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Le placement de produit dans les films cinématographiques

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par Alexandre Chirouze
Université Montpellier 3 - DEA veilles et intelligence compétitive 2002
  

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Chaîne des effets d'un sur-placement

___________________________________________________________________________

Pléthore de marques placées => Risque d'une qualité médiocre du film

(1) & (2) & (3)

(1) => Moindre succès commercial => Moindre couverture de la cible visée => Moindre impact sur la marque

(2) => Moindre succès commercial => Difficultés financières pour le producteur

(3) => Moindre reconnaissance du réalisateur par le public et ses pairs.

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M- Les raisons d'une certaine acceptation d'un fort placement :

Plusieurs raisons apparaissent :

La première nous vient de l'autre côté de l'Atlantique : les films, les séries TV et les téléfilms américains ont habitué le public français à voir un très grand nombre de marques placées. Un film français est toujours comparé au standard américain : « Cela dit, dans les films français, c'est plus rare. A la fin des génériques dans les films américains, il suffit de voir tous les remerciements ...Il y en a plein ! »

« On sent que tout est fait dans ce film (Taxi 2) pour y mettre des marques. Ils mettent en avant les marques. C'est même presque exagéré. Surtout par rapport à un film français classique. ». « dans Friends, je remarque souvent des marques. Dans les séries américaines, surtout.. »

L'idée (fausse ?) qu'en France, c'est mieux qu'ailleurs : « De toute façon, il ne faut pas cracher sur le placement de produit, même si le 7ème Art devrait être protégé par cette société libérale et de consommation. Je pense qu'en France on a encore le recul pour analyser ça. »

Une certaine habitude de voir des marques utilisées par des personnages qui perdraient une part de leur charisme, de leur personnalité, s'il n'en avait pas : « Dans les James Bond, c'est vrai que déjà il y en a beaucoup, il a sa Rolex, sa Rover, etc., etc. ...Encore dans les James Bond, ça passe mieux parce que c'est plusieurs marques. Et puis, James Bond, c'est un mec qui a toujours eu plusieurs marques sur lui ou avec lui... ». Nous reviendrons sur ce mécanisme d'identification au personnage dans le cadre des achats d'imitation (voir plus loin).

La troisième raison est la conséquence des deux premières : un produit sans marque dans une scène peut choquer le spectateur : « Ce qui m'a étonné, c'est la scène dans Taxi 2 avec le Yakusa qui utilise son ordinateur de poche qui ne sert à rien du tout et qui, pour une fois, n'a pas de marque ! »

A ces deux raisons, il faut bien sûr ajouter tout ce que nous avons écrit sur le réalisme que les marques apportent au film.

De même, l'habitude d'une certaine pression publicitaire dans la vie quotidienne y est pour beaucoup : « de toute façon, on sort dans la rue, on est matraqué de publicité : les affiches, etc. », « De toute façon, on vit autour des marques. Autour de nous, il n'y a que ça. Et quand on en voit dans un film, on la reconnaît avec sa renommée ». « De toute façon, on est tellement habitué à voir une marque ».

N- Le risque d'une absence de placement :

L'absence de marques dans un film peut rendre plus difficile l'entrée du spectateur dans l'histoire : « à la limite, le fait de ne plus voir une marque pourrait choquer même ! »... « de toute façon, je n'ai jamais vu de courses automobiles sans sponsors au bord de la route ! »... « C'est pour éviter de camoufler les marques, aussi ! Au lieu de les cacher, on les montre »... « ça serait stupide de mettre un cache devant une marque, sinon ça casserait tout le film. Je veux dire, si dans un film on met une Porsche et que l'on cache son logo où qu'on le transforme un peu, ça ferait film, mais ça ne ferait pas réel. ».. « C'est comme si, dans un film avec une scène de cocktail, on ne voyait pas les marques de bouteille. Ca ne ferait pas réaliste du tout »

D'autant que dans la réalité, nous l'avons vu, les participants se sentent entourer de messages publicitaires. « de toute façon, je n'ai jamais vu de courses automobiles sans sponsors au bord de la route ! ».

Autrement dit, la réalité de la vie est pleine de marques, si le film veut faire vivre une histoire que le réalisateur souhaite être prise pour réelle, l'absence de marques serait une erreur grave parce qu'elle serait un indice d'irréalisme. Les spécialistes du scénario savent bien que « pour captiver l'attention de son public...il faut que le spectateur s'identifie à l'action ».224(*)

L'absence de marques, alors que le public y est habitué, pourrait avoir une conséquence sur l'identification à l'action.

O- L'influence de la prise de vue sur l'acceptabilité du placement et la mémorisation :

Bien que nos participants n'aient pas de connaissances techniques cinématographiques, certains d'entre eux ont abordé le rôle des techniques de prise de vue sur l'acceptabilité et l'impact du placement. 

Les plans rapprochés, les impressions de vitesse dans l'action rendent plus acceptables la présence de marques : « En fait, dans Taxi, ça ne choque pas trop parce qu'en fait il y a des marques tout le long. Alors que, parfois, j'ai été choqué de voir par le passé des gros zooms sur une marque en plein milieu d'un film. Dans Taxi, c'est dans le fil de l'action ».

Les gros plans, les zooms et autres techniques de prises de vue semblent favoriser la mémorisation de la marque et de la scène.

« C'est souvent des gros plans sur le Lion Peugeot »

« La prise de vue était bonne », « tout est fait pour qu'on la voit »

« Dans Matrix, le portable est sorti en même temps que le film. Et on le voit bien en gros plan. »

« Il y a une scène où un japonais sort un truc qu'il ouvre et ça ne sert absolument à rien, mais on voit très bien la marque, c'est un Psion... »

« Dans le Boulet aussi, il y a une course de voitures dans le désert et on voit tous les sponsors Optique 2000, 406....avec de gros plans ».

 

On voit là encore les intérêts antagonistes des acteurs du placement :

L'acceptabilité est recherchée par le réalisateur et le producteur, le premier recherchant le réalisme, le second un financement sans nuire aux chances de succès du film.

L'impact est recherché par l'annonceur.

Or, ce qui est accepté semble moins efficace.

La solution semble être de disperser les marques tout au long du film comme dans Taxi 2 : « « Au début, on en voit » . « Mercedes, on la voit au début. La 406, c'est du début jusqu'à la fin. La 306, c'est au début pendant le Rallye...Après, Mitsubishi, c'est pendant le rapt ».

« En fait, dans Taxi, ça ne choque pas trop parce qu'en fait il y a des marques tout le long. »

Autrement dit, le placement doit suivre le modèle d'articulation globale interne du scénario de Syd Field selon lequel : « si nous pouvions prendre un scénario, le mettre à plat et le suspendre au mur pour l'examiner comme un tableau, cela ressemblerait à ce diagramme225(*) :

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Début Milieu Fin

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Acte 1 Acte 2 Acte 3

>>>>> >>>>>>>>>>>>>>>>

Exposition Noeud de l'intrigue Résolution

Cette dispersion des placements est une question de dosage interne mais aussi :

une question de véracité et d'utilité : il faut que la marque apporte quelque chose à l'intrigue

une question d'équilibre entre la (ou les) marque(s) principale(s) et les marques secondaires : afin que ces dernières ne soient pas totalement imperceptibles : « mais à part la 406, je ne pense pas qu'ici les autres marques influencent beaucoup. Je ne pense pas qu'elles aient eu des retombées après ce film »

une question de crédibilité des marques afin que les spectateurs n'aient pas le sentiment d'être victimes d'une publicité mensongère : « Oui et puis dans Taxi 2, c'est un bon équipementier : les pneus, préparations de voitures.. » Cela même si le réalisateur utilise l'hyperbole publicitaire : « Même si ce n'est pas une voiture réelle, c'est vrai que c'est une publicité permanente dans ce film.. »

P- L'impact d'un placement de produit sur les spectateurs :

Les participants aux groupes sont conscients de l'impact du placement de produit mais font une distinction entre le degré d'influence sur eux et celui sur les autres.

Ils considèrent naturellement que les effets du placement sur les autres sont bien plus élevés que sur eux-mêmes.

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Les exemples cités pour montrer l'influence sur les autres ne manquent pas :

« C'est comme le maillot Equipe de France, on voit le héros Samy Nacéri le porter dans la rue, ça peut donner envie aux gens de faire comme lui et le porter dans la vie de tous les jours », « Ca l'a modifié un peu, pour l'achat de la 406 »

« la Z3 dans James Bond. On en voyait beaucoup après le film »

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Les participants considèrent que le placement de produit a des effets sur le comportement des individus même si ceux-ci n'en ont pas toujours conscience : « je dirais qu'il y a aussi des tendances ou des coiffures dans les films qu'on retrouve après dans la rue....Pour les marques, c'est pareil. Mais les gens ne s'en rendent pas compte. »...

En revanche, très peu de participants ont avoué, dans un premier temps, avoir modifié leur comportement après avoir vu une marque dans un film. Les langues se sont, toutefois, déliées au fur et à mesure de l'avancement de la réunion et des effets de la dynamique de groupe et des plaisanteries du genre de la suivante : « Si, moi si, j'ai tout de suite été courir l'acheter dans un magasin ! (dit sur un ton ironique) » et déclenchant des rires...

Autrement dit, les participants ont tenté de nier toute influence du placement de produit en cherchant à rationaliser leurs comportements : « Je suis complètement insensible à toutes ces marques » ... « sincèrement, c'est pas parce que j'ai vu une Mitsubishi ou la marque Feu Vert que je vais me précipiter dans un magasin. J'ai mon opinion sur les produits et puis c'est tout.. »

Certains ont minimisé le degré d'influence : « Bon, c'est vrai que dans Taxi, j'ai bien aimé la voiture...Mais, de là à l'acheter... ». ... « comme on s'en rappelle parfois, ça nous touche quand même un peu »...limitant les effets à la connaissance et à l'image qu'ils ont de la marque après le placement :  « je me souviens de la moto, Triumph, dans Mission Impossible 2, bon je l'ai vue, elle m'a plu, elle est belle, mais c'est pas pour autant que je l'achèterai. Je ne me ruinerai pas à l'acheter... ». D'autres ont minimisé les effets dans le temps : « De toute façon, maintenant dans tous les films, il y a au moins une marque citée, mais le problème c'est qu'une fois que je sors du cinéma, j'oublie de suite.. »

D'autres ont semblé regretter que les placements concernaient des produits chers donc inaccessibles : « De toute façon, il y a aussi une part de rêve, car c'est le genre de voitures qu'on ne peut pas se payer. Dans les films généralement, ce sont des voitures chères »...

D'autres, encore, ont feint de ne pas connaître les étapes de la persuasion publicitaire, tout en les décrivant correctement : « Moi, je ne sais pas comment ça marche la pub. Tu sais jamais si tu achètes des produits parce que tu les as vus à la télé ou autres.. Dans un magasin de Hi-Fi, c'est vrai que j'ai tendance à acheter une marque. Mais je sais pas si c'est à cause de la pub ou de la confiance que j'ai de la marque. Je me sens rassuré avec la marque, c'est tout ».

Allant pour certains jusqu'à s'interroger sur la subjectivité des observations post-visionnage : « mais est-ce que tu l'as remarqué parce que justement tu avais vu le film ? ».

Ceci donne à réfléchir sur l'utilisation du placement dans le cadre d'une stratégie d'ancrage publicitaire : « Feu Vert, moi, je ne savais pas ce que c'était, mais maintenant que le fait d'avoir vu Feu Vert dans ce film pourrait à l'avenir me donner envie d'y aller si j'en ai besoin un jour. C'est pareil pour ADA. Si j'ai bien compris, c'est une société de déménagement et si je dois faire ça un jour peut-être que ça me restera dans la tête. J'irai plutôt chez ADA que chez Tartempion »... « ça peut jouer sur le long terme », ou dans le cadre d'une stratégie de réassurance post-achat (dissonance cognitive) ou encore de celle d'assurance pré-achat, autrement dit de « labellisation » par personnification : « c'est une marque d'appareil électronique. James Bond s'en sert aussi », sous-entendu : c'est forcément une bonne marque...

Le placement de produit a bien, en définitive (malgré les réticences à l'avouer au départ), des effets sur les achats : «Qui n'a pas acheté des Ray Ban Blues Brothers ou Tom Cruise ? Bon, et puis c'est des Ray Ban ! Tout le monde les a achetées ! ».

« Il y avait un film sur M6, « Un combat de trop », je crois. Bon, le film était pas terrible mais le héros du film qui sortait de prison était allé s'acheter des vêtements et il avait un pantalon qui m'a plu et j'ai cherché partout à Montpellier un pantalon du même type. Et deux semaines après, je l'ai acheté. C'est pareil pour les musiques d'un film. Parfois, j'attends la fin du générique pour voir qui en a fait la musique ».

Q- Les conditions d'une maximisation des effets :

Le placement de produit apparaît plus efficace quand il est associé à des opérations annexes telles qu'un Tie-in : « d'ailleurs, à un moment donné, à Feu Vert, il y avait une publicité de Taxi. Et on vendait les ailerons, les phares...C'était pour le premier Taxi. Du matériel de Tuning avec la photo du film Taxi. ».

La bande annonce a également un rôle positif sur la reconnaissance et la mémorisation : « C'est vrai que dans ce film, on savait à l'avance que Taxi, c'était un film sur Peugeot. Les Peugeot contre les Mercedes ou les japonais... » et favorise le bouche à oreille : « Alors Taxi, j'en avais parlé parce que j'avais vu une bande-annonce. »

Le placement principal est considéré comme plus efficace que les placements secondaires : « mais à part la 406, je ne pense pas qu'ici les autres marques influencent beaucoup. Je ne pense pas qu'elles aient eu des retombées après ce film. »

Toutefois, les participants ont bien perçu les degrés différents d'influence selon l'intérêt que l'individu porte :

- à la catégorie de produits au moment du visionnage du film : « Mais, je me dis que si quelqu'un veut s'acheter une voiture et qu'à ce moment, il voit le film, il peut avoir un déclic sur la 406. Une 406 au lieu d'une BMW... »

- à la catégorie de produits en tant que besoin à satisfaire : « je pense que ça influence quelque part, mais à condition de s'intéresser aux voitures. ».. « oui, parce qu' ici c'est vraiment centré sur les voitures. Et dans un film, on est vraiment attiré par elle. »... « Sinon, je regarde surtout les marques d'électronique parce que j'aime bien ça. Dans Taxi 2, j'ai regardé les téléphones »... « Moi, je regarde plutôt les marques qui me touchent personnellement. Si il y a une belle voiture, je vais regarder parce que j'aime bien les voitures. C'est pareil pour les cigarettes, les montres... Une femme verra Versace ou Nike comme ça a été dit alors que moi, non ! »... « Dans le Boulet, je me rappelle des raquettes de badminton mais c'est vrai que c'est parce que j'y joue souvent aussi »

- à l'acteur qui le porte, l'utilise ou le cite : « ça peut varier aussi en fonction de ce que porte un acteur, par exemple Georges Clooney.... »... « Oui c'est vrai qu'on a tous un acteur ou une actrice préféré(e), donc on fera attention, à ce qu'il met...comme James Bond »... « C'est normal, je pense, surtout chez les jeunes qui veulent s'identifier ou ressembler à des stars ou des sportifs. Par exemple, moi j'adorais Agassi quand j'étais jeune et bien j'ai acheté son short fluo ». Après des rires nourris : « Oh ! Arrêtez ! On l'a tous fait ça ! » ... « Moi, si c'est Julia Robert, je regarde ce qu'elle porte. Si ça existe en France, je l'achète »...

- à un mélange de tout ce qui précède en même temps : « Je pense que ça dépend des sensibilités de chacun. Moi, les lunettes, je les achète 30 balles sur les marchés, mais je mets plus d'argent ailleurs, les vêtements, etc. C'est sûr que si Tom Cruise avait eu une belle montre, peut-être que je l'aurais acheté plutôt que les lunettes. Donc, ça joue, mais ça dépend des goûts de chacun... »

Le placeur doit donc tenir compte de tous ces éléments :

- faire rêver : « il faut aussi une part d'inaccessible »

- mettre des produits, inscrits dans le rêve, mais plus accessibles : « dans le premier Taxi, il y avait une Mercedes, voiture de luxe face à une française moins chère...Donc plus accessible aussi. »... « D'ailleurs dans le 2ème Taxi, on revoit une Mercedes rouge pour faire un clin d'oeil au premier épisode. »

- des produits qui correspondent aux attentes des cibles-marketing visées : « Il faut voir aussi quelle tranche d'âge est touchée dans un film. C'est sûr qu'une Peugeot est plus à la portée des 15-25 ans qu'une BMW. Sinon, c'est sûr qu'une marque peut apporter un petit plus dans un film. Dans le Raid, les marques sont des marques de jeunes »

R- La réglementation du placement de produit :

De l'avis majoritaire, une réglementation du placement de produit ne s'impose pas. Les participants semblent ignorer la réglementation française en matière d'oeuvres audiovisuelles (non-cinématographiques).

Les raisons sont diverses :

- l'inutilité d'une réglementation : « Non, de toute façon, ça n'empêchera pas les gens de consommer. »

- La défense des libertés, de la libre expression et la responsabilisation des spectateurs : « Je crois que c'est aux téléspectateurs de faire leur choix ! S'ils n'aiment pas, ils regardent pas ! », les dangers d'une réglementation pour la création : « Pas de réglementation, Non ! C'est au producteur de gérer ça ! Pour le réalisme, etc.. »226(*)

Toutefois, l'un des participants considère, qu'un seuil devrait être fixé : « dans le Raid,

c'est beaucoup trop. C'est un film fait pour les marques. La mise en scène est adaptée pour les marques, l'histoire est complètement bidon. On ne voit plus le film, on ne voit que ça.. Le personnage principal, c'est la marque. Et là, oui, on devrait réglementer en cas d'excès. »

Certains participants aux groupes verraient bien une réglementation pour protéger ceux qu'ils considèrent comme les plus vulnérables : les jeunes et les adolescents :

« Peut-être qu'une réglementation pourrait éviter les excès surtout auprès des jeunes qui sont facilement influençables avec les marques. Mon petit frère, quand il a vu Taxi, a tout de suite voulu qu'on s'achète des ailerons pour la voiture. Donc, oui, ils sont influencés par les films. Et puis au niveau de la sécurité, ça peut être dangereux. »..

« le problème dans ce film reste la sécurité, et le fait que la police ne fasse rien. Ca peut être dangereux de vouloir faire la même chose pour aller à l'aéroport... »

« je le pense aussi. On le voit avec les survêtements, les jeunes sont très attachés aux marques. ».... « C'est vrai que, plus jeune, je faisais plus attention à la marque. Maintenant, c'est moins vrai. Cela dit, dès que je vois une 406, je pense à ce film ».

On a tout de même le sentiment d'une certaine projection sur une personne jeune :

« Le problème, c'est que les jeunes ont tendance à vouloir s'identifier au héros ». 

Cette impression se confirme lorsque les thèmes à prohiber concernent, non pas, des très jeunes mais plutôt des jeunes adultes ayant leur permis de conduire : c'est-à-dire de l'âge des participants eux-mêmes...

Une réglementation serait, en effet, envisageable, pour quelques-uns des participants, pour protéger le jeune public contre la vitesse au volant et le tabac. Cela parce qu'ils craignent, en réalité, l'efficacité du placement de produit : « Oui, pour la société, c'est dangereux, mais pour la marque, je ne pense pas que ça joue, que ce soit négatif. C'est comme la marque Marlboro que l'on voyait dans les Westerns, c'était mauvais, mais je suppose que ça déclenchait pas mal de ventes. »

« Je pense au Tuning qui n'est pas réglementé et qui plait aux jeunes... On en a vu beaucoup après la sortie du film. Le problème, c'est ensuite lorsqu'on se fait arrêter par la police avec ça...Vu que ce n'est pas réglementé... »

S- Comparaison des effets selon le lieu du visionnage :

Les participants n'ont pas réellement constaté de différence d'effets sur eux après une diffusion d'un film en salles ou par une chaîne de télévision ou, encore, le visionnage d'une vidéo-cassette ou d'un DVD.

Le placement semble plus visible au cinéma : « On voit plus de détails au cinéma qu'à la télévision : mais c'est tout, je pense ».

Les expériences sont toutefois variées : « A la télé, je trouve que c'est moins fort. On peut zapper... »... « Ah, Non ! Moi, c'est l'inverse ».

En fait, cela dépend plus de l'état d'esprit dans lequel le (télé)spectateur regarde le film : « la différence, elle se fait si on prête attention aux marques dans le film. Mais, après, on peut louper l'histoire du film... » ... « en fait, quand je suis allé voir le film au cinéma, je n'avais rien vu du tout (parlant des marques placées). Mais là, aujourd'hui, c'est différent. J'ai fait plus attention. Au cinéma, je ne vois rien du tout ».

Cela dépend également de l'attitude publiphile ou publiphobe de l'individu :  « Moi, c'est bizarre, mais je ne m'identifie pas à tout cela. Je regarde le film pour lui-même et puis, c'est tout. Pas pour les marques. Je pense que ça dépend des gens. C'est que je regarde peu la télé aussi. Et ça peut jouer. Dès qu'il y a une page de pub, je zappe tout de suite. Donc, c'est peut-être aussi une habitude de voir les marques à la télé qui entraîne cet intérêt des marques dans les films... »

L'effet de répétition, que nous avons déjà signalé, peut également jouer favorablement sur l'impact du placement de produit : « Ca dépend. Parfois dans les rediffusions on peut faire plus attention... ».

T- Les questions auxquelles les participants aimeraient avoir une réponse :

Nous avons vu que le placement de produit n'était pas un sujet réellement inconnu de nos participants, même si la terminologie utilisée par les professionnels était parfois ignorée.

C'est un thème qui se conçoit bien, même pour des non-spécialistes. Il est abordé avec des mots simples du quotidien : ce qui est, assez rare, dans le domaine de la communication publicitaire pour être signalé.

Les participants ont montré leur intérêt tout au long des discussions et en posant un certain nombre de questions sur le fonctionnement du placement :

- sur le coût d'un placement : « Moi, je me demande combien ça peut coûter de placer sa marque dans un film ? »

- sur les échanges et les clauses des contrats : « J'aimerais bien savoir si Peugeot a livré gratuitement les voitures ou non pour le film. Les contrats, etc. Comment ça marche... ? »

- sur l'intérêt du générique et d'être inscrit dans un générique : « on ne le voit pas bien, ça va vite, je me demande si c'est vraiment utile pour la marque... »227(*)

III- Essai d'analyse sémio-contextuelle

L'influence du placement de produit sur les spectateurs dépend d'un grand nombre d'éléments qui peuvent être appréhendés par l'analyse sémio-contextuelle.

Comme l'écrit Alex Mucchielli : « L'influence est le phénomène fondamental de la communication » 228(*) et « grâce à la théorie sémio-contextuelle de la communication, il n'y a plus de séparation entre l'étude des phénomènes de publicité, de propagande, de vente ou de séduction. Toutes ces manipulations fonctionnent de la même manière : elles créent et manipulent des objets cognitifs de nature diverse (relationnels, normatifs, identitaires, physiques ou idéels...) qui vont intervenir dans la genèse du sens des actions à venir ».

Pour étudier l'influence du placement de produit sur les spectateurs, nous partirons du principe de la théorie sémio-contextuelle selon lequel « un processus de communication en tant qu'action en train de se faire intervient sur un des contextes de la situation de communication pour transformer ce contexte et faire surgir un sens ».229(*)

Nous allons tenter de mieux comprendre comment le placement de produit, en tant que processus de communication, agit sur les contextes pour créer un sens. Pour ce faire, nous retiendrons les sept contextes actuellement pris en compte dans l'étude des communications-processus sachant que le sens global de la communication est la résultante de la sommation des significations prises par la communication faite dans ces contextes. Nous chercherons également à dégager des méthodes d'influence à l'usage des professionnels du placement de produit.

1- Le contexte expressif des identités :

En faisant référence à ses projets et ses goûts, ses façons de voir (ou celles des autres) le spectateur pose une partie de son identité (ou de celle des autres) dans une situation. Or, nos différentes enquêtes ont montré qu'un spectateur est plus influencé par un placement qui le concerne. Denise E. Delorme 230(*)a également constaté que la présence de marques est mieux acceptée dans des comédies ou des drames avec une étude de caractères, avec des personnages que les spectateurs perçoivent comme étant crédibles, familiers, vraisemblables. Le spectateur s'identifie aux héros et/ou aux acteurs et cherchera à leur ressembler.

Dans le cas de Taxi 2, un amateur de voitures s'impliquera dans les aventures du héros.

Les interviews de groupe ont mis l'accent sur le fait que les jeunes spectateurs sont particulièrement sensibles à ce phénomène d'identification, comme s'ils étaient à la recherche de leur identité, avec tous les risques que cela peut entraîner.

Ainsi, une représentante de l'American Lung Association déclarait « Nous savons que les célébrités influencent le comportement des adolescents. Au cinéma, les jeunes voient que fumer est une attitude attrayante. C'est cool. C'est rebelle. C'est une façon d'affirmer son indépendance». Dans le même esprit, Hillary Clinton écrivait, en 1997, «Lorsqu'une vedette de cinéma fume à l'écran, c'est comme si elle fumait avec son statut, sa puissance, avec sa confiance et son attrait» et regrettait que : «C'est précisément au moment où l'industrie du tabac est enfin reconnue responsable pour avoir fait de la publicité visant les jeunes que le cinéma devient un véhicule puissant des intérêts des marchands de tabac.» 231(*)

2- Le contexte normatif culturel

La situation du spectateur regardant un film avec placement de produit est constituée d'un ensemble de normes et règles collectivement partagées. Le bon contre le méchant, le bien contre le mal, les normes de la modernité, du luxe et de la technicité sont très présentes dans un affrontement.

Dans Taxi 2, le bien est représenté par la Peugeot 406 qui symbolise un esprit rebelle et jeune. La Mitsubishi s'appuie sur des normes de la technologie, de la rigueur et de la fiabilité.

Si l'on se place du point de vue des professionnels du placement, ce n'est qu'avec prudence qu'il faudra sortir des normes établies, « des stéréotypes ». Selon le public visé, le fait de manier ou non l'humour et la dérision, le scabreux, la violence, etc. peut, en effet, modifier l'image du produit.

3- Le contexte des positions respectives des acteurs 

En manipulant le positionnement d'un produit placé dans une situation, il est possible de faire surgir un sens qui conduise le spectateur à faire ce que l'on a prévu qu'il fasse. Le spectateur est influencé par une marque principale et peu par les autres. Il peut être mis en alerte par son entourage ou par les médias, ce qui augmente sa perception de la marque.

Du point de vue du professionnel, un placement principal est préférable à un placement secondaire. Des opérations de communication autour du film (Tie in et Relations publiques ou autres) permettent d'éveiller l'attention des spectateurs.

4- Le contexte relationnel social immédiat :

Lorsqu'on communique avec quelqu'un, on entre avec lui dans un certain rapport. Il en est de même pour les rapports entretenus entre les produits placés et les spectateurs. Si la marque est appréciée du spectateur, elle sera plus facilement reconnue par celui-ci. De plus, le spectateur qui s'identifie aux personnages s'impliquera dans les rapports entretenus par ceux-ci avec le produit. Pour le placeur, il s'agira donc d'éviter de mettre un produit sans qu'il est une utilité pour l'histoire et, au contraire, de faire du produit un véritable adjuvant du personnage.

5- Le contexte temporel :

Le spectateur identifie l'instant temps de l'histoire relatée dans le film grâce aux produits placés. Dans un film « historique », l'annonceur peut par la présence d'un de ses anciens modèles évoquer l'expérience de son entreprise. Dans un film contemporain, il cherchera à placer ses derniers modèles. Dans un film de science fiction, la présence de certains de ses éléments d'identification (logo, etc.), contribuera à lui assurer une image de pérennité.

Toutefois, l'influence du placement n'est pas uniquement à court terme, le spectateur peut garder en mémoire une marque d'une catégorie de produits dont il n'a pas besoin dans l'immédiat.

6- Le contexte spatial :

Ce qui est communiqué prend un sens par rapport à la disposition du lieu et à ses contraintes. « En manipulant l'espace notamment à travers ses déplacements et ses éloignements-rapprochements, les acteurs modifient des éléments par rapport auxquels les communications qui se font ou vont se faire prennent ou prendront un sens »232(*) . Par « acteurs », nous entendons ici les produits placés. Ainsi, des techniques de prise de vue sont utilisées : -

un travelling avant rapide sera effectué pour évoquer la puissance, par exemple de la BMW de James Bond, alors que l'on utilisera plutôt un zoom avant sur la voiture si l'objectif est de montrer l'intérieur en cuir toutes options.

Une succession de gros plans et de très gros plans donnera une dimension très objective de la voiture pour stimuler la mémoire du spectateur.

Pour mettre en valeur un produit de consommation tel qu'une bouteille de Coca Cola, on fera plutôt un plan d'une cuisine et, au moment où le héros saisira la bouteille pour la boire, on fera un plan fixe pour retenir l'attention du spectateur et un zoom avant sur la marque pour qu'il la mémorise. De même, les annonceurs savent qu'un flash blanc ou un flou après avoir évoqué un produit permet de mieux le retenir.

Avec une plongée ou une contre-plongée, le produit apparaîtra plus petit ou plus grand.

Ces techniques de prise de vue sont celles qu'utilisent les publicitaires lors de la réalisation des spots de télévision.

En plus d'être influencé par la prise de vue (zoom, gros plan, arrière-plan, etc), le spectateur identifie le lieu grâce aux produits placés. Il saura, par exemple, si l'action se déroule en France ou aux Etats-Unis en fonction des marques présentes.

Pour le professionnel, il est donc essentiel de bien choisir la prise de vue pour mettre en valeur le produit sans qu'il y ait rupture du rythme de la séquence.

7- Le contexte physique et sensoriel :

Ce qui est communiqué prend un sens par rapport à l'ensemble des éléments sensoriels qui arrivent aux différents sens : vue, ouïe, propriéoception, odorat, toucher. Le spectateur est ainsi davantage influencé par un placement à la fois visuel, auditif et d'usage.

Lors de notre première interview de groupe, certains participants ont reconnu les Mitsubishi parce qu'en plus d'être montrées, elles étaient aussi et surtout citées par l'acteur principal.

Les professionnels adopteront plutôt, pour un produit connu, le placement visuel et/ou d'usage. En revanche, pour un produit à faible notoriété, le placement combinant l'oral et le visuel et/ou l'usage est souhaitable.

Il ne faut pas oublier non plus l'influence de la musique et du son dans un film. Par exemple, les bulles de Coca Cola ou de Perrier, le bruit d'un moteur puissant, etc..

Ces différents contextes ne sont pas indépendants les uns des autres. Tous ces contextes sont là en même temps. Le sens global de la communication est donc la résultante de la sommation des significations prises par la communication faite dans ces contextes.

* 224 Pierre Jenn, op cit, pp 20-21

* 225 Syd Field, Screenplay, The Foundations of Screenwriting. A Step by Step Guide, in Pierre Jenn, op cit. pp. 66-67

* 226 Certains considèrent que si les séries françaises ont moins de succès à l'étranger que les séries américaines, c'est notamment en raison de l'absence de marques qui rend moins crédible et réaliste les histoires contées.

* 227 Voir la grille d'analyse d'un générique

* 228 Alex Mucchielli, La nouvelle communication, Armand Colin, 2000, pp.190-191

* 229 Alex Mucchielli, op cit, p.152

* 230 Denise E. Delorme, op cit, pp 224- 236

* 231 Antoine Duplan, Fume, c'est du Hollywood light, Webdo.ch, 2 mars 2002

* 232 Alex Mucchielli, La nouvelle communication, op cit, p.155.

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