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De l'étudiant, lycéen au manifestant : étude d'un rituel contemporain

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par Anthony Mettler
UBO Brest - Master 1 Staps  2008
  

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7. L'utilisation d'un pouvoir médiatique par la mobilisation de masse

Nous avons vu que les rites utilisés permettent un apprentissage de techniques corporelles qui ont pour incidences de donner à l'individu initié une identité militante correspondant à un groupe particulier. Nous abordons ici les enjeux qui poussent les groupes militants à l'initiation des plus jeunes.

7.1. Une recherche d'équilibre du rapport de force avec l'Etat :

Lors de nos discussions avec les lycéens du lycée Dupuy de Lôme de Brest nous

avons recueillit un tract d'appel à la grève du 22 novembre 2007 qui à été édité par des
étudiants brestois34. Au moment de la distribution de ce tract, le mouvement étudiant était presque fini et le mouvement lycéen allait commencer. Dans cette ultime tentative de mobilisation des « troupes » étudiantes nous pouvons relever le durcissement du discours. Par exemple, « Valérie Pécresse ment », « augmentation des pouvoirs du secteur privé », « la LRU introduit d'avantage de représentants d'entreprises privées dans le CA » ou encore « la LRU impose une nouvelle mission à l'université : servir l'emploi » sont autant de phrases qui montrent le sentiment vécu de certains étudiants qui diffusent ce tract. La peur de la LRU est présente mais les étudiants souhaitent avant tout mobiliser et faire en sorte que le plus grand nombre d'étudiants se mettent en mouvement.

On passe alors d'une défense de l'université à l'attaque directe de la ministre en la citant comme menteuse. Il ne faut pas oublier que depuis quelques jours le mouvement lycéen prend de l'ampleur et que les partiels des étudiants se rapprochent dans le temps. La peur sous jacente s'apparente alors comme une peur de démobilisation de la masse étudiante, ce qui nous permet d'affirmer que l'enjeu de l'engagement physique de masse est aussi important que l'objectif de la contestation elle-même. En effet, la mobilisation des étudiants sur l'espace public provoque un équilibre des rapports de force entre l'Etat et les manifestants par l'utilisation des médias afin de faire passer les revendications. Nous avons pu voir l'impact qu'ont les médias sur l'opinion publique, d'une part, mais également sur les étudiants qui ne

34 Cf. Annexe 6

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sont pas mobilisés. Les exemples qui nous ont marqué sont ceux des caméramans qui venaient filmer les AG à Segalen ou encore l'exploitation des photos par la presse écrite.

En effet, étant donné que le mouvement social se développe dans un espace public et qu'il ne s'agit pas d'un moyen de communication officielle, il sera nécessaire de faire passer les revendications par un vecteur universel que sont les médias (télévision, presse écrite). Concrètement, le plus important sera de faire un maximum de bruit ou bien d'actions qui vont faire que les journalistes vont se déplacer. Comme cela a été le cas lors du blocage de la gare SNCF ou bien de la place Albert 1er. N'ayant pas d'autres moyens pour se faire entendre et faire remonter les revendications, les acteurs du mouvement vont faire de la publicité autour de leur contestation. Il s'agit d'un débat et des enjeux sur l'espace publique, au sens de Pierre Rosanvallon. Un autre type de média beaucoup plus libre et moins contrôlé concerne internet et la multiplication des blogs autour des événements réalisés par les manifestants. En effet, le nombre de blog contenant des vidéo, filmées par des téléphones portables, et des photos n'ont cessés d'augmenter durant le mouvement de contestation. Dès lors, l'utilisation d'internet comme outil de communication de contre pouvoir est utilisé afin de rééquilibrer le rapport de force avec l'Etat.

Nous avons également ramassé deux documents qui ont été distribués dans les rues de Brest le même jour, le 6 décembre. L'un35 vise à rassembler les lycéens autour du retrait de la note Darcos tandis que l'autre document36 vise à rassembler les étudiants ainsi que les lycéens contre la LRU. L'analyse de ces deux documents montre que les meneurs étudiants considèrent les lycéens comme acteurs du mouvement de contestation et non plus uniquement les étudiants. Cette prise de conscience s'est faite suite aux mouvements antérieurs à cette date. Dès lors, les différents syndicats ont intégrés qu'il existait une masse lycéenne prête à se mobiliser contre la LRU. Donc, la recherche d'un équilibre dans le rapport de force avec l'Etat passe également par une « récupération » des force vives avec l'idée de mobiliser toujours plus nombreux et toujours plus longtemps. Concernant la manifestation lycéenne contre la note Darcos, au vu du seul objectif demandant le retrait cette note, nous pouvons dire que le mouvement étudiant a pris fin contrairement au mouvement lycéen anti LRU qui

35 Cf. Annexe 7

36 Cf. Annexe 8

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existe encore. Dès lors, nous assistons à une réorientation des médias et des syndicats, des étudiants vers les lycéens. L'effet recherché est l'utilisation de l'impact médiatique d'une masse en mouvement. A présent, la question de la mise en mouvement ne concerne plus l'individuel mais plutôt le collectif.

Puis nous avons recueilli un autre document37 distribué le 10 décembre pour une manifestation qui se déroule le lendemain, le 11 décembre. Il est important de noter ici que ce sont les lycéens de Dupuy De Lôme qui font cet appel à la mobilisation. Nous sommes dès à présent au centre du mouvement lycéen et sans étudiants. L'objectif de la manifestation est de continuer le mouvement de contestation contre la note Darcos.

Nous avons également recueilli une copie du courrier38 envoyé à M. le Sous-préfet de Brest afin de prendre date d'un rendez-vous. Cette lettre explique clairement les contestations ainsi que revendications souhaitées par l'ensemble des lycéens. Il y a plusieurs éléments intéressants à relever dans ce texte, en effet, les éléments qui constituent ce courrier semblent démontrer la responsabilité dont les lycéens font preuve. Nous avons identifié quatre points importants suite à l'analyse de ce document. Le premier concerne les relations liées avec la Police qui a permis l'élaboration du courrier et qui traduit l'existence d'un lien entre les meneurs lycéens et les forces de l'ordre. Le second point concerne l'expression claire des objectifs de la contestation, à savoir « nous avons manifesté ce matin et souhaitons être reçus pour que nos messages soient entendus par le gouvernement ». Le troisième point est la transparence dont les lycéens font preuve afin d'apporter de la crédibilité à leur mouvement en présentant les quatre membres de la délégation qui seront présents afin d'être entendus ainsi que le numéro de téléphone portable mentionné afin de prendre contacte avec les lycéens. Enfin le dernier point concerne les moyens mis à disposition par l'UL CGT afin de rendre possible l'ensemble de la démarche ce qui démontre l'implication des syndicats non lycéen dans l'existence d'un tel mouvement. Donc, l'exemple que ce courrier nous montre qu'il est important pour les syndicats d'être près des lycéens afin d'initier les membres du mouvement lycéen aux normes qui sont les leurs mais surtout d'utiliser ces même protagonistes comme des instruments médiatique pour faire valoir des revendications

37 Cf. Annexe 9

38 Cf. Annexe 10

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syndicales. Mais également, que les manifestants peuvent faire la publicité de leur mouvement par des moyens officiels et montrent ainsi qu'ils peuvent se mobiliser en bloquant des ponts mais qu'ils peuvent aussi prendre un rendez-vous avec le représentant de l'Etat afin de discuter du fond du problème.

Dès lors les lycéens anti Darcos ont un objectif de contestation affiché ayant comme principal but de se faire entendre aux oreilles du gouvernement, sans intention de rapports de force avec la Police. La volonté de responsabiliser le mouvement, de montrer la civilité dont les lycéens font preuve est affirmée. Pourtant, un mouvement de « jeunes brestois » commence a interagir par des actions de casse sans revendications particulières éclipsant la bonne volonté d'un certain type de lycéens qui veulent réellement faire passer un message fort et sans violence.

L'ensemble des documents présentés ci dessus renseignent sur cette recherche d'équilibre du rapport de force avec l'Etat. Les étudiants sont mieux structurés en terme de représentativité syndicale contrairement aux les lycéens. Nous avons vu également que les étudiants manifestent contre la LRU mais ne prennent pas conscience que les lycéens peuvent y être associés jusqu'au moment où la masse étudiante diminue pour une raison simple : les partiels. Dès lors, nous assistons à une récupération de la mobilisation lycéenne par une poignée d'étudiants que nous avons qualifiés « d'irréductibles ». L'ensemble des éléments démontrent qu'il y a des enjeux nationaux autour de la défense de l'éducation ou bien des universités, mais il existe également des enjeux locaux concernant les syndicats qui vont mener les négociations ou bien qui seront les plus mobilisateurs. Plus que cela, les syndicats seront les initiateurs des lycéens et les formeront aux normes ainsi qu'aux valeurs de leur communauté. Donc nous pouvons dire qu'il y a un vrai enjeu de pouvoir local. Pour confirmer cette idée, nous avons questionné un meneur lycéen qui nous a raconte comment s'est déroulé la manifestation du 6 décembre, nous avons écrit conjointement écrit ce récit :

C'est la première manifestation organisée par les lycéens de Dupuy de Lôme partis du lycée à 10h pour un rendez-vous à 11h à la place de la liberté. Un petit moment de détente a été observé sur le pont de l'Harteloire. L'organisation de la manif par les lycéens pro de Dupuy était exemplaire car aucun débordement n'a été constaté. Suite à une discussion avec une meneuse, l'organisation s'est faite sur base du volontariat et c'est à partir

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du 30 novembre, moment d'information des élèves de Dupuy par leur proviseure, que les lycéens ont décidé de manifester leur mécontentement. Lorsque les lycéens de Dupuy sont arrivés à la Liberté, il y avait déjà certains de l'Iroise. Le plan était de passer dans les lycées brestois afin d'aller à la rencontre de leurs pairs. Mais l'itinéraire a été modifié sur place au dernier moment car l'intention été d'éviter la CNT. A partir de ce moment là les lycéens ont pris l'axe central de la ville, la rue Jean Jaurès, et au niveau de l'espace Jaurès la rencontre entre la CNT et les lycéens a provoqué la confusion. Dès lors la CNT s'est réapproprié le cortège qui est allé à la Liberté puis ont été dans les autres lycées brestois comme l'harteloire, la Croix Rouge et Vauban. A ce moment là les lycéens de Dupuy ont arrêtés de manifester tout en informant les forces de l'ordre que le cortège était passé sous le contrôle de la CNT. L'après-midi, un mélange de lycéens, étudiants et autres sont allés à la gare et ont commencé à bloquer les voies.

Ce récit nous renseigne sur l'intérêt de certains syndicats étudiants à « récupérer » le mouvement lycéen afin d'utiliser la masse pour mettre la pression sur les représentants locaux de l'Etat. Là encore, il y a une instrumentalisation du mouvement, c'est-à-dire une mobilisation d'individus orienté vers un objectif d'intérêt politique, qui permet de prendre place sur l'espace public. Un autre type d'instrumentalisation du mouvement, recueilli lors d'un entretien avec une personne des Renseignements Généraux, concerne le fait que « le mouvement lycéen contre la note Darcos allait prendre de l'ampleur car les syndicats professionnels souhaitaient faire retirer la note Darcos ». Cette citation nous montre que le fait que les syndicats annoncent une intention qui va dans le même sens qu'un mouvement est suffisant pour mobiliser encore plus les troupes. Mais également que les syndicats souhaitent inscrire les manifestants dans leurs revendications.

Donc, le mouvement social de contestation est un lieu important d'enjeux locaux mais également un outil de pression efficace contre le gouvernement. En effet, nous avons pu voir qu'il existe une volonté de la part des syndicats, des meneurs étudiants et lycéens de mettre en action le plus grand nombre d'individus en raison du fort pouvoir médiatique qui est conféré au mouvement. L'engagement physique est recherché afin d'équilibrer le rapport de force entre l'Etat et les manifestants, ceci sur l'espace public, par l'utilisation des médias c'est-à-dire la presse écrite comme internet ou la télévision. C'est en ce sens que peuvent s'exercer des récupérations d'un mouvement par des communautés mieux organisées. Enfin, les

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syndicats jouent un rôle essentiel dans le rite initiatique d'institution car ils transmettent les codes et les normes aux futurs militants.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld