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L'instrumentalisation du droit d'ingérence humanitaire

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par Xavière Prugnard
Université d'Evry-Val-d'Essonne - Master 2 Droits de l'Homme et droit humanitaire 2015
  

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Section 2 - L'apport du Conseil de sécurité des Nations Unies

Le Conseil de sécurité des Nations Unies présente une particularité du fait qu'il n'est pas compétent en matière de droits de l'Homme. L'article 24 de la Charte des Nations Unies en fait l'organe responsable de la paix et de la sécurité internationales28, un organe de prévention et de gestion des crises militaires. Néanmoins, l'article 34 de la Charte29 ouvre certaines perspectives au CSNU en ce qu'il lui permet d' « enquêter sur tout différend ou toute situation qui pourrait entraîner un désaccord entre nations ou engendrer un différend, afin de déterminer si la prolongation de ce différend ou de cette situation semble devoir menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». Il va ainsi estimer dans la pratique que des situations de violations massives et persistantes des droits de l'Homme menacent la paix et la sécurité internationales.

Cet apport se fait sur la base d'une relecture par le CSNU du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies intitulé « Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression ». Il résulte d'une interprétation toujours plus extensive de la notion de « paix et sécurité internationales ». Mais l'ingérence humanitaire ne fonde pas les décisions du CSNU : il agit d'abord en vertu du Chapitre VII, puis constate une situation de violation massive des droits de l'Homme menaçant la paix et la sécurité internationales. A ce titre, la résolution 688 du 5 avril 1991 marque un tournant (§ 1). Cet apport passe également par l'intégration de l'action humanitaire aux stratégies politiques et militaires par le CSNU et s'illustre à travers les opérations de maintien de la paix et les interventions militaires internationales (§ 2).

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28 Voir Annexe n°4.

29 Voir Annexe n°4.

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§ 1 - La résolution 688 du 5 avril 1991

Afin de saisir pleinement la portée de la résolution 688 du Conseil de sécurité30, il faut s'attacher à examiner son contenu (A) ainsi que sa valeur juridique (B).

A. Le contenu de la résolution

La résolution 688 du CSNU relative aux réfugiés kurdes (quatre cent mille en Turquie et un million en Iran), adoptée le 5 avril 1991, est une application directe de la résolution 45/100 de l'AGNU, en ce qu'elle « insiste pour que l'Irak permette un accès immédiat des organisations humanitaires internationales à tous ceux qui ont besoin d'assistance dans toutes les parties de l'Irak » (dispositif § 3)31. Pour la première fois, le Conseil de sécurité fonde son intervention sur l'existence d'une crise humanitaire qui constitue une menace à la paix et la sécurité internationales dans le contexte de la répression de la population kurde irakienne par Saddam Hussein. Toutefois, on peut remarquer qu'aucune référence au Chapitre VII de la Charte n'est faite, cela s'explique car c'est une collaboration qui a eu lieu entre les Nations Unies et l'Irak.

Ainsi, le CSNU a permis la mise en place de « relais humanitaires » au bénéfice des populations kurdes en Irak et de « routes bleues » permettant le retour des réfugiés kurdes. Il affirme alors, que constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales, « un flux massif de réfugiés vers des frontières internationales et à travers celles-ci et des violations de frontière » (Préambule § 3). Par conséquent, cette situation fut considérée comme internationalisée. La mise en place de cette assistance humanitaire s'est accompagnée du déploiement sur le sol irakien de quelques centaines de « Gardes bleus » en vertu de l'accord conclu entre l'ONU et l'Irak du 23 mai 199132. Ces derniers ne sont pas à confondre avec les Casques bleus constituant les forces de maintien de la paix, ils étaient chargés de surveiller les relais humanitaires et avaient également une vocation surtout symbolique33.

30 Voir Annexe n°3.

31 Résolution 688 du Conseil de Sécurité, adoptée le 5 avril 1991 à la 2982ème séance par 10 voix contre 3 (Cuba, Yémen, Zimbabwe) avec 2 abstentions (Chine, Inde), S/RES/688 (1991).

32 Mario Bettati, « L'ONU et l'action humanitaire », Politiques étrangères n°3, 1993, 58ème année, p. 641658.

33 Les « Gardes bleus » ont un statut juridique différent des « Casques bleus », qui trouve sa source dans le Memorandum of understanding (MOU).

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Toutefois, on peut remarquer qu'il est nulle fois fait référence au concept de droit d'ingérence humanitaire dans cette résolution et que le Conseil de sécurité fait référence dès le préambule au principe de non-intervention dans les affaires intérieures d'un Etat de l'article 2§7 de la Charte des Nations Unies. Cela pourrait nous conduire à amoindrir la portée de cette résolution, pourtant inédite mais il faut prendre en compte que depuis, toutes les résolutions de l'ONU emploient l'expression d' « assistance humanitaire ».

B. La valeur juridique de la résolution

Le CSNU peut, à la différence de l'AGNU, prendre des décisions obligatoires qui auront force contraignante pour les Etats. Ils se verront ainsi opposer une obligation conventionnelle d'accepter et d'appliquer ses résolutions, conformément à l'article 25 de la Charte.34. Le CSNU peut également prendre des décisions exécutoires à l'instar de la résolution 688 organisant l'assistance humanitaire internationale. Depuis les années 1990, une centaine d'Etats adoptent au sein du CSNU des résolutions exhortant de respecter les droits de l'Homme et de cesser leur violation, et proclamant le droit d'ingérence humanitaire. On peut ainsi constater que ce droit s'est enraciné dans le paysage juridique international.

La résolution 688 a permis la mise en oeuvre, du moins implicite, de l'opération « Provide Comfort » en Irak qui s'est déroulée au cours de l'année 1991. Un mémorandum d'accord, négocié en même temps, est signé le 18 avril 1991. Il permet une action humanitaire en Irak à deux niveaux afin de faciliter le rapatriement des réfugiés kurdes : les relais humanitaires (étapes le long des couloirs humanitaires) et les centres humanitaires (installations en aval des couloirs humanitaires). On peut considérer que cette résolution mettant en place une assistance humanitaire marque l'émergence du droit d'ingérence humanitaire à deux égards. Premièrement, elle autorise de façon inédite des forces armées nationales à intervenir militairement de manière unilatérale dans le but de faire respecter les droits de l'Homme. Deuxièmement, elle est la première sur plus de 300 résolutions où le CSNU va affirmer que « la violation massive des droits de l'Homme par un gouvernement constitue une menace ou une atteinte à la paix » selon la formule type onusienne.

34 Voir Annexe n°4.

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§ 2 - Les opérations de maintien de la paix

C'est en étudiant les opérations de maintien de la paix que l'on peut s'apercevoir que le droit d'ingérence humanitaire a moins été créé par une production normative, que par une pratique de l'ONU et des Etats. Ainsi, seules quelques opérations de maintien de la paix (OMP) emblématiques seront étudiées afin de démontrer que malgré l'absence de base légale formelle dans la Charte des Nations Unies le droit d'ingérence humanitaire a connu depuis les années 1990 de multiples applications concrètes sur le terrain.

Avant d'analyser différentes opérations de maintien de la paix dans le cadre du droit d'ingérence humanitaire (B), il est nécessaire de définir ce que ce sont de telles opérations (A).

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