B - Exclusivité à l'égard des
tiers
44. Le pouvoir d'orienter moralement l'enfant ne peut faire
l'objet d'immixtion de la part de tiers. Toute personne qui se substitue aux
parents pour une décision à coloration religieuse (baptême,
communion, engagement dans un groupement religieux) engage sa
responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.
45. Un seul cas d'immixtion a été
rencontré dans le contentieux : celui de la famille de la mère,
résidant au Maroc (CA Toulouse 5 mars 2009*).
46. Il est vrai que, compte tenu de leur rôle au sein
de la famille, les ascendants ne sont pas des tiers comme les autres. La loi du
4 mars 2002 étend à tous les
ascendants la possibilité d'entretenir des relations
personnelles avec leurs petits-enfants ou arrière petits-enfants, qui
devront être organisées en fonction de l'intérêt de
l'enfant. Les ascendants n'ont pas à proprement parler d'autorité
parentale à l'égard de leurs petits-enfants46.
Néanmoins, la loi leur attribue parfois un rôle, subsidiaire, qui
se rapproche de l'autorité parentale. La formule légale de
"relations personnelles" doit notamment se traduire par une certaine
participation à l'éducation de l'enfant (par leur influence
intellectuelle, morale ou religieuse), à laquelle les parents ne
pourraient s'opposer qu'en établissant leur caractère nuisible
pour l'enfant.
47. En l'espèce, le père, appelant, s'est
plaint de ne pas avoir été associé à la
décision de circoncision. La mère soutient que c'est la famille
au Maroc qui, conformément à la coutume, a fait procéder
à cette intervention et qu'elle-même n'avait pas été
préalablement informée. La Cour d'appel ignore totalement ce
conflit et refuse de réduire les droits parentaux de la mère, ou
même ceux des grands-parents. Ce silence des juges fait penser que cette
immixtion n'est pas considérée comme suffisamment grave.
C - Le contrôle indirect du juge
48. Le principe de neutralité religieuse implique que
le juge respecte toutes les croyances. Non seulement le juge ne doit pas
intervenir dans le choix d'une religion ou d'une croyance, mais il doit aussi
s'interdire de porter un jugement de valeur sur la religion ou la croyance en
cause.
49. Une limite à cette non-ingérence doit
toutefois être relevée. L'enfant sera soumis à la religion
de ses parents (notamment par le biais de sa circoncision) lorsque ceux-ci sont
en accord. S'ils s'opposent et saisissent le juge, celui-ci devra trancher le
litige en recherchant l'intérêt de l'enfant. Le juge aux affaires
familiales aura compétence pour déterminer la religion de
l'enfant, modifier l'attribution de l'exercice de l'autorité parentale
ou même retirer l'autorité parentale, ou prononcer des sanctions
pénales.
46V. T. Garé, note sous T. enfants Toulouse, 13
sept. 1988 et 2 févr. 1989 : D. 1990, juris. p. 395.
50.
20
L'article 375 alinéa premier du Code civil
prévoit que le juge des enfants peut intervenir lorsque « la
santé, la sécurité, ou la moralité d'un mineur non
émancipé sont en danger, ou si les conditions de son
éducation ou de son développement physique, affectif,
intellectuel et social sont gravement compromises ». L'imprécision
délibérée de ces conditions assouplit l'intervention du
juge. Mais ces larges pouvoirs peuvent entraîner des abus et susciter
l'impérialisme du juge : avoir la faculté de dessaisir des
parents parce qu'une « éducation est compromise » est avoir la
possibilité d'imposer une orthodoxie officielle de l'éducation,
morale, religieuse, politique etc... Sans aller jusque-là, l'affaire
de Versailles avait montré les dangers des bonnes intentions
judiciaires47.
51. Quelque soit la mesures prise par le juge, ce dernier se
doit de rechercher et de respecter l'intérêt supérieur de
l'enfant. Il disposera par ailleurs d'un pouvoir souverain
d'appréciation48.
52. La règle de principe étant posée, il
sera démontré plus loin49 que celle-ci n'est pas
respectée lorsque le litige parental porte sur la circoncision de
l'enfant.
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