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La consommation alimentaire des étudiants de l'enseignement supérieur

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par Marie Michon
Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master 2 2017
  

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2018

Mémoire de fin d'année

La consommation alimentaire des étudiants de

l'enseignement supérieur

Auteure : Marie Michon

Directrice de recherche :

Armelle Andro

10/06/2018

Année universitaire 2017-2018

La consommation alimentaire des

étudiants de l'enseignement supérieur

Présenté par Marie Michon, Etudiante en master 1 à l'IDUP
Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Sous la direction d'Armelle Andro, Professeure à l'IDUP
Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Fellow à l'institut
Convergence Migrations Chercheuse associée à l'INED

Mémoire présenté le 18/06/2018

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Table des matières

PREAMBULE 3

LES PRATIQUES ALIMENTAIRES : UN OBJET SOCIOLOGIQUE QUI SUSCITE DE NOUVEAUX QUESTIONNEMENTS

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LA SANTE EST UN ENJEU MAJEUR DES QUESTIONS ALIMENTAIRES CONTEMPORAINES 7

LES PRODUITS DU TERROIR : UNE REDEFINITION PRIVILEGIANT L'ASPECT LOCAL 12

LA COMMENSALITE INFLUENCE LA QUALITE ALIMENTAIRE DE MANIERE POSITIVE 17

CONCLUSION 23

LA METHODOLOGIE 24

LES AMBITIONS DU QUESTIONNAIRE 25

LA CONSTRUCTION DU QUESTIONNAIRE 33

RESULTATS 39

QUI SONT LES ETUDIANTS DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ? 39

QUEL EST LE MODE DE VIE DES ETUDIANTS DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ? 45

LE RAPPORT A LA COMMENSALITE ET LES PRATIQUES COMMENSALES DES ETUDIANTS DE

L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR 47

LA QUALITE DE L'ALIMENTATION DES ETUDIANTS DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR 57

CONCLUSION 67

BIBLIOGRAPHIE 69

ANNEXE 73

REMERCIEMENTS 84

3

Préambule

Le thème que j'ai souhaité exploiter dans mon mémoire de recherche est celui de la qualité alimentaire des étudiants analysé sous le spectre de la commensalité. Les raisons qui ont déterminé ce choix sont évoquées à plusieurs reprises dans mon travail. C'est au cours de mes expériences personnelles et estudiantines, de mes lectures individuelles ainsi que celles réalisées dans le cadre de mes différentes formations que j'ai eu l'occasion de m'interroger sur la qualité de vie des étudiants. C'est-à-dire me questionner sur l'organisation et le mode de vie de cette population à travers l'aspect financier, l'emploi du temps, la santé, etc. Parmi ces thématiques, l'alimentation est celle dont j'ai voulu approfondir la réflexion. Le constat qui ressort souvent est que la vulnérabilité, qui se manifeste sous plusieurs aspects chez les étudiants, semble provoquer une « mauvaise » alimentation chez cette population. Mon souhait est de déterminer la qualité alimentaire des étudiants en portant une attention particulière à la commensalité. Il s'agit ici d'évaluer les exigences des étudiants à l'égard de cette convivialité et découvrir si des stratégies sont mises en place pour satisfaire leurs demandes. Aussi, l'ambition de ce travail est de saisir l'impact que cette commensalité a sur la consommation alimentaire des étudiants de l'enseignement supérieur.

Ce préambule me permet de justifier l'organisation atypique de ce mémoire de recherche, il me parait important d'expliquer deux particularités majeures le concernant. D'une part, la première partie de mon travail est consacrée à la présentation et aux développements de plusieurs aspects liés à la qualité alimentaire, bien que ces thèmes abordés n'aient pas de lien direct avec la commensalité, il m'a paru intéressant et nécessaire de pousser mes recherches au-delà de la question de la commensalité pour choisir de manière réfléchie les thèmes à exploiter au cours de mon étude quantitative. Cette mise au point m'amène à aborder le deuxième point que j'estime également nécessaire de justifier. Le thème de la commensalité est le seul que je traite dans mon étude quantitative. Cependant, les autres sujets abordés ne sont pas inutiles, je souhaite que mon travail soit appréhendé comme un prototype, un premier essai permettant de me faire l'expérience dont j'ai besoin pour réaliser par la suite un travail plus complet et abouti. C'est-à-dire un travail de recherche portant sur la qualité alimentaire des étudiants de manière générale, prenant en compte tous ses aspects. Des explications complémentaires à mes propos seront abordées dans le reste de mon travail.

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LA QUALITE ALIMENTAIRE DES ETUDIANTS

Les pratiques alimentaires : un objet sociologique qui

suscite de nouveaux questionnements

C'est incontestable, l'alimentation est un objet essentiel de la sociologie. Insignifiant en apparence, l'acte de se nourrir est pourtant chargé de sens. En réalité, l'analyse de cet acte culturel permet d'appréhender de manière efficace l'organisation d'une société. Les pratiques alimentaires sont considérées par les sociologues comme un marqueur social pertinent qui dispose d'une place non-négligeable dans le processus de différenciation sociale. Les travaux de Frédéric Le Play et de Maurice Halbwachs en témoignent. Ce sont eux qui, dans leurs réflexions sur les budgets des ouvriers, ont intégré de manière inédite le thème de l'alimentation pour révéler les inégalités sociales. Dans nombreux de ses travaux, Pierre Bourdieu a également fait de cette question un outil de marqueur dans l'espace social.

Jusque dans les années 1960, environ, la sociologie de l'alimentation se résume essentiellement à ces études de différentiation sociale des comportements alimentaires. Cependant, aujourd'hui, comme de nombreux sociologues le soulignent, la sociologie de l'alimentation se trouve être prise dans une nouvelle phase. Par exemple, Thibaut de Saint Pol explique, à travers des arguments pertinents, que cette discipline se voit revêtir de nouvelles thématiques d'études. Cette entrée dans une autre phase tient aux nombreuses nouvelles préoccupations apparues dans la société contemporaine.

L'alimentation est de plus en plus associée à la santé.

En comparaison aux autres pays, la France associe beaucoup la notion de plaisir à celle de l'alimentation et la question de la santé est moins présente dans les préoccupations des consommateurs. Cependant, l'apparition de nouveaux enjeux en termes de santé publique ces dernières années a contribué à amorcer une transition. Le récent trouble qu'est l'explosion du nombre de personnes atteintes de maladies chroniques ou d'obésité a permis une reconnaissance de la sociologie de l'alimentation par d'autres disciplines influentes comme la médecine et l'épidémiologie. L'association du thème de la santé à celui de la sociologie de l'alimentation a suscité un regain d'intérêt pour cette dernière, cela s'illustre notamment par une volonté de

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comprendre davantage les inégalités sociales qui caractérisent ces maladies. À titre d'exemple, de nombreuses réflexions pointent du doigt la difficulté qu'ont les classes populaires à intégrer les normes de santé publique en termes d'alimentation. Ces dernières semblent être trop nombreuses, éloignées et déconnectées du savoir et des pratiques quotidiennes de ces classes sociales. Ces normes sont pensées pour être facilement assimilées par les classes supérieures. Les campagnes de prévention et les nombreuses reprises médiatiques, mises en place en réaction à ce bouleversement de problématique, ont également contribué à intégrer davantage la santé dans nos préoccupations alimentaires. Aujourd'hui, c'est la question du surpoids et de l'obésité qui est l'exemple le plus marquant du lien entre alimentation et inégalité sociale.

Les fréquentes crises alimentaires sont à l'origine d'angoisses chez les consommateurs.

La survenue de plusieurs crises alimentaires, elles aussi très médiatisées, ont redonné un sérieux intérêt aux conventions sociales qui distinguent les nourritures saines et malsaines dans notre société, dans une société de consommation où désormais la majeure partie de la population peut manger à sa faim, ces crises rappellent que la question alimentaire ne se limite pas à la nutrition. Les préoccupations autour de la qualité des produits apparaissent aussi comme des sujets importants de la sociologie de l'alimentation.

L'affection portée à la gastronomie suscite un regain d'intérêt pour les produits et pratiques alimentaires.

Selon ce même sociologue, c'est également la nouvelle image qu'on attribue à la gastronomie française qui permet de donner ce nouveau souffle à cette science, la perception qu'on se fait de l'alimentation est considérée comme un élément essentiel de notre identité individuelle et collective. Le classement par l'UNESCO du « repas gastronomique à la Française » témoigne de ce courant. La consommation de masse n'aurait pas conduit à une totale uniformisation des pratiques alimentaires : il existe encore d'importantes différences culturelles et sociales ainsi qu'un attachement à l'égard des produits du terroir qui demeure fort. Pour cela, l'analyse des aliments ingérés est certes pertinente, mais les modalités culturelles qui entourent le repas, le sens qu'on donne à la nourriture et l'attachement qu'on lui porte le sont également.

Une homogénéité alimentaire qui n'empêche pas les particularismes.

S'ajoute à cela une médiatisation de plus en plus importante de l'alimentation rendue possible par les magazines, les émissions télévisées ou encore les réseaux sociaux qui véhiculent une

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vulgarisation de l'acte de se nourrir en omettant souvent l'ancrage social et les enjeux de distinction sociale que provoque celui-ci. Mais cela n'empêche pas qu'ils persistent, sous de nouvelles formes. On observe par exemple en France une plus en plus forte revendication des particularismes alimentaires dont les motivations croisent à la fois des préoccupations éthiques, médicales, sanitaires ou encore religieuses. Les régimes font également l'objet de modes alimentaires révélateurs de cette tendance à faire de l'alimentation une manière de revendiquer sa singularité.

Les étudiants sont particulièrement touchés par la mauvaise alimentation.

C'est donc dans le sens d'un renouvellement des problématiques de la sociologie de l'alimentation que le raisonnement autour de la qualité alimentaire des étudiants sera réalisé. Un certain nombre d'études concernant ce sujet ont été publiées. Le CRÉDOC, les mutuelles et les associations d'étudiants ou encore les observatoires se sont emparés du sujet pour dénoncer une mauvaise qualité de l'alimentation des étudiants, beaucoup s'accordent à dire que la santé des étudiants se détériore et que ceux sont eux les premières victimes de la « malbouffe ». Ce moment de leur vie dans lequel ces jeunes se trouvent est en très grande partie responsable de cela, en apparence autonomes et responsables, les jeunes sont par beaucoup d'aspects vulnérables. La rupture avec les habitudes familiales, une vie active déstructurée et dense, une autonomie alimentaire qui parvient souvent brutalement sont autant de raisons qui font qu'une alimentation équilibrée chez cette classe sociale est compliquée à mettre en place. Cependant, de nombreux sociologues, dont fait partie Isabelle Garabuau-Moussaoui, estiment que, comme le sens de ce mot le signale, le statut de transition n'est pas destiné à perdurer. D'après elle de nouvelles pratiques alimentaires, plus saines se mettront en place lorsque la situation de ces jeunes sera plus stable. Dans cette étude, j'envisagerai donc les étudiants comme une classe sociale ayant des contraintes et étant incluse dans un mode de vie particulier, mais je les considérerai également comme une nouvelle génération éduquée, composée d'adultes en devenir et de futures classes sociales supérieures pour le pays. Analyser la population étudiante s'avère intéressant lorsqu'on considère que ce sont eux qui, en majorité, feront partie des classes leaders d'opinions : c'est-à-dire les premiers à inaugurer les nouvelles tendances de consommation, à diffuser leur mode de vie et de pensée à travers la société. J'explorerai donc, en prenant en compte toutes ces variables, la qualité de la consommation alimentaire des étudiants.

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La qualité alimentaire des étudiants envisagée à travers trois tendances actuelles.

Cette consommation alimentaire étudiante, qui fera l'objet de l'étude, est présentée dans une partie préambule, ceci permet une familiarisation avec cette notion peu exploitée et justifie ainsi le choix des questionnements envisagés.

Au fil des lectures, trois tendances actuelles de l'alimentation se dégagent particulièrement : la question de la santé, l'attachement aux produits du terroir et celle du partage lors de la prise alimentaire : la commensalité. L'ambition générale de cette étude est, dans un premier temps, de savoir si une stratégie alimentaire particulière existe chez la population étudiante. Puis, si c'est le cas, dans un deuxième temps, tenter de comprendre la façon dont celle-ci se caractérise afin de pouvoir juger son impact sur cette population.

La santé est un enjeu majeur des questions alimentaires contemporaines

Les enjeux de santé liés à l'alimentation coexistent souvent avec des motivations citoyennes.

Dans son enquête, Représentations et pratiques de la consommation engagée, le CRÉDOC propose de décrire l'évolution de la consommation des Français lorsque celle-ci est pratiquée comme un moyen de protestation. L'étude révèle que cette pratique fait sens pour de plus en plus de consommateurs, deux individus sur cinq qui ont répondu au questionnaire déclarent tenir compte des engagements de citoyenneté : c'est-à-dire prendre en considération les conséquences sociales, écologiques ou économiques que l'achat d'un produit implique (CF tableau n°1). La force de leurs engagements est telle que la moitié des interrogés se dit être prête à payer plus cher des produits de ce genre (CF tableau n°2). Les étudiants sont particulièrement attentifs à l'aspect citoyen présent dans leur alimentation (CF tableau N° 3), ils représentent d'ailleurs la catégorie où les représentations ont le plus évolué à ce sujet entre 2002 et 2006. Bien qu'elles ne soient pas évidentes, les préoccupations de santé tiennent elles aussi une place conséquente dans la prise de décision de consommer engagé.

Ceci est d'autant plus vrai lorsque l'on sait que l'alimentation est la consommation à laquelle les Français ont le plus souvent recourt quand il s'agit de réaliser un acte de consommation engagée. La théorie « orthodoxe » justifie cela. D'après cette dernière, les préoccupations des consommateurs sont principalement d'ordre individuel. Comme Marie Seguette le souligne, ces

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engagements de citoyenneté jugés altruistes ne le sont pas, ils sont poussés de manière non-négligeable par des motivations individualistes. Ceci est particulièrement visible en ce qui concerne l'alimentation. Par exemple, manger des produits BIO participe, certes, à une amélioration de l'environnement, mais est également considéré comme étant meilleur pour la santé. Cette coexistence des motivations est sans doute une raison majeure pour laquelle l'alimentation est la première des consommations engagées. La prise de conscience de l'impact de l'alimentation sur la santé est donc un élément à prendre en compte dans cette évolution de l'intérêt des citoyens pour la consommation engagée et de qualité.

L'histoire de la consommation alimentaire des Français est marquée par la notion de plaisir.

La santé tient désormais un rôle essentiel dans les préoccupations alimentaires contemporaines. La France se trouve être dans un modèle à la fois méditerranéen et catholique, c'est-à-dire caractérisé par une alimentation synonyme de plaisir contrairement à ce que Pascale Hébel nomme « le modèle protestant » où le plaisir est subordonné à la santé. Le 17ème siècle, désigné par les historiens comme le « Grand siècle » le fût également pour sa gastronomie, s'y est développée une cuisine somptueuse et raffinée, les règles du « bon goût » y ont été érigées. À cette époque, on est alors plus attaché aux goûts des aliments qu'à leurs pouvoirs diététiques, la gastronomie devient la science du « bien manger ». Il faut attendre le 19ème siècle, que le courant hygiéniste se développe, pour que la santé regagne peu à peu les préoccupations alimentaires de la population. C'est à ce moment que la médecine et les sciences commencent à produire de nombreuses connaissances qui entraînent des prescriptions se traduisant par la recommandation d'une alimentation saine.

En 2007, lorsqu'on pose la question, « qu'est-ce que bien manger ? » (CF graphique N° 1), la réponse la plus souvent citée est « Équilibre et santé » (37 %), en 1988 cette réponse n'était citée que 24 % du temps. Effectivement, depuis plusieurs années, l'écart entre la santé et le plaisir/la convivialité se creuse, la dimension fonctionnelle de l'alimentation est de plus en plus présente dans l'esprit des gens.

Les avancées de la médecine ont permis d'accorder une place importante à l'alimentation dans les questions de santé.

Le phénomène de transition épidémiologique qui a eu lieu en Europe a, lui aussi, entraîné un changement radical du statut de l'alimentation en matière de santé. Au 19ème siècle, les mêmes

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hygiénistes et scientifiques évoqués précédemment dressent un constat : les maladies épidémiologiques sont la principale cause de mortalité en France. Aujourd'hui, ce sont les maladies cardio-vasculaires, les cancers et les maladies de dégénérescence qui sont la cause de la majorité des décès en France. Désormais, la mortalité épidémiologique est davantage maîtrisée grâce aux avancées de la médecine. À défaut de ne plus être considérée comme le meilleur remède à la maladie, l'alimentation représente aujourd'hui le premier facteur risque des maladies modernes, c'est pour cette raison que l'alimentation constitue le premier levier de prévention des politiques publiques. Cet aspect sera développé plus tard.

Les crises alimentaires ont contribué à renforcer la méfiance des consommateurs.

Les crises alimentaires successives n'ont fait que renforcer les angoisses des consommateurs à l'égard de l'alimentation. En effet, en parallèle de cette explosion de l'obésité et des maladies liées à l'alimentation, la population a vécu une réelle prise de conscience à la suite de crises alimentaires survenues dans les années 1990 (vache folle, la tremblante du mouton, l'OGM, etc.).

La spécificité de l'acte alimentaire rend sa relation avec le consommateur délicate.

La question de l'influence de l'alimentation sur la santé est incontestable, l'adage selon lequel « on est ce que l'on mange » rend le lien affectif entre l'alimentation et l'individu fort. C'est ce que Rozin et Campion-Vincent appellent « la pensée magique » liée à l'acte alimentaire. Cela explique aussi pourquoi l'anxiété est particulièrement prononcée dans le domaine alimentaire. Le risque alimentaire ne mobilise pas les mêmes angoisses que les autres risques, le fait de faire rentrer en soi des aliments provoque des comportements qui dépassent parfois la raison. Comme l'explique le sociologue Claude Fischler, la sécurité et l'abondance alimentaires n'ont jamais été aussi fortes. En dépit de cela, l'alimentation semble plus que jamais préoccuper les consommateurs, voir les inquiéter.

L'agriculture biologique est considérée par beaucoup de consommateurs comme une réponse aux risques alimentaires contemporains.

Pour beaucoup de consommateurs, le recours à une alimentation biologique représente la meilleure alternative à cette crise de la « sécurité alimentaire ». Les mangeurs de produits BIO

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sont des consommateurs inquiets, l'agriculture biologique rassure, le cahier des charges que le producteur doit suivre est très coercitif, la certification est obtenue à la suite de multiples contrôles indépendants. Aussi, la production d'un aliment issu de l'agriculture biologique ne doit pas nécessiter d'engrais ni de traitement chimique lors de l'élevage, de la transformation et de la culture. Le portrait sociodémographique des consommateurs de nourriture BIO est complexe à identifier, ce sont généralement des gens issus classes sociales aisées, vivant dans des grandes villes ou des individus appartenant à la classe moyenne de petites villes ou de campagne. L'aspect financier nécessaire pour consommer BIO est facilement contournable grâce à des stratégies d'économies locales, ce mode de consommation est intégré dans des pratiques de sociabilités, d'échanges et dans une réflexion sur l'acte de consommation. En plus de se soucier de leur santé, ces consommateurs définissent aussi leur geste comme un soutien volontaire à une agriculture durable et responsable. Effectivement, la préservation de la santé, mais aussi la protection de l'environnement sont des éléments qui distinguent l'agriculture BIO et classique. La préoccupation sociale constitue aussi un volet du développement durable. Des réflexions autour de ces questions seront évoquées plus tard.

Les consommateurs sont concernés de manière inégale par cette prise de conscience générale.

Dans leur étude sur les liens entre alimentation et santé selon les milieux sociaux, Régnier et Masullo remarquent que les milieux favorisés privilégient le lien entre alimentation et santé dans une optique préventive, c'est-à-dire pensée sur le long terme. Tandis que pour les classes plus populaires ce rapport est plutôt pensé à court terme, dans une optique curative. Aussi, pour eux, la question de la santé semble moins associée aux pratiques alimentaires que pour les classes favorisées. Malgré ces différences de représentations, il y a en France une réelle prise de conscience collective de l'importance de l'alimentation sur la santé. Cette dernière est telle que les pouvoirs publics, les industriels, les politiques nutritionnelles volontaristes (notamment le Programme National Nutrition Santé), etc. se sont, eux aussi, emparés du sujet. Ceci, à des fins parfois totalement divergentes. Claude Fischler parle d'un « brouhaha diététique incessant » particulièrement présent dans les sociétés économiquement développées. Ceci s'illustre notamment par la diffusion continue de messages nutritionnels (le baromètre de l'alimentation de juillet 2008 montre que « Manger au moins 5 fruits et légumes par jour » est le message le plus marquant pour 41 % des Français) (CF illustration N° 1).

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Différents acteurs s'approprient ces questions alimentaires à des fins contradictoires parfois.

Les industriels, les médias, les publicités contribuent très largement à cette déflagration en surfant sur l'anxiété constante que provoque l'alimentation.

Malgré une culture du plaisir prononcée, la France est contrainte d'intensifier les messages nutritionnels dont le programme national nutrition santé (PNNS) est l'un des principaux contributeurs. Depuis 2005, on remarque des messages du PNNS en dessous de chaque publicité de type agro-alimentaire. L'efficacité de ce dispositif est prouvée, cette redondance de messages permettrait une bonne mémorisation de l'information par les consommateurs-téléspectateurs.

De nombreuses analyses ont été faites sur les publicités qui encouragent la consommation de produits alimentaires. Anne Guérin et Nadia Veyrié montrent que ce sont toujours les mêmes thèmes qui y sont abordés : la jeunesse, la santé, l'érotisme, etc. Le thème de la nature est également souvent représenté dans ces publicités. Ils sont attirants et les téléspectateurs apprécient s'identifier à eux. Parallèlement à ces pubs, il existe une très forte sensibilisation à la consommation de fruits et de légumes dans les médias qui appliquent ce même modèle de phrases clefs utilisées à répétition. Le PNNS est également à l'initiative de ces campagnes de prévention nutritionnelle, elles sont une priorité pour les politiques de santé publique. Les producteurs et les industriels, s'emparent eux aussi de ce phénomène. Pour ces mêmes sociologues, les contenus de certaines pubs sont trop proches de ces spots de sensibilisation. Anne Guérin et Nadia Veyrié donnent comme exemple le slogan : « Les produits laitiers sont nos amis pour la vie » commandé à l'initiative des producteurs et des industries du lait, ce message pourrait très bien appartenir aux domaines de la santé publique pour inciter les téléspectateurs à consommer ces produits. Pourtant, de nombreux spécialistes, dont Didier Raoult, alarment sur la consommation de ces produits laitiers industriels nocifs pour la santé. En recevant simultanément les messages de santé publique et des producteurs, les représentations des consommateurs peuvent se complexifier. La sociologue Lise Renaud parle de « seuil de saturation et de négation liée au processus de consonance » : bien que ces messages télévisuels soient facilement mémorisables par les téléspectateurs, le matraquage fréquent d'une même information et l'absence de diversité et de complémentarité de l'information peuvent, d'après elle, aboutir à une non-appropriation du message ou un rejet.

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Cependant, certaines des théories (approche culturelle, apprentissage social, etc.) assurent que les médias sont capables, grâce aux messages qu'ils envoient, de façonner le comportement et les opinions individuelles. Ces messages ne sont pas tous bienveillants, ces publicités sont avant tout conçues par les industriels de l'agro-alimentaire et sont destinées à faire vendre. C'est ce que l'enquête de Lise Renaud sur la publicité au Québec tend à démontrer. Par exemple, l'analyse du contenu du journal La Presse dévoile que 81 % des articles qui abordent les questions de l'alimentation et de santé sont signés par des journalistes ou chroniqueurs, 19 % seulement par des professionnels de la santé.

La santé n'est pas le seul aspect dont le marketing de l'agroalimentaire et de la grande distribution s'emparent pour attirer la reconnaissance des consommateurs. L'aspect social ou la dimension du terroir, qui sont des aspects de plus en plus présents dans les préoccupations alimentaires des consommateurs, sont eux aussi exploités par ces industriels.

Les produits du terroir : une redéfinition privilégiant l'aspect local

Les consommateurs accordent une place importante à la dimension civique dans leurs choix alimentaires.

En ce qui concerne la qualité alimentaire, la santé représente la plus importante des demandes sociales, la dimension civique préoccupe, elle aussi, les consommateurs. Par dimension civique, il faut entendre ici : les liens qu'entretiennent agriculteurs et consommateurs ainsi que ceux entre résidents et leur environnement pris au sens large du terme. En 2016, d'après l'IPSOS, 70 % des consommateurs déclarent privilégier les produits régionaux ou vendus en circuits court, 30 % achètent leurs produits directement aux producteurs et 29 % choisissent des aliments dont ils ont l'assurance qu'ils permettent un juste revenu aux producteurs. Ces prises de conscience civiques sont portées par les mêmes angoisses que celles relevées dans le cadre des questions de santé. La sécurité alimentaire, l'environnement et la provenance des produits préoccupent particulièrement les consommateurs. L'article Alimentation et territoires attribue principalement ces angoisses aux classes sociales favorisées et/ou déjà inscrites dans des discours alternatifs, il révèle que ce lien particulier avec le terroir est souvent associé à la question du revenu et de l'éducation. Les femmes sont plus sensibles à ces questions.

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Aujourd'hui, il existe un regain d'intérêt pour les produits du terroir, l'intérêt des programmes alimentaires nationaux à l'égard des produits alimentaires locaux illustre l'importance de ce phénomène. Les pouvoirs publics, les collectivités territoriales ainsi que les associations sont, eux aussi, de plus en plus nombreux à se pencher sur la question.

L'attachement des consommateurs aux produits du terroir existe depuis toujours. Leurs attentes à leurs égards ont évolué.

Pour comprendre l'attachement actuel des consommateurs aux produits du terroir une re contextualisation du lien entre alimentation et territoire est nécessaire. La valorisation du terroir n'a pas toujours été celle que l'on connaît aujourd'hui. Plusieurs études révèlent que les attentes actuelles des consommateurs portent davantage sur les produits locaux et les circuits courts. Par exemple, en 2009, 64 % des consommateurs considèrent l'origine régionale des produits alimentaires comme « beaucoup » ou « assez » importante (CF graphique N° 2), ce critère a crû de 10 points entre 2008 et 2009. Cet intérêt pour les produits locaux n'a donc pas toujours été si important. Ce bouleversement est le fruit d'une longue histoire. La géographe Claire Delfosse, fait partie des chercheurs à avoir étudié cette évolution.

La qualité de l'alimentation a toujours été associée à son environnement de production.

Il existe déjà au 19ème siècle des stratégies pour lier l'aliment à son espace de production. En effet, il est possible d'associer une dénomination géographique aux produits de l'agro-alimentaire. Ce procédé sous-entend que la qualité du produit est liée à son terroir (c'est-à-dire au lieu physique dans lequel il est fabriqué, mais aussi à la société locale et à la culture dans laquelle il est créé). Dès cette époque, ce lien est synonyme de qualité et participe à la renommée du produit et de son territoire.

Parmi les bouleversements sociétaux qui ont lieu au 19ème siècle, le développement des villes et de l'industrie, l'exode rural, etc. contribuent à une valorisation du paysan et de la campagne. Par exemple, on constate une revalorisation du travail paysan qu'on oppose à la monotonie du travail en usine. La fin du 19ème siècle, appelée aussi « Belle époque », est également caractérisée par une volonté d'affirmation de la nation, cette dernière passe, entre autres, par une valorisation des produits du terroir. Les chercheurs participent à ce regain d'intérêt et sont donc de plus en plus nombreux à s'intéresser aux produits du terroir. Ils souhaitent, eux aussi, défendre les produits nationaux, leur influence permet de propager ces valeurs. C'est le cas, par

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exemple, de Curnonsky et Marcel Rouff qui, dans Tour de France de l'alimentation gastronomique, font découvrir les cuisines et les plats régionaux en les opposant fermement à la cuisine bourgeoise et hôtelière qu'ils jugent inauthentique.

Le succès de ces produits du terroir est tel, qu'à partir du 20ème siècle, les premières revendications juridiques visant à défendre cette gastronomie apparaissent. Il va surtout s'agir de défendre le nom d'un produit et protéger l'usage du producteur auquel il fait référence. La loi de 1905 illustre cette volonté de protectionnisme, elle permet de « garantir au consommateur que sous le même nom, il trouvera toujours un même produit ». D'autres lois de ce genre sont publiées. Dans le même ordre d'idées, c'est à cette époque que la législation autorise aux syndicats des producteurs de se mettre en place afin qu'ils s'organisent pour défendre leurs produits : c'est-à-dire, définir ce qui les caractérise et ce qui les rend authentiques. Cette défense de la cuisine régionale, opérée par de nombreux acteurs, est considérée comme un acte régionaliste dans le sens qu'en défendant la gastronomie française, on assure la suprématie du pays qui, soit dit en passant, est perdue sur la scène politique à cette époque.

La modernisation agricole bouleverse le sens qu'on attribue aux produits du terroir.

L'après-guerre et la reconstruction que cette dernière implique tendent cependant à disqualifier les modes de vie rurale, le terroir prend une connotation négative pour les consommateurs. La modernisation agricole est fortement encouragée. Cela s'illustre, entre autres, par l'apparition des grandes surfaces et d'un modèle de production agro-industriel, ce sont désormais les produits standards et de qualité normalisée qui sont valorisés. C'est à ce moment que les premiers grands mouvements de résistances émergent, certains petits producteurs vont moderniser leurs productions afin de pouvoir la maintenir et la re développer. Pour ce segment marginal de la population, il y a une prise de conscience de la nécessiter de valoriser les différences et de les maintenir, c'est-à-dire maintenir ce qui fait la spécificité des régions.

Il faut attendre les années 80 pour que l'idée que les produits du terroir participent à la patrimonialisation et au développement de la campagne se repende à nouveau. La crise permet cette revalorisation des ressources locales. Les remises en question des modèles productivistes agricole et de la société de consommation de masse qui s'opèrent dans ces années participent à ce mouvement. Le consommateur est à nouveau en quête d'assurance et d'authenticité, les produits du terroir contentent leurs attentes. Dans ces années 1980-1990, l'intérêt croissant porté aux terroirs est également à mettre en parallèle avec les nouvelles valeurs positives qu'on

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attribue à la campagne. Ce regain d'intérêt est tel que, dans les années 1990, il y a une redéfinition du patrimoine rural qui jusqu'alors était considéré uniquement pour son architecture.

Les industriels de l'agroalimentaire s'emparent de la question du terroir à des fins commerciales.

Les industriels et les grandes surfaces voient dans cet enthousiasme de la part des consommateurs une possibilité de faire du profit. Ils s'emparent alors, eux aussi, de la question des produits des terroirs. Aujourd'hui, face au gigantesque succès des grandes distributions, les petits producteurs sont perçus comme des héros combattant l'industrialisation. Pour les consommateurs, la qualité d'un produit passe aussi par les traces symboliques que laissent toutes les personnes travaillant sur le produit. Pour Jean-Pierre Poulain, cette qualité manque aux produits agro-industriels, ils présentent un déficit d'humanité, de sociabilité et de culture. Le marketing de l'agroalimentaire et de la grande distribution s'emparent alors de cette question en donnant l'illusion partielle d'un produit alimentaire qui « pousse sous les yeux de la communauté ». Cette stratégie s'illustre, par exemple, à travers des visuels de grands-mères préparant le café ou de torchons à carreaux rouge (CF illustration N° 2). À partir de là, on parle de réinvention des produits du terroir, ils vont être peu à peu déconnectés du local, il ne va plus s'agir de les protéger contre leur disparition, mais contre leur dénaturation. L'appellation d'origine est une solution apportée à cela, le terroir garde une connotation essentiellement rurale et traduit la revalorisation de la campagne même si à la fin des années 1990 ces produits tendent à être valorisés par les villes en quête de requalification.

Aujourd'hui, le terroir est essentiellement synonyme de local.

En 2010, a lieu un bouleversement de la définition du terroir, il est devenu durable. Cela traduit les tendances du moment dont le développement durable fait partie. Le local n'est plus forcément synonyme d'unique et d'exceptionnel. Claire Delfosse insiste là-dessus : aujourd'hui, il faut comprendre que le terroir s'inscrit dans une logique qui relève du quotidien et du banal, autrement dit, les produits frais d'ici. Effectivement, c'est un produit qui n'a pas d'autre attribut géographique que celui d'être local, il n'a pas d'autre singularité que d'être d'ici. Il n'existe pas de règle stricte concernant la distance à partir de laquelle un produit n'est plus local. Cependant, l'étude réalisée par LIPROCO évoque un certain consensus qui semble s'établir autour de 80 à 100 kilomètres en France. Les consommateurs ne vont plus seulement

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se tourner vers les appellations d'origine contrôlée, ils favorisent désormais d'autres formes de reconnaissance du lien au lieu comme la proximité géographique.

Ils privilégient les circuits courts, car ils permettent, entre autres, une transparence des produits que les grandes surfaces ne peuvent pas leur offrir. Les français se disent de plus en plus demandeurs d'informations sur le lieu de fabrication du produit et sur l'origine de la matière première. La part des consommateurs pour laquelle la traçabilité est un critère permettant de se faire une idée de la qualité d'un produit a augmenté de 7 points en 3 ans (CF graphique N° 3). Ils sont nombreux à considérer que les relations presque directes avec le producteur que l'achat d'un produit local implique sont une réponse à leur préoccupation grandissante de la traçabilité des aliments. Cette approche s'inscrit souvent dans des mouvements de consommateurs engagés et se produit en contestation du modèle alimentaire industriel.

Consommer local est un engagement soutenu par les pouvoirs publics.

Aujourd'hui, ce sont surtout les distances parcourues par les aliments qui sont dénoncées, mais aussi les intermédiaires, c'est-à-dire les grandes surfaces qui évincent les petits producteurs et ne se soucient pas des agriculteurs. Ce mouvement s'inscrit dans les nouvelles politiques publiques concernant l'alimentation. C'est le cas, par exemple, du « Grenelle de l'environnement » qui favorise l'approvisionnement des cantines en produits locaux. Se met aussi en place une démarche des villes qui consiste à mettre en valeur l'agriculture locale. Les collectivités territoriales et les territoires de projet/de gestion interviennent de plus en plus en faveur de l'alimentation et de l'agriculture dont le principal critère est d'être produit ici. On note qu'ils font désormais essentiellement référence à la terre et non plus à un terroir. C'est la notion de promiscuité qui compte.

La consommation d'aliments du terroir est approximativement motivée par les mêmes angoisses que celles observées dans le cas des préoccupations de santé.

En France, la quête de l'origine s'illustre dans le local et semble peu à peu renier le terroir. Malgré un bouleversement de définition, la consommation de produits du terroir est encore actuellement synonyme d'engagement citoyen et est sensiblement portée par les mêmes préoccupations qu'à son origine. Une étude récente a montré que les motivations à consommer local peuvent être classées en quatre catégories (CF tableau N° 4).

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Les premières préoccupations rejoignent la question de la santé évoquée plus tôt. Pour les consommateurs, les produits distribués en circuits courts sont plus respectueux de l'environnement et leur paraissent donc moins nocifs pour la santé de l'Homme, à un tel point que lorsqu'on demande à un individu à qui il fait le plus confiance pour lui donner des informations fiables sur ce qu'est une alimentation saine, les agriculteurs/pécheurs et les petits commerçants arrivent respectivement en 4ème et 5ème position derrières les professionnels de santé, les associations de consommateurs, les amis et la famille. L'industrie agroalimentaire arrive en dernière position des agents les plus souvent cités et leur proportion dans le total des réponses n'a fait que diminuer au fil des années (CF graphique N° 4).

Donner du sens à sa consommation, c'est-à-dire consommer responsable est également une des motivations majeures de ceux qui souhaitent consommer local. Effectivement, l'aspect social et environnemental est souvent évoqué chez ces acteurs. Lorsque, dans l'étude Ethicity en 2010, on demande aux consommateurs « un produit vous permettant de consommer responsable doit... », 10 % répondent d'abord « être fabriqués localement afin de favoriser les économies de transport » et 13 % répondent en premier lieu « être fabriqué localement afin de favoriser le développement de l'emploi local » (CF graphique N° 5). La consommation locale apparaît donc comme une composante essentielle de la consommation responsable. Privilégier l'environnement et les principes du développement durable (comme c'est le cas de 70 % des consommateurs) ou favoriser l'emploi local et respecter les petits producteurs dans la chaîne de production sont des actes de consommations engagées qui tiennent une place importante dans les motivations des consommateurs de produits locaux. La découverte des saveurs et la création de lien social que ce choix induit sont également des motivations régulièrement citées.

Pour résumer, aujourd'hui faire allusion aux produits du terroir, c'est surtout parler de produits locaux, les consommateurs sont attachés à cette notion de promiscuité dans laquelle ils estiment trouver des réponses à leurs préoccupations concernant la qualité de leur alimentation.

La commensalité influence la qualité alimentaire de manière positive

L'analyse des pratiques sociales qui entourent le repas est primordiale dans l'étude de la qualité alimentaire.

Le terme « malbouffe » est omniprésent dans la sphère médiatique. La multitude de sens qu'on lui attribue est en partie responsable de ce succès. Il concerne à la fois certaines

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conditions de distribution, de consommation ou de production. On l'utilise également pour dénoncer la mauvaise qualité d'un produit alimentaire, que cette dernière soit nutritionnelle ou sanitaire. De ce fait, toutes les revendications alimentaires contemporaines des consommateurs que l'on a évoquées jusqu'alors peuvent être considérées comme des réactions à l'encontre de cette « malbouffe ». On a souvent tendance à associer la nutrition à sa fonction biologique, cette dernière est essentielle à la survie de l'espèce humaine. Cependant, pour de nombreux scientifiques, il est important de prendre en compte les pratiques sociales qui entourent la prise du repas lorsqu'il est question de dénoncer la mauvaise qualité alimentaire. Le rythme, la récurrence, l'horaire des repas, etc. sont donc des variables à considérer dans cette analyse de la consommation alimentaire des étudiants. C'est surtout à l'imaginaire, aux affects et aux émotions que provoque la commensalité que fera référence cette partie. Il semblerait en effet que sans cette commensalité, autrement dit : le fait de manger ensemble, la qualité de la nutrition se dégrade. La capacité de manger sainement est influencée par l'environnement social des individus.

Partager un repas participe à améliorer la qualité de ce dernier.

Dans son ouvrage, Claude Fischler, socio-anthropologue, s'intéresse aux stratégies sociales qui se jouent lors des repas partagés. Pour lui la commensalité apporte une fonction sociale importante nécessaire à une bonne alimentation. Il dénonce également la fin, ou du moins l'affaiblissement, de ce rituel. Analyser cette pratique contribue à comprendre certains aspects pouvant contribuer à la « malbouffe ».

Comme il l'a été dit précédemment, en France, la notion d'alimentation est souvent associée à celle du plaisir. À un tel point que pour beaucoup d'entre nous, le repas est légitime que lorsqu'il est partagé. En comparaison à leurs voisins du Nord et du Sud, les Français sont encore très attachés aux partages et à la sociabilité que le repas provoque. Alors qu'aux États-Unis, par exemple, c'est loin d'être le cas, l'étude de l'INRA citée plus tôt révèle que les heures des prises alimentaires des Américains du Nord sont étalées sur la journée entière. Alors qu'en France, un pic des prises des repas est observé à 13 heures. Effectivement, 50 % des Français sont en train de manger à cette heure-ci, statistiquement il y a donc plus de chances pour que ces individus soient attablés les uns avec les autres. Selon le baromètre santé nutrition de 2009, huit Français sur dix prennent encore le dîner en famille, ce qui compte ce n'est pas le fait de manger, mais de partager un repas avec quelqu'un. Mais d'après Claude Fischler, ce mode de consommation se substitue peu à peu à un mode plus individualiste, les raisons évoquées par le sociologue sont

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les particularismes alimentaires dont le végétarisme est l'exemple le plus pertinent. Le travail des femmes, la déstructuration des emplois du temps, l'industrialisation, l'évolution de la taille des ménages, etc. sont également considérés comme responsables de cette hausse de l'individualisation des repas.

Beaucoup de chercheurs, dont des sociologues alertent sur ce changement. Claude Fischler insiste aussi sur le fait que se réunir autour d'un repas est un prétexte de sociabilité et une manière d'inculquer des règles fondamentales de la vie sociale, c'est-à-dire partager, attendre de se voir donner la parole pour parler, écouter les autres, etc. Mais, comme beaucoup d'autres, il est surtout d'accord pour dire que le contexte façonne l'alimentation. Par exemple, des études ont prouvé que les paramètres sociaux qui se jouent dans ce partage alimentaire incitent à changer les comportements en fonction des personnes que les individus ont en face d'eux. Dans son ouvrage, Claude Fischler explique que les femmes ont tendance à moins manger en présence d'hommes comme c'est le cas des personnes à fortes corpulences qui mangent moins en présences de personnes minces. Le rythme, les récurrences, la structuration des repas vont, en partie, dépendre du contexte convivial dans lequel est pris ce dernier. Le partage aide à acquérir les bonnes habitudes alimentaires, c'est pour cela que certains scientifiques redoutent sa disparition.

En conséquent, les personnes qui vivent seules ont une alimentation de moins bonne qualité que les autres.

Plusieurs études font ce constat : les personnes seules sont plus soumises aux risques de maladies liées à l'alimentation que les autres. Dans son article intitulé « Meals for one : how eating alone affects the health of the elderly », Annalijn Conklin dresse ce même constat. Son étude porte sur les personnes âgées, elle justifie ce choix de population par le fait que ce sont des ménages très isolés et qui, donc, sont plus susceptibles de manger seuls que les autres. Le mariage, la cohabitation, l'amitié et les interactions sociales, en général, permettent, dans certaines mesures, de manger plus sainement. L'auteure s'est servi des données de l'étude EPIC-Norfolk, à laquelle elle a participé pour examiner le lien entre les interactions sociales des consommateurs et la quantité quotidienne de fruits et de légumes ingérée par ces derniers. Les résultats confirment ce qui a été dit jusqu'à présent : par rapport aux personnes du même âge, les plus de 50 ans vivant seuls mangent 2,3 fois moins de produits végétaux par jour ! Elle va jusqu'à dire que la solitude aurait un impact sur la santé équivalent à fumer 15 cigarettes par jour, les risques d'obésités, de diabètes, etc. étant plus fort chez cette population. Dans son

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expertise sur les pratiques et les comportements alimentaires, l'INRA propose des constats allant dans le même sens. En proposant d'étudier les « repas convenables » dont la définition est « un repas qui se construit en opposition aux plats dévalorisés (pizzas surgelées, snacks, etc.) », ils font quelques constatations intéressantes. Les personnes déclarant le plus souvent ne pas faire de repas convenables sont célibataires, les personnes avec conjoints et/ou enfants déclarent s'efforcer de réaliser de « bons petits plats » pour leur famille alors qu'ils affirment rencontrer des difficultés à prendre des repas ensemble lorsque les horaires de travail ne permettent pas un rythme conjoint.

La commensalité n'est pas le seul facteur à prendre en compte pour évaluer la qualité d'un repas.

Indépendamment ou non de la commensalité, le rythme, l'occurrence, la structuration et le contenu des repas sont aussi des variables à prendre en compte lorsqu'on parle de qualité alimentaire.

L'occurrence alimentaire, peut aussi être le facteur d'une moins bonne alimentation si elle est trop peu fréquente ou irrégulière. Sauter des repas contribue au grignotage et créer des frustrations qui mèneront par la suite à des repas considérés comme « trop conséquents » par les nutritionnistes. L'étude Le temps de l'alimentation réalisée en 2012 par Thibaut de Saint Pol montre que le rituel des trois repas est moins respecté par les jeunes, qui sont des individus relativement isolés. Les moins de 25 ans sont 64 % à manger entre 5 et 11 heures, tandis que les plus de 50 ans sont 90 % à prendre leur repas sur cette plage horaire. Ce sont ces mêmes jeunes qui déclarent le plus régulièrement grignoter entre les repas (CF graphique n° 6), 30 % des 18-24 sautent « très souvent » les repas, c'est deux fois plus que les individus de 45 ans.

Les différences en terme de régularité alimentaire peuvent également s'expliquer au regard de l'emploi du temps des individus, sauter un repas peut aussi être un moyen de gagner du temps. Effectivement, cette même étude montre qu'il arrive à 60 % des cadres, des indépendants et professions intermédiaires de sacrifier un repas de temps en temps pour libérer du temps, c'est un peu moins le cas chez les ouvriers. L'enquête emploi du temps de l'INSEE dénonce clairement le lien entre rythme alimentaire et risque d'obésité. Cela en réaction à ce constat : en France en 2008, selon l'enquête handicap-santé, 39 % des hommes et 24 % des femmes sont en surpoids en métropole. En 1991, cela concernait seulement 31 % des hommes et 18 % des femmes. Les personnes qui effectuent moins de trois prises alimentaires par jour sont plus

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obèses que les autres, une régularité dans la prise alimentaire des repas est importante pour éviter ces risques de maladies.

Aussi, le temps consacré à cuisiner a diminué. Parallèlement à ces phénomènes nocifs pour la qualité de l'alimentation, la qualité des repas décline. Entre 1980 et 2010, le temps consacré à cuisiner s'est réduit de 18 minutes.

Une durée insuffisante du temps passé à table peut, à long terme, être vecteur de pathologies liées à l'alimentation. Les individus dans les études ou en emploi passent 02 heures et 16 minutes à manger par jour, c'est 15 minutes de moins que ceux qui n'ont pas de contrainte. Les produits industriels, le travail des femmes, l'électroménager ou encore l'explosion de la restauration rapide sont autant de raisons qui justifient ce phénomène et contribuent à cette augmentation de prise de repas « sur le pouce ».

D'autres facteurs comme le temps passé devant un écran (qui augmente les risques évoqués précédemment) fait partie des nombreuses variables à prendre en compte dans cette analyse. En France, 22 % des personnes seules consacrent leur temps de repas devant un écran, ce sont 6 points de plus que pour les couples avec enfants.

Le manque de commensalité n'est donc pas le seul responsable de la détérioration de la qualité alimentaire. Il y a, en effet, beaucoup d'éléments propre à la société actuelle qui font que la qualité des repas semble dépérir. Cependant, il est important de rappeler, une fois de plus, que la qualité des produits et la sécurité alimentaire n'a jamais été aussi bonne en France. Jamais dans l'histoire du pays une aussi grande part de la population a eu accès à une telle quantité et qualité de produits alimentaires.

Les caractéristiques de la population étudiantes amènent à se pencher sur leur commensalité.

Le thème de ce mémoire : la qualité alimentaire des étudiants, justifie le focus réalisé sur la commensalité. Théoriquement, ce rituel est particulièrement limité chez la population étudiante. Les caractéristiques de cette classe sociale sont particulières, même si la décohabitation des jeunes devient de plus en plus tardive, une part non-négligeable d'étudiants vit seul. D'après l'enquête de l'OVE paru en octobre 2017, 53 % des étudiants dé-cohabitants vivent seuls. Hebel et Recours insistent sur leur mode de vie déstructuré, ils dénoncent la flexibilité de leurs horaires et la désorganisation de leurs prises alimentaires. Comme je l'ai dit précédemment, l'entrée dans la vie étudiante est caractérisée par une rupture avec les habitudes familiales et donc une

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autonomie alimentaire qui parvient parfois brutalement. S'ajoute souvent à cela un mode de vie particulièrement dense et déstructuré. Mais la phase de transition dans laquelle se trouvent ces jeunes pousse certains scientifiques à nuancer ces propos. D'après eux, certes, les étudiants ne respectent pas nécessairement les normes inculquées par leurs paires, mais ils ne sont pas non plus totalement dépourvus de structures et de règles (culinaires en l'occurrence). Les normes traditionnelles sont connues par cette population, mais elles ne sont pas nécessairement mises en pratique instantanément. Elles sont réactivées au sortir de la phase de jeunesse à l'occasion des premières rencontres amoureuses ou de naissances d'enfants par exemple.

En réaction à toutes les spécificités de ce groupe social, il semble nécessaire de se poser la question de la qualité de l'alimentation des étudiants à travers le prisme de la commensalité. La qualité de l'alimentation ne peut pas uniquement se mesurer par le biais ce seul facteur. En effet, pour dresser une représentation exacte de la qualité alimentaire, il est nécessaire d'analyser tous les aspects qui la concernent dans sa globalité. Mais comme il l'a déjà été dit, la commensalité est un facteur essentiel dans l'analyse de ce trouble contemporain qu'est la « malbouffe ». Certains sociologues dénoncent une individualisation des pratiques alimentaires provoquées par les nouvelles tendances de notre société. La surconsommation, l'apparition de la restauration rapide, les nouvelles technologies, etc. sont pointées du doigt par les spécialistes. Claude Fischler, lui, désigne comme premier responsable les particularismes alimentaires.

Pour certain, l'augmentation du nombre de personnes touchées par un particularisme alimentaire provoque la disparition de cette commensalité.

Dans cette société où l'individualisme et la responsabilisation sont à leur paroxysme, le sens que les hommes attribuent à leurs actes est exacerbé, pour le meilleur et pour le pire. L'idée que nos actions et notre voix comptent autant que ceux de n'importe qui provoquent de nouveaux phénomènes dont le particularisme alimentaire fait partie. Claude Fischler estime qu'ils provoqueront l'éclatement de cette convivialité tant convoitée en France. La politisation, le bien-être animal, la montée des préoccupations environnementales et celle de l'importance du lien entre médicalisation et institutionnalisation font partie des nombreuses convictions poussant les consommateurs à modifier leur alimentation en rendant cette dernière spécifique. L'ampleur de ces stratégies est plus ou moins importante d'un consommateur à l'autre. En effet, ces stratégies peuvent simplement consister en une consommation plus ou moins déterminée par des angoisses, des préférences, des a priori, etc. et se manifester par un comportement relativement souple à l'égard de la consommation alimentaire. Il peut, à contrario, également

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s'agir d'une consommation très engagée dont le végétarisme ou le véganisme sont les exemples les plus pertinents. Selon une étude d'Harris Interactive, actuellement 5 % des Français seraient végétariens ou végans. Cela montre l'importance du phénomène. Même si, par beaucoup d'aspects, cette conviction est tout à fait louable, certains sociologues dont fait partie le groupe de chercheurs qui a coécrit Les alimentations particulières, mangerons-nous encore ensemble demain ? avec Claude Fischler, expliquent que cela implique une exclusion ou une extraction volontaire du repas partagé. Ce qui est paradoxal lorsqu'on sait que les « vrais » allergiques ou les « intolérants » déclarent souffrir du fait de ne pas pouvoir partager le repas avec leurs convives et que, souvent, des stratégies sont mises en place chez ces individus pour perpétuer la commensalité.

Conclusion

Pour infiniment de raisons, dont celles évoquées tout au long de ce travail, les préoccupations alimentaires n'ont jamais été aussi importantes en France. Cette prise de conscience s'exprime chez le consommateur par ce que Gallen, appelle « l'encyclopédie mentale » d'identification des aliments. Il s'agit d'une sorte de classification qui permet d'aiguiller les consommateurs dans leurs choix. La culture, l'éducation, l'environnement, etc. dans lesquels baignent les consommateurs fondent un ensemble de règles alimentaires implicites et des représentations mentales qui se manifestent par des interdits et des prescriptions. La comestibilité des aliments va dépendre des différentes convictions des individus. De la manière la plus simple possible, c'est la notion du bon et du mauvais qui est fréquemment utilisée par les consommateurs pour répertorier les aliments et exprimer leurs préférences. Ces notions font référence aux goûts, à la qualité gustative et nutritionnelle ou encore sanitaire. Elles peuvent aussi renvoyer à des croyances religieuses ou culturelles.

À long terme, l'ambition de l'enquête « La qualité alimentaire des étudiants » est de savoir s'il existe dans ces populations des catégories réellement bien définies de consommateurs. Le but est de saisir la manière dont se propagent ces convictions alimentaires dans l'esprit de ces jeunes gens, ainsi que comprendre les stratégies qu'ils adoptent pour satisfaire ces dernières. Il ne faut pas oublier de prendre en compte le contexte de vie dans lequel ils se trouvent.

L'enquête quantitative de ce mémoire se focalisera sur le dernier aspect présenté : la commensalité dans la population étudiante.

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La méthodologie

Comme il l'a été mentionné plus tôt, l'enquête qui est proposée dans ce mémoire de recherche porte uniquement sur une partie du vaste sujet qu'est la consommation alimentaire des étudiants. C'est donc le thème de la commensalité qui sera analysé dans cette étude. C'est avant tout pour des raisons pratiques que cette alternative a été retenue. Il me semble en effet que le temps et l'expérience dont je dispose ne me permettent pas de traiter l'intégralité du sujet de manière exhaustive et soignée. Le choix d'étudier le thème de la commensalité repose aussi sur une curiosité subjective propre à moi-même et sur la volonté d'expérimenter une problématique peu exploitée jusqu'à présent. L'ambition de ce travail est de créer quelque chose d'authentique, la commensalité est un thème qui répond pleinement à cette demande. Les recherches que j'ai menées précédemment ont montré que de nombreux chercheurs ont déjà fait le choix d'associer le thème de l'alimentation à ceux de la santé et des produits du terroir dans leurs travaux. Cette abondance d'études est, certes, tout à fait intéressante lorsqu'il est question de s'informer sur les tendances actuelles dans ce domaine, de prendre modèle ou encore de confronter les différentes idées entres elles. Il s'agit cependant dans ce mémoire de recherche de s'intéresser à des aspects moins exploités afin d'apporter de nouvelles révélations concernant la qualité alimentaire des étudiants.

Aussi, même si mon ambition est de réaliser ce travail avec le plus grand professionnalisme possible, il est important d'envisager ce dernier comme un prototype visant, d'une part à acquérir de l'expérience et d'autre part, se préparer en vue d'une enquête plus complète et aboutie se basant sur les difficultés et les acquis rencontrés lors de ce travail. Effectivement, mon souhait, à long terme, est de réaliser une enquête plus conséquente sur la qualité alimentaire des étudiants se basant aussi sur les aspects évoqués dans la première partie. C'est-à-dire une analyse prenant également en compte les aspects de la santé et des produits du terroir.

Le contenu de cette partie consacrée à la méthodologie est donc important dans le sens où c'est ici que seront inventoriés les aspects techniques de ce travail. Il sera nécessaire de s'y référer pour comprendre les objectifs et les questionnements de cette enquête, le choix des questions proposées dans le questionnaire ainsi que pour prendre connaissance des difficultés rencontrées et des aspects qui ont plus ou moins bien fonctionnés. Pour se faire, une première partie sera consacrée à la justification des choix opérés pour mener à bien mon étude sur la commensalité des étudiants. Dans la seconde partie, il sera question de dresser un constat global du

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questionnaire une fois que celui-ci aura fini d'être administré. C'est également dans cette partie que je justifierai les raisons qui ont déterminé la structure de mes questions. Des remises en question, des consolidations d'idées, etc. y seront également répertoriées.

Les ambitions du questionnaire

La commensalité : le rôle social de l'alimentation.

L'acte de manger ne se réduit pas seulement à la satisfaction d'un besoin biologique. Pour analyser la qualité d'une alimentation, il est également important de saisir à la fois l'aspect affectif, culturel et social que cette dernière renvoie à son consommateur. En fonction du caractère de chacun, de la situation et du contexte de vie dans lequel un individu se trouve, l'alimentation est porteuse de rôles différents. En fonction des circonstances, la nourriture peut avoir un rôle nourricier de maintien de vie, elle peut s'avérer être une marque d'affection, avoir un rôle hygiéniste et de maintien en forme, un rôle hédoniste, ou encore, tenir un rôle social. C'est pour ces raisons que les comportements alimentaires sont le résultat d'un patrimoine culturel propre à chaque individu. Ce patrimoine est présent dès la naissance et s'enrichit constamment ensuite.

L'alimentation est un sujet très vaste et la mesure de sa qualité ne dépend pas d'un unique facteur. La commensalité est un aspect de l'alimentation parmi beaucoup d'autres qu'il est nécessaire de prendre en compte pour déterminer une qualité alimentaire.

Comme je l'ai déjà mentionné dans la partie préambule, le mode de vie des étudiants, leur caractéristiques sociodémographiques ainsi que la période de leur vie dans laquelle ils se trouvent les rends atypiques.

Les publications que j'ai consultées dans le cadre de mes recherches et le statut d'étudiant que je possède actuellement sont des paramètres qui me poussent à formuler une fois encore l'hypothèse suivante : la population étudiante semble majoritairement composée d'individus plus « vulnérables » que la moyenne. Ces jeunes étudiants sont généralement moins riches que le reste de la population, ont un emploi du temps particulièrement irrégulier et décousu et se trouvent être dans une période de transition de vie. Ces caractéristiques provoquent un mode de vie particulier dont l'analyse, me semble-t-il, est intéressante dans le cadre d'une étude sur la commensalité. L'intérêt de cette recherche est de comprendre l'effet que cette commensalité peut avoir sur les étudiants compte tenu des différentes contraintes auxquelles doit faire face cette population. Bien que souvent pointés du doigt pour leurs mauvaises habitudes

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alimentaires, les étudiants mettent eux aussi en place des stratégies alimentaires en fonction des contextes dans lesquels ils se trouvent. Cette enquête démographique a donc pour but de faire ressortir l'impact de cette commensalité sur les comportements alimentaires des étudiants.

L'aspect statistique.

Pour traiter du sujet de la qualité alimentaire des étudiants, réaliser une enquête quantitative m'a semblé être le procédé le plus pertinent. Encore que, compléter ce travail avec une enquête qualitative s'avère être un choix tout à fait intéressant. Mais l'étude quantitative permet de fournir de manière plus efficace des indicateurs pertinents pour traiter mon hypothèse de recherche qui est la suivante : en dépit d'un statut particulier, les étudiants, eux aussi, mettent en place des stratégies alimentaires animées par la commensalité. Comme dans tout travail quantitatif, il est nécessaire d'organiser un plan de sondage. En fonction des moyens dont dispose l'enquêteur (financiers et logistiques), il est indispensable de mettre en place une méthode de tirage de l'échantillon permettant de bénéficier des résultats les plus précis possible, c'est-à-dire représentatifs de la population étudiante dans le cas de ce mémoire. La taille de l'échantillon de chaque enquête dépend donc essentiellement des ressources techniques et temporelles disponibles. En ce qui concerne cette enquête pilote, l'échantillon dont je dispose (114) n'est pas représentatif de la population étudiante. En effet, l'inexistence de base de données, le manque de moyens financiers et de temps ne me permettent pas de recueillir suffisamment de réponses aboutissant à une conclusion fondée sur un faible risque d'erreur. Cependant, comme il l'a été dit précédemment, ce mémoire doit être considéré comme un prototype de recherche. Dans cette perceptive, il est intéressant de procéder à une simulation de coût de cette enquête. C'est-à-dire, réaliser un plan de sondage en supposant que les ressources pour mener à bien l'enquête soient suffisantes.

Idéalement, pour que les résultats de l'enquête soient représentatifs de la population étudiante française, l'échantillon doit être composé de 385 étudiants. Effectivement, la France compte environ 2 610 000 étudiants de l'enseignement supérieur (chiffre publié par l'INSEE pour l'année 2016), avec une marge d'erreur de 5 %, j'estime que 385 étudiants au minimum doivent répondre à ce questionnaire pour que ce dernier soit représentatif de cette population. En estimant, de façon tout à fait approximative, que 30 % des gens qui sont soumis au questionnaire y répondent, ce dernier doit être accessible à 1 284 étudiants au minimum.

En ce qui concerne la manière d'administrer le questionnaire, la stratégie la plus efficace est de diversifier les méthodes d'approches et d'être persévérant, c'est-à-dire ne pas hésiter à faire des

relances. L'idéal, dans le cadre de mon étude sur l'alimentation des étudiants, serait d'avoir accès à la base de données de l'éducation nationale comportant l'intégralité des adresses mail des étudiants de France. Cependant, les démarches administratives, la légitimité nécessaire pour satisfaire une demande de ce genre sont telles qu'il est difficile d'avoir rapidement une réponse favorable à cette requête. Mais, dans la mesure où ce plan de sondage hypothétique ne présente aucune contrainte, je peux considérer que cette option est réalisable. Pour compléter cette démarche, la diffusion par les réseaux sociaux est aussi envisageable. C'est d'ailleurs la technique que j'ai retenue dans le cadre de mon enquête pilote.

Le tirage sera évidemment réalisé de manière « aléatoire » puisque les étudiants répondent de manière volontaire au questionnaire et ne sont pas choisis de manière individuelle. Si une base de données était à ma disposition, je ferais le choix de réaliser un tirage systématique, jusqu'à ce que 1 284 étudiants soient retenus. Mais, dans la mesure où j'estime avoir les moyens nécessaires pour traiter toutes les réponses, la situation idéale seraient d'envoyer ce questionnaire au plus de personnes possibles, c'est-à-dire : toutes les étudiantes et tous les étudiants de France !

Dès le début, j'ai conçu le questionnaire de manière à ce qu'il puisse être auto-administré. Les questions sont de type fermé, elles sont conçues courtes et rendues les plus compréhensibles possible, quant aux possibilités de réponses, elles sont peu nombreuses et suffisamment encadrées pour que chaque enquêté puisse s'y retrouver. Nous reviendrons sur la forme des questions dans la deuxième partie de ce chapitre.

Construction des blocs de question.

C'est cette ligne directrice qui a guidé la réalisation de ce questionnaire. J'ai opté pour le choix d'un questionnaire en blocs de façon à ce que chacun d'entre eux hébergent une thématique spécifique. J'ai fait en sorte que leurs apparitions se suivent dans un ordre logique, que le passage d'une thématique à une autre soit pensée de manière cohérente, c'est-à-dire à ce que l'interroger trouve le cheminement fluide. Aussi, la construction de ce questionnaire permet de placer les passages les plus intimes à la fin pour que ces derniers soient administrés au moment où l'étudiant se sent le plus en confiance. Là aussi, je reviendrais sur ce point plus tard dans ce mémoire.

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Premier bloc : les questions sociodémographiques.

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Une des caractéristiques des questionnaires auto-administrés est l'autonomie qu'ils donnent aux enquêtés. Par exemple, dans le cadre de notre travail sur la commensalité, la décision de répondre à l'enquête appartient seulement à l'étudiant. C'est pour cette raison qu'appréhender un taux de réponse exact est difficilement possible, voir irréalisable. Ce dernier est fonction de plusieurs dimensions : du thème du questionnaire, de sa taille, de sa forme, de la manière dont il est présenté, etc. Ce sont ces éléments qui vont inciter, ou non, les individus à répondre à l'enquête. Ainsi, en ce qui concerne mon questionnaire sur la commensalité, ma première préoccupation a été de formuler un texte d'approche le plus persuasif possible pour inviter un maximum de personnes à y répondre. Une de mes lectures relate que déjà en 1953, des chercheurs se préoccupent de la difficulté grandissante à administrer des questionnaires. C'est le cas de Marcel Maget qui déplore une aversion pour les questionnaires qui serait dû à la quantité croissante des démarches administratives et le temps, de plus en plus restreint, dont les individus disposent pour y répondre. C'est pour ces raisons qu'une réflexion poussée autour de la phrase d'accroche est primordiale. Dans ce préambule doivent apparaître : mon identité, le thème du questionnaire, l'importance ou l'intérêt de l'enquête, sa durée, la garantie de l'anonymat et la manière dont l'enquête est choisie. Dans la mesure où mon questionnaire a été administré sur Facebook, j'ai opté pour un message à caractère familier dont voici le contenu :

Avant d'entrer dans le vif du sujet, la première information que je souhaite recevoir de l'étudiant est son accord pour exploiter le questionnaire qu'il a rempli. En retour de quoi, je m'engage à traiter ces informations à des fins statistiques et de manière anonyme seulement. Il est donc nécessaire de poser une question claire et d'obtenir une réponse écrite de façon à ce que l'enquêté ne puisse pas agir en mauvaise foi et reprocher aux enquêteurs d'avoir exploité ses réponses sans son accord.

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Le premier bloc du questionnaire s'intitule « Informations personnelles ». Cette partie est souvent considérée comme la « marque minimale » du questionnaire. En termes de contenu, elle n'est peut-être pas la plus intéressante à traiter pour un chercheur. Elle est cependant indispensable ! En effet, tout questionnaire se doit d'avoir une section consacrée au profil de l'enquêté. C'est elle qui résume de la manière la plus efficace l'origine sociale, la situation actuelle, le parcours de vie, etc. de la personne interrogée. C'est à partir de ces informations que l'enquêteur peut commencer à expliquer les variations de réponses répertoriées dans le reste du questionnaire. C'est pour cette raison que les variables présentes dans cette partie sont appelées variables explicatives ou variables indépendantes, elles permettent de donner un sens aux autres questions du questionnaire. Cette partie, observable dans l'annexe, va permettre de récolter les informations suivantes : le sexe, l'âge, la taille, le poids, le niveau d'instruction, l'organisation des études. C'est aussi cette partie qui va permettre de vérifier le statut de la population enquêtée. En effet, seuls les questionnaires des individus qui déclarent être étudiants seront pris en compte au moment de recueillir les réponses.

Deuxième bloc : vos études.

Comme l'intitulé de cette partie l'indique, il est question ici d'obtenir des informations plus axées sur la nature des études des individus. L'objectif de ce passage est précisément de prélever des renseignements sur les caractéristiques scolaires de l'étudiant interrogé. Pour se faire, j'ai retenu cinq questions dont j'estime que les réponses me permettront, entre autres, d'élaborer une esquisse des profils scolaires des étudiants français. Comme je l'ai précisé auparavant, la chronologie de mon questionnaire est envisagée de façon à affiner le contenu des questions au fur et à mesure de sa progression. De cette manière, les questions posées dans le formulaire seront de plus en plus intimes et me renseigneront chaque fois un peu plus sur l'enquêté et son rapport au sujet abordé : la commensalité. À ce stade du questionnaire (bloc n°2) je connais le profil sociodémographique de l'individu, connaître le profil scolaire de l'étudiant est tout aussi important dans le cadre de mon enquête sur la qualité alimentaire de ces derniers. Il ne s'agit

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plus seulement de savoir à quel individu on a à faire, mais également à quel étudiant on a à faire. Même si des corrélations évidentes existent entre ces deux statuts, isoler ces caractéristiques me paraît plus approprié dans le contexte de mon étude. Dans un premier temps, l'objectif de cette partie est d'obtenir des informations sur le lieu d'étude de l'individu afin de pouvoir réaliser une analyse spatiale. J'ai également besoin de connaître le parcours de l'élève, son niveau d'étude, sa moyenne, la filière à laquelle il se raccroche et l'organisme dont il dépend (université, IUT, grandes écoles, etc.). L'intérêt principal de cette partie est de déterminer si des différences ou des corrélations existent dans les différents rapports à l'alimentation en fonction des multiples caractéristiques des étudiants. Ces variables présentées dans le bloc n°2 sont elles aussi considérées comme explicatives dans le cadre de notre enquête. Par la suite, elles pourront être assimilées à d'autres variables pour répondre à des questions liées à mon sujet.

Troisième bloc : votre environnement d'études.

Contrairement au deuxième bloc, cette troisième unité est destinée à analyser certains aspects de l'organisation de la vie étudiante. C'est-à-dire la composition des logements des étudiants et l'aménagement de leur emploi du temps en semaine. La finalité de ces interrogations est de comprendre dans quelles mesures ses conditions de vie si particulières impactent la qualité de l'alimentation de l'étudiant (toujours pensée à travers le spectre de la commensalité). Les lectures réalisées et importées dans la partie précédente de ce mémoire montrent que la manière dont est constituée un ménage influence de façon non-négligeable le rapport des consommateurs à la commensalité. Aussi, il n'est plus à démontrer que l'organisation de notre emploi du temps influence notre manière de manger. Le but de ce travail est donc de montrer que l'allure si singulière de la vie des étudiants a un impact sur leur alimentation et sur la manière de partager leurs repas. Dans cette partie encore, il est question de s'interroger sur les modes de vie des individus dans le but de fournir des explications aux réponses concernant les pratiques alimentaires liées à la commensalité que la suite du questionnaire nous permettra de fournir.

Comme c'est surtout le cas pour le bloc 1, on peut considérer que le bloc 2 et ce bloc 3 contiennent eux aussi des variables explicatives. Elles sont surtout là pour expliquer les variations de réponses contenues dans les blocs qui vont suivre. Elles me permettent de réaliser des profils d'étudiants de façon à créer des corrélations entre ces derniers et les réponses aux questions liées à la commensalité présentes dans les parties suivantes.

Quatrième bloc : conditions de restauration.

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Même si l'existence des trois précédents blocs est indispensable, c'est dans cette partie que l'on rentre véritablement dans le vif du sujet. Ce bloc est destiné à fournir des informations sur les préférences et les habitudes alimentaires des enquêtés. Pour commencer, deux questions très explicites et déterminantes pour notre étude sont proposées : elles visent à comprendre la place qu'occupe la commensalité dans les préférences alimentaires des étudiants. Ensuite, des questionnements formulés sous un même modèle sont énoncés, leur intérêt est de savoir si les individus estiment que partager un repas avec quelqu'un rend leur alimentation de meilleure qualité. Ici, la qualité est mesurée par l'intermédiaire d'indicateurs dont la pertinence a été expliquée dans la première partie de ce mémoire. C'est donc à travers des renseignements sur le temps de préparation du repas et celui passé à table ainsi que sur la composition de l'assiette que trois questions de ce bloc portent. Cette partie a également comme projet de saisir l'occurrence à laquelle les étudiants partagent leurs repas et de savoir si, lorsqu'ils en ont l'occasion, ces derniers sont demandeurs de pratiquer ce rituel. Les deux dernières questions de ce bloc sont destinées à recueillir des informations sans lien direct avec le thème de la commensalité. En effet, je cherche à savoir le temps que consacrent en moyenne les étudiants à cuisinier et celui qu'ils passent à table. Ces questions sont rédigées dans l'optique de faire un lien avec d'autres questions liées à la commensalité.

Grace à la structure explicite de ses questions, ce bloc apporte des informations directes sur le rapport des étudiants à la commensalité. Ces informations seront, bien entendu complétées et enrichies lorsque des associations seront faites avec d'autres variables obtenues dans le reste du questionnaire.

Cinquième bloque : habitudes alimentaires.

Ce bloc me permet de me procurer plusieurs informations sur qualité de l'alimentation de chaque étudiant enquêté. Depuis le début, notre postulat est que la qualité de l'alimentation dépend aussi de la commensalité, il est donc nécessaire de déterminer la qualité de l'alimentation des individus enquêtés pour réaliser des assimilations avec les variables obtenues dans les blocs précédents. Ici, les étudiants donnent la vision qu'ils ont de la qualité de leur alimentation. J'aurai donc des réponses qui résultent de l'opinion que chacun se fait d'une « bonne alimentation ». Pour se faire une question simple est posée : je demande aux étudiants de désigner le terme qui caractérise le mieux leur alimentation. Puis une question plus concrète sur la composition de leur repas est ensuite formulée. La structure de cette dernière nécessite de cocher, pour chaque aliment, le nombre de fois que les individus en ont mangé lors de la

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semaine précédent l'enquête. Cela me permet d'avoir une vision plus concrète de l'alimentation du groupe d'interroger. Et puis, considérant qu'un questionnaire sur la qualité alimentaire des étudiants doit nécessairement comporter une question sur la régularité des repas et les visites dans les établissements de restaurations considérés comme néfaste pour la santé, j'ai souhaité introduire quelques interrogations à ce sujet dans cette dernière partie. Comme je l'ai révélé dans la première partie de ce mémoire, ce sont des pratiques responsables de la mauvaise qualité de l'alimentation et dont les étudiants semblent particulièrement adeptes.

Le traitement du questionnaire.

Le logiciel de Google que j'ai utilisé pour réaliser et administrer mon questionnaire organise les données automatiquement. Grace à cela, le traitement informatique de ces dernières ainsi que leur analyse sont facilités. En effet, les informations sont directement téléchargeables sur un logiciel de traitement de données.

Dans ce travail d'analyse, la première étape est d'observer de manière globale ce qui se dégage en premier lieu du formulaire afin de pouvoir recadrer ou confirmer mes questionnements initiaux. Cette étape nécessite une analyse « classique » du questionnaire, cela s'avère particulièrement nécessaire dans le cas des questions sociodémographiques. Grâce à ces tris à plat, je peux, entre autres et avant toutes choses, présenter un portrait global de la population étudiante française. Seulement, en démographie, l'analyse des données ne se limite jamais à une analyse des données par tri à plat. Rapidement, il est nécessaire de réaliser des tris croisés, plus complexes, pour confronter les différentes réponses les unes aux autres. Elles sont utiles pour rendre ou non acceptables mes hypothèses ou encore pour comparer la distribution des réponses entre les sous-groupes de répondants. En fonction des questions que je me pose et des réponses que je souhaite obtenir, le procédé de traitement des données n'est pas le même.

Aussi, dans une étude comme celle-ci, comparer mes résultats à d'autres enquêtes s'avère totalement pertinent. Cependant, pour que la comparaison soit possible, il faut que les questions aient été posées exactement de la même façon, dans un même contexte, ce qui n'est pas le cas de notre travail. La finalité de cette enquête « prototype » est avant tout un travail d'interprétations de mes propres résultats.

Compte tenu de la nature de mon travail, l'analyse de ce dernier est à réaliser avec précaution, mes propos et mes affirmations finales sont bien-sûr à nuancer. De plus, l'observation n'est jamais entièrement suffisante même lorsqu'elle est bien anticipée. Il est important de retenir

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que le questionnaire porte sur ce que les gens disent, sur du déclaratif et pas toujours sur ce qu'ils font en réalité. Il peut y avoir des décalages, des différences entre le déclaratif et la réalité.

La construction du questionnaire Les sources.

Comme il l'a été mentionné précédemment, un des buts recherchés dans ce mémoire est la découverte d'informations exclusives. C'est avant tout la nature atypique du sujet qui me permettra d'exhausser ce souhait. En effet, le thème de la commensalité a peu été exploité jusqu'à présent. Malgré cette volonté de réaliser un travail avec des résultats inédits, mon questionnaire consultable dans l'annexe ne présente pas de questions atypiques ou extravagantes. C'est d'abord en réaction à la forme « auto-administrée » du formulaire que j'ai fait le choix d'administrer des interrogations simples et traditionnelles.

Les recherches que j'ai réalisées dans le cadre de mon mémoire m'ont orienté vers plusieurs travaux comportant des enquêtes sur lesquelles je me suis appuyée pour réaliser ce travail. M'inspirer de questionnaires dont le sujet est proche de celui de la commensalité m'a semblé être le raisonnement le plus logique pour réaliser ce travail. C'est cette manière de penser qui m'a conduit à examiner de plus près le questionnaire de l' « Étude de l'activité physique et des habitudes alimentaires et de vie des adolescents d'Aquitaine » réalisée par l'Institut de Santé Publique, d'épidémiologie et de développement ainsi que celui de l' « Enquête nationale sur les conditions de vie des étudiants (2013) » réalisée par l'Observatoire national de la vie étudiante. Le site de l'INSEE m'a également été d'une importante aide lorsqu'il a été question d'énumérer les différentes filières proposées à la fac ainsi que les principaux lieux d'enseignements se trouvant en France notamment.

Les deux enquêtes dont je me suis inspirée contiennent des particularités intéressantes pour la réalisation de mon questionnaire sur la commensalité. L'étude réalisée par l'Institut de Santé Publique, d'épidémiologie et de développement est beaucoup moins complète que celle de l'OVE, mais elle m'a permis d'avoir une vision très claire de ce à quoi pourrait ressembler mon questionnaire une fois ce dernier terminé. Ne traitant pas tout à fait du même sujet et ne ciblant pas exactement la même population, je me suis seulement inspirée d'une ou deux de leurs questions dans mon formulaire sur la commensalité. Cependant, la manière dont les questions sont présentées, leurs aspects très abordables ainsi que la forme de méthode d'évaluation que revêtent ces dernières ont été des sources d'inspiration pour mon travail. En effet, c'est en m'intéressant à ces questions que j'ai fait le choix d'intégrer plusieurs questions d'évaluations

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dans mon questionnaire. De cette façon, certaines de mes interrogations sont formulées de manière à ce que les étudiants réalisent une auto-évaluation de leur alimentation et de leur mode de vie. Le questionnaire de l'OVE a quant à lui inspirer un peu moins d'un tiers de mes questions. C'est-à-dire les questions dont les réponses sont considérées comme explicatives et dont le sujet ne traite pas directement de la commensalité. Le formulaire de l'OVE est composé de dix blocs de questions beaucoup plus conséquents que les miens. Un travail fastidieux de sélection s'est donc imposé à moi, il m'a fallu déterminer la pertinence de chacune des questions dans le cadre de mon mémoire et désigner une infime partie d'entre elles à inclure dans mon questionnaire. En ce qui concerne les questions sociodémographiques, mon expérience universitaire et mes nombreuses lectures m'ont permis de réaliser ces questions spontanément, de manière à ce que celles-ci correspondent pleinement aux réponses que je souhaite obtenir. C'est également le cas des questions qui traitent directement du thème de la commensalité. L'aspect peu exploité du thème de la commensalité m'a poussé à formuler mes propres interrogations. Encore une fois, le choix des questions utilisées répond à ma volonté de créer un questionnaire accessible qui implique l'intégration de phrases simples et abordables.

Choix des questions.

Malgré d'importantes réflexions autour de la composition du questionnaire, il est impossible de totalement perfectionner ce dernier avant de l'avoir administré. Le reste de cette partie est donc destiné à réaliser une analyse critique du formulaire en examinant les réponses recueillies. Afin de rendre cette analyse la plus compréhensible possible, une copie du questionnaire avec les questions numérotées est proposée dans l'annexe.

Comme je l'ai déjà mentionné précédemment deux conditions sont nécessaires pour qu'un questionnaire puisse être ajouté à l'ensemble des formulaires exploitables. En premier lieu, il faut que l'individu enquêté accepte que ses réponses soient recueillies et exploitées à des fins statistiques dans le cadre de mon travail sur la commensalité. Puis, pour que ce même questionnaire soit incorporé au reste de l'échantillon, il est primordial que la personne enquêtée soit étudiante.

C'est la première question proposée dans le questionnaire qui permet à l'individu enquêté d'autoriser, ou non, l'exploitation de ses données. Il s'agit d'une question fermée à réponse unique. Comme en témoigne l'analyse des différentes réponses aux questions de l'ensemble du questionnaire, ce type d'interrogation semble être le plus abordable pour les répondants et facilite le traitement des données pour les enquêteurs. De plus, ces questions fermées à réponses

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uniques sont très utiles pour servir de filtre : par exemple, ici, je souhaite uniquement exploiter les réponses des individus qui nous en donnent l'autorisation. Une question d'approbation dans laquelle il est seulement possible de répondre par « j'accepte » ou « je refuse » m'a semblé être la formule la plus adaptée pour éviter toutes sortes d'ambiguïtés et recevoir l'assurance que l'enquêté accepte de me transmettre ses données. Cette supposition a été confirmée puisque la totalité des répondants de mon enquête a indiquée être d'accord pour poursuivre le questionnaire en acceptant ses conditions d'exploitation. Un formulaire dans lequel est coché la réponse « je refuse » est un questionnaire inexploitable, sans intérêt pour l'enquêteur.

La question 6 quant à elle, permet de satisfaire la seconde condition, c'est-à-dire : être étudiant. Pour que l'enquêté puisse faire partie de l'échantillon, ce dernier doit impérativement être inscrit dans un établissement d'enseignement supérieur. L'analyse des réponses apportées à cette question : « Au cours de ce semestre, poursuivez-vous activement vos études dans un établissement d'enseignement supérieur ? » soulève un premier obstacle.

En effet, l'enjeu des réponses à cette question étant important pour l'enquête, la formulation que j'ai choisie n'est probablement pas la plus adaptée. D'autant plus que pour cette question fermée, la possibilité d'une réponse ouverte « autre » est disponible. Cela donne au répondant une liberté qui provoque une dispersion des réponses qui n'est pas souhaitable pour une analyse optimale du questionnaire. 10 % des répondants ont personnalisé leur réponse alors que ce n'était pas nécessaire. Le terme « activement » présent dans la question est certainement la cause de ce malentendu. En envisageant qu'une seconde version de ce mémoire de recherche plus complète et plus aboutie soit un jour réalisée, une modification de la question est nécessaire. La formule « êtes-vous inscrit dans un établissement d'enseignement supérieur ? » est plus adaptée que celle proposée actuellement. En effet, la raison pour laquelle des personnes ont personnalisé leur réponse est liée au fait qu'elles ne sont pas physiquement présentes sur leur lieu d'étude. Par exemple, c'est le cas d'un étudiant en situation de handicap qui ne peut pas se rendre à la fac. Dans l'esprit dans lequel j'ai conçu cette question, cet étudiant rentre dans la catégorie des individus qui suivent activement leurs études dans un établissement d'enseignement supérieur.

Choix des variables.

Le mémoire de recherche que je réalise comporte une quantité importante de légères imperfections liées aux choix des variables. Cela se caractérise sous plusieurs formes.

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L'usage d'un vocabulaire adéquat.

Le vocabulaire choisi représente une première source de malentendus ou d'incompréhensions. En effet, une réflexion importante doit être effectuée pour choisir un vocabulaire adéquat pour mes interrogations. La question 7 illustre cela. Le terme « principalement » qui y est employé signifie, selon moi et dans ce contexte : « avant toute chose, la plupart du temps ». Pourtant, une part non-négligeable des répondants n'a pas interprété ce mot de cette manière. Alors que dans le cadre de cette question, les étudiants devaient renseigner l'activité qu'ils réalisaient le plus souvent en semaine, certains ont détaillé leurs emplois du temps. C'est le cas, par exemple, d'une élève qui précise qu'elle est « 3 jours à la fac et 2 jours en stage ». Cette élève aurait donc dû cocher la case « en semaine de cours ». À l'avenir, pour éviter ce genre de malentendu, le terme « principalement » devra être remplacé par « la plupart du temps » ou encore par « la majeure partie du temps ». Le souci d'un terme trop vague et trop général s'est également posé d'une autre manière dans le questionnaire. Par exemple, j'ai remarqué à plusieurs reprises que les questions portant sur la famille sont confrontées à un souci d'interprétation lié aux vocabulaires utilisés dans les modalités proposées. En fait, une partie des étudiants interrogés ne conçoit pas utiliser d'autre terme que ceux se rapportant strictement à la famille. Ce souci se manifeste dans les réponses à la question où je demande aux étudiants décohabitants de me donner des informations sur les personnes avec qui ils partagent leur domicile, une partie de ceux qui vivent en colocation avec un ou plusieurs membres de leurs familles vont avoir recours la variable « autre » pour préciser qu'ils vivent avec un membre de leur famille alors que la modalité « en collocation avec une ou plusieurs autres personnes » est disponible dans les propositions de réponses. Dans le même ordre d'idées : les questions n° 21,22 et 23 concernent la commensalité, c'est-à-dire les personnes avec qui l'étudiant partage ses repas. Malgré l'existence d'une variable « Je prends mon petit déjeuner/déjeuner/dîner avec mes amis/camarades/connaissances... » certains individus vont avoir recours à la variable « autre » pour préciser une fois encore qu'il s'agit de membres de leur famille. C'est le cas d'un individu qui, pour chacune de ces questions, a précisé qu'il prenait le repas avec sa copine.

Un éventail complet de variables en guise de réponse.

Réaliser une évaluation de son questionnaire une fois que ce dernier a été administré est primordiale pour réaliser l'existence et l'impact de ses erreurs et, grâce à cela, pouvoir les corriger. De cette manière, je remarque que mes recherches et mon statut d'étudiant n'ont pas empêché certains oublis. Par « oublis », j'entends l'absence de variables indispensables

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pouvant affecter l'enquête. Cette absence de propositions peut contraindre les interrogés à se servir de la variable « autre » qui, comme je l'ai dit précédemment, provoque un éparpillement des réponses. Dans le cas de la question N° 7 présentée un peu plus haut, je n'ai pas anticipé le fait qu'une quantité non-négligeable d'étudiants pouvait être inscrite dans un établissement d'enseignement secondaire sans se rendre physiquement en cours. Dans la question N° 12 qui traite de la mention obtenue au dernier diplôme, je n'ai pas non plus anticipé le fait que certaines formations ne proposaient pas de mention à leurs diplômes. Le manque de variables se ressent également lors de l'analyse de la question N° 16 où je demande aux étudiants leur vision d'un repas réussi. Même si je stipule plusieurs fois dans ce mémoire que la population étudiante est une classe vulnérable qui dispose de peu de moyens, je n'ai pas pensé à proposer la variable « peu coûteux » dans les raisons qui peuvent faire d'un repas, un repas réussi. Cette modalité est pourtant tout à fait pertinente dans le cadre de mon mémoire sur la commensalité des étudiants.

À partir du moment où je prends la décision d'ouvrir les questions, c'est-à-dire incorporer la variable « autre » dans le cas de mon questionnaire, les individus interrogés vont se sentir plus libre de donner une réponse résultant de leur interprétation de la question. En effet, au moindre doute, les étudiants font le choix de préciser leur réponse. Afin d'éviter cela et ainsi faciliter le traitement des données, les modalités de réponses choisies doivent impérativement être réfléchies et remises en question. Il est important de noter que, parfois il n'y a pas de solutions optimales, c'est le cas de la question N° 9 qui est celle qui m'a posé le plus de difficultés. Cela se ressent dans les réponses des individus. En effet, 20 % des gens ne se sont pas retrouvés dans mes variables et ont fait appel à la modalité « autre » pour préciser l'établissement dans lequel ils étudient. C'est la multitude d'établissements présents dans l'enseignement secondaire français qui rend la question particulièrement difficile à mettre en place. Alors qu'un trop grand nombre de modalités risque de décourager les répondants, un trop petit nombre de modalités risque de compliquer le traitement final des données. Dans l'optique d'un second mémoire sur ce même thème, un travail de recherche semble nécessaire pour repérer où se trouve le juste-milieu.

Difficultés techniques.

Les erreurs répertoriées dans ce questionnaire ne sont pas toutes la conséquence d'une mauvaise réflexion autour de la formulation des questions et des modalités de réponses. Les erreurs de types techniques sont également recensées dans mon travail. Le logiciel de Google est très

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intuitif, il m'a permis de réaliser un questionnaire très complet et satisfaisant en très peu de temps. Quelques erreurs techniques, facilement améliorables, ce sont tout de même introduite dans mon questionnaire.

Par exemple, dans le cas de la question N° 8, celle où je souhaite m'informer sur le lieu d'habitation des étudiants, je précise dans la question que la réponse doit être exprimée sous la forme du code postal de la commune. La question est très claire et pourtant un nombre non-négligeable d'individus n'a pas correctement lu la consigne et a indiqué son lieu d'habitation en toute lettre. Pour résoudre ce type de problème, régler certains paramètres techniques peut être suffisant, dans le cas de cette question : ne pas donner aux étudiants la possibilité de répondre autrement que par 5 caractères chiffrés est suffisant pour qu'aucune erreur soit répertoriée. Cette réflexion est la preuve qu'une bonne maîtrise technique permet parfois d'éviter des erreurs dans les réponses.

En termes de technicité, la question n° 28 est celle qui m'a posé le plus de soucis, c'est dans cette question que j'interroge les étudiants sur la fréquence de leurs différentes prises alimentaires. Lorsque je m'intéresse de plus près aux statistiques, je me rends compte que le nombre d'occurrences des prises alimentaires de chaque aliment proposé ne dépasse jamais plus de « 10 fois par semaine ». Cette constatation est troublante lorsqu'on sait que les possibilités de réponses vont jusqu'à « 30 fois par semaine ». Il n'est pas évident de savoir si les individus interrogés ont saisi l'aspect technique de la question, c'est-à-dire : glisser le curseur sur la droite pour avoir accès à plus de possibilités de réponses. On ne peut pas savoir si les étudiants mangent jamais plus de 10 aliments de chaque catégorie par semaine ou si la forme de la question n'est pas adaptée pour que les individus prennent connaissance des autres possibilités de réponses.

Comme je l'ai dit précédemment, l'aspect général du questionnaire à une place importante dans la décision de répondre ou non au questionnaire proposé. C'est cet aspect général qui va inciter les individus à répondre à l'intégralité du formulaire sans perdre d'intérêt pour le sujet. L'aspect technique à lui aussi un rôle à jouer dans cette stratégie de rendre le questionnaire simple d'utilisation pour les enquêtés.

Les questions qui ont fonctionné.

Pour finir sur une note positive, il est important de noter que la majorité des questions posées ont correctement fonctionné. C'est particulièrement le cas en ce qui concerne les variables fermées. En effet, l'expérience dont je dispose grâce à la réalisation de mon questionnaire sur

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la commensalité me permet d'affirmer que pour avoir la certitude qu'une question fonctionne, il faut qu'elle soit compréhensible et comprise de la même façon par chaque personne interrogée. Pour cela, plusieurs conditions doivent être rassemblées : il ne faut pas utiliser de termes trop techniques, en revanche, il ne faut pas utiliser de termes trop abstraits ou généraux. Il est également impératif d'adapter le vocabulaire utilisé à la population à laquelle le questionnaire est adressé, au contexte et au temps dont dispose les individus enquêtés. C'est pour ces raisons que les questions fermées et explicatives n'ont posé aucun problème dans le cadre de mon questionnaire sur la commensalité.

Résultats

Comme je l'ai indiqué précédemment, la taille de mon échantillon n'est pas suffisamment importante pour fournir une analyse représentative de la population étudiante. Cependant, une étude réalisée à partir des réponses des questionnaires récoltés ces derniers mois sera tout de même menée, et ce, en prenant les mêmes dispositions d'interprétation et en portant la même attention aux résultats que pour une enquête « conforme », c'est-à-dire une enquête dont la taille de l'échantillon permet une représentativité de l'ensemble de la population.

Les données qui constituent mon échantillon ont été récoltées pendant environ deux mois, de fin février à début mai 2018. Le fait qu'elles soient récoltées en quantité insuffisante nécessite de prendre d'importantes précautions et le recul nécessaire lors de la rédaction et de la lecture de l'étude.

Qui sont les étudiants de l'enseignement supérieur ?

Les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans l'enseignement supérieur.

Si on se réfère à mon échantillon, les étudiantes sont presque deux fois plus nombreuses que les étudiants dans l'enseignement supérieur1. Sur 100 personnes inscrites dans l'enseignement supérieur en France, 63 sont des femmes et 37 sont des hommes.

1 Selon le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, en 2017, les femmes représentent 56% des étudiants de l'enseignement supérieur.

Ages

Pyramide des âges des étudiants de l'enseignement supérieur (2018)

 

33 31 29 27 25 23 21 19

 

Effectifs (%)

30% 20% 10% 0% 10% 20% 30%

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Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

La pyramide des âges ci-dessus montre que les étudiants de l'enseignement supérieur ont entre 19 et 33 ans. Il y a une surreprésentation très nette de ces élèves dans la tranche d'âge 20-24 ans, excepté à 21 ans. La part non-négligeable des individus qui ont plus de 27 ans pousse la moyenne d'âge générale vers le haut et la stabilise autour de 23 ans pour les femmes comme pour les hommes.

Alors que la répartition des hommes est relativement homogène dans la tranche d'âge des 2024 ans, on observe un pic de filles âgées de 20 ans. En effet, les étudiantes de l'enseignement supérieur sont 30 % à avoir 20 ans, ce sont 10 points de plus que chez les hommes !

Cette constatation peu en partie s'expliquer par un déséquilibre des genres dans la distribution des étudiants au sein des différents niveaux de l'enseignement supérieur.

Les étudiantes sont moins représentées dans les niveaux d'études supérieures.

Distribution des étudiants de l'enseignement superieur en fonction du nombre d'années d'études validées (2018)

Effectifs (%)

39% 37% 35% 33% 31% 29% 27% 25% 23%

 

Hommes Femmes

0 1 2 3 4 5

Nombre d'années validées

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Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

La figure ci-dessus, qui illustre la répartition des étudiants dans l'enseignement supérieur en fonction du nombre d'années d'études validées, peut être mise en relation avec ce nombre important d'étudiantes âgées de 20 ans. Par rapport aux hommes, les femmes sont surreprésentées dans les cycles de début de scolarité où naturellement les étudiants sont les plus jeunes. En 2018, 40 % des femmes présentes dans l'enseignement supérieur débutent tout juste leur scolarité, ce sont 8 points de plus que chez les hommes. Au moment du deug (l'équivalent de la deuxième année d'études) cet écart n'est plus que de 2 points. Durant toute la scolarité la part des femmes dans l'enseignement supérieur diminue plus rapidement que celle des hommes. C'est à partir de la 3 -ème année d'études, c'est-à-dire dans les niveaux qui succèdent l'équivalent de la licence, que la tendance s'inverse. En proportion de leur effectif, les hommes sont davantage représentés que les femmes dans les niveaux supérieurs. Cette constatation permet d'avancer que ce sont les hommes qui réalisent les plus longues études. De nombreuses recherches ont montré que la tendance s'accentue en doctorat puis dans les postes de présidences d'universités où l'on retrouve finalement que très peu de femmes. Le niveau scolaire n'explique pas ce phénomène. Effectivement, la différence de points dans la moyenne scolaire des étudiants (13,4/20) et des étudiantes (12,9/20) n'est pas suffisamment significative pour expliquer ces inégalités.

Des disparités existent également dans le choix des filières.

Au moment de choisir la filière dans laquelle ils poursuivront leur scolarité, les étudiants et les étudiantes ne jettent pas leurs dévolus sur les mêmes disciplines.

Filières choisies à l'université à effectif égal en fonction du genre

(2018)

22%

78%

81%

19%

41%

59%

100%

100%

41%

59%

00%

49%

51%

Filières

Un homme

Une femme

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

En considérant l'effectif des hommes égal à celui des femmes dans l'enseignement supérieur, on ne peut pas parler d'inégalité dans les filières de sciences humaines et sociales, les hommes sont légèrement plus nombreux en langues, en sciences économiques et en gestion que les femmes. De gros déséquilibres sont perceptibles dans les filières d'arts, de lettres et de sciences du langage où la part des hommes dépasse à peine 20 %. Le même écart est visible dans la filière de droit et de sciences politiques où les femmes sont considérablement sous-représentées. En ce qui concerne les filières médicales, le pluridroit, les sciences économiques, la licence AES ainsi que les filières relatives au sport, les résultats sont saisissants. Alors que les filières médicales sont intégralement occupées par des femmes, celles de pluridroit, de sciences économiques, la licence AES ainsi que les filières relatives au sport, sont essentiellement composées d'hommes. Le caractère invraisemblable de ces résultats est dû à la nature atypique et lacunaire de mes données. Les recherches parallèles que j'ai réalisées contredisent certains de ces résultats.

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Les étudiants de l'enquête se partagent les mêmes lieux d'enseignement.

L'analyse des lieux où les étudiants exercent leur scolarité fait particulièrement ressortir l'uniformité de mon échantillon. En effet, les lieux d'études répertoriés dans le cadre de mon enquête sur la commensalité sont au nombre de 10 tout au plus. À défaut de considérer leur analyse comme inutile, puisqu'ils ne sont pas représentatifs de la population étudiante de France, j'estime que connaître les lieux où les étudiants de l'échantillon sont scolarisés peut s'avérer utile dans le cadre de l'enquête.

Lieu d'études des étudiants de l'enseignement supérieur (2018)

Dijon

Autre

Colmar

Lyon, Macon et Caen

Paris et sa banlieue

35%

11%

15%

18%

21%

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

Les individus qui ont répondu au questionnaire étudient essentiellement à Paris (35 %). Parmi les

principaux lieux
d'apprentissages arrive en seconde position Dijon (18 %) puis Colmar (15 %). Une petite part (12 %) des répondants vient de Mâcon, Lyon et Caen.

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La distribution des emplois du temps est plus hétérogène que celle des lieux d'apprentissage.

Au cours de sa scolarité dans l'enseignement supérieur, un étudiant peut se voir revêtir plusieurs statuts, sa formation peut l'amener à réaliser des stages, passer de nombreux examens, suivre des cours qu'ils soient obligatoires ou non, occuper différents jobs étudiants ou simplement être en vacances.

De fin février à avril 2018, la moitié des étudiants était en semaine de cours. Le quart, quant à lui, était en semaine de stage ou d'alternance, le reste était soit en vacances (15 %) soit semaine d'activité rémunérée (hors stage et alternance) (7 %) ou alors en semaine d'examens (5 %). Cette disparité est, certes, explicable par la pluralité de statuts que peut générer le contexte d'études supérieures, elle peut également s'expliquer par le moment où est administré le questionnaire. C'est surtout de la structure dans laquelle l'élève suit sa scolarité que va dépendre l'emploi du temps de ce dernier.

Effectifs (%)

80%

13%

7%

Organisation de l'emploi du temps hebdomadaire selon la structure d'enseignement de l'élève (2018)

25%

75%

50%

50%

21%

26%

46%

6%

1%

40%

60%

Structure de l'enseignement supérieur

En semaine de vacances

En semaine de stage ou d'alternance

En semaine de cours

En semaine d'examens

En semaine d'activité rémunérée (hors stage ou alternance)

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Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

Le graphique ci-dessus renvoi au constat qui a été fait précédemment : de manière générale, les étudiants sont plus souvent en semaine de cours. On remarque néanmoins des différences significatives au sein des différentes formations. Avec des taux qui s'élèvent respectivement à 80 % et 75 %, les étudiants en préparation DUT et en classes préparatoires sont très majoritairement en semaine de cours. En ce qui concerne la formation d'ingénieur, la moitié des élèves est en semaine de cours et l'autre en semaine de vacances. Les étudiants en formation paramédicale et sociale sont ceux qui suivent le moins de cours, seulement 2/5 d'entre eux sont en cours lorsque le reste est en semaine de stage ou d'alternance.

C'est à l'université que les emplois du temps sont les plus hétéroclites. Schématiquement, la moitié des universitaires est en semaine de cours, 1/4 d'entre eux sont en vacances et l'autre quart est en stage ou en alternance. Le reste est, soit en semaine d'examens, soit en semaine d'activités rémunérées (hors stage et alternance). Cette hétérogénéité des emplois du temps propre à l'université est, d'une part, dut à la pluralité de formations proposées par cette dernière et, d'autre part, à la spécificité de mon échantillon. 70 % des étudiants de ce dernier étudient à l'université, il y a donc plus de probabilités d'avoir des témoignages d'expériences variées d'universitaires que d'étudiants d'autres branches moins représentées dans mon échantillon.

45

L'aménagement des emplois du temps peut également s'expliquer par le contenu des enseignements que propose chaque structure. Les préparations DUT et les classes préparatoires sont des lieux où l'apprentissage se fait le plus souvent de manière théorique. Il est alors naturel que les étudiants y suivent majoritairement des cours. D'autres branches sont quant à elles plus professionnalisantes et sont pensées pour que leurs étudiants réalisent davantage de stages et d'apprentissages afin qu'ils soient plus rapidement préparés au monde du travail.

Quel est le mode de vie des étudiants de l'enseignement supérieur ?

Une grande partie des étudiants vit seule.

Un peu moins de 30 % des étudiants vivent avec au moins un de leurs deux parents. Parmi eux, 8 % vivent uniquement avec leur mère. Le reste de ces jeunes, soit 70 %, vit dans un logement indépendant ou en résidence collective.

Plus de la moitié des étudiants qui ont quitté le domicile familial vit seule. Ce constat est particulièrement pertinent dans le cadre de l'analyse de l'impact de la commensalité sur les habitudes alimentaires des étudiants. En effet, le postulat présenté dans les parties précédentes stipule que la solitude et donc le manque de commensalité est vecteur d'une mauvaise alimentation. Il est alors nécessaire de réaliser des comparaisons entre l'alimentation et le rapport à la nourriture de ces ménages étudiants isolés et ceux des étudiants qui vivent en colocation. Pour se faire, il est également indispensable de distinguer les différents types de cohabitations pour les comparer les uns aux autres et mesurer l'impact de leur composition sur l'alimentation des étudiants.

53%

1%

Composition des ménages des étudiants décohabitants (2018)

12%

23%

10%

Je vis en colocation avec une ou plusieurs autres personne

Je vis en couple avec mon/ma petit-e ami-e ou conjoint-e

Je vis avec mon/mes enfant-s

Je vis en colocation avec un ou des ami-e(s)

Je vis seul-e

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

46

En France, en 2018, sur 100 étudiants décohabitant 20 vivent en couple, 10 en colocation et 12 avec ceux qu'ils considèrent comme des « amis ». Seulement 1 étudiant sur 100 vit avec ses enfants. Comme il l'a été dit précédemment, le reste, soit plus de la moitié, vit seul.

Les étudiants sont globalement satisfaits de leurs modes de vie, exceptés quand il s'agit du temps qu'ils consacrent aux activités personnelles.

Effectifs (%)

Evaluation du temps consacré à chaque activités (2018)

37%

59%

4%

71%

10%

19%

34%

51%

15%

23%

72%

5%

35%

46%

19%

50%

44%

7%

69%

26%

6%

Activités quotidiennes réalisées

Le temps que je consacre à cette activité me convient

Je voudrais consacrer plus de temps à cette activité

Je voudrais consacrer moins de temps à cette activité

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

Lorsqu'on demande aux élèves d'évaluer leur satisfaction relative aux temps qu'ils passent sur leurs activités quotidiennes, le constat qui ressort est qu'un grand nombre d'entre eux est satisfait par son mode de vie. Ce sont les moments passés sur leurs formations (cours, TD/TP, séminaires, etc.) et ceux qu'ils consacrent à la pause déjeuner qui accommodent le plus les étudiants. En effet, plus de 7 élèves sur 10 jugent satisfaisant le temps qu'ils accordent à ces activités, seuls un peu plus de 2 étudiants sur 10 contestent le temps passé sur ces dernières, c'est-à-dire qu'ils aimeraient passer moins de temps sur leurs formations ou plus de temps sur leurs pauses déjeuner.

En revanche, le temps passé dans les transports et celui passé à accomplir leur charge globale de travails est particulièrement contesté par les étudiants, car même si plus de la moitié d'entre

47

eux sont satisfaits du temps passé sur ces taches, ils sont également 40 % dans le cas des transports et 35 % dans celui de l'accomplissement de la charge de globale de travails à vouloir y consacrer moins de temps.

La tendance s'inverse de manière significative lorsqu'il est question des activités qui touchent plus personnellement les étudiants. L'étude révèle que ces derniers sont très majoritaires à vouloir passer plus de temps sur leurs activités de loisirs (70 %) et sur leurs activités rémunérées (50 %). La quantité de travail personnel effectuée dans la semaine satisfait la moitié des étudiants, en revanche ceux qui déclarent vouloir passer plus de temps sur cette activité (35 %) sont plus beaucoup plus nombreux que ceux qui aimeraient y consacrer moins de temps (19 %). On note ici une réelle volonté de la part des élèves de l'enseignement supérieur de prendre plus de temps pour faire des choses qui les concernent plus directement.

Ce portrait nécessaire mais non-exhaustif de la population étudiante permet de se faire une image plus claire de l'échantillon, mais surtout de justifier les questionnements qui vont suivre. Le but est de cerner la qualité alimentaire des étudiants à travers le prisme de la commensalité notamment.

Le rapport à la commensalité et les pratiques commensales des étudiants de l'enseignement supérieur

Un grand nombre d'étudiants mange seul, malgré la mise en place de stratégies visant à pallier ce déficit de commensalité.

Il arrive à beaucoup d'étudiants de l'enseignement supérieur de manger seul. Le petit-déjeuner est le repas que ces derniers prennent les moins souvent accompagnés, c'est également le repas de la journée qu'ils sautent le plus régulièrement. Sur 10 étudiants, 6 mangent seuls les matins et près de 3 sautent ce repas. Ces deux statistiques sont liées : plus les individus sont nombreux à sauter un repas, plus la probabilité de trouver quelqu'un avec qui partager ce dernier est faible. Concernant le déjeuner et le dîner, les différentes habitudes alimentaires ne sont pas si évidentes à discerner. Le repas du midi est celui que les étudiants partagent le plus souvent. Seulement 2 étudiants sur 10 prennent le déjeuner seuls, c'est deux fois plus le cas en ce qui concerne le dîner.

Les disparités en termes de commensalité s'expliquent par la structure des emplois du temps des étudiants, par la composition de leur ménage et par l'horaire auquel survient le repas.

Commensalité des étudiants lors du diner en fonction de leurs emplois du

temps (2018)

Effectifs (%)

Commensalité des étudiants lors du petit-déjeuner en fonction de leurs emplois du temps(2018)

Effectifs (%)

En semaine
d'activité
rémunérée
(hors stage

En semaine d'examens

En semaine de cours

En semaine de vacances

En semaine
de stage ou
d'alternance

Je prends mon petit déjeuner avec mes

amis/camarades/connaissances...

Effectifs (%)

du temps (2018)

En semaine d'examens

En semaine
d'activité
rémunérée
(hors stage ou
alternance)

En semaine de vacances

En semaine de cours

En semaine de
stage ou
d'alternance

Je ne prends pas de déjeuner

Je prends mon petit déjeuner seul-e

Je prends mon petit déjeuner avec les gens avec qui je vis

Je ne prends pas de petit déjeuner

43%

58%

60%

65%

80%

8%

7%

43%

8%

27%

35%

24%

20%

14%

2% 7%

ou

Commensalité des étudiants lors du déjeuner en fonction de leurs emplois

Je prends le déjeuner seul-e

Je prends le déjeuner avec mes amis/camarades/connaissances...

Je prends le déjeuner avec les gens avec qui je vis

86%

14%

20%

80%

76%

10%

8%

6%

81%

19%

47%

33%

13%

7%

En semaine d'activité rémunérée (hors stage et aternance)

En semaine d'examens

En semaine de cours

En semaine
de stage ou
d'alternance

En semaine de vacances

Je prends le dîner seul-e

Je prends le dîner avec mes amis/camarades/connaissances...

Je prends le dîner avec les gens avec qui je vis

Je ne prends pas de diner

43%

29%

14%

14%

80%

20%

31%

60%

8%

42%

54%

4%

47%

33%

13%

7%

48

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

49

Les graphiques confirment ce qui a été dit précédemment : les étudiants sont particulièrement nombreux à prendre le petit-déjeuner seuls. Si on se réfère à mon échantillon, c'est particulièrement vrai pour les étudiants en semaine d'examens. Plus de 8/10 des étudiants qui passent leurs examens petit-déjeunent et dînent seuls. En revanche, la tendance s'inverse au moment du déjeuner où ils sont 8/10 à partager leur repas avec des camarades, des connaissances ou leurs amis. Dans le cas de l'étude, il est nécessaire de préciser que 4/5 des élèves en période d'examens vivent seuls. Cela est sans doute une des raisons pour lesquelles ces résultats sont particulièrement contrastés.

Les élèves de l'enseignement supérieur sont plus ou moins 60 % à prendre le petit-déjeuner seuls, qu'ils soient en cours, en vacances, en stage ou en alternance. Contrairement aux étudiants qui passent leurs examens, cela n'est pas la conséquence de la structure des ménages isolés. En fait, les étudiants en semaine de cours (60 %), les vacanciers (50 %) et ceux en semaine de stage ou d'alternance (40 %) sont nombreux à manger accompagner le soir, chez 9 étudiants sur 10 concernés par cette commensalité, les dîners sont partagés avec des membres du foyer. On peut alors dire que la carence en commensalité provoquée lors du petit-déjeuner est atténuée lors du dîner avec les personnes partageant le ménage de l'étudiant. Concernant les élèves en semaine de cours, de stage ou d'alternance, cette convivialité se retrouve aussi lors du déjeuner avec les amis, les camarades ou les connaissances. Les vacanciers quant à eux ne sont pas sur leur lieu d'apprentissage les midis et mangent donc la moitié du temps seuls à ce moment de la journée.

La situation des étudiants qui exercent une activité rémunérée est aux antipodes de celle des autres élèves de l'enseignement supérieur. En comparaison, ils sont particulièrement nombreux à manger accompagnés lors du petit-déjeuner et du dîner, que ce soit avec des membres de leur ménage ou leurs amis, connaissances ou camarades. Seulement 40 % d'entre eux mangent seuls le matin et 15 % le soir, c'est beaucoup moins que les autres étudiants. Cependant, 8 jeunes dans cette situation sur 10 mangent seuls les midis. Ce cas de figure est intéressant, tandis que certains étudiants isolés comblent le manque de commensalité provoqué par la structure de leur ménage en partageant leurs déjeuners avec des personnes rencontrés sur leurs lieux d'apprentissage, les étudiants en activités rémunérées pallient ce manque provoqué par la nature de leur activité en mettant en place ces mêmes stratégies à d'autres moments de la journée : pendant le petit-déjeuner et le dîner. Plus de 40 % d'entre eux prennent le dîner et le petit-déjeuner avec des amis, connaissances ou des camarades. C'est infiniment plus que les autres catégories d'étudiants de l'enseignement supérieur.

50

L'étude de la commensalité lors du petit-déjeuner et surtout du dîner est un bon indicateur en ce qui concerne l'organisation des repas entre les membres d'un même ménage. En théorie, ces repas se font le plus souvent à domicile. L'enquête montre que dans tous les cas la part des étudiants qui partagent leurs repas avec au moins un membre de leurs ménages est beaucoup plus importante lors du dîner que lors des autres repas. Cela s'explique en partie par l'horaire auquel est pris ce dernier, le foyer est le lieu dans lequel se rendent les membres d'un ménage lorsque les journées et les activités qui s'y déroulent se terminent. Le dîner est un des moments de la journée où les membres du foyer réalisent la même activité, au même endroit et au même moment. Même s'il existe une part non-négligeable d'étudiants qui mangent seuls le soir, c'est le moment de la journée le plus fédérateur pour les membres d'un foyer.

L'étude de la commensalité dans le cadre du déjeuner est quant à elle pertinente en ce qui concerne l'organisation des repas des étudiants sur leurs lieux d'activité, hors du domicile, notamment lorsque l'on souhaite saisir les stratégies mises en place par ces individus pour pallier le manque de commensalité vécu au quotidien. Effectivement, ce manque ressenti lors du petit-déjeuner et du dîner par les gens qui vivent seuls peut être pallié par la commensalité du déjeuner que les activités quotidiennes permettent, à condition que leurs emplois du temps l'autorisent. Dans le cas échéant, des stratégies alternatives sont mises en place à d'autres moments de la journée. Effectivement, nous venons de voir que même si le petit-déjeuner et le dîner sont des repas considérés comme familiaux, il arrive que des situations atypiques provoquent des carences en convivialité à tous moments de la journée. Les étudiants dont l'emploi du temps ne permet pas de palier à ce manque de commensalité lors du déjeuner mettent alors en place des stratégies avec d'autres individus que ceux avec qui ils partagent leur foyer pour faire du petit-déjeuner et du dîner des instants conviviaux.

Les étudiants, en particulier les femmes, attachent considérablement d'importance à la convivialité qu'implique le repas.

En France plus qu'ailleurs, la notion de repas est encore très associée à celle du plaisir partagé. Les chiffres recueillis dans le cadre de cette enquête valident ce constat. Les étudiants de l'enseignement supérieur sont demandeurs de commensalité, ils sont nombreux à déclarer manger souvent (31 %) voir tout le temps (22 %) dans les salles communes mises à disposition, 20 % ne profitent jamais de ces espaces et un quart y va rarement. Même si l'importance de ces deux derniers chiffres n'est pas négligeable, on note une réelle volonté de la part de nombreux étudiants de manger accompagnés.

51

En effet, 9 étudiants sur 10 déclarent préférer manger accompagnés plutôt que seuls ! Les opinions des hommes à ce sujet sont moins tranchées que ceux des femmes. Les hommes sont 30 % à préférer manger seuls, c'est six fois moins le cas chez les femmes.

Préférence de la composition de la tablée lors du repas selon la composition du ménage de l'étudiant (2018)

100% 100% 100%

Effectifs (%)

88% 88%

71%

29%

12%

12%

Manger accompagné-e

Manger seul-e

Je vis chez
au moins un

de mes

parents

Je vis seul-e Je vis en

couple avec mon/ma conjoint-e

Je vis en colocation avec un ou des ami-e(s)

Je vis en
colocation
avec une ou
plusieurs

autres
personnes

Je vis avec mon/mes enfant-s

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

La part des élèves de l'enseignement supérieur qui préfèrent manger accompagnés est donc très largement supérieure à celle de ceux qui préfèrent manger seuls. Près de 30 % des élèves qui vivent chez au moins un de leurs parents préfèrent manger seuls. Ce chiffre, en apparence anodin, devient remarquable lorsqu'on le compare à celui des autres étudiants de l'enseignement supérieur. Aussi, contrairement à ce qu'on peut penser, tous les étudiants qui vivent seuls ne sont pas demandeurs d'être accompagnés lors des repas, 12 % d'entre eux préfèrent manger seuls, c'est également le cas pour certains étudiants qui vivent en couple. Pas un seul des étudiants vivant avec d'autres personnes que des membres de leur famille a déclaré préférer manger seul. L'étudiant de mon panel qui vit avec son enfant n'est pas non plus demandeur de d'isolement pendant ses repas.

Le désir de commensalité est particulièrement fort chez la catégorie d'étudiants la plus soucieuse de son alimentation.

52

Ces résultats sont à mettre en parallèle avec la satisfaction des étudiants quant au temps qu'ils consacrent à leurs pauses déjeuners, il apparaît une corrélation assez nette entre la composition du ménage de l'étudiant, les préférences en termes de composition de la tablée de ce dernier et sa satisfaction concernant le temps qu'il consacre à déjeuner.

Satisfaction du temps de la pause déjeuner en fonction de la composition du ménage de

l'étudiant (2018)

 

Je voudrais
consacrer
moins de

temps à cette activité

Je voudrais
consacrer
plus de
temps à cette
activité

Le temps
que je
consacre à
cette
activité me
convient

Je vis chez au moins un de mes parents

4%

14%

82%

Je vis seul-e

5%

22%

73%

Je vis en couple avec mon/ma conjoint-e

6%

41%

53%

Je vis en colocation avec un ou des ami-e(s)

100%

Je vis en colocation avec une ou plusieurs autres personnes 50%

50%

Je vis avec mon/mes enfant-s 100%

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

Les trois catégories de ménages où sont regroupés les étudiants préférant manger seuls (ceux qui vivent avec au moins un de leurs parents, seuls ou en couple) sont également les catégories de ménages qui concentrent l'intégralité des individus ayant déclaré vouloir passer moins de temps sur leurs pauses déjeuners.

Et donc, aucune des catégories de ménages composées intégralement d'étudiants préférant manger accompagnés plutôt que seuls (ceux qui vivent en collocation avec des gens extérieurs à leur famille et ceux qui vivent avec un ou plusieurs enfants) ne comportent d'individu qui aimerait passer moins de temps sur sa pause déjeuner. Ce sont donc les catégories de foyers les moins en demande de commensalité qui souhaitent le plus souvent consacrer moins de temps à la pause déjeuner. On décèle ici une petite catégorie de ménages qui, pour plusieurs raisons, accorde moins d'intérêt aux repas que les autres. Ces derniers sont composés d'étudiants seuls ou en collocations avec des membres de leurs familles ou leurs conjoints et semblent octroyer moins d'importance aux vertus que l'aspect convivial du repas et le temps consacrer à ce dernier

53

provoquent sur la santé. Malgré cet infime ensemble d'élèves pour qui le repas semble être avant tout un acte physiologique, le goût des étudiants de l'enseignement supérieur pour les repas partagés n'est toutefois plus à démontrer.

La dimension conviviale du repas est primordiale pour les étudiants, en revanche d'autres paramètres préoccupent davantage ces derniers.

Raisons pour lesquelles les étudiants considèrent qu'un repas est réussit (2018)

Effectifs (%)

Être pas cher

Être composé de produits de qualité

Être convivial Être sain

Avoir bon goût

15%

19%

29%

37%

1%

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

Le schéma ci-dessus montre que ces jeunes ne considèrent pas que la convivialité est le premier critère de réussite d'un repas. Lorsqu'on demande aux étudiants de désigner l'élément qu'ils jugent être essentiel dans la réussite d'un repas, la modalité « être convivial » est choisie dans seulement 20 % des cas, ce qui la renvoie à la troisième position des réponses les plus souvent citées. Les élèves de l'enseignement supérieur sont plus sensibles aux qualités gustatives (40 %) et nutritionnelles (30 %) d'un repas qu'à la commensalité que ce dernier implique. Le reste des individus considère qu'un repas réussi est un repas composé de produits de qualité. C'est-à-dire de produits frais et éthiques. Pour 1 % des étudiants, un repas peu cher est un repas réussit.

Ces exigences alimentaires illustrent l'apparition de nouvelles préoccupations chez ces jeunes consommateurs. Cependant, même si moins d'étudiants se soucient de l'importance de la commensalité qu'impliquent les repas, pour une part significative d'entre eux cette convivialité est particulièrement appréciée, les étudiants qui désirent passer plus de temps à leurs pauses déjeuners sont particulièrement concernés par cette question. Ils sont 25 % à considérer qu'un

54

repas doit avant tout être convivial, ce sont 6 points de plus que les étudiants satisfaits par leur temps de pause déjeuner. Aucun des élèves désireux de passer moins de temps sur la pause déjeuner accorde une importance à la commensalité. Les individus qui vivent en colocation avec leurs amis sont eux aussi particulièrement sensibles à la convivialité qu'engendre le repas, ces derniers sont plus de 30 % à considérer que partager un repas est la clé de sa réussite, c'est seulement le cas de 20 % des étudiants vivants en couple ou chez leurs parents. L'individu qui vit avec son/ses enfant-s est du même avis. Pour le reste des ménages, la part des individus qui véhiculent la même opinion est trop insignifiante, voire inexistante pour être mentionnée.

Ce qu'il faut retenir ici, c'est la force et la cohérence des convictions des consommateurs pour qui la commensalité est l'aspect le plus important d'un repas. L'analyse du tableau ci-dessous permet d'affirmer et d'appuyer une fois encore ce constat.

Critères de réussite d'un repas par les étudiants en fonction des activités pour lesquelles
ils réclament plus de temps (2018)

Formation

Avoir
bon
goût

Être composé de produits de
qualité

Être
convivial

Être
sain

Être
pas
cher

27%

27%

18%

27%

0%

Travail personnel

39%

16%

13%

29%

3%

Activités rémunérée

45%

8%

13%

32%

2%

Charge de travail totale

31%

19%

19%

25%

6%

Activités de loisirs

35%

15%

19%

30%

1%

Déjeuner

24%

16%

24%

32%

4%

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

Les étudiants qui ont répondu vouloir passer plus de temps sur leurs repas considèrent plus souvent que les autres que la réussite de ce dernier dépend avant tout de la commensalité qu'il engage. Un autre lien peut donc être fait entre l'importance de la commensalité et la qualité du repas, qui passe ici par la volonté de passer plus de temps à table. Il semble que les étudiants qui ressentent le besoin de prendre le temps de manger jugent plus souvent que les autres le partage des repas nécessaire. Le postulat selon lequel la commensalité incite les étudiants à passer plus de temps à table est à nouveau confirmé. D'ailleurs, comme il l'a déjà été dit, aucun des élèves qui a déclaré ne pas avoir besoin de plus de temps pour déjeuner estime que la convivialité est le composant capital d'un repas réussit.

55

Les étudiants de mon échantillon sont représentatifs de la population française. En effet, bien qu'ils considèrent en majorité que la qualité d'un repas passe avant tout par la qualité nutritive et gustative des produits alimentaires, les élèves de l'enseignement supérieur français sont épicuriens et estiment en grande partie qu'un repas réussi doit avant tout être convivial. Il existe un profil d'individu particulièrement cohérent dans ses préoccupations alimentaires, c'est-à-dire un type d'étudiant pour qui la réussite d'un repas est synonyme de partage, de bon temps passé à table avec des personnes qui lui sont proches et pour qui la pause déjeuner doit être suffisamment longue pour être appréciée.

La majorité des étudiants a conscience de l'impact positif de la commensalité sur ses repas.

Les étudiants concernés par ce profil de consommateur révélé à l'instant ne sont pas les seuls à considérer la commensalité comme nécessaire, une très grande majorité des élèves de l'enseignement supérieur considère cette dernière comme importante voir primordiale. Ce point est rassurant, en effet de nombreuses études certifient que, pour de nombreuses raisons, la convivialité est bénéfique pour la qualité alimentaire. L'analyse de l'impact de la commensalité sur le temps global consacré aux repas (préparation et prise alimentaire) appuie, à son tour, ce constat. Les élèves de l'enseignement supérieur passent en moyenne 24 minutes sur la préparation de leurs repas et 29 minutes à table. Sans surprise, les individus qui vivent seuls sont ceux pour qui la prise alimentaire s'effectue la plus rapidement, ils sont 70 % à passer moins de 20 minutes à table, c'est seulement le cas de 30 % des étudiants qui cohabitent avec des membres de leurs familles et 45 % de ceux qui vivent avec des amis, des camarades ou des connaissances, etc. Même si les écarts sont moins prononcés concernant le temps passé à cuisiner, il semble que vivre avec des membres de sa famille libère plus de jeunes de leurs corvées de cuisine, potentiellement accomplies par des pairs : 70 % des étudiants concernés par cette structure de ménage passent moins de 20 minutes en moyenne à préparer le repas. Ce sont 10 points de plus que pour les autres ménages. 30 % des élèves de l'enseignement supérieur qui vivent avec des membres extérieurs à leurs familles passent plus de 40 minutes en moyenne sur la préparation de leur repas, c'est le cas de 10 % de ceux qui vivent seuls et moins de 5 % de ceux qui vivent avec au moins un de leurs parents. La convivialité des ménages qui se répercute lors des repas est alors bénéfique pour la qualité de ces derniers, elle incite, en effet, à prendre le temps nécessaire pour qu'ils soient pris dans des conditions bénéfiques pour la santé. Une grande partie des étudiants est d'ailleurs d'accord avec ces constats.

Influence de la commensalité sur la qualité du repas selon
les étudiants (2018)

Vous passez plus de temps

sur la préparation du repas lorsque vous mangez accompagné-e

Vous passez plus de temps à table lorsque vous mangez accompagné-e

Vous mangez
plus sainement
lorsque vous
mangez
accompagné-e

Pas d'accord

Plutôt pas d'accord

Plutôt d'accord

Tout à fait d'accord

Impacts de la commensalité

Effectifs (%)

5%

2%

8%

12%

23%

37%

50%

44%

56%

30%

29%

5%

56

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

La moitié des élèves de l'enseignement supérieur déclare être plutôt d'accord avec le fait que partager son repas incite à passer plus de temps sur la préparation de ce dernier, 30 % des étudiants de l'enseignement supérieur sont tout à fait de cet avis. Le reste, soit 20 %, n'est plutôt pas voire pas du tout d'accord avec ça.

Aussi, presque toutes les étudiantes et tous les étudiants interrogés sont globalement d'accord pour dire que la convivialité des repas allonge la durée du temps passé à table. Ce constat fait écho aux raisons pour lesquelles les étudiants qui réclament plus de temps pour déjeuner sont ceux qui considèrent le plus souvent que la commensalité est l'aspect le plus important du repas. Ces tableaux dévoilent que la grande majorité des étudiants à conscience de l'impact positif de la commensalité sur leur repas, sans nécessairement avoir conscience des bienfaits qu'elle peut avoir sur la santé.

Cependant, ces élèves sont respectivement 25 et 45 % à ne pas être d'accord et plutôt pas d'accord sur le fait qu'ils mangent plus sainement lorsqu'ils sont accompagnés que lorsqu'ils sont seuls. Ce constat contredit donc ce qui a été dit précédemment : même si la commensalité semble améliorer la qualité du repas en ce qui concerne sa durée globale (préparation et prise alimentaire), elle n'est pas complétement synonyme de bonne alimentation chez les étudiants de l'enseignement supérieur. Ici, la question est de savoir si cette commensalité néfaste dont parle les étudiants est celle provoquée lors des repas exceptionnels, festifs, souvent réalisés en compagnie d'amis et issus d'une chaîne de restauration rapide, ou s'ils font allusion à une

57

commensalité du quotidien qui est le plus souvent partagée avec les personnes d'un même ménage, auquel cas le constat est plus alarmant. La partie qui va suivre traite de la qualité alimentaire des étudiants et permettra, entre autres, d'éclairer ce questionnement.

La qualité de l'alimentation des étudiants de l'enseignement supérieur

En apparence, les étudiants de l'enseignement supérieur sont en bonne santé.

En moyenne, les hommes mesurent 1 mètre 79 pour 72 kg tandis que la taille moyenne des femmes est d'1 mètre 65 pour 60 kg. Ce renseignement nous donne une première représentation de la santé physique des étudiants. La taille et le poids permettent de déterminer l'IMC, qui est un indicateur fiable, utilisé actuellement par l'OMS et inventé par Adolphe Quetelet permettant d'évaluer les risques de surpoids. L'IMC moyen des hommes et des femmes de mon échantillon est 22, autrement dit les étudiants de l'enseignement supérieur français bénéficient d'une corpulence normale. L'intérêt de cette partie est de voir si, et de quelles manières la commensalité des étudiants de l'enseignement supérieur est responsable de cette excellente santé physique.

Les étudiants de l'enseignement supérieur n'ont pas conscience de la médiocrité de leur alimentation.

Aliments

Plus de 20 fois Entre 16 et 20 fois Entre 11 et 15 fois Entre 6 et 10 fois Entre 1 et 5 fois Jamais

Effectifs (%)

100%

40%

90%

80%

70%

60%

50%

30%

20%

10%

0%

Vision globale de la fréqeunce des prises alimentaires des étudiants de l'enseignement supérieur (2018)

3% 2% 1%

1% 1% 1% 3% 3% 1% 3%

4% 2% 4% 2% 2% 2%

26%

54%

12%

32%

50%

3%

9%

3%

63%

30%

6%

54%

28%

10%

5%

26%

53%

4%

7%

7%

31%

52%

9%

5%

28%

63%

4%

4%

67%

20%

8%

60%

28%

10%

58

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

Afin de faciliter la lecture et l'interprétation du graphique ci-dessus, un regroupement des différents aliments par catégories est nécessaire. De ce fait, nous pouvons dire qu'il existe ici 5 classes d'aliments triées de la plus bénéfique à la plus néfaste pour la santé. Il y a d'abord les fruits et les légumes puis les produits laitiers associés à la viande, aux oeufs et aux poissons, arrivent ensuite les féculents : c'est-à-dire les pâtes, le riz, les pommes de terre et la semoule, viennent alors les boissons sucrées et les sucreries puis pour finir les boissons alcoolisées.

De manière générale et malgré quelques exceptions, la qualité alimentaire des étudiants de l'enseignement supérieur est plutôt médiocre. Seule une petite part d'entre eux à conscience de cela. Effectivement, même si les étudiants sont 30 % à juger médiocre leur alimentation, ils sont tout de même 60 % à trouver cette dernière satisfaisante.

59

Les chiffres de l'enquête ne concordent pas avec l'opinion que ces jeunes se font de leur alimentation. Le constat le plus alarmant concerne la consommation de fruits et de légumes. 65 % des étudiants consomment moins de 5 fruits par semaine et ils sont un peu plus de 50 % à consommer moins de 5 légumes hebdomadairement. L'organisation mondiale de la santé préconise 5 fruits et légumes par jour pour être en bonne santé, à priori les étudiants sont donc très loin de remplir les conditions nécessaires pour bénéficier d'une alimentation saine. Cette observation est encore plus alarmante si on confronte ces chiffres à ceux de la consommation de sucres et de boissons sucrées.

Même si comparer la consommation de fruits et de légumes à celle d'autres types d'aliments permet dans un premier de nuancer le constat : la quantité de fruits et de légumes ingérés s'aligne sur celle d'autres aliments bons pour l'équilibre alimentaire des étudiants, elle alerte, en revanche, sur la surconsommation de sucres et de boissons sucrées. Énormément d'étudiants de l'enseignement supérieur mangent aussi régulièrement des fruits et des légumes que des aliments sucrés. Par exemple, la part des élèves qui consomme entre une et cinq fois par semaine des fruits est la même que celle des étudiants qui consomment entre une et cinq fois par semaine des sucreries ! 5 étudiants sur 100 mangent plus de 20 fois par semaine des sucreries et ils sont 20 % à en manger plus de 5 fois par semaine.

Toutefois, un certain nombre de statistiques sont encourageantes pour la qualité de l'alimentation des étudiants de l'enseignement supérieur. Ces derniers sont 3 à 4 fois plus nombreux à consommer entre 6 et 10 fruits et légumes par semaine que ceux qui consomment cette même quantité de sucreries et de boissons sucrées sur la même période. Aussi, 20 à 25 % des étudiants mangent ou ne boivent jamais de sucre. C'est seulement le cas de 5 % en ce qui concerne les fruits et à peine 3 % pour les légumes. Les différences de comportements alimentaires sont surtout perceptibles dans l'analyse des comportements extrêmes, nous reviendrons sur ce point plus tard.

Concernant les produits laitiers, les oeufs, la viande et le poisson les chiffres sont sensiblement les mêmes que pour les fruits et des légumes. Ces aliments considérés comme coûteux et indispensables pour bénéficier d'un bon équilibre alimentaire semblent être consommés en même quantité, voir plus souvent que les autres. C'est dans cette catégorie d'aliments et celle des légumes qu'on retrouve le plus grand nombre de « gros consommateurs » : près de 15 % des jeunes consomment plus de 10 fois par semaine ces aliments. Les élèves semblent moins friands de pommes de terre et de semoule, ils sont 20 % à ne jamais en consommer et 70 % à en consommer une à cinq fois par semaine. Pour finir nous ne pouvons pas particulièrement

60

dire que les étudiants soient fidèles à leur réputation puisqu'ils sont seulement 35 % à consommer des pâtes et du riz plus de 6 fois par semaine. En revanche, presque tous les étudiants de l'enseignement supérieur mangent au moins une fois dans la semaine ce genre de produits.

Un des chiffres importants de cette étude se trouve dans la consommation de boissons alcoolisées. Même s'ils sont environ 2/10 à ne jamais en consommer, 7 étudiants sur 10 consomment entre une à 10 fois par semaine de l'alcool et 1/10 en boit 5 à 10 fois sur cette période ! On ne peut cependant pas parler ici d'alcoolisme, il est bien connu que la période estudiantine est propice à toutes sortes de festivités où les boissons alcoolisées sont avant tout synonyme de convivialité. En théorie, les habitudes alimentaires sont vouées à évoluer au cours de la vie de ces individus et la consommation d'alcool est censée se raréfier.

L'occurrence des prises alimentaires qui revient la plus souvent est « une à cinq fois par semaine ». C'est chez les consommateurs extrêmes, c'est-à-dire ceux qui ne mangent pas du tout ou abondamment certains aliments, que se dévoilent réellement les différents paliers de consommation. Même si le sucre, les boissons sucrées ou l'alcool sont consommés par un trop grand nombre d'étudiants, ce sont ces aliments qui suscitent le plus de renoncement de la part de ces jeunes adultes. Le rapport des étudiants aux sucreries est particulier : en plus d'être un aliment qui repousse, il incite également à la surconsommation, tandis que 30 % des étudiants déclarent ne jamais en consommer, ils sont tout de même 20 % à en manger régulièrement (plus de 6 fois par semaine). À l'exception de la semoule et des pommes de terre, les aliments considérés comme sain pour la santé sont consommés en plus grande quantité que les autres. Ce constat est rassurant même si la symétrie des prises alimentaires entre les aliments nocifs et sains pour la santé reste préoccupante.

Vivre en colocation avec des membres étrangers à sa famille peut avoir des effets bénéfiques sur la qualité de l'alimentation.

Les habitudes alimentaires des ménages nécessitent d'être analysées avec une grande précision. Comme nous l'avons mentionné précédemment, les graphiques dégagent un semblant d'homogénéité dans l'alimentation des étudiants de l'enseignement supérieur, les inégalités en termes de consommation alimentaire sont surtout perceptibles dans l'étude des comportements extrêmes : c'est-à-dire ceux des consommateurs résiliés ou des consommateurs « excessifs ». Ce sont eux que nous avons observés pour faire apparaître des inégalités entre les différents ménages des étudiants de l'enseignement supérieur.

Effectifs (%)

Consommation de fruits et légumes des ménages selon

leurs compositions (2018)

Je vis en colocation

44%

24%

16%

9%

4%

4%

Je cohabite avec
des membres de
ma famille

45%

34%

15%

1%

3%

3%

Je vis seul-e

30%

58%

5%

6%

Composition du ménage

Plus de 20 fois

Entre 16 et 20 fois

Entre 11 et 15 fois

Entre 6 et 10 fois

Entre 1 et 5 fois Jamais

61

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

Effectifs (%)

Consommation en produits laitiers et viandes, oeufs, et poissons des ménages selon leurs compositions (2018)

Je vis en colocation

43%

24%

19%

14%

Je cohabite avec
des membres de
ma famille

66%

24%

6% 2% 1% 2%

2%

Je vis seul-e

62%

27%

7%

Composition du ménage

Plus de 20 fois

Entre 16 et 20 fois

Entre 11 et 15 fois

Entre 6 et 10 fois

Entre 1 et 5 fois Jamais

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

Même si la consommation de fruits et de légumes des étudiants ne peut pas tout à fait être mise en relation avec celle des produits laitiers, des oeufs, du poisson ou encore de la viande, il se dégage de l'analyse de ces deux catégories de produits alimentaires un même constat : partager son foyer avec des personnes extérieures à sa famille semble être bénéfique pour la santé. Les étudiants concernés par cette structure de ménage mangent en moyenne plus de fruits et de légumes que les autres. Plus de la moitié d'entre eux mange plus de 5 fruits et légumes par semaine, cela concerne seulement 30 % étudiants issus des autres ménages. Aussi, 15 % des étudiants qui dépendent de ce type de collocation consomment plus de 16 fruits et légumes par jours, c'est trois à cinq fois plus le cas que les gens seuls ou ceux qui vivent en famille.

62

Alors qu'on retrouve plus d'étudiants qui rejettent la consommation de fruits et de légumes dans les ménages familiaux ou seuls, c'est dans les ménages où vivent les étudiants en colocation avec des camarades, des amis ou des connaissances que se trouve le plus grand nombre de personnes qui boycottent les produits tels que la viande, le poisson, les produits laitiers, les oeufs ou encore le fromage, mais c'est aussi dans cette catégorie de ménage que l'on trouve les étudiants qui consomment le plus souvent ces denrées. Effectivement, 45 % des étudiants en collocation avec des personnes autres que des membres de leurs familles mangent plus de 6 fois par semaine de ces aliments, ce sont 15 points de plus que dans les deux autres catégories de ménages. Même si on observe chez les ménages familiaux un pic (6 %) d'individus qui consomment plus de 20 fois de la viande par semaine et que ce sont les étudiants en collocations avec des membres extérieurs à la famille qui refusent le plus souvent d'ingérer ces aliments, on constate tout de même que vivre accompagné avec d'autres membres que la famille aide à trouver un bon équilibre alimentaire.

Tandis qu'on ne discerne pas de différence entre les ménages en ce qui concerne la consommation de féculent (pomme de terre, semoule, pâte et riz), l'étude de la consommation de fruits et de légumes ainsi que celle de viandes, de poissons, d'oeufs et de produits laitiers nous donne une première vision de l'impact de la commensalité sur la qualité alimentaire des étudiants.

Consommation de boissons sucrées et de sucreries des ménages selon leurs compositions (2018)

31%

Je vis en colocation

82%

10%

Je cohabite avec
des membres de
ma famille

Plus de 20 fois Entre 16 et 20

fois

Entre 11 et 15

fois

Entre 6 et 10 fois

Entre 1 et 5 fois Jamais

Composition du ménage

Effectifs (%)

7%

4% 1% 4%

1%

76%

10%

10%

Je vis seul-e

58%

4%

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

L'analyse de la consommation de sucre par les étudiants renvoi au même constat : l'alimentation de ceux qui vivent en colocation avec des membres extérieurs à leur famille est meilleure. Alors que la part d'étudiants qui consomment du sucre en grande quantité est

63

comparable voir légèrement plus importante dans ces ménages que chez les autres, ils sont 3 fois plus à ne jamais manger ou boire d'aliments sucrés !

Je vis en colocation

Je vis seul-e

Composition du ménage

Je cohabite avec
des membres de
ma famille

Consommation d'alcool des ménages selon leurs compositions (2018)

6% 1%

10%

68%

22%

Entre 11 et 15 fois Entre 6 et 10 fois Entre 1 et 5 fois Jamais

14%

28%

58%

66%

22%

5%

Effectifs (%)

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

La tendance s'inverse en ce qui concerne la consommation d'alcool. Ce sont les étudiants en colocation, qui ne cohabitent pas avec leurs familles qui en font le plus souvent usage. Les étudiants qui cohabitent avec des membres de leur famille sont 70 % à ne jamais boire d'alcool, ce sont près de 50 points de plus qu'au sein des autres ménages. Les étudiants en colocation avec des membres étrangers à leurs familles sont les plus gros consommateurs d'alcool, 20 % d'entre eux consomment entre 6 et 15 fois de l'alcool par semaine, parmi eux 6 % en boivent entre 11 et 15 fois sur cette période. Comme nous l'avons dit précédemment, on ne peut pas parler ici d'alcoolisme. Bien que cette quantité d'alcool consommée donne à réfléchir sur la santé et la qualité de vie des étudiants elle est surtout synonyme ici de convivialité chez cette population extrêmement festive.

Nous pouvons donc tout de même affirmer que la commensalité permise par la structure des ménages en collocation avec des membres extérieurs à la famille est très souvent bénéfique pour la qualité de l'alimentation des étudiants.

La qualité des pratiques qui entourent le repas n'est pas suffisante pour permettre aux étudiants de bénéficier d'une bonne alimentation.

Au cours de la semaine précédente, combien de fois avez-
vous sauté un repas ? (hors petit-déjeuner) ? (2018)

15%

18%

10%

15%

22%

29%

1

2

3

5

9

10

64

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

L'étude des pratiques qui entourent le repas soulève l'idée que l'alimentation dans sa fonction biologique n'est pas l'aspect le plus inquiétant de la qualité alimentaire des élèves. Tous les étudiants de l'enseignement supérieur sautent au moins un repas par semaine (hors petit-déjeuner) ! Les raisons les plus souvent évoquées sont le manque d'appétit (35 %), le manque de temps (30 %), 15 % déclarent également manquer de courage au moment de préparer le repas, près de 10 % des étudiants expliquent qu'ils leur arrivent de sauter les repas parce qu'ils n'ont pas fait les courses.

Pour la moitié des étudiants, cette pratique alimentaire ne concerne qu'un ou deux repas par semaine, malheureusement cela sous-entend que le reste des individus sautent plus de deux repas sur cette même période. En l'espace d'une semaine, alors que les étudiants sont 30 % à sauter 3 ou 5 repas, près de 30 % d'entre eux en sautent 9 à 10 ! Ce constat est alarmant, de nombreuses études ont établi des liens entre l'irrégularité des prises alimentaires que provoquaient ces comportements et certains problèmes de santé. Effectivement, les individus les plus enclins à sauter les repas grignotent plus souvent que les autres entre les repas, aussi la sous-alimentation qu'ils provoquent en mangeant moins les poussent à manger en plus grosses quantités lors des repas, ceci est néfaste pour l'organisme.

Ces pratiques alimentaires sont beaucoup moins récurrentes chez les étudiants qui déclarent déjeuner et dîner souvent accompagnés. Ces derniers sont plus de 40 % à sauter un seul repas par semaine, cette statistique concernent tout juste 15 % des étudiants qui mangent régulièrement seuls. Les individus qui partagent leur repas sont respectivement 20 et 5 % à

65

sauter 2 et 3 repas par semaine, c'est le cas de 40 et 30 % de ceux qui mangent seuls. Même s'il arrive à 10 % des étudiants qui mangent accompagnés de sauter 5 repas dans la semaine, leur rythme alimentaire est bien meilleur que ceux qui mangent seuls et qui sont 20 % à sauter 10 repas sur cette même période !

Une fois encore, on peut dire que la composition du ménage de l'étudiant influence la qualité de son alimentation, la commensalité est bénéfique pour la régularité des repas.

Etudiants

En semaine
d'activité
rémunérée

Nombre de fois par semaine que les étudiants sautent des repas

en fonction de leurs emplois du temps (2018)

64%

36%

En semaine d'examens

100%

En semaine de cours

21%

30%

23%

19%

6%

En semaine
de stage ou
d'alternance

43%

39%

17%

En semaine de vacances

53%

32%

16%

10 9 5 3 2

1

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

L'emploi du temps peut également avoir une influence sur cette pratique néfaste pour la santé. Ce sont les étudiants actifs sur leur lieu d'apprentissage, c'est-à-dire ceux qui sont en semaines d'examens, de cours, de stage ou d'alternance qui sautent le moins souvent des repas.

La période d'examens incite effectivement les jeunes à manger régulièrement : tous les étudiants dans cette situation sautent seulement une fois par semaine un repas, ceux en stage ou en semaine d'alternance sautent au maximum trois repas par semaine et sont 60 % à le sauter deux fois ou moins de deux fois sur cette période. L'activité alimentaire de la catégorie d'étudiants en cours est plus hétérogène, ils sont 40 % à sauter des repas 5 ou 9 fois par semaine, ils bénéficient cependant d'une bonne régularité alimentaire puisqu'ils sont 60 % à sauter 3 repas ou moins sur cette période.

La régularité des prises alimentaires des jeunes étudiants est particulièrement mauvaise lorsque ces derniers ne sont pas sur leurs lieux d'apprentissage. Une moitié des vacanciers saute une à deux fois par semaine les repas, l'autre moitié déclare sauter 10 repas sur cette même période !

66

65 % des étudiants en semaine d'activité rémunérée sautent 9 fois par semaine les repas, le reste, soit 35 %, saute 5 fois le repas.

Le lieu d'apprentissage semble discipliner les élèves de l'enseignement supérieur quant à la régularité de leurs prises alimentaires. A contrario, on peut confirmer une fois encore que les étudiants en semaine d'activités rémunérées ou en vacances ne bénéficient pas d'un bon équilibre alimentaire.

Le rapport des étudiants à l'égard des fast-foods n'a en revanche rien d'inquiétant.

Nombre de visites dans un fast-food ou une chaîne de restauration rapide durant la semaine (2018)

9%

39%

6%

2% 1%

43%

0

1

2

3

4

5

Source : Etude sur la qualité de la consommation alimentaire des étudiants

On remarque que les étudiants de l'enseignement supérieur ne sont pas particulièrement adeptes des fast-foods et des chaînes de restauration rapide dont on connaît les effets néfastes sur la santé. Ils sont un peu plus de 40 % à avoir déclaré ne pas y être allés la semaine précédent l'enquête, la même quantité y est allée une seule fois durant cette période. Le reste, soit moins de 20 %, y va trois à quatre fois par semaine. Cette constatation permet donc de nuancer les propos précédents relatifs à la consommation alimentaire des étudiants.

Plus de la moitié des élèves à qui il arrive de manger dans ce genre d'endroit déclare ne jamais y aller seule et 30 % y vont rarement seuls. Seulement 7 % de ces jeunes consommateurs déclarent manger souvent seuls dans les chaînes de restauration rapide et les fast-foods.

La commensalité semble donc inciter à consommer ce type d'alimentation. Ces chiffres peuvent en partie expliquer la raison pour laquelle les étudiants sont nombreux à estimer que la

67

commensalité diminue la qualité de leur repas. Le fait que la plupart des étudiants déclarent ne jamais manger seuls dans ces lieux de restauration rapide est assez rassurant, ils semblent associer les fast-foods à la convivialité, la festivité et l'exceptionnel. Cette activité ne reflète donc pas l'alimentation quotidienne des étudiants et n'est donc pas particulièrement préoccupante.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery