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L'influence du numérique sur les arts martiaux mixtes


par Massyne SAHEL
Université Gustave Eiffel - Master 1 Cultures et Métiers du Web 2021
  

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Partie 3 : Influence du numérique sur les pratiques sportives du

MMA

La troisième et dernière partie de cet ouvrage portera donc ainsi sur l'influence du numérique sur la pratique de ce sport, une influence qui finalement confirme la popularisation de la discipline en amenant naturellement à l'émergence d'organisation amatrice de MMA sur le web, d'ouverture à l'accessibilité technique par l'apprentissage vidéo mais aussi de pratique dérivée de la discipline et au contenu jugé extrême voir «inhumain». Ces trois axes que nous étudierons à travers de nombreuses études de cas mais aussi de terrains avec des enquêtes tant qualitatives que quantitatives nous montreront certaines résultantes propre à la popularisation numérique du MMA au profit d'enjeux sociaux-économiques inhérents à la discipline. Les enquêtes qualitatives auprès de combattants professionnels et de médias du MMA sur le web mais aussi auprès d'amateurs participants à des organisations amatrices ou encore «dérivés» ou «déviantes» du MMA apporteront une réelle expertise à notre ouvrage ainsi que d'une réelle compréhension du processus de popularisation par le numérique. Par ailleurs, les enquêtes quantitatives et qualitatives porteront directement la focale sur les pratiquants et sur la relation existante ou non entre leur pratique sportive et le numérique.

A) Émergence d'organisations amatrices de MMA sur le web, le cas YFC. Du gazon à l'Octogone

Nous avons pu mentionner le YFC précédemment au sein de cet ouvrage en mettant en avant son rôle sur la «starification» de Ramzan Jembiev à l'échelle Hexagonale et au sein du MMA Français mais nous n'avons que très peu développé l'origine mais aussi le contexte de la

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création de cette organisation amatrice de MMA qui a prit naissance sur le web via la plateforme Youtube. L'intérêt d'étudier le cas YFC, réside dans un exemple des plus concrets de popularisation du MMA par le numérique et celà plus intéressant encore, qu'il s'agit d'un cas français et que nous disposons d'un terrain pour son étude.

Tout d'abord le «YFC» acronyme de Youtube Fight Club était initialement un format de vidéo occasionnel de la chaîne Youtube Ibra TV comptant 4,59M d'abonnés et lancée par Ibrahim Tsetchoev en 2014. La chaîne classée 25ème sur la liste des youtubeurs français en fonction du nombre d'abonnés, 12ème sur le nombre de likes de vidéos et plus intéressant encore, 4ème sur le nombre de commentaires vidéos115, nous montre l'importance de sa viralité mais aussi de l'importance des réactions et des intéractions portant sur son contenu.

Initialement, le Youtubeur s'est grandement fait connaître et a basé l'essentiel de son contenu sur la création de vidéo «Prank116» qui existait alors peu sur le paysage du Youtube Français mais qui rayonnait de succès sur les chaînes anglophones. De plus, Ibrahim Tsetchoev n'hésite pas à faire dans le spectaculaire avec des vidéos comme « Faire tomber de la cocaïne devant la police» ou encore «Worldcup final football Streaker» où celui-ci s'introduit sur le terrain lors de la finale de la coupe d'Europe 2016 opposant la France et le Portugal et effectue un enchaînement gymnastique en plein match. La vidéo fera par ailleurs 5.4M de vues et comptera plus de 200 000 mentions «j'aime». En 2019, le Youtubeur sera même invité et participera à la finale de Ninja Warrior sur TF1 avec un descriptif par l'émission lors de son passage le qualifiant de «Star d'internet/ Justicier des rues»117.

Ainsi, l'essentiel de la fanbase de la chaîne Youtube et du vidéaste IbraTv se compose d'abonnés l'ayant suivi pour ce type de contenu, une communauté à priori majoritairement néophyte et éloignée du MMA mais en recherche de divertissement et de spectaculaire. En 2018, le Youtubeur va pour la première fois faire une vidéo YFC où celui-ci combat personnellement dans une vidéo intitulée «Youtube Fight Club - Combat 1 : Ibratv vs Ismael», une vidéo qui fera plus de dix millions de vues ainsi que plus de 277 000 mentions «j'aime». La vidéo débute avec un disclaimer118 où le Youtuber prend un air dramaturgique en

115 Source : de https://influencerwiki.fr/ibratv-youtuber/

116 Le mot Prank issu de l'anglicisme définit ici des canulars notamment tournés en caméra cachée.

117 Vérification possible sur la chaîne Youtube «Ninja Warrior : Le Parcours des héros» avec la vidéo «La Finale Ninja Warrior du youtubeur Ibra tv !» 27 mars 2019.

118 Avertissement

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prononçant « La vidéo qui va suivre est destinée pour les vrais bonhommes et les femmes qui aiment voir les hommes s'affronter. Si tu fais partie des fragiles ou tu n'aimes pas un sport violent, je te conseille de quitter cette vidéo». Des propos provocateurs sous une musique épique mais qui suscite la curiosité des spectateurs. La première rencontre YFC prend la forme d'un combat classique de MMA avec l'accompagnement d'un arbitre qui n'est qu'une connaissance du Youtubeur, la particularité de la rencontre réside ici dans son amateurisme tant visuel que organisationnel. Le combat se déroule en effet sur un terrain synthétique sans aucune délimitation, les combattants n'ont aucune licence sportive de MMA (la licence pour la discipline n'existait pas encore en France) et il n'existe aucune limite de temps. Néanmoins, le contenu spectaculaire et inédit119 de la chaîne est un véritable succès auprès de la communauté du Youtubeur et au delà, car le partage de ses vidéos en devient viral nous avons par exemple vu le cas de cas Ramzan Jembiev participant à un YFC et étant repartagé par des organisations mondiales du MMA comme le One ChampionShip.

Le second YFC, le YFC 2 intitulé «Combat mon frère vs Ismael et Maga assassin vs David le boxer» marquera définitivement le contenu prometteur pour le jeune youtubeur mais également l'intérêt certain des spectateurs majoritairements néophytes du MMA avec plus de vingt deux millions de vues et 334 000 mentions «j'aime» sur cette vidéo, se rapprochant donc ainsi grandement des statistiques des vidéos UFC les plus visionnées.

Cet exemple concret apporte encore une fois matière à l'essence de cet ouvrage, la création d'un contenu sur le MMA porté par un influenceur et star d'internet auprès d'un large public montre parfaitement la capacité du numérique à populariser le MMA. Cette association «gagnante» est d'autant plus explicable que comme nous avons pu le voir la communauté de IbraTv est initialement présente pour du contenu spectaculaire et inédit et la proposition de contenu portant sur le MMA rejoint parfaitement cette attente spectatorielle ce qui explique

119 IbraTv est en effet la première personnalité publique du Youtube Francophone à proposer des vidéos portant sur des combats de MMA.

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l'intérêt suscité pour ces vidéos mais aussi pour la continuité du YFC. Les vidéos YFC popularisent d'autant plus le MMA qu'avant sa légalisation les retranscriptions télévisuelles sur les chaînes françaises n'existaient pas, il existait cependant des vidéastes francophones et des créateurs de contenu amateur (qui ne proposaient pas l'organisation de combat mais surtout des débriefs sur les combats de grandes organisations mondiales) mais suivis principalement par des spectateurs habituels et initiés à la discipline.

De plus, la popularisation s'est également portée du fait que les abonnés ayant précédés la création de ce type de format de vidéo se le sont vu proposé en suggestion lors de chaque sortie de vidéo du Youtubeur. Enfin, le récurrent positionnement des YFC en tendance amène également la venue d'un grand public hétérogène à s'intéresser à la chaîne Youtube mais aussi au MMA.

Le retour des spectateurs et l'engouement pour les combats d'arts martiaux mixtes sur la chaîne Youtube IbraTv a par ailleurs permis un changement dans l'organisation mais aussi dans la pratique du YFC. Bien que le format de vidéo jouit d'un énorme succès dès le YFC 1, de nombreux spectateurs ont critiqué l'organisation qualifiée de «bancale». IbraTv fort du succès des YFC a ainsi décidé d'en faire une véritable organisation amatrice de MMA sur le Youtube Francophone en multipliant les rencontres et en améliorant certains axes de l'organisation. Pour exemple, dès le YFC 2 une limite de temps a été installé fixant 3 rounds de 3 minutes, durant le YFC9, le youtubeur prendra comme arbitre120 Matthieu Letho Duclos un combattant professionnel de MMA afin d'apporter plus de professionnalisme au contenu proposé. D'un point de vue réalisation, l'installation de replay et de slowmotion sur les meilleures actions du combat a lieu pour le plus grand plaisir des spectateurs, reprenant les codes de diffusions propres aux plus grandes organisations d'arts martiaux mixtes.

Cependant, c'est véritablement au cours de cette année 2022, que l'organisation amatrice d'arts martiaux mixtes a commencé à prendre un nouveau tournant. Premièrement, la chaîne IbraTv a fait des YFC la majorité de ses propositions de vidéos au cours de cette année avec 18 vidéos sur 26 consacrées au MMA mais aussi au striking. Des limites d'espace de combat ont par ailleurs été fixées avec des bottes de foins venant encore une fois prouver le côté amateur de l'organisation mais des éléments pertinents de professionnalisation ont été

120 Arbitre ayant rejoint l'organisation le 19 juillet 2019 et exerçant encore ce rôle à ce jour.

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perceptibles. Premièrement, le YFC a noué un partenariat avec la marque de boisson énergisante Gorilla Energy Drink, marque partenaire de la star UFC, Khabib Nurmagomedov mais aussi avec MyProtein. Ensuite, l'organisation de MMA a invité plusieurs étoiles montantes de combattants professionnels français du monde de ce sport comme Salahdine Parnasse venant assister au YFC 34 accompagné de sa ceinture de champion poids plume du KSW. Le Youtube Fight Club s'est également constitué d'une équipe composée de commentateurs, d'arbitres avec Mathieu Letho Duclos que nous avons précédemment vu mais aussi d'un soigneur travaillant en hôpital. Rappelons que l'organisation amatrice génère de grands revenus d'une part par la monétisation Youtube et d'autre part par la présence de sponsor, cependant la légalité d'organisation de ces combats restent en suspens de même que le financement de ces événements et de ses intervenants.

Cependant suite à l'essor du MMA français avec sa récente légalisation mais aussi avec la grande visibilité et le grand succès du YFC, l'organisation est depuis mars 2022 encadrée par la Fédération Française du MMA (FMMAF) ce qui lui donne à présent une réelle légitimation mais aussi un réel poids cette fois officiel, sur le MMA français. La FMMAF amène à présent un cadrage renforcé et une application stricte des règlements applicables au MMA sur notre territoire avec notamment la mise en place de personnel professionnel pour l'arbitrage ou encore pour procurer des soins. De plus, association historique sur l'Hexagone, avec un partenariat noué entre le Bellator121 et Le YFC ( à présent acronyme de Your Fight Club et montrant petit à petit un détachement avec Youtube), où l'organisation de Ibrahim Tsetchoev produit le YFC 37 avec pour la première fois, 3 combats professionnels avec à la clé 2 contrats pour le Bellator. Cette association marque définitivement preuve de l'influence du numérique sur la popularisation du MMA avec l'association d'une plus grande organisation d'arts martiaux mixtes mondial et du YFC qui apporte une réelle valeur ajoutée au niveau de la visibilité du MMA à l'échelle française mais aussi mondiale ( de nombreux commentaires étrangers sont perceptibles sur les vidéos Youtube).

Aujourd'hui, le YFC est en réelle phase de professionnalisation et le nom de Ibrahim Tsetchoev est dorénavant inscrit sur le circuit professionnel des arts martiaux mixtes. Les combats YFC se déroulent à présent sous l'égide de la FMMAF dans un Octogone de manière extrêmement professionnelle avec le déroulement même de la toute première

121 L'une des plus grandes organisations de MMA au monde.

conférence de presse de l'organisation d'arts martiaux mixtes partagée le 26 mars 2022 sur la chaîne IbraTV.

L'association du MMA comme sport-spectacle et du numérique se marque encore une fois et de manière soulignée dans cette étude, comme une véritable symbiose donnant lieu d'une part à la création d'un réel écosystème socio-économique mais aussi d'un réel processus d'échange, offrant une popularité et une démocratisation grandissante pour la discipline. Les YFC dépassent actuellement la simple diffusion numérique avec la création à présent de véritable événement physiques sur l'Hexagone, le premier en date est le «YFC 2» dont le numéro semble reprendre l'ordre des événements professionnels établis par l'organisation.

 

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122 Lien de la Billetterie du YFC 2 partagé depuis la story de IbraTv sur Instagram le 16 Mai 2022.

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Il est pour l'instant délicat d'estimer les recettes effectuées sur ce genre d'événement, tout d'abord car il s'agit du premier événement de l'organisation à laquelle des spectateurs peuvent assister physiquement mais aussi car il existe une certaine discrétion de l'organisation que nous avons par ailleurs essayé d'approcher par l'intermédiaire de Sanbiev, animateur lors des rencontres sportives, qui nous a partagé ne pas pouvoir échanger d'informations quelconques portants sur la voie de professionnalisation du YFC.

Il existe néanmoins trois tarifs, le premier étant le tarif «VIP» d'un prix de 180 euros, le second «Bord de Cage» à 150 euros et le dernier «Places debout» à 50 euros. Le nombre de places totales n'est cependant pas spécifié. Il serait relativement intéressant afin de nourrir cette étude de même que le sujet porté sur la popularisation du MMA par le numérique, d'observer si les événements physiques YFC obtiennent une meilleure visibilité et vendent plus de places que d'autres organisations d'arts martiaux mixtes déjà bien implantées en France.

La professionnalisation de l'organisation semble marquer une véritable évolution dans le paysage du MMA Français avec l'apport d'un réel professionnalisme notamment depuis l'encadrement par la FMMAF et les sponsors associés mais aussi de par l'expérience numérique des réseaux sociaux, du buzz et de la communication de Ibrahim Tsetchoev.

Nous estimons malgrés la très récente mais aussi fulgurante évolution du Your Fight Club que l'organisation peut véritablement se démarquer mais aussi se propulser parmis les premières organisations françaises123 d'arts martiaux mixtes compte tenu de son schéma de professionnalisation unique et de l'engouement spectatoriel qu'elle a pu jouer pour le MMA en France. D'un point de vu visibilité, et notamment sur Youtube, il est indéniable que le YFC se hisse à la première place des organisation française d'arts martiaux mixtes, pour exemple, la majorité des vidéos de l'organisation atteint un nombre de vues à minima 100 fois supérieur à celles de la ARES Fighting Championship.

L'évolution singulière de l'organisation sous l'influence du numérique et de l'engouement qu'elle suscite, amène un réel intérêt à la suivre et d'observer si celle-ci peut au-delà du numérique, devenir un véritable succès sur l'organisation d'événements de MMA physiques.

123 marquant ici la nuance par organisation française nous excluons évidemment les grandes organisations mondiales comme le Bellator ou l'UFC qui peuvent établir des événements sur l'Hexagone.

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Il serait par ailleurs aussi intéressant de voir le profil des spectateurs venant assister physiquement aux événements et de connaître leurs motivations mais aussi de savoir si ils ont pu être influencés par le «label» IbraTV. Le numérique, en plus d'ouvrir la voie de la professionnalisation à des combattants comme Ramzan Jembiev a ainsi cette capacité à même de professionnaliser des organisations d'arts martiaux mixtes.

Au cours de notre étude sur le cas du YFC et de l'influence du numérique sur son organisation mais aussi sur sa pratique du MMA, nous avons jugé pertinent d'établir une enquête sur les raisons qui amèneraient un pratiquant amateur de sports de combat à combattre au sein de l'organisation mais aussi de s'exposer numériquement devant des millions de personnes sur le web et notamment sur Youtube.

Le combattant avec qui nous avons conjointement mené cette enquête est Hamza Allal, deux fois participants avec le YFC 27 et le YFC 28 et dont les combats ne se déroulaient pas en MMA «pur» mais en règle de striking uniquement. Il est tout d'abord nécessaire de spécifier que ces participations ont eu lieu avant la phase de professionnalisation de l'organisation qui n'était nullement encadrée par la FMMAF et dont les combats avaient lieu sur des terrains de football en synthétique mais aussi sur des zones de combat délimitées par des bottes de foins dans un hangar. Pour comprendre au mieux cette enquête, il est également nécessaire de comprendre le processus de sélection de notre combattant, des prérequis mais aussi des «récompenses» proposées.

Tout d'abord, tout comme l'origine même du YFC, l'ensemble du processus organisationnel de l'entité repose par l'utilisation du numérique cela est également le cas pour la sélection ( à noter que l'entité s'est professionnalisée il y a peu et n'a donc plus recours à ce type de sélection) des combattants amateurs désirants se présenter à l'un de ces événements.

Dans les archives Instagram de Matthieu Letho Duclos anciennement arbitre au sein du YFC, nous pouvons y retrouver une annonce de candidature.

 

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L'annonce ci-dessus était effective il y a encore quelques mois et a permis à notre interrogé, Hamza Allal, de concourir pour la participation aux combats de l'organisation. Comme nous pouvons le voir, les pré-requis sont des pré-requis principalement amateurs et les récompenses proposées sont tout de même assez dérisoires compte tenu de la forte visibilité des vidéos de l'organisation mais aussi de l'exposition numérique des combattants. Par ailleurs, notre motivation à interroger Hamza Allal se porte pour sa participation à deux éditions du YFC mais aussi pour son importante exposition et visibilité. En effet, ses participations au YFC 28 et au YFC 27 cumulent 2,3 millions de vues, 67 000 mentions j'aime et plus de 4000 commentaires sur la chaîne Youtube Ibra TV.

Il est ainsi fortement intéressant d'étudier les motivations amenant le combattant à s'exposer numériquement auprès de millions de spectateurs d'autant plus que les YFC n'étaient pas encadrées et ne proposaient également pas de «rémunération» attractive.

Le jeune participant âgé de 25 ans, a un profil finalement assez typique des participants amateurs que nous pouvons retrouver sur la chaîne IbraTV, avec une pratique de la lutte lors de son enfance (non compétitive) puis de la boxe thaï pendant deux ans avant de se mettre à la musculation puis de s'entraîner en toute autonomie pour ses combats depuis maintenant un

124 Annonce portant sur les candidatures du YFC retrouvable sur Instagram : matthieu_ltd

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an au sein de la Giga Arena125 à Bordeaux. Interrogé sur ses motivations de participation aux YFC, celui-ci nous expose une réelle volonté d'offrir une prouesse sportive mais aussi et surtout un véritable spectacle pour les spectateurs «Mes motivations c'est clairement de faire des combats j'attends rien en particulier, juste essayer d'offrir des combats cool à voir c'est pour ça que j'adore le KickBoxing, Le grappling c'est efficace mais les gens préfèrent voir du striking et je suis pareil. On préfère voir des enchaînements, des esquives, KO, du sang, et des beaux gestes».

La récompense pécuniaire proposée pour la participation à ces combats ne semble donc ainsi pas être perçue comme un objectif ni comme une motivation principale justifiant cette exposition numérique. Cependant, l'offre mais aussi la participation à un format de vidéo tournée autour du spectaculaire, du «show» mais également autour de la compétition sportive semble être l'élément principal justifiant ces combats. De plus, ce type d'événement, relayé et diffusé sur les réseaux sociaux comme Youtube semble être pour le combattant, un élément additionnel d'adrénaline mais aussi d'expérience sportive et sensorielle.

À la question posée afin de savoir si le YFC permettait de développer et de faire connaître le MMA auprès d'un public non initié, Hamza apporte tout de même une nuance en mettant en avant que les YFC permettent avant tout de faire connaître le monde des sports de combat et celà notamment par la présence de différents styles d'affrontements que prends certains événements avec d'une part du MMA «pur» et de l'autre des combats uniquement fondés sur du pied-poing. «Le YFC c'est pas mal pour les gens qui sont vraiment inconnus au monde du combat, car l'on voit de tous les niveaux après un moment donné ça s'est tourné vers le KickBoxing car les gens voulaient voir plus de striking que du grappling et je les comprends tout à fait mais maintenant depuis la nouvelle version YFC oui clairement. Mais avant je t'aurais dit non. Maintenant c'est clairement un bon moyen de voir du vrai MMA».

Pour notre répondant, l'intérêt que peut véritablement porter la chaîne IbraTV pour les arts martiaux mixtes est relativement récent et fait suite à la professionnalisation mais aussi à l'encadrement de l'organisation. Par ailleurs, celui-ci éprouve la volonté de réaliser des combats de MMA et de se dissocier du style des combats «striking» auxquels il participait dans les précédentes éditions «Après combattre sur du foin ou un stade c'est pas top, mais

125 Il s'agit ici d'un complexe sportif.

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voilà on fait avec ce qu'on a. Maintenant c'est sur octogone et forte chance que j'y participe une fois ma licence FMMAF acquise».

Au-delà de notre hypothèse portant sur une éventuelle future «percée» du YFC en tant qu'organisation professionnelle française d'arts martiaux mixtes compte tenu de son origine et de sa visibilité numérique caractéristique, nous avons demandé à Hamza Allal si celui-ci estimait que l'organisation pouvait véritablement réussir sa transition professionnelle «C'est en train de le devenir, la dernière vidéo y'a eu des combattants professionnels de MMA. En France t'as ARES l'organisation de combat de MMA pro mais YFC c'est 1 million de vues par vidéo en moyenne. C'est qu'une question de temps avant que cela devienne la plus grosse de France, après quand ? Cela reste à savoir».

La fidélité mais également l'intérêt porté pour l'organisation semble être maintenu et même renforcé pour les combattants amateurs du YFC comme Hamza Allal. Il serait cependant relativement pertinent d'étudier mais aussi d'analyser l'évolution du nombre de spectateurs, des interactions et de manière plus générale de la popularisation du MMA par le numérique que peut engendrer l'organisation depuis son encadrement.

Comme nous avons ainsi pu le voir jusqu'ici, le numérique peut motiver une pratique sportive compétitive chez des combattants amateurs de par une motivation d'exposition mais également d'une motivation sportive renforcée par la visibilité et par l'engouement suscité autour d'événements tels que le YFC.

Au-delà de ces cas très particuliers, il semble également pertinent d'étudier l'influence numérique sur l'apprentissage technique des pratiquants d'arts martiaux mixtes mais aussi des non pratiquants afin d'en évaluer la motivation, l'importance mais également la fréquence.

Notre ouvrage universitaire traitant essentiellement de l'influence du numérique et de sa contribution à la popularisation des arts martiaux mixtes, n'a pas la prétention de s'inscrire comme une étude référentielle en sociologie du sport en abordant de manière profonde et spécialisée, l'aspect technique mais également pratique des arts martiaux mixtes. Cependant, comme toutes disciplines mais également centre d'intérêt, la popularisation par le numérique amène à la création d'une pluralité de contenus mais aussi à sa vulgarisation favorisant ainsi

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une accessibilité aux arts martiaux mixtes et à leur apprentissage. Ce point sera donc étudié ici à travers un véritable travail d'enquête que nous avons mené mais ne peut-être entièrement traité dans cette présente étude.

B) La vidéo comme ouverture à l'accessibilité et à l'apprentissage technique de ce sport.

L'émergence du numérique et plus particulièrement des réseaux sociaux, a réellement bousculé les schémas informationnels mais également d'apprentissage et celà principalement par l'ouverture de la création de contenu amateur et professionnel avec des «possibilités presque infinies pour le Do-it-yourself»126. La plateforme Youtube que nous reprenons en référence pour sa contribution de popularisation des arts martiaux mixtes depuis le début de cette étude en est le meilleur exemple.

L'émergence des médias numériques a ainsi favorisé l'expression de soi, de ses connaissances et de ses divers attraits en la création de contenu fourni plutôt que produit (Hartley 2008). Cette émergence permet ainsi de consommer du contenu fourni et se distingue donc par sa large et facile accessibilité abaissant notamment des contraintes pécuniaires mais également physiques et temporelles. La particularité des réseaux sociaux et des plateformes comme Youtube réside comme nous avons pu le voir, dans sa relative accessibilité et liberté de consommation mais également dans sa démocratisation de production de contenu. Ainsi, n'importe qui peut avoir accès au contenu127 présent sur la plateforme et tout le monde peut en publier. Le web 2.0 a été un véritable créateur «d'opportunités de développement intellectuel et de socialisation par la construction d'apprentissage via les réseaux sociaux»128.

De plus, d'après Stuart et Hubert Dreyfus129 (1980), la montée en compétence mais aussi en apprentissage amène naturellement au passage d'un choix composé de deux options, la première résidant par l'apprentissage mimétique comportant une phase d'essais-erreurs et une seconde encadrée par un guide pédagogique. Leur affirmation repose sur l'importance et la

126 Dale C. SPENCER « From Many Masters to Many Students : Youtube, Brazilian Jiu Jitsu, and communities of practice », Journal of Media, Media and Cultural Studies, 2014.

127 Sous réserve qu'il n'y ait aucune limite d'âge et que les vidéos ne soient pas en privé.

128 Dale C. SPENCER « From Many Masters to Many Students : Youtube, Brazilian Jiu Jitsu, and communities of practice », Journal of Media, Media and Cultural Studies, 2014, p.2.

129 Tous deux professeurs émérites exerçant à l'université de Californie.

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qualité jouée par la seconde option qui serait plus efficace notamment en cas d'activités dangereuses. Marquons tout de même une nuance entre l'instruction en ligne et celle physique. En ressort néanmoins la limitation d'erreur et une plus grande rapidité de monter en compétence en favorisant l'apprentissage par l'intermédiaire d'un encadrant pédagogique que par des tentatives purement mimétiques.

La pluralité de contenu sur les réseaux sociaux et notamment sur Youtube, permet une accessibilité aux arts martiaux mixtes marquée par une première approche virtuelle pour de nombreux néophytes mais aussi pour des groupes sociaux éloignés de la discipline. Ainsi, il n'est aujourd'hui plus forcément nécessaire de «pousser» les portes d'un club de MMA pour découvrir mais aussi pour prendre connaissance de ce sport. D'un autre côté, les pratiquants de la discipline peuvent quant à eux mener des recherches plus précises afin de découvrir ou d'approfondir certains éléments d'apprentissages techniques mais aussi informationnels.

La pluralité de contenu peut cependant devenir un avantage comme un inconvénient. Premièrement, celle-ci permet une expression de soi à des pratiquants de MMA amateurs ou professionnels mais aussi à des non pratiquants dans leur création et dans leur partage de contenu. Cependant, la diversité des profils peut amener la question quant à la qualité des enseignements et des informations partagées portant sur la discipline. Une mesure et un approfondissement des recherches sur les créateurs de contenu peut ainsi être nécessaire afin de répondre aux diverses attentes du «consommateur».

D'un autre côté, les réseaux sociaux et les plateformes comme Youtube mettent fréquemment en avant des créateurs reconnus et jugés «crédibles» par leur pairs mais aussi par des pratiquants de MMA qui par leurs différentes interactions et contributions mettent en avant des contenus d'apprentissage qualitatifs et pédagogiques. La présence de professionnels sur ce type de plateforme est également très fréquente, assurant ainsi une expertise et une accessibilité à l'apprentissage qui finalement répond à un «don contre-don». D'une part, le créateur de contenu fournit un format vidéo où il partage ses connaissances et son expérience, de l'autre, le «consommateur» va apporter reconnaissance mais aussi contribution au créateur par l'attirail interactif que nous connaissons comme les abonnements, les mentions likes, les commentaires etc... La création d'un contenu qualitatif est d'autant plus intéressante que cela peut en fonction du nombre d'abonnés mais aussi de la réception des spectateurs, aboutir sur une monétisation ou encore sur des partenariats ce qui souvent incite à développer les formes

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de contenus vidéos, les sujets abordés mais également la vulgarisation des techniques étudiées.

Notre ouvrage universitaire mettant en avant la popularisation des arts martiaux mixtes par le prisme du numérique a également vocation en plus de porter focal sur la réception spectatorielle, de mesurer l'influence des contenus numériques sur la pratique sportive du MMA ainsi que de sa diffusion informationnelle.

Les outils vidéos et les plateformes comme Youtube démocratisent grandement la discipline de par leur large accessibilité allant du néophyte au pratiquant expérimenté mais aussi professionnel. Notre étude qualitative a par ailleurs mis en avant des résultats très pertinents portant sur l'intérêt du visionnage de contenu sur le MMA afin d'en tirer un apprentissage sur ce sport mais aussi de ses techniques. Ainsi, nos répondants pratiquants avaient répondu à 84,3% être principalement intéressés par cet aspect là, le plaçant ainsi devant les actualités sur le MMA ou encore sur son divertissement. Tout aussi intéressant, le second groupe principalement constitué de spectateurs occasionnels de ce type de contenu, a exprimé une voix de 46,9% pour l'intérêt de l'apprentissage du sport mais aussi de ses techniques, le classant ainsi en second après le divertissement (59,4%).

Cet attrait pour la volonté d'en apprendre plus sur la discipline mais également sur l'apprentissage technique est caractérisé par l'ensemble de nos répondants quand bien même 53,4% ne sont pas des pratiquants. Cette étude met ainsi en avant une demande et une recherche spectatorielle à laquelle de nombreux types de contenus numériques peuvent répondre. Dans une volonté d'enrichir cette étude de manière la plus pertinente possible, nous avons décidé d'effectuer une enquête qualitative auprès d'un Youtubeur jouissant d'une très grande visibilité sur le Youtube Francophone mais également dans les sports de combat et plus particulièrement dans les arts martiaux mixtes. Comme nous avons pu le voir, les répondants pratiquants et non pratiquants mettent en avant un intérêt commun, il nous a ainsi semblé naturel de nous orienter vers une chaîne regroupant ces deux ensembles.

Ainsi, nous avons pu nous entretenir avec Gregory Bouchelaghem plus connu sous le nom de «GregMMA» sur la chaîne Youtube, Karaté Bushido Officiel qui compte plus de 619 000 abonnés ainsi que plus de 150 millions de vues cumulées. La chaîne Youtube issue du magazine Karaté Bushido a pour objectif de fournir du contenu inédit portant sur tous les

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aspects des arts martiaux et donc également sur le MMA. Si nous avons décidé de nous entretenir avec Gregory Bouchelaghem afin d'en apprendre plus sur l'apprentissage technique et l'accessibilité au MMA par la vidéo, c'est également parce que celui-ci fait parti des premiers combattants français de la discipline et a également participé à la célèbre organisation du Pride130. De plus, au-delà de fournir du contenu portant sur le MMA et la présentation mais également l'apprentissage technique de la discipline, celui-ci apporte une véritable touche de divertissement et fait principalement le succès de la chaîne Youtube. Le succès de l'ancien combattant professionnel comptant plusieurs millions de vues pour certaines de ses vidéos comme «Le Major Gerald BRISE GregMMA» (3,4 Millions de vues) ou encore «GregMMA défie @Salahdine PARNASSE» (1,2 Millions de vues) est tel que la chaîne Youtube a décidée de le mettre principalement en avant, assurant ainsi une visibilité à la chaîne, aux arts martiaux et au MMA.

Cette présente capture d'écran issue de la vidéo «GregMMA défie @Salahdine PARNASSE»131 montre une fois de plus la capacité du numérique à populariser et démocratiser la discipline à travers des formats vidéos en portant ce sport à la connaissance de certains, et en fournissant des éléments d'apprentissages techniques à d'autres.

C'est ainsi d'une réelle expertise d'un ancien combattant professionnel de MMA devenu Youtuber que nous pouvons enrichir notre étude, soulignant une fois de plus une continuité dans la symbiose des arts martiaux mixtes et du numérique.

Notre premier terrain propre à cette partie concernera donc une enquête qualitative auprès de GregMMA en tant que créateur de contenu numérique, par la suite une étude qualitative fondée sur l'entretien avec des pratiquants d'arts martiaux mixtes consistera à observer l'importance que peut avoir l'apprentissage par le numérique sur leur pratique sportive.

130 Qui rappelons le a été rachetée par les frères Fertitta en 2007 afin d'être «absorbé» par l'UFC.

131 Vidéo retrouvable sur : https://www.youtube.com/watch?v=r3Cd5NA1wD4 Karaté Bushido Officiel,Youtube, 23 Octobre 2020.

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Afin de comprendre le processus ayant amené l'ancien sportif professionnel du Pride à créer du contenu numérique sur le MMA et d'informer mais aussi de transmettre ses connaissances techniques via Youtube nous lui avons posé la question concernant ses motivations. «Je fais des vidéos sur le MMA car c'est tout simplement ma passion, j'adore en faire, en parler et m'éclater et il s'avère que ça plait donc c'est parfait. En plus, ça permet de faire connaître le sport à des gens qui n'y connaissent rien mais aussi à partager certaines techniques et certains Tips pour les pratiquants». Ressort ainsi de la réponse à cette question une volonté de «prolonger» mais aussi de partager la passion et l'expérience de l'ancien combattant professionnel à des pratiquants d'arts martiaux mixtes mais également à des personnes n'ayant aucune connaissance de la discipline. L'objectif semble donc d'une part de favoriser l'accessibilité à du contenu portant sur le sport grâce aux canaux numériques et à leur viralité et de l'autre, de favoriser et de développer l'apprentissage technique par le numérique.

Il est ainsi intéressant de connaître les profils mais aussi les motivations que peuvent avoir les individus visionnants les vidéos de la chaîne Karaté Bushido Officiel et plus particulièrement celles de GregMMA «Le type de gens qui regardent viennent bien sûr des arts martiaux ou encore des sports de combat, mais y'a aussi des gens qui suivent pour se marrer car ils aiment bien ma personnalité et puis l'ambiance de la bonne humeur et de la baston. Les gens à mon avis recherchent de la castagne, de l'action et viennent aussi pour apprendre sur les différents sports de combat. Après je pense que si y'avait pas ce côté baston et bon délire on n'aurait pas eu autant de visibilité». L'attrait des vidéos semblent donc ainsi être principalement déterminé par le type de format mettant en avant les confrontations sportives par le contact physique, l'originalité mais aussi de par l'humour, la pédagogie et l'ambiance que transmet la chaîne et cela notamment à travers Grégory Bouchelaghem. Ce type de contenu favorise ainsi tout comme le sport-spectacle que se veut-être le MMA, de rassembler des pratiquants et des connaisseurs en sports de combat et arts martiaux ainsi que des néophytes, permettant à chacun de ces groupes de trouver leur équilibre entre apprentissage et divertissement.

Par ailleurs, nous avons également questionné le Youtubeur sur l'évolution de l'intérêt que les individus peuvent avoir pour le MMA mais aussi pour ses vidéos traitant de la discipline. «Les nouvelles stars comme McGregor, Cyril Gane, Khabib, ils ont propulsé le MMA à un autre niveau donc y'a plus d'engouement et puis bien entendu le sport a été dédiabolisé on

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comprend maintenant que c'est pas une boucherie même si ça reste un sport brutal, y'a pleins de règles et les consignes de sécurité sont bien respectées donc médecin tout ça».

Cette réponse fait ainsi écho à notre précédente analyse au sein de cet ouvrage traitant de la starification des combattants de MMA par le numérique et de leur relative influence sur la popularisation de la discipline. Le gain en popularité du MMA par ce prisme semble par ailleurs susciter un réel engouement pour le visionnage de contenu vidéo sur la discipline comme sur la chaîne Karaté Bushido Officiel mais aussi pour la pratique du sport en lui-même. «C'est le sport à la mode les jeunes adorent ça, internet aide au développement, on voit du MMA partout maintenant dès que t'as un KO à l'UFC tu le voit sur le fil d'actualité twitter et puis comme je t'ai dis les stars de ce sport ont propulsés la discipline ça explique aussi pourquoi on a des clubs remplit aujourd'hui».

Youtube et son système de suggestion semble aussi être une réelle première approche pour de nombreux néophytes de la discipline qui vont par le biai de vidéos découvrir mais aussi apprendre sur les arts martiaux mixtes «avec les suggestions, les tendances et tout t'as plein de gars qui n'y connaissent rien qui voit une de nos vidéos par exemple, qui vont regarder et qui vont kiffer. Youtube donne une visibilité au MMA après le sport en lui-même est pas influencé sauf dans la pratique t'as des gars par exemple qui ont eu une galère dans un sparring et qui vont voir en vidéo comment se sortir d'une prise ou quoi ». La vidéo serait donc ainsi selon notre spécialiste, un réel outil d'accessibilité et de découverte pour le MMA notamment auprès des néophytes mais aussi un outil d'apprentissage qui serait plus pratique que théorique pour les sportifs de la discipline visionnant les vidéos portant sur ce sport.

Cette étude aurait pu maintenir la focale sur la chaîne Youtube Karaté Bushido Officiel afin d'en analyser les commentaires mais aussi les interactions et d'observer si un apprentissage numérique de la discipline s'opérait ou non mais nous avons préféré afin d'en diminuer les biais mais aussi d'élargir le champs de l'apprentissage numérique à d'autres chaînes Youtube et à d'autres formats, d'élaborer conjointement une enquête qualitative avec quatre pratiquants de MMA.

Cette enquête porte sur la capacité mais également sur la réception du numérique et notamment de la vidéo, comme outil d'apprentissage technique auprès d'un public pratiquant déjà les arts martiaux mixtes. Le premier point commun que nous pouvons observer au sein de nos enquêtés porte sur leur ancienneté dans les sports de combat et dans les arts martiaux.

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La totalité des répondants a pratiqué par le passé un sport ou un art martial avant de débuter le MMA. Ressort de notre enquête, une principale orientation vers les arts martiaux mixtes pour leur diversité technique mais aussi pour leur plus grande «liberté» que cela soit dans les règles mais aussi dans la technicité «Alors ce qui m'a amené au MMA s'est le fait d'être plus libre dans l'approche du combat sachant que j'ai commencé avec la boxe française donc c'était pieds poings, ring, c'était beaucoup à la touche et au point qu'il fallait marquer dans les assauts».

Ensuite ressort de notre enquête, conjointement à l'enquête quantitative qui mettait en avant que 84,3% de nos pratiquants d'arts martiaux mixtes recherchaient des éléments d'apprentissage technique par des contenus numériques, une majorité de nos répondants (trois sur quatre), ayant appris ou apprenant des techniques par le biais du numérique. Toutefois, l'enquêté répondant par la négative exprime regarder des vidéos portants sur l'apprentissage mais consomme ces dernières plus en divertissement qu'à des fins pédagogiques « Je regarde surtout les combats, les résultats, tout ce qui est les techniques YouTube et compagnie ça m'arrive de regarder un petit peu mais c'est plus pour passer le temps que d'essayer vraiment de les mettre en application».

Une nuance est également nécessaire d'être mise en avant parmi les répondants utilisant le numérique à des fins d'apprentissage technique, parmis ceux là, la fréquence et l'importance de l'apprentissage numérique est à souligner, en ressort de notre étude des recherches principalement ciblées afin d'améliorer une pratique ou encore de sortir d'une difficulté rencontrer en club »Oui, ça m'est arrivé j'ai même appris une sortie de garde comme ça et je pense avoir amélioré ma lutte notamment grâce à l'apprentissage par le biais du numérique. Mon talent en lutte est de zéro donc ça a pu clairement m'améliorer».

Il est également intéressant de voir que l'apprentissage technique par le numérique est pour certains de nos répondants une forme de continuité de pratique, s'inscrivant comme un véritable travail de recherche ou encore d'étude visant à approfondir ses connaissances mais aussi sa perception du combat «Oui,oui, oui. C'est quelque chose que je fais pas mal et que j'ai pratiqué dans différents sports assez tôt je dirais dès l'époque du Sanda. Ça m'a même été conseillé à l'époque par les professeurs. Je m'en rappelle qui prenait par exemple Tyrone Spong qui était jeune ça pouvait aussi être des films comme Bruce Lee quoi des films du cinéma. Aujourd'hui ça peut aussi m'arriver de taper le nom d'une technique dont on me parle ou encore d'une technique dont je me souviens plus trop ou encore d'aller chercher des

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spé solutions quand je rencontre des difficultés en club ou des mises en échec dont j'arrive pas à m'en sortir je vais faire des recherches dans ce sens là. Je peux très bien aller chercher du côté du Sambo pour les projections ou soumissions. Ça peut aussi être des vidéos carrément de highlights de combat UFC».

La solidité mais aussi la crédibilité des enseignements présents sur le web semble être attestées mais aussi conseillées par divers coachs et enseignants en club comme le montre le témoignage précédent mais aussi notre sondage mettant en avant des recherches de contenus numériques afin de trouver des «Techniques à utiliser lors d'entraînements en tant que

coach».

Ces résultats ne sont par ailleurs pas étonnant car comme nous avons pu le voir

 

précédemment, de nombreux professionnels mais également coachs perpétuent leurs enseignements et leurs expériences via le numérique.

Ainsi, notre enquête met en avant une véritable possibilité d'apprentissage numérique mais aussi et surtout de perfectionnement lors de la pratique du MMA. Ce type d'outil pédagogique a ainsi prouvé de sa pertinence notamment de par sa diversité mais aussi de par sa qualité permettant aux pratiquants de retrouver des éléments techniques ciblés, expliqués et détaillés par des individus qualifiés. Le numérique marque ainsi une modification et une évolution des pratiques sportives mais il est cependant intéressant de savoir si celui-ci est perçu comme un élément complémentaire de la pratique en club ou comme une réelle alternative.

Sur cette question, la réponse de nos répondants est presque unanime, l'apprentissage numérique est une réelle valeur ajoutée pour la pratique sportive et est perçu comme un bon complément à la pratique mais aussi à l'apprentissage en club. Cependant, en ressort de notre enquête, que le numérique ne permettrait pas d'être une alternative de l'apprentissage dans un club de MMA et cela notamment pour l'acquisition de compétences jugées élémentaires et à la base de la discipline. Ainsi, l'apprentissage par les canaux numériques ne serait effectif que si une application sur le «terrain» des techniques étudiées avait lieu et cela notamment à travers la répétition d'exécution avec un partenaire ou encore lors de sparrings. «Sûrement pas comme une alternative parceque pour moi on peut pas se passer du terrain c'est aussi une question d'apprentissage des habiletés motrices, y'a des logiques qu'on ne peut pas percevoir sans pratiquer comme la distanciation avec l'adversaire ou encore l'occupation de l'espace de combat, Après complémentaire, oui clairement, comme je te disais il peut

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m'arrivait d'aller chercher dans des vidéos des techniques pour les reproduire, pour m'en rappeler ou pour les essayer suite à une technique dont un ami me parle et dont il m'envoi la vidéo».

La complémentarité est ainsi clairement exposée mais est aussi renforcée de par l'aspect propre aux arts martiaux et aux sports de combat qui nécessitent une confrontation régulière afin de reproduire des techniques étudiées en situation de combat, dépassant ainsi la simple théorie à la pratique effective et la mise en situation «réelle». L'apprentissage dans les sports de combat et dans les arts martiaux est également caractérisé par la mise en situation face à de divers adversaires amenant ainsi l'individu à adapter ses techniques mais aussi son style de combat en fonction de ses capacités mais également de l'opposition. L'apprentissage purement numérique d'une technique ne peut ainsi mettre en exergue le caractère imprévisible ou encore combatif d'un adversaire.

Comme nous avons pu le voir, le numérique tend à favoriser l'apprentissage du MMA de manière complémentaire sans pour autant être une réelle alternative aux clubs de la discipline ou encore de faire découvrir ce sport et certains de ses éléments techniques à des néophytes. Cependant, le numérique et plus particulièrement le web, de par la mise en avant et la popularisation croissante de ce sport, a vu se développer certains bouleversements au sein de la discipline. Le MMA aujourd'hui de plus en plus populaire et socialement accepté tend vers une normalisation sociale ainsi que d'une forme de «banalisation». Née donc ainsi naturellement, la création de format «déviant132» ou de dérivés de la discipline, permettant de s'écarter de l'acceptation sociale de ce sport et bien souvent de surenchérir sur l'aspect «spectacle» mis en exergue sur le web en attirant des pratiquants mais également des spectateurs pour ce type de contenu.

C) Apparition de circuits parallèles et de pratiques dérivées sur le web.

L'apparition de circuits parallèles et de pratiques déviantes, ou encore dérivées sur le web, peuvent également être expliquées133 par une forme de standardisation présente au sein du MMA aujourd'hui démocratisé. Cette standardisation s'explique premièrement dans l'apparat

132 La qualification ici présente de déviance ne représente en rien un quelconque jugement de valeurs mais résume une transgression de normes sociales mais aussi dans certains cas de lois.

133 L'explication n'est évidemment exhaustive.

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même des combattants avec de moins en moins d'excentricité comme il pouvait en avoir lors du Pride mais aussi du K-1 avec le port de chaussure de lutte ou encore de Kimono qui se sont vu interdire par l'instauration des règles unifiées au profit d'un short de combat non moulant ou à compression. De plus, l'attitude se veut également de plus en plus neutre quand bien même la présence de trash-talking reste présente et souhaitable pour certains événements. «La sportivisation n'est cependant pas la seule raison de la standardisation. En effet, la commercialisation de l'UFC a fait du combat un produit à vendre, policé, qui doit plaire au plus grand nombre»134.

Des études précédents notre ouvrage ont par ailleurs misent en avant un risque de lassitude perceptible lors des combats de MMA (Yann Ramirez 2015), de par une diversification techniques des combattants qui contrairement aux débuts de l'UFC ne restent pas dans un seul et unique style mais tendent à harmoniser leurs compétences techniques et défensives, ce qui renforce l'équilibre des combats mais diminue également les possibilités de «finir le combat» avant le temps réglementaire. Ainsi, de plus en plus de combats finissent par une décision se jouant aux points plutôt que par un KO ou encore par une soumission dont le public, comme nous avons pu le voir précédemment, est très friand.

La recherche de l'équilibre entre la sportivisation du MMA et le spectacle a naturellement amené à la création des règles unifiées que nous avons pu voir et donc à un réel encadrement et une réelle mesure de la violence exercée lors des rencontres sportives. Cependant, bien que cet équilibre favorise la popularisation du MMA auprès d'un grand public, certains individus et spectateurs minoritaires de la discipline peuvent éprouver une lassitude dans leur recherche de spectaculaire et plus particulièrement de violence. Ce qui amène inéluctablement à la création de circuits parallèles et de pratiques dérivées des arts martiaux mixtes aujourd'hui largement accessibles grâce au numérique et plus particulièrement grâce au web.

L'existence de pratiques dérivées des arts martiaux mixtes et désportivisée mise en exergue sur le web, présente également un réel intérêt d'étude car celle-ci va finalement à contre-courant du MMA qui autrefois était caractérisé sous le nom de free-fight et était perçu comme étant une discipline brutale et sanguinaire qui peinait à se faire accepter par le grand

134 Y.RAMIREZ « Dans la cage du MMA : Sociologie d'un sport du XXIe siècle» 2021, p56.

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public et qui a dû favoriser la sportivisation ainsi que la réglementation afin de prospérer. Cette avancée à contre-courant que nous avons qualifiée de «déviance» ou encore de «dérivée» est en réalité le point central du marketing de ce type de pratique qui se veut transcender toutes normes sociales mais également sportives. Le marketing et le point d'attractivité de ces pratiques reposent, comme nous allons le voir, sur le spectaculaire mais aussi sur l'extrême ainsi que sur la limite et le dépassement de l'interdit.

Il existe de nombreux contenus dérivés du MMA accessibles sur le web et plus particulièrement sur Youtube, ce contenu est par ailleurs tout aussi quantitatif que diversifié. Nous pouvons par exemple y retrouver, le Hip Show mélangeant Parkour135 et arts martiaux mixtes et étant développé en Russie qui apparaît comme un véritable laboratoire européen pour le combat-spectacle (Yann Ramirez). Sur le continent Nord Américain nous pouvions retrouver entre 2005 et 2014 les «Felony Fights» qui étaient produits par une société de production américaine la Felony Fights et qui mettaient en avant des combats de rue entre anciens prisonniers mais également entre gangs rivaux. Les confrontations étaient dénuées de toute sportivisation et ne comportaient aucune règle quand bien même un combattant était KO, celui-ci pouvait encore recevoir de nombreux coups directement portés à la tête avant que le combat soit arrêté. Certaines de ces vidéos sont par ailleurs encore accessibles via Youtube et à notre grand étonnement, sont entièrement libres de visionnage et ne comportent aucune restriction d'âge.

135 Discipline sportive acrobatique consistant par des mouvements agiles et rapides, à franchir des obstacles naturels ou urbains.

 

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Il existe également des dérivés moins violentes et qui puisent de nombreux éléments du MMA moderne, il en est notamment le cas du Lingerie Fighting Championships, une société nord américaine mettant en avant par Youtube137, par pay-per-view mais également par la création d'événements physiques, des affrontements semblables au MMA, de femmes en petite lingerie. Ce dérivé à défaut d'exposer une pleine violence comme les éléments que nous avons pu voir auparavant met en avant la sexualisation et le divertissement sportif à des fins de combat-spectacle. La description de la chaîne Youtube expose pleinement la motivation de ce genre de contenu «Lingerie Fighting Championships est une ligue MMA très unique dans laquelle de belles femmes se battent en ne portant que de la lingerie».

À la différence des dérivés que nous venons de mentionner et qui sont accessibles notamment via Youtube, nous avons dans le cadre de cet ouvrage, pu nous entretenir avec un participant de King Of The Streets, une organisation de combat underground138 possédant sa chaîne Youtube comptant près de 830 000 abonnés. La différence avec les exemples précédents, réside principalement dans sa visibilité, les contenus exposés précédemment peine et cela

136 Affiche DVD de la société de production Felony Fights mettant en avant l'aspect violent et choquant de son contenu.

137 Avec une chaîne de 351 000 abonnés et portant le même nom que la société.

138 L'organisation met en avant le côté «Underground» c'est-à-dire la forme clandestine des combats.

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malgré la volonté de «spectacle», à dépasser la centaine de millier de vues tandis que le KOTS139 dépasse ce nombre et franchit même parfois les millions de vues.

L'analyse de cette organisation de combat clandestin est d'autant plus intéressante que celle-ci jouit d'une grande visibilité sur le web mais également car cette dernière est récente et à date de sa création le 11 décembre 2016140. Par ailleurs, notre enquêté participant à ces combats, n'est autre que Hamza que nous avons précédemment interrogé pour sa participation au YFC. Le KOTS est un véritable «fight club» underground qui organise des combats à mains nue où il n'y a pas de règles, pas de rounds et où tous les coups sont permis141. Ces combats peuvent se dérouler dans une multitude d'endroits différents, que cela soit en forêt, dans des parkings ou encore des hangars. La majorité de ces combats clandestins se déroulent sur du béton ce qui, en plus de l'absence de règles, accroît la traumatologie des participants.

Concernant le profil des combattants, « la plupart des gars au K.O.T.S sont des hooligans issus du football. J'ai aussi croisé des combattants professionnels, des amateurs, des néonazis et des antifascistes qui viennent régler leur compte dans la cage, mais aussi des gars lambda qui n'ont rien avoir avec tout ça et qui veulent vivre une expérience de combat sans règles. Et après que ce soit au niveau des combattants ou des spectateurs, il y avait de tout : tous les milieux professionnels, toutes les cultures, toutes les nationalités»142. La particularité de cette organisation, qui se veut assimilable au film Fight Club de David Fincher, réside dans sa diffusion numérique compte tenu de sa forme illégale. En effet, les combats sont disponibles en direct pour tous détenteurs de Pay-Per-View, il est également possible de voir ces combats en différés sur la plateforme Youtube et plus particulièrement sur la chaîne Youtube «KING OF THE STREETS» comptant 830 000 abonnés pour plus de 79 Millions de vues cumulées.

Tout comme les Felony Fights, les vidéos de King Of The Streets ne disposent d'aucune restriction d'âge et sont ainsi accessibles par tous. Cependant, les vidéos de Felony Fights présentent sur Youtube n'appartiennent pas à une chaîne unique et ne jouissent pas d'une

139 Acronyme de King Of The Streets.

140 Il s'agit ici de la date de la création de la chaîne Youtube de l'organisation de combat clandestin.

141 excepté les morsures et les coups dans les parties génitales.

142 C. VILLA «Fight Klub :Charles Villa dévoile les coulisses d'un club de combat underground / BrutX», Youtube, 9 septembre 2021.

grande visibilité ce qui peut justifier une certaine permissivité mais concernant le KOTS celà semble assez intriguant d'autant plus que les vidéos de l'organisation sont également monétisées.

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Ainsi comme nous pouvons le voir, le numérique et plus particulièrement Youtube permet de mettre en avant des dérivés de MMA souhaitant surenchérir dans le spectacle et plus particulièrement dans la violence. Youtube, en plus de donner visibilité à ce type de contenu, le monétise également de manière paradoxale compte tenu de ses règles en vigueur qui ne semblent pas être ici respectées. De plus, la permissivité de ce type de contenu sans aucune restriction d'âge favorise son visionnage mais également son développement et celà notamment au travers des Pay-Per-View permettant d'accéder à ces combats en direct.

Comme nous avons pu le mentionner précédemment, le développement de ces dérivés va en réel contre-courant de la démocratisation du MMA, ce type d'affrontement peut par ailleurs nous rappeler le Vale-Tudo ancêtre iconique du MMA à la différence que celui-ci mettait en avant un réel affrontement inter-style tandis que ce type de combat underground ne met en avant que l'extrême agressivité ainsi que l'extrême violence des rencontres qui ne jouissent par ailleurs bien souvent pas de technicité propre aux sports de combat et aux arts martiaux.

143 Consignes relatives aux contenus adaptés aux annonceurs. Source : support.google.com

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De plus, le Vale-Tudo ne déshumanisait par les rencontres entre les combattants et ces dernières ne se déroulaient pas sur du béton.

L'encrage marketing du KOTS repose véritablement sur l'aspect illégal et clandestin des rencontres. Pour exemple, les spectateurs tout comme les combattants ne sont au courant de l'emplacement des combats que la veille et sont alertés par la messagerie Telegram, messagerie connue pour sa grande sécurité mais également pour permettre des échanges en toute confidentialité. Les combats se déroulent principalement dans des endroits obscurs et urbains comme dans des parkings ou encore des hangars désaffectés. L'organisation est perceptible dans chaque vidéo où nous pouvons y voir les caméramans entièrement cagoulés ainsi que «l'arbitre» dont le seul et unique rôle est de séparer les combattants lorsque l'un d'eux perd connaissance ou subit une soumission et est contraint d'abandonner. Les spectateurs sont aussi en nombre à être entièrement cagoulés ou encore masqués. Concernant les «infirmiers» ces derniers interviennent uniquement à la fin du combat pour prendre en charge le vaincu et pour le déposer devant un l'hôpital en cas de besoin. Le marketing passe également par la tenue de ces «infirmiers» qui sont cagoulés ou masqués et qui portent une tenue s'apparentant à celles observables dans les hôpitaux psychiatriques du 19ème siècle.

Concernant le montage vidéo, celui-ci respecte un code couleur à savoir le rouge en référence aux combats sanguinaires qui ont lieu dans cette organisation. Lors de la fin d'un combat succédant à une soumission ou à une perte de connaissance d'un des combattants, une seule et unique bande son apparaît, celle-ci ne contient aucune parole et est semblable à un bourdonnement accentuant au même moment les violentes images diffusées.

Sur la chaîne Youtube KING OF THE STREETS, la vidéo «REGLEMENT DE COMPTES - Tom [Hype Crew] vs Cyrus [Streetfighter] - K.O.T.S:91 [Combat sur les toits]» est l'une des plus violentes que nous avons pu voir et celà non pas seulement sur cette chaîne mais sur l'entièreté Youtube. Cette vidéo d'une extrême violence a été visionnée plus de 2 Millions 300 000 fois et a reçu 59 000 mentions «j'aime» ce qui montre encore une fois l'intérêt mais aussi la visibilité pour ce genre de vidéo. Au lancement de la vidéo, une publicité apparaît, montrant encore une fois l'illogisme de la plateforme et le non-respect de sa loi sur la monétisation. Sur cette vidéo se déroulant sur un toit, nous pouvons y voir deux hommes ensanglantés se battre sur du béton sous les cris de détresse et les pleurs d'un des proches d'un combattant. La violence est extrême, nous pouvons y voir un opposant écraser la tête de

son adversaire contre le sol bétonné. À la différence de la majorité des vidéos de l'organisation clandestine, celle-ci est soumise à une vérification d'âge, qu'un simple compte bénéficiant du renseignement d'un âge supérieur ou égal à 18 ans peut satisfaire.

 

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Comme nous pouvons le voir sur la capture d'écran ci-dessus, la violence et la traumatologie extrême diffusées par le KOTS répondent à une demande de «spectacle» chez certains spectateurs qui ne peuvent trouver ce type de contenu dans des confrontations sportivisées comme dans le MMA et qui s'orientent donc vers ces dérivés qu'ils vont entretenir de par le visionnement qui va financer la monétisation des vidéos de l'organisation, mais également de par l'achat de pay-per-view ou de place pour assister directement aux combats. Le numérique et plus particulièrement le web donne ainsi visibilité à des événements totalement illégaux mais pire encore, les finance quand bien même sa réglementation interdit celà.

Nous avons cherché à savoir afin d'en enrichir notre étude, les motivations qui pouvaient animer une participation à ce type de combat clandestin et plus intriguant encore à une exposition numérique au sein d'une organisation telle que la KOTS. Hamza Allal, combattant au YFC que nous avons interrogé et qui n'a pas de soucis pour l'anonymat, nous permet de comprendre les attraits d'une participation mais également de visionnage pour ce type de contenu.

144 Capture d'écran issue des commentaires de la vidéo Youtube «REGLEMENT DE COMPTES - Tom [Hype Crew] vs Cyrus [Streetfighter] - K.O.T.S:91 [Combat sur les toits]» KING OF THE STREETS, 10 Janvier 2022.

 

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Schéma classique, notre enquêté nous explique avoir approché par lui-même l'organisation underground, premièrement via leur instagram comptant 183 000 abonnés, avant d'être réorienté vers le Telegram du KOTS. Les échanges se font uniquement en anglais et une date sera fixée avant d'être repoussée au 24 juin quelque part en Suède. Rappelons que spectateurs comme combattants ne connaissent le lieu du combat seulement (au mieux) vingt-quatre heures avant son début. Parfois, les combattants ne prendront connaissance du lieu du combat qu'une fois avoir été déposé là bas par un membre de l'organisation.

Nous avons également questionné le jeune homme de vingt-cinq ans sur la rémunération pour la participation au KOTS «Le KOTS te paie uniquement si t'es gagnant, après le montant aucune idée.» La perspective d'un gain d'argent ne semble donc pas être facteur de motivation pour le participant à notre étude d'autant plus que celui-ci n'a aucune information portant dessus et que l'organisation ne lui en a également pas fourni. Cependant, suite à nos recherches, et plus particulièrement sur le documentaire réalisé par Charles Villa pour BrutX et portant sur «les coulisses d'un club de combat underground»146, les rémunérations varient en fonction du niveau des combattants, qu'ils soient novices, amateurs ou professionnels, mais aussi en fonction de leur notoriété et de leur palmarès au sein de l'organisation. «Je sais qu'en général la victoire, c'est quelques centaines d'euros, genre 400, et si ils perdent ils ne

145 Affiche du combat KOTS opposant notre enquêté face à son adversaire Mariusz.

146 N.DUMOND, C.VILLA «FightKlub», BrutX, 2021. lien : https://home.brutx.com/serie/fight-klub-1252

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gagnent rien»147. La rémunération proposée n'est donc ainsi réellement pas proportionnelle aux risques physiques mais également psychologiques encourus pour la participation à ce type de combat. Notre enquêté Hamza Allal résidant à Bordeaux, devra par ailleurs se déplacer jusqu'en Suède où se déroulera son combat par ses propres moyens et la victoire ainsi que la rémunération proposée ne couvrira que partiellement ses dépenses.

Si la rémunération ne semble nullement justifier une quelconque participation et exposition numérique pour ce genre d'événement, nous avons questionné Hamza sur ses motivations qui dépassent le «simple» critère pécunier. «Le KOTS c'est le vrai combat, on aime tous la violence et la voir. On peut pas faire mieux que le KOTS, son atmosphère, pas de règles,pas de round, le seul but mettre KO son adversaire. Je trouve ça extrêmement excitant à voir, encore plus à vivre. Ce que je recherche clairement c'est tester actuellement mes aptitudes au combat dans un vrai combat sans merci, et aucune compassion.» Notre répondant expose ainsi ses motivations comme étant principalement expérientielles, d'une part pour l'ambiance clandestine et d'autre part pour l'extrême violence des combats qui justifierait sa participation mais aussi le visionnage numérique pour ce type de contenu. Le KOTS met en exergue comme nous avons pu le voir précédemment, une extrême violence voire une déshumanisation des combattants qui répond à une demande spectatorielle pour les spectateurs mais aussi expérientielle pour les participants.

La participation à ce type de combat est réellement perçue comme un moyen de prouver sa valeur mais aussi sa force dans un affrontement sans artifice, primitif et qui ôterait toutes corruptions ou encore décisions extérieures sur l'issue du combat. Des rémunérations aussi basses et l'absence de rémunération pour le perdant représente ainsi belle et bien cette valeur expérientielle qui si elle n'était pas aussi recherchée, justifierait d'une baisse du nombre de participant et d'une augmentation même des rémunérations afin d'en attirer un plus grand nombre.

Afin de comprendre plus en détails ce qui pourrait amener des spectateurs de MMA à s'orienter (partiellement il est important de le préciser) vers ce type de contenu numérique, nous avons demandé à Hamza ce qui faisait que le KOTS soit aussi suivi sur Youtube et sur les réseaux sociaux. Rappelons que Hamza avant de s'inscrire pour combattre dans cette

147 propos de Charles Villa au sein du documentaire «FightKlub» pour BrutX.

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organisation, était un spectateur. «La qualité de l'événement y est pour beaucoup selon moi, ce côté district, urbain, illégal. On a l'impression d'assister à un combat clos à l'abri de tous, et cette atmosphère est dantesque. Mais le gros point c'est le fait que ça soit uniquement par KO ou soumission. Les gens sont toujours déçus de voir un combat se décider par décision et non par un KO».

La réponse de notre enquêté semble ainsi corréler avec notre hypothèse portant sur un sentiment de lassitude chez certains spectateurs du MMA qui décident de rechercher un contenu «plus spectaculaire», plus violent mais aussi moins professionnel. Le point d'ancrage marketing du KOTS reposant sur son image clandestine et son extrême violence est un succès et réussit à véhiculer la fameuse image de «Fight Club» s'apparentant au film de David Fincher et dont la première et la deuxième règle de l'organisation fictive est: «Il est interdit de parler du Fight Club», l'ambiance en elle même du KOTS donne cette impression de combat à huis clos, mais la logique de l'organisation répond principalement à des fins commerciales et économiques et est diffusée à un grand nombre par la plateforme Youtube mais aussi également par le Pay-Per-View.

Concernant les motivations de participation à ce type de combat, nous avons pu voir que celles-ci répondent principalement à une motivation expérientielle, d'une part pour l'ambiance de l'organisation de combats clandestins et d'autre part pour comme a pu le citer notre enquêté, «tester mes aptitudes au combat dans un vrai combat sans merci, et aucune compassion». Cette réponse n'est d'ailleurs pas sans rappeler la phrase de Tyler Durden dans Fight Club148 « Comment est-ce que tu peux te connaître si tu t'es jamais battu ?».

Enfin, il paraît primordial de comprendre pourquoi notre combattant ne participe à ce type de combat que si celui-ci est retransmit numériquement, nous l'avons alors directement questionné sur les raisons de son exposition numérique.

«Le fait d'être exposé numériquement c'est un plus histoire de prouver de quoi t'es capable car tu peux toujours dire, j'ai mis KO telle personne de telle façon mais si y'a pas de vidéo ça sert à rien. C'est pour ça que j'adore le KOTS et YFC, pour pouvoir prouver ce que je vaux, l'ambiance et la qualité visuelle des combats». Ainsi, l'exposition numérique semble être d'après notre répondant partie intégrante de l'ambiance véhiculée par le KOTS et l'expérience proposée visant à montrer sa force et sa valeur par l'établissement d'une confrontation physique extrême. Il est par ailleurs intéressant de voir que le numérique s'inscrit ici premièrement dans un rôle de transmission et de partage mais également dans un

148 D.FICHER «Fight Club», 1999.

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réel rôle d'archive des confrontations physiques pour les combattants, archives qui font office de réel trophée et celà notamment en cas de victoire et plus particulièrement par KO.

Il est néanmoins intéressant de voir que le numérique et plus particulièrement le web peut mettre en exergue ce genre de confrontation interdite et plus intriguant encore de les monétiser. Le numérique tout comme les organisations comme le KOTS semble également aller à contre-courant des premiers canaux de diffusions. Autrefois et nous avons pu le voir, le Vale-Tudo et les combats libres ont subi de nombreuses critiques ce qui a voué à leur mutation et à leur transformation sportive donnant naissance au MMA. Cette mutation était nécessaire afin de répondre aux critiques mais aussi à la censure télévisuelle de ces disciplines. L'émergence du web a quant à elle renversée ce schéma en permettant la proposition de contenu encore plus extrêmes et encore plus facile d'accès.

Malgré que comme nous avons pu l'observer une lassitude peut se faire ressentir chez une minorité de spectateurs du MMA qui s'oriente vers des pratiques et des contenus extrêmes dérivés de la discipline, les arts martiaux mixtes prospèrent de par leur stratégie mainstream afin de fédérer un large public mais aussi de par leur réel équilibre trouvé entre la sportivisation et le spectacle qui fait aujourd'hui de ce sport une figure emblématique et presque parfaite du sport-spectacle.

De plus, les dérivés que nous avons mentionné dans cet ouvrage ne jouissent d'aucun grand succès et sont limités à quelques dizaines ou centaines de milliers de vues par vidéo sur Youtube, exception pour le KOTS, qui lui, jouit d'un succès croissant et d'une plus grande visibilité sans toutefois s'avérer être un concurrent pour le MMA. Il n'est par ailleurs pas possible qu'une organisation clandestine comme le KOTS puisse pérenniser sans alerter les pouvoirs mais aussi l'opinion publique. Le MMA ne peut-être remplacé ou concurrencé par ce genre de pratique, de par son prototypage et son évolution singulière à travers l'histoire, les polémiques mais aussi des enjeux sociaux économiques inhérents à nos sociétés.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe