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La protection du droit à la liberté à l'épreuve de la détention préventive en droit positif togolais


par P. Roger KPAKOU
Université de Parakou - Master en droit pénal et sciences criminelles 2020
  

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SECTION 2 : Une pratique irrégulière

Le respect des règles établies par la loi est le seul gage de la consolidation de l'état de droit. Le législateur togolais a édicté des règes et des principes afin de pourvoir à la

70 A. MARECHAL, Procédure pénale, Novelles, Tome 1, Larcier, 1946, p. 445

71 Art 149 du code de procédure pénale béninois, art 144 du code de procédure pénale français

72 Art 144 du code de procédure pénale français

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protection du droit à la liberté des personnes poursuivies et de prévenir les placements abusifs en détention préventive. Cependant, certaines imprécisions dans le cadre normatif fragilisent cette protection. Cette situation singulière qu'est celle des personnes poursuivies, est empirée n pratique par le non-respect des principes cardinaux sus-énoncés. En pratique, le placement en détention préventive est objet d'un recours excessif (Paragraphe 1) et les atteintes à la présomption d'innocence sont récurrentes (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le recours excessif à la détention préventive

Dans la pratique les magistrats font un usage excessif du mandat de dépôt. L'ancien Inspecteur général des services juridictionnels et pénitentiaires73 affirmait dans une interview qu'il y a « parfois peu de pertinence dans la délivrance des mandats de dépôt par certains magistrats74 ». Des causes peuvent être identifiées pour tenter d'expliquer ce recours excessif (A) à la détention préventive, aux conséquences désastreuses (B).

A. Des causes identifiables

Plusieurs raisons sont avancées pour tenter de justifier le taux excessivement élevé de détenus préventifs au Togo. Elles peuvent se résumer en trois considérations. La première est celle selon laquelle le nombre élevé des détenus préventifs est dû à une « augmentation exponentielle de la criminalité75 ». En effet, une analyse révèle que le nombre de détenus a augmenté de 3 728 en 2012 à un effectif de 5 232 en juillet 201976. Cette hausse des effectifs peut effectivement traduire une hausse de la criminalité. L'activité régalienne de l'arsenal pénal serait la cause du nombre élevé de détenus qui est observé dans les prisons au Togo.

La seconde considération, voit en l'explosion du taux de prévenus au Togo, l'expression d'une politique criminelle trop répressive. C'est en substance la pensée de l'expert et

73 Kokouvi Pius AGBETOMEY

74 Reflets du Palais, N°3, 20 août 2013, p. 5

75Cette raison a été avancée par le directeur de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion lors du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019 (précisément le 29 juillet 2019)

76 Chiffres donnés par le directeur de l'administration pénitentiaire lors du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019

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rapporteur du comité contre la torture Sébastien TOUZE selon qui « plus la politique pénale est répressive et plus les prisons se remplissent. De la même manière, plus les prisons se remplissent et plus les moyens de les désengorger disparaissent parce que très souvent les personnes se trouvent en attente de jugement77 ». Le législateur togolais pourrait répondre en procédant, par exemple, à la dépénalisation des infractions mineures. Rappelons que pour l'accélération de la réforme pénale et pénitentiaire en Afrique, la commission africaine des droits de l'Homme avait adopté en septembre 2002 la « déclaration et plan d'action de Ouagadougou ». Cette résolution appelait les États parties à la Charte africaine, dont le Togo, à requalifier et à dépénaliser les infractions mineures comme « l'oisiveté, le vagabondage, la prostitution, le non remboursement de dettes, la désobéissance aux parents78 ». Cette stratégie vise à réduire le surpeuplement des prisons. Il faut également relever que la lenteur judiciaire et le non-respect des délais de procédures observés en pratique concourt à l'incarcération des suspects pendant de longues périodes. Ce fait est en partie dû au nombre insuffisant de magistrats au Togo, surtout lorsque l'on se réfère au nombre insuffisant de juges instructeurs. Il peut arriver que des juges d'instruction aient « plus de 500 dossiers à sa charge »79. Un exemple de l'ampleur de la lenteur judiciaire nous est donné par le diagnostic effectué en 2013 sur la cour suprême qui a révélé l'existence de près de 1500 dossiers encore pendants, couvrant la période allant de 1985 à 201380. L'essentiel de ces dossiers concernaient des litiges fonciers et commerciaux.

La troisième considération est celle selon laquelle le recours excessif à la détention préventive est dû aux magistrats eux-mêmes. Ils ont pris l'habitude d'y recourir avec trop de facilité81. En pratique, dans le doute on incarcère. La présomption d'innocence cède à une présomption de culpabilité. Il est par ailleurs, reproché aux juges d'instruction de prendre des ordonnances de placement en détention préventive avec

77 Los du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019 (précisément

78 Déclaration et plan d'action, commission africaine des droits de l'Homme, Septembre 2002, p. 4

79 Chiffres donnés par le directeur de l'administration pénitentiaire lors du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019

80 Chiffres donnés par le président de la cour suprême dans son discours de lancement du projet d'apurement des dossiers en souffrances à la cour suprême du Togo le 23 janvier 2019

81 F. LAROCHE, Les mesures de détention avant jugement au Canada et en France, UNIVERSITÉ DE LAVAL, Canada, 2016, p. 29

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pour intention de forcer le suspect à faire des aveux ou à livrer des informations. En ce sens, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme au Togo publiait dans un rapport « le mandat de dépôt devient parfois un moyen de pression sur les justiciables pour régler certains litiges pour lesquels d'autres procédures sans placement sous mandat de dépôt sont parfaitement adaptées »82. Plus loin, il relève également que dans les tribunaux de Sotouboua et de Bafilo par exemple, « certains magistrats placent à nouveau sous mandat de dépôt des auteurs d'accident de la circulation qui ne présentent aucun danger ou risque de fuite ou de non représentation »83.

Conscient de la problématique, des efforts sont fournis au niveau national afin de juguler la hausse du nombre des prévenus et de le diminuer progressivement. En ce sens, la CNDH organisait le 26 mai 2017, un atelier sur « la réduction de l'usage excessif de la détention provisoire dans les lieux de détention ». Cet atelier auquel ont pris part plusieurs acteurs de la chaine pénale ainsi que des organisations de la société civile, a servi de cadre pour le renforcement des capacités des différents acteurs afin de lutter contre le recours excessif à la détention préventive. Au niveau international également, la situation des prévenus est préoccupante. Le 25 avril 2018, l'Afrique a célébré pour la première fois « la journée africaine de la détention préventive ». Cette date a été choisie par le RINADH pour sensibiliser tous les acteurs sur la situation des personnes en situation de détention sur des périodes prolongées sans procès.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius