attirer le lecteur ou le public.

D'où la nécessité de l'immixtion du journaliste dans la sphère d'intimité des personnes, singulièrement le cas de l'image.

Mais la question fondamentale surgissant est celle de savoir si le journaliste avant la publication de l'image d'autrui obtient de celui-ci nécessairement ou obligatoirement son consentement ?

Nous répondons par la négative dans la mesure où le droit positif, par dérogation au principe de l'interdiction de publier l'image d'autrui sans son autorisation, considère que s'agissant de l'intérêt général c'est-à-dire de l'information légitime du public ou du droit du public à l'information et de groupes de personnes dans un lieu public ou de scènes de rue, il n'est pas nécessaire d'obtenir le consentement des personnes photographiées pour la publication de leur image.

Autrement dit, le principe de l'autorisation préalable connaît des exceptions, lesquelles exceptions sont très limitées conciliant ainsi droit à l'image et partant droit à la vie privée et droit de l'information.

Deux exceptions retiennent notre attention.

Premièrement, l'intérêt public ou général justifie la publication de photographies de personnes concernées par l'actualité ou qui se trouvent impliquées par elle. Il s'agit des images illustrant l'actualité.

En effet, lorsque des photographies sont prises lors d'événements d'actualité ou de manifestations publiques, elles peuvent être publiées sans autorisation des personnes photographiées. Les personnes mêlées à des faits d'actualité ne sauraient se plaindre de l'utilisation de tel ou tel aspect de leur personnalité et, en particulier, de la diffusion de leur image ou d'un aspect de leur vie privée. La

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publication d'une photographie trouve, par exemple, sa justification dans la nécessité d'informer les lecteurs, les téléspectateurs sur l'existence d'un accident de la circulation particulièrement tragique1 ou d'un braquage de portée générale dont les auteurs seraient en fuite et donc recherchés par la police. Mais l'absence de lien avec l'actualité rend illicite, à défaut d'un motif valable, la reproduction des traits d'une personne ou la diffusion d'une information la concernant. C'est dire que cette liberté reconnue à la presse n'est pas absolue puisqu'il doit s'agir de l'illustration de l'actualité immédiate, et qu'il ne doit pas y avoir d'atteinte à l'intimité, à la dignité des personnes. L'actualité immédiate est le moment ou la période où se produit l'événement. La jurisprudence exige que la publication soit en rapport avec l'événement ou l'actualité et qu'en outre, qu'elle soit opérée dans un délai proche de l'événement.

Ainsi dans un jugement du tribunal de Grande Instance de Nanterre, en France, il a été jugé que l'attaque d'un fourgon blindé, relatée dès le lendemain, constitue incontestablement un fait d'actualité. La photographie ultérieure représentant un fonctionnaire dans l'exercice de sa mission de police judiciaire sur les lieux de l'information, n'illustre pas de façon spécifique les faits sur lesquels il enquête2.

La personnalité des individus mis en cause sert évidemment à illustrer l'affaire pour mieux la comprendre.

D'une façon générale, la notion « de faits d'actualité » induit le droit du public d'en connaître les événements et même les détails. Les journalistes peuvent évoquer la participation d'une personne à une cérémonie publique, diffuser son image, si l'épisode apparaît comme une illustration de l'événement.

La décoration d'un simple fonctionnaire ou d'un caporal pour un acte d'héroïsme accompli lors d'un incident comme celui auquel avait échappé le chef de l'Etat de Côte d'Ivoire lors de la commémoration de la fête nationale du Liberia,

1 P. Auvret, doctrine, droit des personnes, utilisation de la personnalité d'autrui, illustrations et exemples de presse in JCP. La semaine juridique, Edition générale n°12, 2-3 mars 2005, p.552.

2 Trib. Gr. Inst. Nanterre, 1ère ch., A., 28 octobre 2002 : Légipresse 2003, I, p.23. comp. à propos de la révélation du nom d'un enquêteur de police ; cass. 2e civ., 29 avril 2004 : juris.-Data n°2004-02 3439 ; JCP G. 2004, IV, 2252 ; Légipresse 2004, I., p.106 in JCP n°12 de 23 mars 2005, p.552.

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revêt indiscutablement le caractère de fait d'actualité, dont un magazine est en droit de rendre compte, même en l'accompagnant de la photographie d'autres quidams, en l'espèce un mineur, qui ont participé à la cérémonie.

Le public a un intérêt légitime à la connaissance non seulement de l'information abstraite mais des circonstances détaillées des faits d'actualité. L'image est notamment un moyen de diffusion des anecdotes. De surcroît, la divulgation de renseignements ou de photographies concernant des personnes liées à l'actualité est admise maintenant par la jurisprudence en vertu du droit du public à l'information et de son corollaire droit de l'information, dès lors que la dignité ou l'intimité n'est pas en cause1.

En outre, l'utilisation de la personnalité d'autrui, en marge de l'actualité, à titre d'exemples ou d'illustrations, ne se heurte pas non plus à l'intérêt légitime du public.

En effet, aujourd'hui, notre droit admet la publication d'informations ou d'images relatives à tout ce qui entre dans le champ de l'intérêt légitime du public, même en dehors de l'actualité proprement dite.

En résumé, sur ce point, tout organe de presse dispose du droit d'informer ses lecteurs, auditeurs, téléspectateurs sur les événements d'actualité ou d'intérêt public, même si la protection de la personnalité d'autrui doit en souffrir ou prendre un coup.

Habitué aux images proposées par la télévision et les journaux, le public souhaite se faire, lui-même, une idée des circonstances grâce aux clichés qui lui sont fournis2. Ainsi l'on s'aperçoit combien l'image, la vie privée et partant les droits de la personnalité sont devenus une pièce de l'information moderne.Et que le droit de chacun sur son image, sa vie privée doit se combiner avec la liberté de la presse, principe essentiel d'expression des journalistes.

Face à cette liberté donc, la protection de la vie privée, de la victime s'efface, à condition que l'information des lecteurs, des téléspectateurs justifie la diffusion de

1 Cass., 1ère civ., 23 avril 2003 in JCP n°12, 23 mars 2005, p.552.

2 I. Corpart, presse, La dignité de la victime photographiée face à la liberté de la presse, note de jurisprudence, Cour de cassation, 2e civ., 4 nov. 2004, Recueil Dalloz, 2005, n°10, pp.696 et s.

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tels clichés1. Nombreuses sont les espèces où a été dite licite la photo reproduite sans le consentement de la personne, dès lors que celle-ci était, volontairement ou fortuitement, impliquée dans l'information d'actualité, pourvu que l'image soit en liaison directe et étroite avec le fait et ait été fixée au moment suffisamment proche de lui dans le temps2.

Deuxièmement, il s'agit de l'image captée dans un bien public.

Mais que revêt la notion de lieu public dans le contexte du droit à l'image ?

En matière de droit à l'image et suivant la définition retenue par la jurisprudence, notamment celle de la Cour de cassation française, un lieu public est "un lieu accessible à tous sans autorisation spéciale de quiconque, que l'accès en soit permanent ou subordonné à certaines conditions, heures ou causes déterminées".

La voie publique et la rue sont, en effet, des lieux publics. Toutefois, une plage

privée même payante peut être un lieu public (le péage n'est qu'une condition de son accès, lequel reste ouvert à tous), que les lieux de culte sont considérés comme lieux publics. Ainsi des images captées dans un lieu public ne nécessite pas le consentement des personnes photographiées. Toute chose qui concourt à la conciliation des rapports entre droit au respect de la vie privée et droit de l'information. En conséquence, la conciliation est présumée chaque fois que la photographie divulguée a été obtenue dans les lieux publics. Par exemple, il a été jugé, aux Etats-Unis, licite la publication dans un guide consacré aux plages nudistes, d'une photographie d'un couple sur une plage car ce livre était d'un intérêt public et que l'image du couple présentait un lien avec le sujet3. Le droit de `information entretient aussi des rapports de conciliation avec la présomption d'innocence.

1 Trib. G. Inst. Toulouse, 8 mars 2002 et Trib. G. Inst. Nanterre, 27 mars 2002, JCP 2002, n°27.

2 J.P. Gridel, op.cit, in Recueil Dalloz, 2005, n°6, p.395.

3 Anonyme, vie privée, droits de la personnalité, www.senat.fr.

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c) Droit à la présomption d'innocence et droit de l'information.

Le droit à la présomption d'innocence se définit comme le droit reconnu à toute personne accusée d'un acte délictueux d'être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.

C'est ce qui ressort des deux déclarations des droits de l'homme du 26 août 1789 et 10 décembre 1948 respectivement aux articles 9 et 11 et de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des peuples de 1981 en son article 71.b1.

En Côte d'Ivoire, en dehors de la Constitution du 1er août 2000 qui fait cas de façon expresse du droit à la présomption d'innocence en son article 22, aucun texte législatif n'y fait référence.

En France, ce n'est q'en 1991 que le législateur a estimé nécessaire d'introduire dans le code civil un article lui afférent.

En effet, c'est l'article 9-1 créé par la loi du 24 août 1991 et remaniée par celle du 15 juin 2000 qui a affirmé, au plan interne et législatif, ce droit. Cet article 9-1 dispose dans son premier alinéa ceci : « chacun a droit à la présomption d'innocence », en l'alinéa 2 d'ajouter : « qu'il y a faute civile ou atteinte à présenter publiquement, et avant toute condamnation devenue définitive, une personne comme coupable de faits qui sont l'objet d'une enquête ou instruction judiciaire ».

Rappelons, toutefois, que ce droit de la présomption d'innocence était énoncé traditionnellement à l'intention de la police judiciaire et des juridictions, à l'encontre de quiconque. C'est dire que les journalistes n'échappent pas au respect de cette règle.

Mais comment le journaliste peut-il diffuser un fait sans que l'information véhiculée présente un individu comme coupable d'une infraction ?

La solution vient du fait que le droit à la présomption d'innocence ne se heurte pas au droit de l'information. Et inversement. Droit à la présomption d'innocence et droit de l'information peuvent donc se combiner.

1 Voir annexe 2, Textes internationaux relatifs aux droits de la personnalité.

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En effet, il est permis parfaitement, dans un article de journal, un livre, un reportage radiodiffusé ou télévisé, de relater et commenter les éléments connus d'une affaire pénale en cours de traitement policier ou juridictionnel. Le journaliste peut, par conséquent, énoncer les faits, donner les noms, prénoms, âges, photos des personnes concernées (sauf protagonistes mineurs), les soupçons pesant sur tel ou tel, les témoignages intervenus, la description du subtil mécanisme de la fraude reprochée, les divers points de vue possibles1.

Il est seulement exigé, en pratique, que la publication intervenue soit empreinte d'une tonalité laissant honnêtement place au doute possible dans l'esprit du lecteur, auditeur, téléspectateur mais aussi qu'elle soit permanente, c'est-à-dire ayant un rapport direct et utile avec l'actualité ou l'intérêt légitime du public. Cela signifie que la publication doit émaner de la légitimation puis de l'adéquation avec l'événement ou le fait2.

Tel est le cas de l'image d'une personne dont le visage apparaît distinctement sur une photographie reproduisant les traits d'une personne impliquée dans une affaire judiciaire3.

De même, à propos du démantèlement d'un trafic de stupéfiants, il n' y a pas d'atteinte illégitime ou illicite au droit à la présomption d'innocence à donner des éléments d'identification d'une personne arrêtée, à préciser qu'elle est fichée au grand banditisme et tenue par les enquêteurs pour l'un des responsables du réseau. Rien de tout cela ne relevant un sentiment personnel ou un préjudice du journaliste quant à sa culpabilité4.

La même solution a été donnée à propos d'émissions de télévision qui, après avoir fait une large place aux plaignants et témoins à charge, ont ensuite donné un suffisant temps de parole à la personne soupçonnée et à son avocat. De telle

1 J.P. Gridel, op.cit, p.396.

2 M. Dupuis, le droit à l'image face au droit d'informer : un effort de simplification, Revue Lamy, droit civil, décembre 2004, p.31 ; Cf. dans le sens de l'auteur, cass., 2e civ., 30 juin 2004, 2 arrêts, infra, note 31, in fine.

3 Cass. 1ère civ., 20 février 2001, Bull.civ., I., n°43 ; D. 2001, p.1199 et la note ; RTD, civ. 2001, p.329.

4 Cass. 2e civ., 13 nov. 2003, Bull. civ., II., n°335.

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façon, aucune conclusion tenant la culpabilité pour acquise n'en est résultée de l'émission1. Par ailleurs, concernant les personnes impliquées dans un procès, est-il possible de publier leur image ou leur nom ?

Cette question, qui, en pratique, concerne surtout les individus engagés dans un procès pénal, appelle, une réponse affirmative. C'est ce qu'on appelle le principe de la publicité de la justice, considéré, depuis sa consécration par la révolution française, comme une garantie de bonne justice.

Ce principe signifie que les débats de l'affaire qui ont lieu en audience publique et que le jugement ait également lieu en audience publique a pour conséquence d'autoriser les comptes rendus du procès dans la presse quotidienne.

Dans cette même veine, un délinquant est recherché par la police, un intérêt général rend licite, par exemple, la publication de son image, son nom et prénom, son activité professionnelle.

Cette divulgation, en effet, facilite les recherches. Toute situation qui est rare ; voire inexistante dans nos pays africains et particulièrement en Côte d'Ivoire. Néanmoins, certaines publications de photos d'individus ayant détourné des fonds et qui se sont volatilisés dans la nature ainsi que les photos de délinquants, braqueurs, meurtriers, sont courantes. Au total, l'information légitime du public conforte l'intrusion ou l'immixtion du journaliste dans la sphère du droit au respect de la vie privée .La reproduction d'une photographie n'est admissible, pour les nécessités de l'information, que si celle-ci a été prise dans des circonstances ayant un rapport direct et utile avec las évènements en cause ou les faits qui en ont été la suite.

Le droit a intégré ce phénomène et tente de réguler pour établir un équilibre entre la liberté de communication et le respect des droits des personnes. Un exemple ne peut être utilisé par la presse que s'il est utile et pertinent. La protection de la personnalité trouve des limites dans la liberté de communication et des nécessités de l'information.

La loi, la doctrine et la jurisprudence permettent que soit porté à la connaissance du public tout sujet d'intérêt général digne de la curiosité légitime du

1 Cass. 2e civ., 20 juin 2002, Bull. civ., II., n°142.

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public. Le droit du public à l'information autorise la publication d'images ou de nouvelles sur les individus impliqués dans un événement d'actualité et ne permet pas de faire « arbitrairement obstacle à la liberté de recevoir ou de communiquer des idées » ou des informations sous prétexte de défendre les droits de la personnalité1.

En tout état de cause, la dignité humaine doit être préservée. C'est le cas lorsque la diffusion d'un détail de la vie privée ridiculise la personne concernée ou la plaçait dans une situation dégradante. Hormis le consentement et l'information légitime du public justifiant la publication des droits privés des individus par la presse, une autre circonstance permet l'intrusion du journaliste dans la vie privée d'une personne. Il s'agit du caractère anodin de l'élément révélé.

3) Le caractère anodin de l'élément révélé

Le vocable « anodin » peut être appréhendé comme ce qui est insignifiant, ce qui est sans importance et par conséquent ne peut avoir d'effet ou d'influence sur la vie d'une personne lorsqu'il est porté à la connaissance du public.

On considéra par exemple la révélation d'un élément de la vie privée comme de simples illustrations d'activités, qui essentiellement n'ont pas d'incidence sur la vie du concerné.

Ainsi, dans un arrêt de la première chambre de la cour de cassation française, il a été décidé que la diffusion d'informations anodines ou de détails sans importance échappe même à la sanction du juge.2

Il faut dire que cette notion de caractère anodin est apparue en jurisprudence en 2003 à propos de deux époux, personnalités connues et en instance notoire de divorce, déjeunant ensemble dans un restaurant très fréquenté, information anodine, a dit la cour de cassation, ne méritant pas d'être qualifiée d'attentatoire à la vie privée. A ce niveau donc, la publication d'un fait de la vie privée ou d'un droit

1 P. Auvret, op.cit, p.551.

2 Cass.1ère civ. 3 avril 2002, JCPG. 2002, IV, 1871

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de la personnalité sans ou contre le consentement de la personne, selon que l'élément était anodin, ne constitue pas une atteinte aux droits de la personnalité. Cependant, il y a lieu de souligner que ce caractère intéresse plus les personnes connues du public ou les personnes publiques.

A côté du caractère anodin de l'élément révélé, l'existence d'une divulgation antérieure favorise la pénétration du droit de l'information dans les droits de la personnalité en vue de leur conciliation.

4- L'existence d'une divulgation antérieure.

A ce niveau, plusieurs cas de figure se présentent, selon que l'élément de la personnalité et partant de la vie privée avait été révélé par la personne concernée elle-même, ou bien s'était trouvé porter à la connaissance générale au nom du droit-devoir d'information du public.

L'élément de vie privée déjà confié par l'intéressé à fins de publication peut-il être librement repris dans un livre ou journal ? A cette préoccupation, la jurisprudence répondait traditionnellement par la négative, au nom de la spécificité de consentement initial donné. Mais depuis 2002, elle énonce que des faits devenus publics, sans précision apparente quant au mode (consentement initial, actualité ancienne), peuvent être repris sans constituer une atteinte1 aux droits de la personne.

Pour nous, une distinction s'impose. On considéra que la divulgation était permise lorsque l'élément, par exemple, de vie privée avait gagné le domaine public par le fait de l'intéressé ou par une appartenance à l'information légitime.

En revanche, elle était illicite lorsque la première diffusion avait été elle-même illicite, c'est-à-dire opérée sans l'autorisation de l'intéressé et sans relever d'un cas d'information légitime. Lorsqu'une information de vie privée intéressant l'intérêt général a déjà été publié par un organe de presse, elle peut être reprise tranquillement par d'autres organes de presse.

1 Cass. 1ère civ. 3 Avril 2002, précité, cass. 2ème civ, 3 juin 2004, n°03-11.533

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Toutefois ,cette analyse est fragilisée par l'arrêt rendu par la cour de Strasbourg le 18 mai 2004, à propos du livre "le grand secret" et qui semble proposer une autre distinction. La divulgation certainement illicite puisque faite en violation du secret médical, n'empêche pas sa reprise licite au bout de quelques mois. Il en va ainsi, dit la cour européenne, parce que, dès lors que le cancer du président Mitterrand s'est trouvé connu, par quelque mode de révélation que ce soit, ce fait sert à illustrer un débat d'intérêt général.

Ainsi, la divulgation de faits antérieurs est licite.

Par exemple, en 1980 aux Etats-Unis, un article publié dans le magazine "sports illustrated" et consacré à un champion de surf s'étendait sur divers aspects de sa vie privée, mentionnant notamment qu'il n'avait jamais appris à lire ou qu'il trompait les autorités pour toucher des indemnités de chômage. Le tribunal estima que les faits rapportés étaient peut-être embarrassants pour le demandeur, mais ne constituaient pas du sensationnalisme gratuit ; ils étaient qu'une tentative légitime du journaliste pour expliquer le style et les talents du sportif.1

Au total, droit au respect de la vie privée et droit de l'information peuvent se concilier parfaitement. Cette conciliation est plus accentuée lorsqu'il s'agit d'une certaine catégorie de personnes.

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