WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'instrumentalisation du droit d'ingérence humanitaire

( Télécharger le fichier original )
par Xavière Prugnard
Université d'Evry-Val-d'Essonne - Master 2 Droits de l'Homme et droit humanitaire 2015
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B. L'intervention humanitaire armée en Libye

35

L'intervention en Libye est un exemple récent d'instrumentalisation politique au sens premier du terme. L'intervention militaire commença seulement deux jours après l'adoption de la résolution 1973, ce qui paraît être un délai relativement court pour mener des négociations en vue de résoudre le conflit. Il faut rappeler que cette résolution a été adoptée à l'unanimité, c'est-à-dire qu'aucun Etat ne s'y était opposé. En revanche, cinq membres se sont abstenus : le Brésil, la Chine, l'Inde, la Russie et l'Allemagne (pourtant l'allié traditionnel de la France). De plus, au cours de l'intervention militaire on a pu voir un changement d'objectif s'opérer. A l'objectif humanitaire est venu s'imposer un objectif politique, qui était de faire tomber le dirigeant Mouammar Kadhafi en visant tous les hauts responsables libyens et les infrastructures socio-économiques et, soutenir l'opposition armée. Selon les américains, les anglais et les français, les violences ne pourraient cesser tant que le dictateur Kadhafi serait au pouvoir. On peut constater qu'une lecture extensive de la résolution 1973 a été effectuée par ces derniers. L'aide est désormais conditionnée à la mise en place de régimes démocratiques97 alors que l'indépendance politique est un principe fondamental, corollaire de la non-ingérence dans les affaires intérieures. Ainsi l'affaire libyenne permet de mettre en lumière un exemple d'instrumentalisation politique du droit d'ingérence humanitaire, à travers son pendant, l'indépendance politique.

97 Sylvie BRUNEL, « Les Nations Unies et l'humanitaire : un bilan mitigé », Politique étrangère, 2/2005, p. 313 à 325.

36

§ 2 - Une instrumentalisation militaire

Tout d'abord, l'instrumentalisation militaire du droit d'ingérence humanitaire sera analysée (A) pour ensuite l'illustrer avec l'intervention humanitaire armée au Kossovo, qui a soulevé beaucoup de questions lors de son déroulement (B).

A. L'instrumentalisation militaire du droit d'ingérence humanitaire

Au fil des siècles, la guerre est devenue proscrite dans les relations internationales et cette interdiction du recours à la force armée est codifiée à l'article 2§4 de la Charte des Nations Unies. Aujourd'hui, il n'existe aucune possibilité d'avoir recours à la force armée en dehors des situations prévues par la Charte, comme l'a déjà affirmé la Cour internationale de Justice dans l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (1986)98. Ces exceptions onusiennes sont la légitime défense de l'article 51 de la Charte et l'intervention militaire consentie, et celle autorisée par le Conseil de sécurité en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression de l'article 42 de la Charte99. Pour commencer il faut donc différencier deux types de situations, lorsque l'intervention militaire est autorisée par le Conseil de sécurité des Nations Unies (Somalie en 1992, Rwanda en 1994, Libye en 2011) et lorsqu'elle ne l'est pas (Kosovo en 1999, Irak en 2003).

Monsieur Jean-Baptiste Jeangène Vilmer définit l'intervention humanitaire armée comme une « intervention militaire en territoire étranger d'un État ou d'un groupe d'États dans le but de prévenir ou de faire cesser des violations graves et massives des droits fondamentaux touchant des individus qui ne sont pas des nationaux de l'État (ou des États) intervenant(s), et ce sans l'autorisation de l'État cible dans lequel ont lieu ces violations 100» . Avec l'apparition des opérations militaro-humanitaires des Nations Unies dans les années 1990, on a commencé à parler d'une éventuelle instrumentalisation militaire du droit d'ingérence humanitaire. En effet, on a pu observer que d'une ingérence humanitaire, on est très vite arrivé à une ingérence militaire, avec des objectifs humanitaires.

98 Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, C.I.J. Recueil, 196, p. 14.

99 Voir Annexe n°4.

100 Jean-Baptiste JEANGENE VILMER, « Éthique et politique de l'intervention humanitaire armée », op. cit., p. 33.

37

Ainsi, l'intervention humanitaire armée serait d'abord au service de l'Etat et de sa politique de puissance, plutôt que au service des populations. La campagne américaine au Pakistan à la suite des attentats du 11 septembre 2001 est révélatrice à ce titre. Les Etats-Unis, prévoyant leur campagne de bombardement aérien, ont arrêté tous les convois humanitaires en provenance du Pakistan et ont mis fin aux actions de certaines ONG et agences de l'ONU sur le terrain. On perd très vite de vue l'objectif humanitaire au profit de celui militaire.

B. L'intervention humanitaire armée au Kossovo

A la suite des évènements du Kossovo de 1999, une opération militaire aérienne fut conduite par l'OTAN entre le 24 mars 1999 et le 10 juin 1999. Cette dernière est intervenue sans l'autorisation, normalement requise, du Conseil de sécurité. Pour beaucoup de juristes, cette opération violait les principes juridiques du droit international. Ce à quoi, Madame Madeleine K. Albright (Secrétaire d'Etat américaine) rétorquait que c'était une intervention certes « illégale mais légitime101 ». Toutefois, nous n'allons pas aborder dans cette partie la légitimité d'une intervention humanitaire armée menée sans l'aval du Conseil de sécurité, mais de l'instrumentalisation militaire.

Vaclav Havel qualifiait l'intervention militaire de l'OTAN au Kossovo de « bombardements humanitaires »102 et Rony Brauman de « guerre humanitaire »103, de quoi nous interroger sur cette opération. Nous avons le recul nécessaire pour constater que les pertes civiles et destructions d'infrastructures étaient bien plus importantes que les pertes et les destructions militaires, et par définition que les objectifs militaires ont supplanté ceux humanitaires. En effet, plus de 8 000 musulmans ont été tués par les forces serbes de Srebrenica. Les Casques bleus sur place n'ont rien fait pour arrêter ce « massacre de Srebrenica ». Selon les Bosniaques, l'ONU préférait protéger son personnel plutôt que venir au secours des populations104.

101 Conférence de presse de la Secrétaire d'Etat Madeleine K. Albright, à Singapour, le 26 juillet 1999.

102 Rony BRAUMAN, « Lettre n° 20 - Les pièges de l'engagement humanitaire. Droit d'ingérence ou devoir d'ingérence ? », op. cit., p. 32.

103 Ibid.

104 Sylvie BRUNEL, « Les Nations Unies et l'humanitaire : un bilan mitigé », op. cit., p. 35.

38

Plus encore, Monsieur Loïc Hennekine105, à l'occasion du colloque « L'ingérence » de la fondation Res Publica a fait état que qu'il n'avait pas « trouvé dans les comptes rendus de ces conseils restreints une seule remarque concernant la situation humanitaire [du Kossovo]. Le seul problème était d'arriver à détruire une partie de la force de combat de la Serbie et, en dépit de la pression américaine et britannique terrible, d'essayer d'éviter d'aller plus loin avec le bombardements d'objectifs civils106 ».

§ 3 - La politisation et la militarisation de l'humanitaire, un danger pour les ONG ?

Il sera successivement étudié la politisation (A) puis la militarisation (B) de l'humanitaire, afin de percevoir les dangers pour la société civile.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus