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La protection des interets des actionnaires minoritaires dans les societes mixtes cas de la societe sucriere de Moso (SOSUMO)


par Jean Claude BIZIMANA
Université Lumière de Bujumbura - Master 2021
  

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Paragraphe 2 : Sanctions de l'abus de majorité

En instituant des sanctions contre l'abus de majorité, le législateur a voulu protéger la société, dont l'intérêt pourrait être violé. Rappelons en passant que l'abus de majorité est constitutif d'un détournement de pouvoir.312 Le juge est donc appelé à remettre les choses en ordre et, le cas échéant, à prononcer les sanctions contre les "fauteurs de troubles."313 Ces sanctions sont prises à l'encontre de ceux qui sont pris en flagrant délit d'action en abus de majorité contre les minorités (A) car ce dernier a des conséquences sur la vie de la société (B).

A. L'action en abus de majorité

L'article 2 du Code de Procédure Civile burundais définit l'action comme « le pouvoir en vertu duquel un agent ou un particulier peut saisir une juridiction à l'effet d'obtenir que la prétention de droit qu'il soutient soit reconnue, protégée ou restaurée.314 » Ainsi par exemple, pour se protéger contre les abus des actionnaires majoritaires, les associés minoritaires contestent parfois les décisions que ces derniers prennent d'affecter, en tout ou en partie, le bénéfice distribuable, les privant ainsi de leurs dividendes (1) ou encore celles qui sont prises au cours de l'Assemblée générale avec comme seul objectif d'en tirer des avantager à leur seul profit (2).

A.1. Action contre les décisions en rapport avec l'affectation des réserves

Normalement, il n'y a pas d'abus de majorité lorsque l'alimentation d'un fonds de réserves a pour objet d'effectuer des investissements importants ou d'améliorer la trésorerie de la société. Cependant les associés minoritaires peuvent introduire une action en justice, lorsqu'ils constatent que cette opération n'a pour but que de les priver de certains avantages.

311 En 2010, la Sosumo était à bord de faillite et pour sauver la société le Gouvernement du Burundi a dû prendre des mesures préventives pour éviter cette faillite.

312 KATCHUNGA KANEFU Lucien, De l'intérêt social comme ligne de conduite du juge dans les litiges relatifs à la gestion des sociétés commerciales, Université Catholique de Louvain, thèse de doctorat, p.173

313 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy, op.cit. p.189.

314 Article 2 du Code de Procédure civile burundais

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Ainsi, dans une affaire qui réunissait trois associés, la Cour de Cassation française a décidé que deux d'entre eux étaient coupables d'abus de majorité.315 En effet, les deux détenaient à eux seuls 95 % du capital et percevaient des rémunérations et avantages divers versés par la société. Depuis 20 ans, ils avaient décidé d'affecter, chaque année, au fonds de réserves, la totalité des importants bénéfices sociaux. Or, ces réserves avaient été constituées en fonds dormant pendant que l'associé minoritaire qui n'exerçait pas de fonctions dans la société ne tirait strictement aucun profit de sa participation.

La jurisprudence, comme on l'a vu, conditionne l'existence de l'abus par la réunion de deux éléments : l'atteinte portée à l'intérêt social par la décision adoptée et la rupture de l'égalité entre les actionnaires, au profit des majoritaires. Néanmoins, l'action en justice fondée sur l'abus de majorité doit demeurer exceptionnelle. Et de fait, afin de ne pas entraver le fonctionnement normal de la société et pour ne pas faire obstacle à l'application de la règle de la majorité, c'est à l'associé qui prétend en être la victime de prouver son existence.316

Dans un autre cas de figure, les actionnaires minoritaires peuvent introduire une action en justice lorsque les actionnaires majoritaires décident d'augmenter la rémunération du dirigeant alors que le bilan de la société fait ressortir un résultat net faible.317

De même, l'octroi d'une prime importante au dirigeant alors que les bénéfices avaient été, pendant plusieurs années, mis en réserve, peut constituer un abus de majorité.318

Cependant, il faut ici faire la part de chose. Même si le partage des bénéfices réalisés répond à l'objectif même de la société, leur mise en réserve est également prévue par la loi. C'est une décision plus que recommandable, car les sociétés souffrent souvent d'un manque de fonds propres. La mise en réserve n'est donc pas, a priori, une décision contraire à l'intérêt de la société ni par conséquent à celui des associés.

Mais il ne faut pas non plus que la mise en réserve soit automatique.319 Le but de l'intervention du juge dans ce cas vient du fait que la société étouffe sous des réserves sans aucune utilité pour elle et nuit donc à la santé financière des associés minoritaires. C'est donc pour protéger les minorités que cette décision s'impose.

315Cour de cassation du 22 avril 1976 pourvoi n° 75-10735.

316Pierre Cabane, op.cit. p.124

317Cass. com. 20-2-2019 no 17-12.050

318Cass. com. 1-7-2003 no 99-19.328

319Cass. Com. du 6 juin 1990. op.cit.

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A.2. L'action en abus de majorité contre l'augmentation des avantages pécuniaires du dirigeant majoritaire

L'associé majoritaire, en même temps gérant de la société, peut tromper la vigilance des autres associés minoritaires et les inciter à constituer des réserves qui n'ont d'autres finalités que de lui permettre de s'octroyer des avantages salariaux. Ce qui, au regard de la jurisprudence, constitue un abus de majorité car se réserver « la part du lion» serait nier la recherche du « jus fraternitatis » qui doit animer chacun des associés.320 Cette analyse du Professeur Philippe Merle corrobore la décision de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation française qui avait rejeté le pourvoi en cassation de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Colmar le 3 juillet 1999.

En l'espèce, il s'agissait de trois associés, MM. Antoine, Ettore et René X... qui avaient créé en 1976 la société SARL Mecano- soudure dont le capital était réparti comme suit : Antoine (850 parts), Ettore (840 parts) et René (860 parts). M. Ettore X... gérant de la société était rémunéré pour cette fonction et était muni d'une procuration générale pour représenter M. René X... lors des Assemblées générales. Profitant de cette position, il influença les autres actionnaires qui lui accordèrent des primes et une rémunération qui lésaient l'actionnaire absent. La Cour a fondé sa décision sur le fait que la décision systématique des associés majoritaires d'incorporer le bénéfice de l'exercice aux capitaux propres ne correspondait pas à l'intérêt social et qu'elle n'avait pour seul objectif que d'accorder à un seul associé majoritaire les fruits de la prospérité de l'entreprise.

La Cour a conclu en disant que l'affectation systématique des bénéfices aux réserves ne répondait ni à l'objet ni aux intérêts de la société ; que ces décisions avaient favorisé les associés majoritaires au détriment de l'associé minoritaire et qu'elles revêtaient un caractère d'abus de droit de majorité. Elle a terminé en affirmant que l'abus commis dans l'exercice du droit de vote au cours d'une Assemblée générale affecte par lui-même la régularité des délibérations de cette Assemblée.321

Cet arrêt vient une fois de plus montrer le caractère d'intérêt social qui doit animer les actionnaires : l'intérêt de la société doit toujours primer sur l'intérêt des associés.

320 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit., p.71 321Cass. Com, 1er juillet 2003.

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Pour le juge, ce n'est pas le fait de donner des avantages au gérant majoritaire qui est en soi fautif, mais plutôt, l'intérêt égoïste contraire à l'intérêt social qui le sous-tend.322 Dans cet arrêt, le juge ne fonde pas sa décision sur la violation de l'intérêt social, mais plutôt sur les motivations du dirigeant actionnaire majoritaire qui, sous couvert de l'intérêt social, ne cherchait plutôt que l'intérêt personnel.

En effet, les dirigeants en leur qualité de mandataires sociaux doivent agir dans l'intérêt social et respecter l'égalité de traitement entre actionnaires. La recherche d'un « juste milieu» c'est-à-dire d'un difficile équilibre entre la prise en compte de l'intérêt des associés et celui de la société semble être le principal souci du juge.

Pour justifier qu'il n'y a pas rupture d'égalité, les actionnaires majoritaires auront toujours à soutenir que la décision de mise en réserve des bénéfices prive tous les associés des dividendes sans distinction et qu'elle valorise l'ensemble du capital et donc les titres de tous les associés. C'est précisément ce qu'ont fait ceux qui ont introduit le pourvoi. Non pas que ces arguments fussent erronés, mais plutôt par le fait que toute mise en réserve conduit mathématiquement à un accroissement de la valeur de la société et corrélativement de celle des parts de l'ensemble des associés. La rupture d'égalité n'est simplement pas là où les majoritaires la contestent.323

Aux termes d'une analyse qui se doit d'être beaucoup plus globale, il ressort que les majoritaires, seuls et sans partage, tirent de la thésaurisation systématique beaucoup de bénéfices. Ces avantages compensatoires, qui ne bénéficient pas par hypothèse aux minoritaires peuvent être très divers. Le plus souvent, les majoritaires occupent les principaux postes de direction et se font octroyer des rémunérations conséquentes ainsi que des avantages incommensurables en nature ou des indemnités très appréciables.

En outre, les actionnaires minoritaires, s'ils sont lésés par une décision « égoïste » des actionnaires majoritaires, peuvent saisir le juge. Dans ce cas, ce dernier peut prononcer la nullité de la décision (1), ou exiger réparation des dommages causés par elle (2).

322Legi Team, Droit des sociétés : Une nouvelle illustration de l'abus de majorité des associés au sein d'une société civile immobilière (SCI), trouvé sur le site internet.www.eloquence-avocats.com. consulté le 3 avril 2020.

323 Alexis Constatin, Bull. Joly n° 11, 2003, p.1137

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B. Les effets de l'action en abus de majorité

Une fois que l'abus de majorité a été constaté par le juge, celui-ci a le choix entre deux alternatives: soit il annule la décision constitutive d'abus (1), soit il condamne les actionnaires majoritaires au paiement des dommages et intérêts aux minoritaires ayant subi le préjudice (2).

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