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De la critique de la durabilité pour une justice environnementale participative.


par Tchilabalo Adjoussi
Institut Supérieur de Philosophie et des Sciences Humaines Don Bosco (ISPSH Don Bosco) - Master ès-Sciences de l’Homme et de la Société 2018
  

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2.3- La durabilité: un développement tridimensionnel

Les difficultés écologiques soulevées par les deux siècles de développement ont entrainé un mouvement mondial de lutte pour la cause de l'environnement; lutte qui combine à la fois le développement et la durabilité: « le développement durable ». Ce nouveau paradigme de développement des peuples, se veut plus qualitatif que quantitatif, une façon de renverser les conceptions traditionnelles qui identifiaient le développement à la croissance économique; c'est ce que D. Méda (2012) met en exergue en insistant sur le fait que le PIB, ancien indicateur du développement, est à contrasté car il n'évalue que les flux économiques positifs sans évaluer les inégalités qui règnent souvent dans les sociétés, ni les conséquences environnementales le plus souvent désastreuses. De ce fait, se fiant au PIB, l'on pourrait

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décréter qu'un pays est développé pourvu qu'il atteigne un seuil donné de rentabilité économique, faisant fi des inégalités sociales et de la dégradation environnementale inhérente à la croissance économique. C'est pour donner une réponse efficace à toutes ces ignorances que le développement durable se veut établir un nouveau rapport économie-environnement-société; et comme le stipule le rapport Brundtland (1987, p.35) :

Environnement et développement ne sont pas deux défis distincts; ils sont liés inexorablement. Le développement ne peut se maintenir si la base des ressources ne fait que se détériorer; l'environnement ne peut être protégé si la croissance ne tient pas compte du cout de la destruction de l'environnement. Ces problèmes ne peuvent être traités séparément dans le cadre d'institutions et de politiques fragmentaires. Ils sont imbriqués dans un système complexe de causes et d'effets.

Le terme « durabilité » qui est souvent affecté pour désigner le développement durable est un concept apparu bien après le rapport Brundtland notamment en 1990 et qui renvoie à l'ensemble des alternatives pour pérenniser la vie humaine sur terre notamment l'articulation économie-environnement-société; ce faisant, nous pouvons dire que la durabilité est la quintessence du développement durable. Le soubassement de la durabilité est une philosophie de la finitude; selon D. Bourg (2012, p.10) : « la philosophie de la durabilité est au contraire une philosophie de la finitude, laquelle est inséparable d'une réflexion sur les limites des technologies (...) et doit se déployer dans un contexte radicalement nouveau » ; bien que ce dernier semble inscrire la durabilité dans un débat authentiquement technologique, il rejoint le débat originel sur le développement durable en affirmant que le débat sur la durabilité doit s'inscrire dans un contexte nouveau par rapport à la conception classique du développement. Ce qui laisse comprendre que le concept de durabilité n'est rien d'autre que la substance du développement durable; B. Ouchene et A. Moroncini (2016, p.9) écrivent: « la durabilité se définit comme étant un « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la possibilité, pour les générations à venir, de pouvoir répondre à leurs propres besoins». C'est la dimension spatio-temporelle de l'activité économique. Elle impose une obligation, un devoir et une continuité ». Bref la durabilité n'est que l'abréviation du développement durable apparue en 1990, peu après le rapport Brundtland.

Pour mieux comprendre le développement durable, il serait avantageux de clarifier les mots qui le composent. J. Villancourt (1998, p.6) note:

D'une part, le mot « développement » évoque l'esprit d'entreprise et d'initiative qui doit caractériser, au-delà des ensembles de l'industrie, du commerce et des services, chaque individu tout au long de sa vie s'il veut rester digne, et encore selon une expression inspirée de Malraux, d'avoir vécu jusqu'à sa mort. Le développement, c'est l'ouverture de nouveaux espaces de liberté, le goût du changement et du risque en tant que facteur de stimulation et

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d'innovation, la création artistique et scientifique. C'est tout le contraire de la stagnation, de la passivité, de la résignation.

D'autre part, le qualificatif « durable » recouvre les espaces de participation et de solidarité avec les autres, proches et lointains, connus et inconnus, les générations futures, la nature. C'est l'aspiration sécuritaire et identitaire, la prévoyance et la défense du patrimoine naturel et culturel. Ses valeurs sont la dignité, le respect, l'équité et le droit social. C'est tout le contraire de l'indifférence et du mépris d'autrui.

De façon succincte, la durabilité revient à concilier le développement socio-économique et le respect de la nature. Le rapport Brundtland affirme:

Dans son esprit même, le développement durable est un processus de transformation dans lequel l'exploitation des ressources, la direction des investissements, l'orientation des techniques et les changements institutionnels se font de manière harmonieuse et renforcent le potentiel présent et à venir permettant de mieux répondre aux besoins et aspirations de l'humanité7.

Cette recherche d'harmonie, a commencé par hanter le monde intellectuel depuis la conférence de Stockholm en 1972 en réaction au concept de « croissance zéro» du club de Rome. Le développement durable continuera à se clarifier à travers la Stratégie Mondiale de la Conservation (1980), la Commission Mondiale des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement CMED- Rapport Brundtland (Notre Avenir à tous) en 1988, la Stratégie pour l'Avenir de la Vie en 1991 et la déclaration de Rio en 1992.

Sur le plan social, le développement durable consiste à atténuer voire éradiquer les injustices environnementales par la satisfaction des besoins de tous passant par la protection de l'environnement et l'investissement dans la réparation des qualités environnementales; l'objectif de cette démarche est d'accroître la qualité de vie des membres de la société par la possession des structures nécessaires à cette fin. En ce qui concerne l'aspect social du développement durable, le rapport Brundtland (1987, p.36) dit: «

Ainsi, toute nouvelle approche du problème doit comporter des programmes de développement social en vue notamment d'améliorer la condition des femmes, de protéger les groupes vulnérables et d'encourager la participation des échelons locaux à la prise de décision.

Ainsi dit, la notion de « besoins» dans ce contexte, nécessite une clarification car le rapport Brundtland n'explique pas assez ce concept qui pourtant reste très important dans le processus d'amélioration des conditions de vie des populations. S. Ferrari (2010, p.3) énonce:

L'exigence de durabilité ici repose sur une équité intergénérationnelle à contenu restreint, c'est-à-dire qui n'engage les générations présentes à l'égard des générations futures que pour garantir la couverture des besoins de base dans la perspective de maintenir dans le temps un niveau de bien-être non décroissant, et rien de plus.

7Rapport Brundtland, 1987, p. 42.

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Quant à J. Villancourt (1998, p.7): « la qualité de vie est une notion qui varie d'une société à l'autre»; en d'autres termes le développement durable ne vise pas une harmonisation des styles de vie à travers la planète mais plutôt une qualité de vie propre à chaque société et qui se base sur la possession des structures indispensables à la satisfaction des besoins et la capacité de les entretenir dans le stricte respect de l'environnement, d'où la notion de justice environnementale que nous éclaircirons plus loin; ainsi qu'il le note:

Pour promulguer cette qualité de vie à ses membres, la société doit satisfaire les besoins des individus qui la composent dans une perspective de pérennité tout en s'assurant de posséder (ou de se donner) les structures et la capacité d'y répondre (...) La qualité de vie humaine passe donc par la satisfaction des besoins essentiels et conséquemment, un minimum de consommation est nécessaire pour les satisfaire. Croissance économique et développement (...) devraient ainsi assurer, pour tous les peuples de toutes les nations et pour les générations futures, la satisfaction des besoins essentiels que sont: la santé et la longévité, l'occupation valorisante, l'éducation, les sentiments de liberté et de sécurité, le respect des droits fondamentaux et la culture (J. Villancourt, 1998, p.7).

Ainsi déclinée, la facette sociale de la durabilité peut se comprendre comme étant une aspiration vers une société plus juste qui permet à l'individu de jouir de ses libertés fondamentales nécessaires pour une vie vertueuse et avoir un accès équitable aux ressources nécessaires à sa survie. Le principe de « responsabilité communes mais différenciées », adopté dès la déclaration de Rio en 1992 et qui traite des questions de justice climatique renvoie non seulement à la distribution des charges dans la lutte contre les dégradations environnementales mais aussi à la question de l'égalité face aux émissions des gaz à effet de serre; tout ceci pour limiter toute sorte d'inégalité environnementale et favoriser un mieux être pour tous. Bref, la sphère sociale du développement durable revient à limiter les injustices environnementales.

La dimension économique de la durabilité quant à elle, sans pour autant s'éloigner de la justice recherchée dans la société, veut se démarquer de la croissance traditionnelle tant prisée par les Etats. J. Villancourt (1998, p.7) écrit:

Cette perspective du développement, partagée par les organisations internationales (et nationales), affirmée dans le rapport Brundtland et réaffirmée lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992, nous invite à concevoir désormais la croissance sous un angle plus englobant, plus viable et surtout plus équitable.

Ceci implique une redéfinition des modèles économiques basés uniquement sur l'accroissement des capitaux et les fluctuations du PIB comme le soulignait D. Meda (2012). Ne rejetant pas la croissance, la durabilité lie désormais la croissance et la protection de l'environnement. J. Villancourt (1998, p.8) note une fois encore:

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Il faut veiller à ce que cette croissance s'effectue de manière viable ou soutenable et qu'ainsi elle ne prive pas les générations futures ou d'autres nations, de nourriture et d'emplois; selon ce modèle, l'accélération de la croissance permet de générer des surplus pour que les plus pauvres survivent et pour financer la lutte contre la pollution.

Nous sommes ici plongés en plein coeur dans la justice environnementale. Ce nouveau modèle économique proposé par le développement durable prend clairement le contrepied du modèle classique qui peut se résumer, comme l'a noté J. Villancourt(1998), à la destruction des équilibres des écosystèmes qui permet la rentabilité avec comme conséquence directe une destruction toujours plus grave de l'équilibre environnemental et la croissance des inégalités.

La durabilité se veut une révolution sociale englobant les aspects économique, social et environnemental ; une redéfinition du paradigme d'un développement classique qui, depuis le XVIIIe siècle, n'a cessé d'accentuer la fracture sociale et de porter de plus en plus atteinte à notre environnement. Le développement durable se veut donc rétablir « le paradis perdu » par l'option de pistes inédites qui se sont ouvertes depuis la révolution industrielle. Né des dérèglements environnementaux ce nouveau paradigme de développement se veut un nouveau développement dont la mission serait de prendre le contre-pied du développement classique et de corriger ses erreurs notamment la crise écologique; confirmant ainsi notre première hypothèse qui stipulait que la durabilité, tirant ses fondements du rapport Brundtland en l'occurrence, se veut être un paradigme de développement protecteur de l'environnement, économiquement soutenable en vue de parvenir à une société plus juste.

Cependant, si durant presque trois décennies, le développement durable n'est encore pas parvenu à atténuer un tant soit peu le rythme des dégradations de la planète et des inégalités environnementales toujours croissantes, c'est que le développement durable semble reléguer au second plan l'intérêt des populations d'où la nécessité d'une évaluation critique.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld