248. La jurisprudence a voulu mettre l'accent sur
l'importance que revêt la décision de faire circoncire l'enfant,
en tant que choix marquant de sa religion. Ajoutons que cette importance se
justifie aussi par le fait que la circoncision est un choix qui touche à
la santé de l'enfant, à son corps et à sa
sexualité.
249. Cette importance trouve sa marque dans l'obligation
faite aux titulaires de l'autorité parentale, de prendre conjointement
la décision de faire circoncire l'enfant. Mais la portée d'une
telle obligation reste floue. Il n'est pas, en l'état actuel du
contentieux, possible de savoir si celle-ci s'applique en cas d'exercice
unilatéral de l'autorité parentale, ou encore si elle s'applique
aux circoncision médicalement nécessaires. La question se pose
alors de savoir si les parents pourront bénéficier de l'excuse
tirée de l'erreur sur le droit, afin d'échapper à une
éventuelle condamnation.
250. La règle de droit est d'autant moins
prévisible quant à la sanction de la violation de cette
obligation de concertation. Celle-ci sera parfois sanctionnée sur le
terrain de l'exercice de l'autorité parentale et, parfois, sur celui de
la responsabilité délictuelle. La portée de la sanction,
tout comme sa nature, semblent manquer de cohérence.
251. Cette incohérence de la justice, en
matière de circoncision, finit parfois par rejaillir sur
l'équilibre du couple et sur celui de l'enfant. Les choix concernant
l'éducation de l'enfant sont importants et difficiles à prendre.
Ils peuvent rapidement devenir source de tensions entre les parents, à
plus forte raison pour le couple Franco-Maghrébin, qui ne cesse de
gravir des obstacles, parfois injustement imposés par leur entourage. Si
ce couple « mal-aimé » se trouve en conflit à propos de
la circoncision de l'enfant, il ne pourra pas compter sur le soutien ou sur la
médiation de son entourage, qui en fera une affaire de dignité et
d'identité culturelles, et qui se saisira de l'occasion pour raviver les
tensions entre Orient et Occident, tensions déjà assez
aggravées par les médias. Dans ce contexte, il est regrettable de
constater que ce couple en conflit devra en plus faire face à une
règle de droit incohérente et imprévisible, parfois
même à des juges hostiles.
252. Gardons tout de même à l'esprit que le
contentieux des conflits entre parents à propos de la circoncision de
leur enfant est récent et peu fourni, ce qui pourrait justifier son
manque de cohérence à certains égards.
253. Nous espérons avoir apporté des
éléments de réponse, à la fois quant à la
compréhension de ce conflit et de ses enjeux, et quant au droit qui lui
est applicable.
254. Est-il urgent que le législateur intervienne sur
la question ? Peut-être que oui. Mais ce qui nous paraît le plus
urgent (et peut-être le plus utopique), c'est d'acquérir
l'intelligence de laisser de coté les rivalités entre cultures,
afin de se concentrer sur ce qu'exigent concrètement
l'intérêt et le bien être de l'enfant. Car, ne l'oublions
pas, l'enfant est la preuve vivante d'une entente et d'une affection possibles
entre les personnes (allons plus loin, entre les cultures), même les plus
différentes.