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L'instrumentalisation du droit d'ingérence humanitaire

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par Xavière Prugnard
Université d'Evry-Val-d'Essonne - Master 2 Droits de l'Homme et droit humanitaire 2015
  

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Chapitre 1 - La base légale du droit d'ingérence humanitaire

La formalisation juridique du droit d'ingérence humanitaire s'est effectuée au sein de l'enceinte onusienne, grâce à une impulsion de la diplomatie française. Entre 1988 et 1991, l'Assemblée générale (Section 1) puis le Conseil de sécurité des Nations Unies (Section 2) ont oeuvré à l'élaboration de la base légale du concept d'ingérence humanitaire en adoptant trois résolutions visant à secourir des populations.

Section 1 - L'apport de l'Assemblée générale des Nations Unies

C'est par le vote des résolutions 43/131 du 8 décembre 1988 (§ 1) et 45/100 du 10 décembre 1990 (§ 2) que l'Assemblée générale des Nations Unies a reconnu pour la première fois un droit d'assistance humanitaire. Après avoir étudié le contenu des résolutions séparément, il convient d'en étudier la valeur juridique (§ 3).

§ 1 - La résolution 43/131 du 8 décembre 1988

La résolution 43/131 sur l'assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles et situation d'urgence du même ordre a été adoptée le 8 décembre 1988 par l'Assemblée générale des Nations Unies14. Coparrainé par 32 Etats, ce texte est avant tout un projet français, porté par Monsieur Bernard Kouchner. A travers cette dernière, l'AGNU consacre pour la première fois un droit d'assistance humanitaire tout en « réaffirmant la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'unité nationale des Etats et reconnaissant que c'est à chaque Etat qu'il incombe au premier chef de prendre soin des victimes de catastrophes naturelles et situations d'urgence du même ordre se produisant sur son territoire »15.

Ainsi, comme le remarque Monsieur Mario Bettati16, le caractère inédit de cette résolution réside dans l'affirmation du principe de libre accès aux victimes, qui touchent tant l'Etat concerné que les Etats voisins du fait d'une exigence d'accessibilité à leur

14 Voir Annexe n°1.

15 Résolution 43/131 de l'Assemblée générale des Nations Unies relative à l'assistance humanitaire des victimes de catastrophes naturelles et situations d'urgence du même ordre, adoptée le 8 décembre 1998, A/RES/131.

16 Mario Bettati est un juriste qui a beaucoup travaillé sur le droit d'ingérence humanitaire. Il est également Professeur à l'Université de Paris II.

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encontre (dispositif §§ 4 et 6)17. Tous doivent faciliter la mise en oeuvre des opérations d'assistance par les organisations internationales et non gouvernementales, car l'absence de telles opérations « représente une menace à la vie humaine et une atteinte à la dignité humaine » (préambule § 5). Toutefois, l'Etat concerné reste prioritaire dans l'initiative de l'action humanitaire.

De plus, la résolution 43/141 consacre le rôle des organisations non gouvernementales (ONG) dispensant une assistance humanitaire et leur impose de respecter les principes d'humanité, de neutralité et d'impartialité. Cette reconnaissance par les Nations Unies leur permet de bénéficier également du libre accès nécessaire à leur action. En soulignant le caractère prioritaire de l'action de l'Etat concerné, les rédacteurs de la résolution entendent placer l'action des ONG en seconde place.

Monsieur Mario Bettati - ayant participé aux négociations au sein de la délégation française à New York pour l'adoption de la résolution 43/131 - rapporte que le délégué soviétique avait qualifié cette résolution de « révolutionnaire »18. Le Secrétaire général Boutros Boutros-Ghali a rendu hommage à cette même résolution en 1993 lors de son discours à la conférence mondiale de Vienne sur les droits de l'Homme, estimant que depuis que « l'Assemblée générale a adopté la résolution 43/131 relative à l'assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles et situations d'urgence du même ordre, la notion de droit d'assistance humanitaire est devenue, en quelque sorte, l'une des dimensions opérationnelles de la garantie des droits de l'Homme »19.

La résolution, bien que novatrice, a trouvé une application le lendemain même de son adoption suite au tremblement de terre survenu en Arménie faisant jusqu'à 30 000 victimes. L'URSS, pour la première fois, ouvrait ses frontières afin de permettre à l'assistance humanitaire (sans visa) de venir secourir les populations arméniennes.

17 Mario BETTATI, « Le droit d'ingérence : sens et portée », Le Débat 1991/5 (n°67), p. 4 à 14.

18 Mario BETTATI, « L'ONU et l'action humanitaire », Politiques étrangères n°3, 1993, 58ème année, p. 641-658.

19 Discours de l'ancien Secrétaire général des Nations Unies, Boutros Boutros-Ghali à la conférence mondiale de Vienne sur les droits de l'Homme (G/SM/5012/HR/3835).

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§ 2 - La résolution 45/100 du 10 décembre 1990

La deuxième étape de la reconnaissance onusienne du droit d'ingérence humanitaire est marquée par l'adoption de la résolution 45/100 du 10 décembre 199020 de l'AGNU établissant des « corridors humanitaires »21. Cette dernière peut être perçue comme étant la transposition d'une règle de droit maritime international, contenue dans l'article 17 de la Convention de Montego Bay22, qui consacre le droit de passage inoffensif en faveur des navires de tous les autres Etats. A l'origine de cette résolution, on trouve un rapport du Secrétaire général de l'ONU, rédigé en octobre 1990 sur la base de la résolution 43/13123. Ainsi la résolution 45/100 a été rédigée dans la lignée de celle 43/131 et c'est ce que l'AGNU compte montrer lorsqu'elle se réfère directement à sa résolution 43/131 dans le premier paragraphe du préambule.

Toutefois, afin de rassurer les Etats réticents à une telle ingérence humanitaire, les couloirs humanitaires doivent être limités à plusieurs égards : limités dans le temps en ce qu'ils sont un simple droit de transit le temps d'apporter une aide ; limités dans l'espace aux seuls trajets d'accès déterminés au préalable ; limités à un objet tel que l'apport de soin, de nourriture ; limités dans l'exercice à l'instar des règles de l'article 19 de la Convention de Montego Bay ; et limités par une déontologie exigeant la neutralité et l'impartialité des acteurs de l'assistance humanitaire24.

On peut citer comme exemples de couloirs humanitaires, les « routes bleues » créées par l'ONU dans le nord de l'Irak afin de venir au secours des populations Kurdes en 1991. Le but étant de sécuriser le retour des réfugiés kurdes chez eux.

20 Voir Annexe n°2.

21 Résolution 45/100 de l'Assemblée générale des Nations Unies sur les couloirs humanitaires d'urgence, adoptée le 14 décembre 1990, A/RES/45/100.

22 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, signée le 10 décembre 1982, article 17.

23 Document officiel de l'Assemblée générale, 45ème session, A/45/587.

24 Mario BETTATI, « Droit d'ingérence humanitaire », Encyclopædia Universalis [en ligne], https://www-universalis--edu-com.bibliopam-evry.univ-evry.fr/encyclopedie/droit-d-ingerence/ (Page consultée le 12 août 2015.

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§ 3 - La valeur juridique des résolutions de l'Assemblée générale

L'Assemblée générale peut délibérer, proclamer ou déclarer mais ses résolutions n'ont pas de valeur contraignante pour les Etats puisqu'elles n'ont que la valeur de recommandation. La procédure de non-objection a été utilisée pour l'adoption des résolutions 43/131 et 45/100. Cette procédure consiste en l'obtention d'un consensus, n'appelant aucun vote et ne permettant pas la formation d'une opposition formelle qui serait politiquement inopportune pour un Etat25. L'apport juridique est à relativiser en raison de la procédure utilisée. L'apport est plus à considérer sous l'angle de la formation d'une « pratique onusienne » servant de socle légal pour le développement du concept de droit d'ingérence humanitaire par la doctrine et par les Etats.

On peut remarquer que la terminologie utilisée pour les résolutions 43/131 et 45/100 est sensiblement la même et que la résolution 45/100 commence par une référence à la résolution 43/131. Cela renforce l'impression de filiation entre les deux, d'approfondissement du droit d'ingérence humanitaire. Par ailleurs, comme le souligne le Professeur René Jean Dupuy, l'AGNU est composée largement des pays en développement et « ces résolutions marquent leur adhésion au principe d'un devoir d'assistance humanitaire pesant sur la communauté des nations et des hommes »26. On peut tout de même noter que de nombreuses réserves ont été formulées par des pays en voie de développement, percevant en ce principe d'assistance humanitaire une nouvelle forme d'impérialisme, basée cette fois-ci sur le droit et la morale.

Au regard des différentes résolutions de l'AGNU, on peut constater une certaine frilosité quant à la création d'un cadre légal solide permettant au droit d'ingérence humanitaire de se développer. En effet, seul un droit d'assistance humanitaire est proclamé par cette dernière. Des références aux droits de l'Homme et à la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 étaient initialement prévues27. Force est de constater que c'est la pratique qui a consacré le droit d'ingérence humanitaire, à travers les différentes résolutions du Conseil de sécurité.

25 Philippe BRETTON, « Ingérence humanitaire et souveraineté », Pouvoirs, n°67, novembre 1993, p. 5970.

26 René-Jean DUPUY, « L'ingérence internationale, jusqu'où ? Le droit d'assistance humanitaire », Etudes, Paris, 1992, tome 376 n°1 (3761), p. 15 à 23.

27 Déclaration Universelle des droits de l'Homme du 10 décembre 1948, Les grands textes du droit international public, 2ème édition, Dalloz, 2000, p. 65-70.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld