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La protection du droit à la liberté à l'épreuve de la détention préventive en droit positif togolais


par P. Roger KPAKOU
Université de Parakou - Master en droit pénal et sciences criminelles 2020
  

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Paragraphe 2 : les limites du cadre normatif

La protection légale du droit à la liberté des personnes poursuivies dans le cadre d'une procédure pénale en droit positif togolais est incomplète. Même si « Tout prévoir, est un but qu'il est impossible d'atteindre58 », il n'en reste pas moins que le « mieux est ennemi du bien ». En effet, plus nécessaire encore, il est important de relever les limites de la protection du droit à la liberté en droit positif togolais afin d'y trouver des résolutions. Entre autres, il peut être rapporté l'absence du débat contradictoire avant le placement en détention préventive (A) et l'imprécision des motifs de placement en détention préventive (B).

A. L'absence du débat contradictoire avant le placement en détention préventive

La cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire ROWE ET DAVIS contre ROYAUME-UNI59, affirmait « Tout procès pénal, y compris ses aspects procéduraux, doit revêtir un caractère contradictoire et garantir l'égalité des armes entre l'accusation et la défense ; c'est là un des aspects fondamentaux du droit à un procès équitable ». Le principe du contradictoire est un principe fondamental de la procédure pénale. Tout au long de la procédure pénale, il est important « que soit entendue aussi l'autre partie ». Le principe du contradictoire tiré de la locution latine « Audiatur et altera pars ! » vise le respect des droits de la défense de chacune des parties. Ce principe

56 Art 144 CPPB, point 4

57 Art 138 CPPF, point 9

58 J-E-M PORTALIS, Discours préliminaire du premier projet de code civil, Éditions Confluences, 2004, p. 15

59 ROWE, DAVIS c/ ROYAUME-UNIS, 6 février 2000, par. 60

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doit être respecté à chaque fois qu'une décision doit être prise à l'encontre des intérêts de l'une des parties au litige.

En droit positif togolais, le placement en détention préventive peut être ordonné par trois (03) magistrats dans trois (03) situations différentes. D'abord, par le procureur de la république dans le cadre d'une procédure sommaire60 ; ensuite par le juge d'instruction au cours de l'instruction préparatoire et enfin par le président d'une juridiction de jugement selon les termes de l'article 117661 NCPT. Il faut remarquer que les articles 58 (procédure sommaire) et 1176 NCPT présentent des situations où les personnes poursuivies sont prises en flagrant délit. Ceci concourt à renforcer la présomption de culpabilité de l'auteur. La difficulté se pose au niveau de l'instruction préparatoire. Selon le premier alinéa de l'article 64 NCPT « Le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité ». À ce titre, il instruit à charge et à décharge afin de déterminer s'il existe des éléments suffisants ou non contre une personne pour la traduire devant une juridiction de jugement. Il peut donc décider de placer un suspect sous mandat de dépôt. Les statistiques prouvent qu'il y recourt justement à outrance. La procédure qui s'applique devant le juge d'instruction, est fortement inquisitoire et exclut le principe du contradictoire au moment de la décision du placement en détention préventive. Dans la célèbre affaire d'Outreau, l'avocat de l'un des prévenus « blanchis », le Me Delarue, avait affirmé « l'instruction a été conduite uniquement à charge62». En droit positif togolais, si le juge d'instruction veut placer le suspect en détention préventive, il n'y a aucun moyen de l'en empêcher. Le suspect se retrouve dépourvu de tout moyen légal lui permettant d'assurer la défense de son droit à la liberté devant une autorité impartiale. Cette défaillance est la principale cause du recours excessif à la détention préventive.

60 Art 58, al 1 CPPT « En cas de délit flagrant, lorsque le fait est puni d'une peine d'emprisonnement et si le Juge d'instruction n'est pas saisi, Le Procureur de la République peut mettre l'inculpé sous mandat de dépôt après l'avoir interrogé sur son identité et sur les faits qui lui sont reprochés. »

61 Art 1176 NCPT « Si, au cours de l'audience du tribunal correctionnel ou de la juridiction criminelle, le président de la juridiction prononce l'expulsion d'un assistant de la salle d'audience et qu'il résiste à cet ordre ou cause du tumulte, il peut-être, sur-le-champ, placé sous mandat de dépôt... »

62 https://www.leparisien.fr/faits-divers/l-affaire-d-outreau-va-couter-plusieurs-millions-d-euros-02-09-2004-
2005257702.php, consulté le 08 juin 2020 à 21h13

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En l'état actuel, il peut être affirmé que le juge d'instruction est « l'homme le plus puissant du Togo63 ».

Le juge d'instruction étant à la fois juge et enquêteur, il n'est pas entièrement tiers aux litiges qu'il juge. Il est de ce fait frappé d'une partialité objective. Pour renforcer la protection du droit à la liberté, il est important que ce pouvoir soit confié à un juge indépendant qui se chargera d'apprécier l'objectivité de la mise en détention préventive ou sous contrôle judiciaire. Dorénavant privé de ce monopole de décision, le juge d'instruction sera obligé de le saisir à chaque fois qu'il envisage une mesure ayant pour effet de restreindre la liberté d'un suspect. En droit positif béninois par exemple, la décision de détention préventive est nécessairement précédée par un débat contradictoire entre le juge d'instruction et le mis en cause assisté par son conseil. Cette confrontation prend la forme d'une audience au cours de laquelle l'accusation (le ministère public) et la personne mise en cause présente leurs arguments. L'une des plus-values de cette architecture est la tribune qui est offerte aux droits de la défense de l'inculpé.

L'institution du juge des libertés et de la détention en France, depuis la loi Guigou du 15 juin 2000, a permis un double regard sur le recours à la détention préventive. Il y a désormais un palier à nécessairement franchir avant le recours à la privation de la liberté. Néanmoins, dans la pratique, il est parfois décrié l'inefficacité des nouveaux « juge des libertés et de la détention » pour juguler le flux du recours à la détention préventive. Par exemple, lors du scandale de l'affaire d'Outreau en France, le « double regard » sur la détention préventive n'avait pas fonctionné. Suite à ce constat, la commission Viout64 a élaboré des recommandations pour modifier le statut du JLD et valoriser sa fonction au sein des juridictions.

63 En référence à la célèbre formule de Balzac dans « Splendeurs et misères des courtisanes »

64 Commission instaurée par le Ministère de la justice, chargée de tirer les enseignements du traitement judiciaire de l'affaire dite « d'Outreau », février 2005

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B. L'imprécision des motifs de placement en détention préventive

« Nul ne peut être arbitrairement privé de sa liberté65 ». Aux termes de la constitution togolaise66, l'autorité judiciaire est gardienne de cette. La liberté individuelle est appréhendée par le doyen Gérard CORNU comme « l'exercice des volontés légitimes de chacun dans les limites des nécessités de l'ordre social67 ». La liberté corporelle d'aller et de venir est un droit qu'il appartient à l'autorité judiciaire de protéger contre toute restriction arbitraire. En ce sens, la première garantie devrait être la définition des conditions nécessaires avant toutes décisions de placement en détention préventive. Quelles sont alors les motifs pour lesquels, une personne bien que présumée innocente, peut faire objet d'un placement en détention préventive ?

Le droit positif togolais reste muet sur la question. En effet, aucune disposition n'énumère les conditions qui peuvent, si elles sont remplies, justifier cette atteinte au droit à la liberté dans le code de procédure pénale togolais. Le législateur se contente uniquement de proclamer le caractère exceptionnel de la détention préventive. C'est là un tort innommable qui est causé au droit à la liberté des justiciables. Cette situation pourrait dans une certaine mesure, être assimilée à une violation du principe de la légalité criminelle. Cette règle qui est une garantie fondamentale des droits des justiciables dans la procédure pénale postule que : nul ne peut être condamné pour des faits qui ne constituaient pas une infraction au moment où ils ont été commis68. Cet argument qui revient à considérer la détention préventive comme l'application d'une peine anticipée a été rejeté par un arrêt de la cour de cassation en France69.

La détention préventive étant une incarcération qui place le présumé innocent dans une situation similaire à celle d'un condamné, il est important que la loi énonce sans ambages et avec précision les conditions légales qui peuvent justifier son recours. Dans le silence du code de procédure pénale, les magistrats ont recours à la doctrine et au droit comparé pour identifier ses motifs. En général, la doctrine est unanime, « La

65 Art 13, al 2 de la constitution togolaise

66 Art 18, al 2 de la constitution togolaise « Le pouvoir judiciaire, gardien de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

67 G. CORNU, Vocabulaire juridique, ibidem, p. 613

68 Constitution togolaise du 14/10/1994 modifié en 2019, art 19, al b

69 Cass, 14 avril 1980, Pas., 1980, I, p. 1018

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justification de la détention préventive réside uniquement dans l'impérieuse nécessité d'empêcher un délinquant de poursuivre l'accomplissement de ses desseins, de se soustraire par la fuite à l'exécution de la peine qui sera prononcée contre lui ou enfin de faire disparaitre le corps du délit ou des preuves, de suborner ou de menacer les témoins. »70. Selon cet auteur, la détention préventive peut être ordonnée pour 3 motifs. D'abord pour faire cesser l'infraction, ensuite pour empêcher la fuite du suspect ou la disparition des preuves, enfin pour empêcher la menace ou la subornation des témoins. Très souvent, c'est la volonté d'empêcher la fuite du suspect qui est arguée par les magistrats pour justifier le recours à la détention préventive. D'autres motifs peuvent être identifiés dans les législations voisines. En droit positif béninois par exemple, l'article 149 du code de procédure pénale adjoint à la liste des motifs : la volonté d'empêcher une concertation frauduleuse entre les inculpés ou leurs complices et la volonté de protéger la personne poursuivie. Le code de procédure pénale français en dispose autant en son article 144.

Les termes dans lesquelles les deux législations béninoise et française, ont énoncés les motifs requis pour le placement en détention préventive71, méritent une analyse approfondie. En effet, il apparait que les deux législateurs ont assorti le recours à la détention préventive d'une condition. Il doit constituer « l'unique moyen » de parvenir à l'un ou à plusieurs des objectifs poursuivis par les motifs. Quels sont alors les autres moyens dont le juge dispose pour atteindre ces objectifs ? Le législateur français répond : le placement sous contrôle judiciaire » ou l'assignation à résidence avec surveillance électronique72. Il faut rappeler que la détention préventive est une mesure d'exception. Son recourt ne peut être envisagé qu'après avoir recouru ou tenté de recourir sans succès à l'une des obligations du contrôle judiciaire.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote