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L'instrumentalisation du droit d'ingérence humanitaire

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par Xavière Prugnard
Université d'Evry-Val-d'Essonne - Master 2 Droits de l'Homme et droit humanitaire 2015
  

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A. La définition d'une opération de maintien de la paix

Conformément à l'article 24 de la Charte des Nations Unies., le CSNU se voit conférer par les Etats Membres « la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales »35. C'est dans le cadre de cette mission qu'il peut décider de mettre en place une OMP, mais cette possibilité du Conseil de sécurité n'est pas expressément prévue par la Charte. Selon la « Doctrine Capstone »36, la base juridique d'une OMP peut se trouver dans les chapitres VI, VII et VIII de la Charte relatifs respectivement au règlement pacifique des différends, à l'action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression et, aux accords régionaux. Pour autant, le CSNU reste libre de se référer ou pas à un chapitre de la Charte de San Francisco pour justifier son action.

Une OMP onusienne est une opération de paix, autorisée par le Conseil de sécurité mais conduite sous la direction du Secrétaire général des Nations Unies et plus précisément du Département des opérations de maintien de la paix. Cette opération de terrain vise à prévenir, gérer et/ou résoudre des conflits armés ou diminuer les risques de leur recrudescence37. Chaque opération de la paix diffère selon le mandat qui lui est

35 Article 24§1 de la Charte des Nations Unies.

36 Document officiel des Nations Unies intitulé « Opérations de maintien de la paix des Nations Unies, principes et orientation », Département des opérations de maintien la paix & de l'appui aux missions, janvier 2008.

37 Document officiel des Nations Unies intitulé « Opérations de maintien de la paix des Nations Unies, principes et orientation », Ibid.

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octroyé par le Conseil de sécurité. Les mandats indiquent les différentes tâches confiées aux opérations et leur durée ; ils résultent de la nature même du conflit, de la situation et des besoins qui en découlent. La plus ancienne - et toujours en vigueur - OMP est celle formée en mai 1948 par des observateurs militaires de l'Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve (ONUST), déployés dans le but de surveiller les cessez-le-feu dans la région du Moyen-Orient (en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés). A contrario certaines ne peuvent durer que quelques mois.

A l'origine les OMP avaient des mandats assez similaires bien qu'adaptés aux situations spécifiques où elles agissaient. Cependant, on peut remarquer que depuis les années 1990, ces dernières connaissent une double mutation, quant à leur objet et quant à leurs moyens38. Initialement prévues pour les conflits interétatiques, les OMP ont vu leur mandat s'élargir aux conflits internes incluant ainsi les guerres civiles, religieuses, ethniques ou tribales. Ceci est à mettre en lien avec la lecture toujours plus extensive, que le Conseil de sécurité fait, des « menaces contre la paix » incluant à la même époque les violations massives et graves des droits de l'Homme. En outre, les moyens des OMP ont été renforcés puisqu'il est parfois permis aux Casques bleus de recourir à la force dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies à des conditions très précises (en cas de légitime défense)39.

B. Les opérations de maintien de la paix dans le cadre du droit d'ingérence humanitaire

On peut ainsi dénombrer trois générations d'opérations de maintien de la paix. La première génération couvre la période de 1948 à 1993 et vise à éviter les conflits entre les grandes puissances. Les deux autres générations débutent à partir de 1993. L'une (deuxième génération) est axée sur des missions de consolidation de paix où les opérations agissent plus souvent dans le cadre de conflits internes et sont puissamment armées et volumineuses en termes de Casques bleus. L'autre (troisième génération) est constituée par des opérations dites « mixtes », à la fois civiles et militaires, souvent ambitieuses qui visent à mettre en place des engagements à long terme.

38 Mario BETTATI, « L'usage de la force par l'ONU », Pouvoirs 2004/2 (n°109), p. 111-123.

39 Résolution 814 du Conseil de Sécurité, adoptée le 6 juin 1993 à la 3188ème séance, S/RES/814 (1993).

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Le droit d'ingérence humanitaire a influencé la mise en oeuvre de ces opérations dites de "troisième génération". Plus complexes de par leur mandat (regroupant des missions de quatre types : politique, militaire et sécuritaire, humanitaire et civile), ces opérations sont également plus longues. Ces opérations se différencient avec l'apparition de trois nouveautés : l'élargissement du mandat humanitaire de l'ONU ; l'apparition d'une dimension coercitive autre que la légitime défense ; la délégation par l'ONU de l'usage de la force à des contingents nationaux au sein d'une coalition ad hoc40. L'étude de telle opération met en exergue l'ambiguïté et la complexité des interventions dites « militaro-humanitaires ».

Trois opérations de maintien de la paix historiques seront successivement étudiées à la lumière du droit d'ingérence humanitaire : les opérations ONUSOM (A) et FORPRONU (B) sous commandement de l'ONU et l'opération Turquoise (C) habilitée par l'ONU.

1. L'opération ONUSOM

En 1991, dans un contexte de guerre civile en Somalie, près de la moitié de la population somalienne souffre de famine ou de maladies liées à la malnutrition. S'octroyant un mandat humanitaire, le CSNU va pour la première fois à l'occasion d'un conflit interne en Somalie, mandater une opération pluridimensionnelle intégrant une équipe spécialisée en droits de l'Homme, que certains qualifient d'opération militaro-humanitaire et, fonder son action sur le chapitre VII de la Charte. Le but de cette mission était d'assurer la sécurité de l'acheminement des secours et de réintroduire un standard en matière de droits de l'Homme.

En 1992, le Conseil de sécurité va constater qu'une menace contre la paix et la sécurité internationales est constituée par la violation massive et grave des droits de l'Homme en Somalie41, et va déployer une Opération des Nations Unies en Somalie (ONUSOM I) de première génération42. Face à l'insécurité grandissante, il est décidé

40 Document sur le Maintien de la paix, site web de Médecins Sans Frontières, http://www.msf.fr/sites/www.msf.fr/files/maintien_de_la_paix.pdf.

41 Résolution 733 du Conseil de Sécurité, adoptée à l'unanimité le 23 janvier 1992 à la 3039ème séance, S/RES/733 (1992).

42 Résolution 751 du Conseil de Sécurité, adoptée à l'unanimité le 24 avril 1992 à la 3069ème séance, S/RES/751 (1992)

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d'envoyer des Casques bleus car la présence des Gardes bleus n'est plus suffisante43. Puis, l'ONU va autoriser le déploiement d'une force multinationale coalisée sous commandement unifié afin d'instaurer des « conditions de sécurité pour les opérations de secours humanitaires »44. Enfin, une nouvelle force de casques bleus est envoyée (ONUSOM II), qui peut de manière inédite avoir recours à la force conformément au Chapitre VII de la Charte45. De nombreux pays d'Afrique, d'Asie, d'Europe et d'Amérique y ont participé. On assiste là à une graduation des moyens face aux échecs successifs pour imposer la paix en Somalie.

Cette résolution présente deux innovations majeures : le Conseil de sécurité va fonder pour la première fois son action sur le Chapitre VII de la Charte pour fournir une assistance humanitaire et la menace était constituée par un conflit interne en Somalie. Ainsi, il s'agit de la première opération d' « imposition » de la paix.

2. L'opération FORPRONU

Cette fois-ci, c'est en Europe qu'une opération de maintien de la paix est organisée. C'est dans un contexte d'éclatement de la Yougoslavie, que la Force de protection des Nations Unies (FORPRONU) a été envoyée initialement en Croatie. Progressivement son mandat a été étendu à la Bosnie-Herzégovine en juin 1992 puis à la Macédoine en décembre 1992.

Par la résolution 743 du 21 février 1992, une opération de la FORPRONU a été mandatée en vertu du Chapitre VI dans le but de protéger militairement la fourniture de l'aide humanitaire, puis plus tard dans le but d'assurer la protection des convois des détenus libérés46. La FORPRONU va jusqu'à organiser la neutralisation de l'aéroport de Sarajevo et la mise en place « entre l'aéroport et la ville, de couloirs de sécurité, sous contrôle de la FORPRONU, pour assurer l'acheminement de l'aide et les déplacements du personnel requis »47. On constate également une graduation des moyens à la lecture

43 Mario Bettati, « L'ONU et l'action humanitaire », Politiques étrangères n°3, 1993, 58ème année, p. 641658.

44 Résolution 794 du Conseil de Sécurité, adoptée à l'unanimité le 3 décembre 1992 à la 3145ème séance, S/RES/794 (1992).

45 Résolution 814 du Conseil de Sécurité, adoptée le 6 juin 1993 à la 3188ème séance, S/RES/814 (1993).

46 Mario Bettati, « L'ONU et l'action humanitaire », Politiques étrangères n°3, 1993, 58ème année, p. 641658.

47 Résolution 764 du Conseil de Sécurité, adoptée à l'unanimité le 13 juillet 1992 à la 3093ème séance, S/RES/764 (1992).

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de la résolution 819 du 16 avril 1993 où la mission à la possibilité d'employer « toutes les mesures nécessaires », y compris la force. Autorisée à se défendre en cas d'attaque des « zones de sécurité », la FORPRONU peut également recourir à la force aérienne et coordonner son action avec l'OTAN pour ce faire.

3. L'opération Turquoise

Cette opération militaire résulte d'un tragique contexte : le génocide des Tutsis par les Hutus qui s'est déroulé du 7 avril à la fin du mois de juin 1994 au Rwanda. L'ONU a fait état de la mort de 800 000 Tutsis et Hutus modérés durant cette courte période48. Une opération militaire onusienne était déjà sur place depuis quatre ans, la Mission des Nations Unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR). Elle a évacué le pays dès les premiers massacres du fait de la mort de plusieurs Casques bleus alors qu'ils protégeaient le Premier ministre.

Cependant, face à l'absence de réactivité de la communauté internationale et aux difficultés que rencontraient la MINUAR (manque de ressources et d'effectifs), la diplomatie française propose une résolution au Conseil de Sécurité des Nations Unies, adoptée le 22 juin 1994. Cette dernière autorise l'intervention d'une force armée humanitaire et neutre de 2 500 hommes, avec un commandement français sous l'égide de l'ONU. La France obtint ainsi l'aval de l'ONU pour mener l'opération Turquoise qui avait pour mission de « mettre fin aux massacres partout où cela sera possible, éventuellement en utilisant la force »49.

Ainsi, ces trois opérations reflètent le poids grandissant du droit d'ingérence humanitaire dans les relations internationales. Face à de telles opérations militaro-humanitaires, on ne peut réduire le droit d'ingérence humanitaire à une simple revendication à l'instar de Monsieur Eric Pourcel.

48 Document officiel de l'ONU, Rapport de la Commission indépendante d'enquête sur les actions de l'Organisation des Nations Unies lord du génocide de 1994 au Rwanda, 15 décembre 1999, S/1999/1257 (1999).

49 Résolution 929 du Conseil de Sécurité, adoptée le 22 juin 1994 à la 3392ème séance, S/RES/929 (1994).

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A la lecture de ce premier chapitre, force est de constater que le droit d'ingérence humanitaire souffre de la fragilité de sa base légale et des ambiguïtés qui sont propres à sa terminologie. Plusieurs résolutions, tant de l'Assemblée générale que du Conseil de sécurité des Nations Unies, viennent valider l'existence d'un droit d'intervention humanitaire mais ce dernier pâtit de ne pas être explicitement mentionné dans la Charte de San Francisco ou dans une autre convention regroupant la communauté internationale. Ainsi, il subit de vives critiques de la part de ses détracteurs et ne cesse de faire débat. Par la lettre du 5 mai 2000 adressée au Président de l'AGNU, le Représentant permanent du Nigéria auprès de l'ONU, en tant que Président du Groupe des 77, réaffirme l'opposition de ce groupe au droit d'ingérence humanitaire. Déjà formulée au cours du Sommet du Sud d'avril 2000 à la Havane, le groupe des 77 explique cette opposition par le fait qu'un tel droit serait incompatible avec les principes de la Charte des Nations Unies (à comprendre le principe de non-ingérence de l'article 2§7). Il le fait en ces termes : « le soi-disant droit d'intervention humanitaire qui n'a aucun fondement juridique dans la Charte des Nations Unies et dans les principes généraux du droit international public [...]. L'assistance humanitaire doit être entreprise dans le strict respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique des Etats concernés [...] et avec leur approbation50 ».

En dépit de ces éléments, c'est la pratique des Nations Unies et des Etats eux-mêmes qui a consacré l'existence d'un droit d'ingérence humanitaire et qui l'a rendu opérationnel. Selon Monsieur Mario Bettati, l'attitude du Conseil de sécurité consacre le droit d'ingérence en ce qu'il « a légalisé l'intervention militaire en refusant de la condamner. Comme en droit, ce qui n'est pas interdit est permis ».51 S'extirpant du débat lié au droit d'ingérence humanitaire discrédité, les Nations Unies vont alors proposer une reformulation du principe, à travers l'avènement de la « responsabilité de protéger ».

50 Déclaration du Sommet du Sud, du groupe des 77, réuni à La Havane, le 14 avril 2000.

51 Mario BETTATI, «Ne tirez pas sur le droit d'ingérence ! », Politique internationale, n.87, Printemps 2000, p. 447 et 452 à 453.

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