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Le statut et les droits de la femme dans la pensée de John Stuart Mill

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par Camille Lepoutre
Université Paris 2 Pantheon Assas - Master 2 Recherche Philosophie du droit et droit politique 2017
  

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Chapitre 2 : L'utilitarisme appliqué à la question féminine

Il n'est pas difficile d'observer le lien entre la philosophie utilitariste de John Stuart Mill et sa défense de la condition féminine. En effet, son oeuvre principale dédiée à cette cause, De l'assujettissement, a pour chapitre final un développement dédié à l'utilité, aux avantages qui pourraient découler de l'émancipation des femmes (Section 2). Mais avant d'étudier cet argument, nous allons nous pencher sur la notion de justice (Section 1) qui est à la fois développée dans L'utilitarisme et utilisée dans l'argumentaire de De l'assujettissement.

Section 1 : De la nécessité de vivre dans une société juste envers tous

John Stuart Mill choisit d'approfondir cette question et de lui consacrer un chapitre entier de son essai sur L'utilitarisme en raison des nombreuses critiques adressées à cette doctrine et selon lesquelles elle s'opposerait à la notion de justice. Dans cet exposé, Mill va s'attarder sur la notion de justice et tenter de l'analyser. Il va alors énumérer ce qui est « universellement ou par une opinion largement répandue »166 considéré comme juste ou injuste.

165 Stuart Mill (J.), op.cit. - Préface p.18

166 Stuart Mill (J.), op.cit. p.103

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Il cite tout d'abord le fait « de priver quelqu'un de sa liberté personnelle, de sa propriété, ou de toute autre chose lui appartenant légalement »167. Ce cas d'injustice peut aisément être transposé au cas de la femme puisque, comme nous l'avons vu, elle ne dispose ni de sa liberté personnelle ni d'aucun droit de propriété. Cela est d'ailleurs décrit, tout au long de De l'assujettissement, comme une injustice par John Stuart Mill, bien que la loi ne lui reconnaisse ni liberté ni propriété.

Puis, il évoque le cas consistant « à ôter ou à refuser à une personne ce à quoi elle a un droit moral »168. Le terme de droit moral nous ramène notamment à la défense faite par Mill de la liberté de travailler des femmes. En effet, il considère que celles-ci ont, en tant qu'être humain, un droit moral de choisir leur occupation. Dès lors, le fait que l'accès à certaines professions ou fonctions leur soit légalement interdit constitue une grave injustice.

John Stuart Mill définit également comme « l'obligation de justice » « les règles morales qui protègent chaque individu en empêchant les autres de lui nuire soit directement soit en entravant sa liberté de poursuivre son propre bien »169. Or, Mill décrit la condition de la femme comme un esclavage légal dans lequel la femme n'a plus de liberté individuelle, plus même d'existence juridique. Comment, dès lors, pourrait-elle poursuivre son propre bien ? On l'en empêche de façon positive, à travers toutes les interdictions qui lui sont faites, mais aussi négative, à travers le manque de protection légale, juridique, notamment pénale, dont elle dispose. Dès lors, il peut être considéré que l'obligation de justice envers les femmes n'est pas respectée. Cette situation irait donc à l'encontre de la morale utilitariste et du progrès de la société. Cette thèse est également soutenue de façon explicite par l'auteur au sein de De l'assujettissement.

John Stuart Mill conclut son essai L'utilitarisme par le fait que « toutes les personnes sont estimées avoir un droit à l'égalité de traitement, sauf lorsqu'on reconnaît qu'il y a quelque avantage pour la société à pratiquer l'inverse »170. Les femmes devraient donc, de droit, être traitées de façon égale aux hommes. Pour Mill, « toute l'histoire du progrès social »171 est celle du passage d'une pratique considérée comme avantageuse puis remise en question et finalement vue comme injuste et tyrannique. Ici, les idées de progrès social et d'utilitarisme (à travers l'emploi du mot avantageux) sont reliées. Dans ce même extrait, l'écrivain cite à titre exemple l'aristocratie « du sexe »172 qui

167 Ibid

168 Stuart Mill (J.), op.cit. p.105

169 Stuart Mill (J.), op.cit. p.135

170 Stuart Mill (J.), op.cit. p.141

171 Ibid

172 Stuart Mill (J.), op.cit. p.141

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devra, selon lui, subir le même sort et être unanimement considérée comme injuste.

Section 2 : L'utilité de l'amélioration de la condition féminine

« quel bien devons-nous espérer des changements que nous nous proposons d'apporter à nos coutumes et à nos institutions ? L'humanité s'en trouverait-elle mieux si les femmes étaient libres ? »173. C'est la question que pose John Stuart Mill en ouverture du chapitre IV de De l'assujettissement. Il est certain, pour lui, que ce changement s'avérerait bénéfique aux femmes tout d'abord (§1) mais aussi à la société dans son ensemble (§2).

§1 : Une utilité incontestable à l'égard des femmes

Pour John Stuart Mill, il est important de préciser que le premier des avantages serait évidemment le bonheur des femmes qui passeraient « d'une vie de soumission à la volonté d'autrui à une vie de liberté raisonnable »174. Nous l'avons vu, la liberté est, selon lui, un élément essentiel et indispensable au bonheur de l'être humain.

L'utilité qu'aurait l'émancipation des femmes à leur égard est particulièrement frappante dans le domaine du mariage. Mill a déjà énoncé auparavant tous les maux qui résultaient, selon lui, de l'infériorité de l'épouse au sein du mariage. Or, selon lui, « on ne peut vraiment réprimer les abus de pouvoir tant que le pouvoir existe »175. Dès lors, il est nécessairement bénéfique de se défaire d'un tel système d'assujettissement qui est, toujours selon Mill, « une monstrueuse contradiction de tous les principes du monde moderne »176.

Concernant les questions relevant davantage de la sphère publique (suppression des incapacités, formation et éducation égales, égalité dans la sphère civique, et cætera), Mill considère que le premier des avantages est de se fonder sur la justice. Il s'agit ici d'un avantage moral qui fait échos à nos développements précédents sur la nécessité morale d'agir de façon juste dans la société. Ici, l'on retrouve également l'idéal de liberté individuelle présent chez Mill et qui contient, en son sein, l'idée d'une compétition juste, d'un accès aux professions ou aux fonctions dépendant du mérite, des capacités individuelles et non d'un système légal d'exclusion.

173 Stuart Mill (J.), « L'affranchissement des femmes », op.cit. p.139

174 Stuart Mill (J.), op.cit. p.164

175 Ibid

176 Stuart Mill (J.), op.cit. p.140

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Un avantage considérable pour les femmes résiderait, en soi, dans l'accès à une véritable éducation intellectuelle qui aurait « une vertu éducative très appréciable »177. Ayant accès à une éducation égale à celle que reçoivent les hommes, les femmes prendraient conscience de leurs droits en tant qu'individu et être humain. Leurs facultés et leurs sentiments moraux seraient étendus. De même que l'éducation, Mill pense que la liberté et l'indépendance permettent d'améliorer « le niveau moral, intellectuel et social des individus »178.

Enfin, pour Mill, une des conditions « pour le bonheur des êtres humains, c'est d'aimer leur métier »179. Dès lors, la liberté nouvelle dont disposeraient les femmes dans le choix de leur occupation leur faciliterait l'accès au bonheur. A l'inverse, Mill considère que l'interdiction pour la femme de lui inculquer une éducation intellectuelle et de lui donner accès à toutes les fonctions est une cause réelle de « lassitude », de « déception » et d' « insatisfaction profonde à l'égard de la vie »180.

Nous allons désormais voir que les avantages, nombreux pour les femmes, le sont davantage encore pour la société dans sa totalité.

§2 : Une utilité étendue à la société entière

« Toute restriction à la liberté d'un de leurs semblables [...] tarit d'autant la source principale où les hommes puisent le bonheur et appauvrit l'humanité de façon inestimable, en la privant de tout ce qui rend la vie précieuse aux yeux de chacun de ses membres »181.

John Stuart Mill clôt son essai sur la condition féminine de la sorte, preuve de l'importance qu'il accorde à l'utilitarisme et au progrès social. Pour lui, il est évident que les inégalités fondées sur le sexe sont « un des grands obstacles à tout progrès moral, social et même intellectuel »182. De façon symétrique donc, il énumère les nombreux avantages qui résulteraient de la fin de ce système inégalitaire.

Concernant le libre accès aux professions et aux fonctions, il constituerait un bénéfice

177 Stuart Mill (J.), op.cit. p.146

178 Stuart Mill (J.), op.cit. p.166

179 Stuart Mill (J.), op.cit. p.170

180 Stuart Mill (J.), op.cit. p.172

181 Ibid

182 Orazi (F.), op.cit. p.121

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certain pour la société car « la somme de facultés intellectuelles dont l'humanité pourrait disposer pour des services supérieurs »183 serait doublée. Il faudrait de surcroît prendre en compte « la nécessité dans laquelle se trouveraient les hommes de mériter leur supériorité sur les femmes avant de pouvoir l'obtenir »184 et qui amènerait un regain de compétition bénéfique à la société. Pour Mill, la fin des incapacités liées au sexe mènerait à « un accroissement des ressources, tant sur le plan de l'intelligence que sur celui de l'activité »185.

Un autre élément maintes fois avancé par John Stuart Mill est celui de l'influence exercée par les femmes sur le reste de la société. Quelle que soit la condition de la femme, Mill considère que cette capacité d'influence existe. Lorsque la femme est en situation d'infériorité, il considère que cette influence s'exerce au détriment de la société. Tout d'abord, la position de supériorité dont bénéficient les hommes les incite à l'égoïsme, au « culte de soi » et au « mépris des autres »186. La femme, inférieure, est totalement dépendante de son mari. La considération sociale qui lui est accordée dépend entièrement de lui ce qui peut amener la femme à tenter d'influencer son mari dans un but purement intéressé. Cela inciterait, selon Mill, à la « médiocrité de la respectabilité »187. De par son éducation, elle est incitée à ne prendre en compte que ses intérêts propres et ceux de sa famille. La femme, inférieure et souvent moins éduquée, a donc pour Mill une influence négative sur son mari. Selon lui, « toute association qui ne s'améliore pas se détériore »188. Sa liberté étant niée, la femme est tentée d'exercer un pouvoir, une influence corruptrice sur les personnes qui l'entourent, ceci étant son seul moyen d'atteindre ses objectifs.

Pour toutes ces raisons, Mill considère que « la régénération morale de l'humanité ne commencera vraiment que lorsque la plus fondamentale des relations sociales sera soumise à une règle de justice et d'égalité »189. Mais ce n'est pas uniquement dans le mariage que l'influence s'en trouvera modifiée. John Stuart Mill considère en effet que l'opinion des femmes aurait « une influence plus bénéfique »190 qu'auparavant. Nous l'avons vu, l'accès à l'éducation, à la sphère publique, aux hautes fonctions, .. les amèneraient à étendre leurs vues morales et à être sensibilisées à l'intérêt public et à la « vertu civique ». Du fait de l'entrée progressive des femmes dans la sphère publique, Mill considère que des valeurs bénéfiques à la société telles que « l'aversion pour la

183 Stuart Mill (J.), op.cit. p.145

184 Stuart Mill (J.), op.cit. p.147

185 Stuart Mill (J.), op.cit. p.164

186 Stuart Mill (J.), op.cit. p.141

187 Stuart Mill (J.), op.cit. p.157

188 Stuart Mill (J.), op.cit. p.161

189 Stuart Mill (J.), op.cit. p.164

190 Stuart Mill (J.), op.cit. p.147

guerre et le goût de la philanthropie »191 ont trouvé un nouvel écho. Pour John Stuart Mill, il est évident que l'émancipation sociale et politique des femmes aurait une utilité remarquable « dans la formation de l'opinion générale »192.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand