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Le statut et les droits de la femme dans la pensée de John Stuart Mill

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par Camille Lepoutre
Université Paris 2 Pantheon Assas - Master 2 Recherche Philosophie du droit et droit politique 2017
  

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Titre premier : Un activisme induit par Harriet Taylor Mill

L'ampleur de l'influence d'Harriet Taylor sur l'idéologie de John Stuart Mill a longtemps été niée avant d'être questionnée. Parmi les lecteurs avertis du philosophe, on trouve une pluralité de points de vue parmi lesquels, à un extrême, celui niant l'influence et la participation intellectuelle d'Harriet aux réflexions de Mill, et à un autre, celui souhaitant voir Harriet reconnue coauteur de plusieurs oeuvres du penseur. Ce débat a eu lieu maintes fois et il est peu probable que l'on dispose un jour d'éléments suffisants pour parvenir de manière certaine à une unique thèse. Mais commençons par nous intéresser à l'avis du philosophe, exprimé dans son Autobiographie193.

A ceux qui pensent que Mill serait devenu favorable à l'égalité entre les hommes et les femmes au contact d'Harriet Taylor, il répond que « ce n'est pas du tout le cas »194. Il soutient, au contraire, que cette opinion est le fruit d'une réflexion rationnelle de sa part. Il émet encore l'hypothèse que ses idées sur la condition féminine seraient « la cause première de l'intérêt »195 qu'Harriet Taylor lui porta. Toutefois, il est difficile de penser qu'ils ne se sont pas mutuellement influencés. En effet, on retrouve dans leurs écrits des idées analogues mais aussi, chez John Stuart Mill, de nombreux hommages à la contribution intellectuelle de son épouse dans son oeuvre.

Mill adopte ainsi une position en un sens contradictoire. S'il reconnaît le rôle important de son épouse dans son oeuvre ; il conteste, en revanche, la thèse selon laquelle elle l'aurait influencé sur la question de l'égalité entre les hommes et les femmes. Bien qu'il ne soit pas possible de le quantifier, nous pouvons affirmer que les deux époux ont été influencés à la fois par la nature de leur relation (Chapitre 1) mais aussi par les thèses et convictions qu'ils partageaient et discutaient ensemble (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Une influence induite par la nature de leur relation

Il convient évidemment de s'attarder sur la relation qu'ont entretenu John Stuart Mill et Harriet Taylor et qui, en raison de leur situation personnelle, familiale ou encore sociale, apparaît peu commune à cette époque. Leur relation fût tout d'abord rendue complexe par la situation personnelle d'Harriet Taylor (Section 1) mais acquis également son originalité du caractère

193 Stuart Mill (J.), Autobiography, op.cit.

194 Stuart Mill (J.), op.cit. p.147

195 Ibid

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intellectuel de leur relation (Section 2).

Section 1 : Une amitié entretenue à l'ombre du mariage d'Harriet Taylor

Lorsque John Stuart Mill et Harriet Taylor se rencontrent pour la première fois, en 1830, cette dernière est mariée et a deux enfants. Rappelons qu'au XIXe siècle, le règne de la reine Victoria marque l'apogée du puritanisme dans la société anglaise. Il n'est aucunement permis pour une femme, d'entretenir une relation amoureuse extra-conjugale ou d'obtenir le divorce. Les moeurs et la loi s'accordent pour en faire un interdit absolu. Harriet Taylor et John Stuart Mill s'engagent malgré tout dans une relation de plus en plus intime. De fait, Harriet vivait séparée de son époux et Mill et elle se voyaient régulièrement. L'auteur évoqua d'ailleurs dans son Autobiographie ce qu'il appelait « des relations de vive affection »196.

Ce qui nous intéresse ici n'est pas la réalité des rapports qu'ils entretenaient à cette période, c'est-à-dire avant le décès de John Taylor (époux d'Harriet), mais les conséquences que cette relation a pu avoir, sur leurs idées, mais aussi sur leur entourage, familial ou amical. De façon rétroactive, et étant donné, notamment, leur mariage en 1851, il semble évident que l'un et l'autre éprouvaient des sentiments amoureux. Ils n'ont pu, dès lors, rester insensibles à l'impossibilité pour eux d'entretenir une relation au grand jour. Cette spécificité de leur relation a eu un impact sur leur vie, et sur leurs opinions.

Les deux intéressés partagent la même opinion sur le divorce. Nous l'avons déjà évoqué, John Stuart Mill y est favorable et l'exprime dans divers écrits. De la même façon, dès 1832, dans Du mariage197, Harriet Taylor est amenée à se demander si « le meilleur remède ne serait pas le divorce auquel chacun aurait véritablement droit sans avoir à fournir aucune espèce de justification »198. Au-delà des opinions libérales qu'ils défendaient tous deux, il est difficile de croire que leur situation personnelle n'ait pas, au moins en partie, façonné cette conviction ou expliqué que Mill évoque publiquement la question dans ses écrits.

La situation d'Harriet Taylor en particulier ne pouvait que sensibiliser John Stuart Mill à la cause des femmes, ayant devant lui un exemple des restrictions qui leur étaient imposées. Ainsi, Harriet Taylor n'avait aucune véritable liberté de décision et d'action concernant son mariage et sa

196 Stuart Mill (J.), op.cit. p.136

197 Taylor Mill (H.), « Du mariage », 1832 in John Stuart Mill et Harriet Taylor : Écrits sur l'égalité des sexes p.81

198 Taylor Mill (H.), op.cit. in Écrits p.83

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relation avec Mill. Comme elle l'écrit dans son journal, [traduction] « je ne peux pas risquer le scandale pour mes enfants ou mettre en danger sa carrière »199.

En effet, une séparation officielle ou un divorce (si tant est qu'il fût accepté) aurait jeté l'opprobre sur eux et risqué de priver Harriet Taylor de la garde de ses enfants voire de son seul droit de visite. Comme nous l'avons vu précédemment, les femmes disposaient de très peu de droits et de protection juridique dans l'Angleterre du XIXe siècle. John Stuart Mill, issu d'un milieu intellectuel reconnu et lui-même auteur renommé en devenir, aurait également été touché par le scandale, encore plus que ce ne fût le cas. Dès lors, la situation personnelle d'Harriet et la complexité de sa relation avec Mill, induite par les moeurs de l'époque, ne pouvaient qu'inciter les deux à se tourner davantage encore vers la défense de la cause féminine.

Malgré les concessions de chacun des membres concernés, y compris de l'époux d'Harriet, John Taylor ; Mill et Harriet Taylor connurent des déconvenues. Leurs rapports ambiguës furent l'objet de l'attention et de la critique y compris dans leur cercle social. John Taylor décéda en 1849, Harriet Taylor et Mill se marièrent en 1851. Ils subirent une fois encore la critique de leurs proches200 pour cette union considérée trop hâtive pour les moeurs de l'époque. Déjà en 1831, Harriet Taylor affirmait l'importance de la vertu qu'est la tolérance. On retrouve cette idée dans son journal intime par exemple, où elle écrit que [traduction]201 « la pratique de la tolérance est le coeur d'une vie morale ». Elle entretient déjà, à ce moment, une relation étroite avec John Stuart Mill et l'on peut penser que l'évolution de leur situation n'a fait qu'accroître sa certitude sur la question de la tolérance.

De la même façon, John Stuart Mill évoque dans De la liberté son mépris pour le respect systématique et irréfléchi de la coutume, des moeurs ainsi que pour le pouvoir croissant et accablant de l'opinion publique. Il dénonce notamment cette « tyrannie de la majorité » qui s'infiltre jusque dans la sphère privée. De la liberté est publié en 1859 alors que le couple a subi cette période de critiques et de désaveux. Ici encore, il est donc possible de faire un parallèle entre la situation personnelle de l'auteur et l'influence qu'elle a pu avoir sur son opinion.

Comme le prouvent, par exemple, les écrits échangés par les époux sur le mariage, ceux-ci avaient pour habitude de partager leurs opinions et d'en débattre au quotidien. C'est sur cette spécificité que nous allons désormais nous pencher.

199 Jacobs (J.E.), « The Voice of Harriet Taylor Mill », Indiana University Press, 2002 p.30

200 Orazi (F.), op.cit. p.24 - Introduction

201 Jacobs (J.E.), op.cit. p.16

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Section 2 : Une relation caractérisée par la vigueur de leurs échanges intellectuels

Dès leur rencontre et tout au long de leur relation, Harriet Taylor et John Stuart Mill n'auront de cesse d'échanger et de débattre de leurs opinions sur divers sujets. Ainsi, en avril 1831, quelques mois après leur rencontre, Harriet se réjouissait de ces discussions : [traduction] « quelle joie de pouvoir se retirer quelques temps dans la conversation adulte quand Mr. Mill arrive pour discuter d'idées »202.

La relation qu'entretenaient les deux individus a, dès le début, été intellectuelle. Tous deux issus d'un milieu éduqué, leurs opinions sur l'économie, la politique ou encore la morale prenaient une place importante dans leur vie et dans leur couple. Cela ressort à la fois de leurs témoignages, de leur correspondance et de leurs écrits. Sur la question du mariage, par exemple, John Stuart Mill semble avoir un idéal influencé par son histoire personnelle. Dans De l'assujettissement, il décrit le « mariage idéal »203 comme celui « de deux personnes cultivées, partageant les mêmes opinions et poursuivant les mêmes buts »204 et dont « les talents et les capacités sont semblables »205.

Le mariage idéal resterait donc une exception dans l'Angleterre du XIXe siècle. Le mariage y était en effet la norme tandis que l'éducation, elle, était majoritairement réservée aux enfants de familles favorisées. L'éducation élémentaire obligatoire jusque 10 ans, par exemple, n'est instaurée qu'en 1870 par la loi Forster. De plus, on peut douter du fait même que cette vision du mariage idéal soit réellement celle de John Stuart Mill et d'Harriet Taylor. Cette dernière est d'ailleurs tout à fait consciente à la fois de leurs idées communes et de leurs divergences d'opinions. Elle écrit dans son journal en juin 1831 : [traduction] « Lui et moi avons de nombreuses convictions en commun »206 mais il y a malgré tout, selon elle, des points [traduction] « où nous différons »207.

Quelle que soit la mesure de ces divergences, il est certain que la dimension intellectuelle de leur relation les a amenés à s'influencer mutuellement et à adopter des vues similaires sur certains sujets. Ainsi, sur la question des différences entre individus, par exemple, nous verrons que les époux adhèrent aux mêmes thèses.

202 Jacobs (J.E.), op.cit. p.15

203 Stuart Mill (J.), « L'affranchissement des femmes », op.cit. p.163

204 Ibid

205 Ibid

206 Jacobs (J.E.), op.cit. p.17

207 Ibid

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984