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Le placement de produit dans les films cinématographiques

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par Alexandre Chirouze
Université Montpellier 3 - DEA veilles et intelligence compétitive 2002
  

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CONCLUSION

Il est tentant de comparer les conclusions auxquelles nous sommes arrivé avec celles de Denise E. Delorme233(*). En fait, sur les sept grandes conclusions que Delorme reprend dans son chapitre 5, Summary and Discussion, cinq d'entre elles sont conformes à nos propres résultats, les deux restantes ne rentrant pas dans le cadre notre recherche.234(*)

Il est intéressant, malgré les différences méthodologiques que nous avons signalées (plus grande directivité des interviews, quatre profils de spectateurs et non un seul), de mettre en exergue nos conclusions communes alors que les différences socio-culturelles entre les français et les américains nous obligeaient, comme le notait Isabelle Fontaine (op cit), à beaucoup de prudence.

1- Les spectateurs ont une meilleure connaissance du placement de produit qu'on ne le croit souvent. Ils reconnaissent les différentes formes de placement, ont compris le procédé et les objectifs de cette technique, les avantages et les inconvénients de celle-ci pour les professionnels et les spectateurs.

2- Les spectateurs sont perméables aux marques placées qui améliorent leur compréhension du film, de l'intrigue et de la situation décrite, et au-delà de leur propre vie et du fonctionnement de la société, etc.

3- Les spectateurs pensent que le placement de produit à plus d'influence sur les autres que sur eux-mêmes. Les plus influencés à leurs yeux sont qualifiés de « jeunes », plus ironiquement d'impressionnables, voire de « benêts ». Il y a une sorte de refus d'avouer avoir été influencé par un placement de produit et tout aveu prête les autres à rire et à se moquer. Comme l'écrit Denise Delorme, « les spectateurs pensent utiliser des mécanismes de défense comme ils le font contre la publicité parce qu'ils veulent sentir qu'ils contrôlent leurs décisions d'achat ».

4- Les spectateurs sont plus critiques à l'égard des placements qui crèvent les yeux que pour les placements « cachés » qui s'insèrent discrètement et servent l'intrigue en lui donnant du réalisme. Les spectateurs ne veulent pas être distraits dans leur plaisir par des placements « trop gros ».

5- Les spectateurs remarquent et mémorisent d'autant plus les marques placées que d'une part celles-ci répondent à leurs besoins, s'inscrivent dans une situation proche de celle qu'ils vivent ou dont ils ont eu l'expérience dans le passé, d'autre part sont utilisées, portées, citées par un acteur auquel ils s'identifient et/ou auquel ils aimeraient ressembler.

A ces conclusions, nous en ajouterons quelques autres :

La présence de marques dans les films est plutôt acceptée. Une minorité de spectateurs la juge anormale voire inadmissible. Cette minorité semble avoir un profil spécifique : cinéphile aimant les films d'auteur plus que les films à gros budget, plutôt hostile à la publicité commerciale, « on introduit de la publicité partout, préservons le cinéma »235(*), voire totalement publiphobe comme les membres de l'Association R.A.P., Résistance à l'Agression Publicitaire. Bien que rares, certains spectateurs sont même convaincus que « les réalisateurs utilisent des images subliminales... » et « des effets subliminaux », ce qui est, bien entendu, formellement interdit. Plus nombreux sont les spectateurs qui considèrent qu'il y a, de toute manière, des effets sur la mémoire « inconsciente », « implicite », validant en quelque sorte les hypothèses de recherche d'Isabelle Fontaine 236(*)et les travaux sur la perception subliminale : « Des travaux récents ont montré que ce qui est discriminant réside non pas dans le caractère strictement subliminal d'un stimulus mais le fait que le sujet n'a pas conscience du dit stimulus car il est, par exemple, occupé par une autre tâche » 237(*) .

Le nombre de marques placées dans les films est jugé plutôt correct dans l'ensemble. Toutefois, leur augmentation, notamment dans les films français grand public, inquiète certains spectateurs qui ont le sentiment de voir de « gros films de pub ». Ce phénomène de sur-placement pourrait les conduire à souhaiter une réglementation restrictive. Seuls les publiphobes de R.A.P. souhaitent réellement une interdiction pure et simple du placement de produit dans les films.

Les spectateurs reconnaissent que le placement de produit a des effets, même s'ils sont plus forts sur les autres que sur eux-mêmes, en matière de notoriété, d'image, de comportement d'achat et de ré-assurance après achat.

Ces effets sont d'autant plus forts que la marque bénéficie d'un placement principal, combinant l'oral, le visuel et l'usage, contribuant à l'intrigue et/ou à l'action, supporté par un des acteurs principaux auxquels le spectateur peut s'identifier. Le placement oral ou combiné (oral + visuel + usage) qui fait appel à l'humour et/ou utilise les jeux de mots est également très remarqué et permet d'éviter les confusions, les mauvaises attributions de marques. Il en est de même en cas d'utilisation de certaines techniques cinématographiques : gros plans, plans rapprochés, etc.

Le choix des marques à placer doit respecter deux principes : - le principe de crédibilité ou de cohérence avec le film, le personnage et/ou l'acteur, - le principe d'éthique qui conduit à ne pas placer de produits dangereux pour la santé (alcool, tabac) et pour la sécurité, notamment lorsque cela peut nuire aux jeunes.

Toutefois, ces conclusions ne doivent pas faire croire en l'existence de lois générales, faciles à respecter, dont l'application générerait automatiquement les effets escomptés par les professionnels du placement. Ainsi, le degré d'implication du spectateur, sa façon de vivre l'histoire comme s'il s'agissait de la réalité, considérée comme plutôt favorable à la perception des marques placées, peut, dans les cas extrêmes, être négatif. Comme Denise E. Delorme238(*), nous avons constaté que lorsque les spectateurs s'impliquaient très fortement dans l'histoire comme lorsqu'ils n'y entraient pas du tout, la perception des marques était faible.

Nous avons également constaté l'importance des relations entre les spectateurs avant, pendant et après le visionnage du film. Le bouche à oreille, les remarques et commentaires entendus avant la diffusion du film affectent la perception des spectateurs. Les rires et commentaires au cours de la diffusion du film, y compris dans les salles de cinéma, augmentent également la perception des marques placées. De même que les commentaires et discussions entre amis après le premier visionnage peuvent accroître le degré de vigilance des spectateurs lors des visionnages ultérieurs. Denis Delorme avait également noté l'influence de cette interaction sociale, de cette expérience partagée dans l'augmentation de la perception des marques placées dans les films chez les spectateurs américains. Le bouche à oreille avant et après a comme un effet boule de neige.

Aussi, serait-il intéressant de vérifier, plus que nous avons pu le faire, les effets des opérations de communication menées avant, pendant et après par les professionnels du placement. Certains interviewés nous ont signalé le rôle de la bande annonce du film pour attirer l'attention sur la présence d'une marque placée dans le film, celui des campagnes d'affichage en faveur du film qui reprennent, dans le visuel, une marque placée dans le film (généralement la principale), celui des campagnes de relations publiques et de presse qui utilisent les produits placés comme faire valoir, comme reconstitution de l'ambiance du film, et bien entendu celui des opérations annexes de type tie-in qui s'appuient sur l'association marque-film et en accroît l'impact sur les spectateurs.

Dans la même optique, il serait également utile d'étudier les effets des jaquettes des cassettes vidéo et des DVD sur lesquels figurent ou non le produit placé. Ainsi, sur la jaquette de Taxi 2, la Peugeot 406 banche est en gros plan mais étrangement le logo de Peugeot a été effacé.

Alors que les risques du sur-placement sont encore limitées, il serait toutefois utile de procéder à un suivi sérieux de l'augmentation d'un sentiment d'agression publicitaire. Certaines agences de placement françaises n'hésitent plus à multiplier les marques placées alors que jusqu'à présent une certaine retenue était de mise. Les sorties rapprochées de films à fort placement tels que Le Boulet, Le Raid et le troisième volet de Taxi, dont la sortie est prévue au cours de l'été 2002, pourront déclencher un phénomène de refus, de résistance soutenu par les publiphobes, les défenseurs des films d'auteur, les détracteurs des films à l'américaine. Cette tendance au sur-placement est, en effet, à prendre au sérieux lorsque l'on sait que l'une des majors hollywoodiennes, la Warner Bros, a adopté une nouvelle stratégie pour profiter de la bonne santé du cinéma français239(*) : « produire des films locaux avec des acteurs locaux » selon l'expression de Lorenzo Di Bonaventura, Président de la production monde. La Warner Bros a ainsi investi 9 millions d'euros dans Le Boulet et 7 millions dans Ma femme s'appelle Maurice de Jean-Marie Poiré (sortie prévue en septembre 2002). La Warner compte produire, co-produire et distribuer entre quatre et six films « français » par an.

Or, ses capitaux américains l'empêchent de bénéficier des aides au cinéma alors qu'elle alimente largement le fonds de soutien240(*). Il lui faudra donc trouver des sources de financement pour boucler le budget de production de films à audience locale241(*). Connaissant l'expérience de ce grand studio américain en matière de « film product placement », il est malheureusement probable que le placement de produit dans Le Boulet ait été une sorte de test en grandeur nature.

En plus de l'élargissement du champ de recherche au travers les opérations qui entourent le placement de produit dans le film proprement dit, il nous semble que nos conclusions actuelles restent trop générales et donc peu opérationnelles pour un placeur ou un metteur en scène. Tant en matière de révision du scénario pour insérer naturellement les marques à placer qu'en matière de techniques de tournage et de montage, un travail plus approfondi nous semble indispensable. Nous regrettons de ne pas avoir pu, faute de temps et de moyens, réaliser un court-métrage en plusieurs versions de manière à étudier les réactions des spectateurs selon que des marques sont placées ou non, visuellement et/ou oralement et/ou en usage, en grand nombre ou en petit, avec une répétition ou non, pendant une durée plus ou moins longue, en gros plan ou non, etc. Versions que nous pourrions projeter non pas seulement devant des groupes constitués d'étudiants mais une population plus large et variée, plus représentative de la population des spectateurs et des téléspectateurs.

Ces différents axes de recherche pourraient s'intégrer dans un vaste travail dont le sujet serait le cinéma, non pas en tant que média publicitaire, mais en tant que créateur de sens. Le 7ème art et l'art d'influencer.

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* 233 Denise Elizabeth Delorme, Brands in films : Moviegoers' Experiences and Interpretations, The University of Georgia, Doctor of Philosophy, Athens, Georgia, 1995, pp. 210 - 220

* 234 D'une part, la comparaison entre le placement de produit dans les films et les marques dans les autres médias, d'autre part, la justification des conclusions de sa première étude (1991)

* 235 Extrait d'un entretien avec un étudiant en DESS Cinéma à Paris

* 236 Isabelle Fontaine, Le placement de marques dans les films : apports du cadre théorique de la mémoire implicite et proposition d'une méthodologie, Centre de Recherche DMSP, Université Paris IX Dauphine, Cahier N°287, avril 2001

* 237 Olivier Droulers, Perception subliminale : une expérimentation sur le processus d'activation sémantique des marques, Recherche et Applications Marketing, volume 15, N°4, 2000, pp.43-59 :

* 238 Denise E. Delorme, op cit, p 226

* 239 Eric Chol, Un hollywoodien à Paris, L'Express, N° 2654, 16-22 mai 2002 

* 240 Eric Chol, op cit, p.146 : «Avec 15% de part de marché en France, les films Warner (Ocean's Eleven, Matrix) comptabilisent plus de 20 millions d'entrées ».  

* 241 Alexandre Phalippou et Emmanuel Egloff, Investir dans le cinéma. Gros plan sur les meilleurs placements, Le Revenu, N°670, 17-23 mai 2002, Dossier spécial Cannes 2002, pp. 33- 41

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway