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L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Cameroun


par Winnie Patricia Etonde Njayou
Université de Douala - Doctorat 2023
  

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2. La création de plusieurs dynasties : les Bafia (Mounta), les Bansoh (Nguonso)

Avide de liberté, une famille s'enfuit d'Égypte et progresse vers le sud. Sa descendance pour des besoins de survie s'installe dans l'actuelle Adamaoua et fonde les Mboum qui émigrent vers la vallée du Mbam.

Ils s'installent à Mbankim où ils soumettent les populations autochtones. C'est de cette dynastie fondée par les fugitifs que les Mboum nomment « Tikar »471(*) que sortiront bien plus tard les fondateurs des BamounBamun, Bafia et Banso472(*). Cette version est confirmée par les historiens, à l'exemple du Prince DIKAAKWA.LesAllemands, pendant la traversée de la région du Mbam, vont s'arrêter dans le haut-plateau de la région que nous appelons aujourd'hui Bafia. Ne sachant pas comment désigner cette magnifique région, ils vont demander à un indigène qui se trouvait par-là, revenant d'une partie de chasse, « comment se nomme cette localité ? »Le chasseur, qui ne comprenait pas la question, pense plutôt que ses hôtes lui demandent son nom :« ufino yamè yo lomo : BofiaNkano », ce qui signifie « Je me nomme BofiaNkano ». D'où le nom de Bafia attribué à la localité473(*).

· Le peuple Bafia

Les Bafia sont une population bantoue d'Afrique centrale, établie au Cameroun sur la rive droite du Mbam, à l'est des monts Bapéi474(*). Selon les sources et le contexte, on peut rencontrer plusieurs variantes : Bafia, Bapea, Begpak, Bekpak, Fia, Kpa475(*). « Bekpak » est un endonyme476(*), le nom qu'ils se donnent à eux-mêmes.

Ils parlent le Bafia, une langue bantoue dont le nombre de locuteurs au Cameroun était estimé à 60 000 en 1991477(*).Ce sont essentiellement des cultivateurs, quoiqu'ils pratiquent aussi la chasse en saison sèche.Leur territoire couvre une région de savane équatoriale arrosée de petits affluents du Mbam et de la Sanaga et entrecoupée d'îlots de forets peu denses. C'est une terre de contacts entre la savane du Nord et la foret du Sud-Cameroun.

A l'origine, les Bafia étaient installés bien plus au Nord. Ils ont été repoussés vers leur implantation actuelle par l'expansion peule. Dans l'histoire du Cameroun, les chefs Bafia les plus connus sont ABOUEMATCHOYI, NTANG GILBERT et BIDIASANGON478(*). Nous citerons également le chef supérieur MACHIA ANONG décédé à la Mecque479(*).

La rencontre fortuite avec un animal, serpent, oiseau, que le clan considère comme un totem, constitue un signe qui annonce le bonheur ou le malheur.

· Le Gam : les Bafia croient en la puissance de l'araignée mygale appelée « Gam », qui dans les séances de divination fait connaître les dangers qui guettent l'individu et sa famille. De nos jours, le culte du « Gam » tend à disparaître faute d'initiateurs et d'initiés.

Ici, on retrouve un point de ressemblance avec la tradition animiste en pays BamounBamun consistant à la consultation de l'araignée mygale pour connaître des évènements futurs, pour lutter contre les maladies et autres tourments mystiques.

· La Tortue : le phénomène de la tortue est un problème tabou chez les Bafia. La tortue est le symbole de la justice, de la paix et de bonheur. Le grand respect que les Bafia attachent à celle-ci a poussé les gens à dire que la tortue est un animal fétiche que les Bafia ne touchent et ne voient même pas. Elle est sacrée. C'est pourquoi elle est vénérée. Tout comme les BamounBamun, les Bafia sont animistes, musulmans ou chrétiens. Les Bafia étaient les adeptes des religions primitives traditionnelles.

Ces derniers sont majoritairement croyants, on y trouve beaucoup plus de christianisme que d'islam480(*). Cette nouvelle religion s'épousa avec les coutumes ancestrales des Bafia et gagna beaucoup d'âmes à partir de la fin du XIXème siècle.

Par la suite, le christianisme a connu un progrès remarquable par rapport à la religion musulmane, mais les chrétiens Bafia après leur conversion restent encore liés aux croyances traditionnelles481(*).

· Le peuple Nsoh (Bansoh)

Par contre, les Nsoh sont une population du grand groupe ethnique Bamiléké d'Afrique centrale vivant au nord-ouest du Cameroun. Ils sont considérés comme un sous-groupe des Tikar. Selon les sources et le contexte, on observe plusieurs variantes : Bansaw, Banso, Bansso, Banzo, Lamnsok, Lamnso, Nko, Nsaw, Nsaws, Nsho, Nsos, Nzo482(*). Ils parlent le nso ou lamnso', une langue des Grassfields, dont le nombre de locuteurs était estimé à 240 000 en 2005483(*). Le pidgin camerounais, l'anglais, le limbum484(*) et l'oku485(*) sont également utilisés486(*).

Parti de là avec sa soeur NGON SO et son frère FOMBAM, NCHARE YEN se sépara d'eux à la hauteur de la rivière Mapé. Tandis que ses compagnons et lui traversaient ce cours d'eau, NGON SO le remontait pour fonder plus tard le royaume Bansoh487(*). Les relations économiques et sociales entre les BamounBamun et les Nsoh reposaient sur les échanges.

Le pays BamounBamun était un lieu de chasse, d'élevage, de pêche et de production de diverses denrées : mais, taro, igname, haricot, macabo, plantain, huile de palme. Le pays Bansoh présentait des analogies en termes de production488(*). Et l'instauration de la frontière franco-britannique entre les BamounBamun et les Nsoh en 1916 n'a pas réussi à entamer ces liens séculaires.

Pour sauvegarder les rapports qui existaient, et qui existent encore entre eux, les BamounBamunet les Nsoh recoururent donc aux rencontres au niveau des marchés locaux et proches des frontières. Ce brassage des biens ouvrait la voie à celui des personnes, car il favorisait des alliances.

Les mariages interethniques, les manifestations culturelles et les rites traditionnels furent aussi des techniques de résistance à la division causée par la frontière franco-britannique de 1916489(*).Dans les deux royaumes, le monarque est respecté et vénéré. Il est comme ailleurs en Afrique le « premier magistrat ».491(*) Tout comme en pays BamounBamun, le monarque Bansoh porte le titre de « Fon » ; viennent ensuite les membres de la famille royale appelés « Wonto » pour ceux allant jusqu'à la 4ème génération ou « Duiy » à partir de la 5ème génération patrilinéaire, à laquelle sont incorporés les membres des clans importants492(*) appelés « Vibai ».

Suivent les « Mtar », descendants des premiers occupants du pays Bansoh qui prêtent allégeance et servent de conseillers au « Fon », puis la classe des « Ngwerong », notables chargés d'implémenter la politique et d'appliquer la justice. Les chefs de village et les personnes ennoblies par le roi portant le titre de « Fai » ou « Shey ». Enfin, il y a les serviteurs ou « Nshilafsi »493(*)494(*). Jusqu'à la première décade du XXème siècle, lesdits royaumes représentaient deux puissances militaires rivales conditionnées par la recherche de l'espace vital dans l'environnement mouvant de la période précoloniale, caractérisée par les conquêtes de l'espace et la fondation des chefferies dans les Grassfields.

Ce qui culmina aux guerres dans les années 1880 et en 1906495(*).Acquis cependant à l'apaisement de son royaume et à la promotion des rapports pacifiques avec ses voisins, le choix du Sultan NJOYA de vouloir se retrouver dans la sphère anglaise était révélateur de ce qu'il poursuivait l'« indirect rule », mais aussi de ce qu'il lui était préférable de préserver l'unité avec les peuples Tikar du plateau Bamenda.

Avec la stabilisation instaurée par les administrations coloniales, l'affinité entre les structures politico-sociales des royaumes BamounBamun et Bansoh les prédisposa non plus au conflit de leadership, mais à une intelligence d'action et de dialogue politique496(*). Le siège du chef suprême du peuple Nsoh497(*) se trouve dans ce lieu qui est le coeur de la vie sociale et culturelle de la ville de Kumbo.Il se compose de plusieurs bâtiments traditionnels décorés de sculptures sur bois, autour de deux (02) cours où le chef s'asseyait et recevait son peuple ou ses conseillers.

Au milieu de la première se dresse une statue de NGON SO, la première reine légendaire du peuple Nsoh. Autour du palais, d'autres bâtiments traditionnels sont également décorés de sculptures en bois. Ce sont les sièges des sociétés sacrées chargées d'aider le chef dans sa tâche : la société « Ngwerong » et la société « Nggiri ». C'est une mosquée qui a été construite à côté d'eux, bien que la plupart des Nsoh soient chrétiens.Au cours des seize dernières années,la « Mus' Art Gallery » a été active dans la propagation du patrimoine culturel des Nsoh. Le musée a été à l'avant-garde de la promotion de l'art et de l'artisanat traditionnels des Nsoh. Elle possède une collection de plus de 400 objets dont la plupart ont été créés entre 1970 et 2000. Ces objets variés vont du travail du bambou aux sculptures sur bois, de la vannerie à la poterie.498(*)

Par la suite, nous étudierons les différentes conquêtes ayant contribué à l'établissement du royaume BamounBamun.

* 471 Qui signifie « Errants ».

* 472 Interview de M. OUSMANE, Vieillisseur d'objets d'art dans la ville de Foumban.

* 473 « Bafia (n. d.) ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 15 février 2021.

* 474 Département du Mbam, sous-préfecture Bafia.

* 475 RAMEAU, BnF (1).

* 476« Endonymie (n. d.) ». L'endonymie est le fait, pour un nom, d'être employé régulièrement et couramment par une population pour se désigner elle-même ou l'endroit où elle vit sa propre langue, ce nom est l'endonyme. Par extension, toute dénomination d'un groupe d'individus dans sa propre langue, qu'elle corresponde ou non au nom régulier, est un endonyme. Endonymie provient de « endo- » (intérieur) et - nymie (nom) en grec. Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 15 février 2021.

* 477 (En) Fiche langue (ksf) dans la base de données linguistique Ethnologue.

* 478 (En) J. S. OLSON, « Bafia », in the Peoples of Africa: An Ethnohistorical Dictionary, Greenwood Publishing Group, 1996, p. 53.

* 479 M. MBASSA SOUTA, Au coeur des us et coutumes des peuples Bafia, L'Harmattan, 2011.

* 480 Très minoritaire dans la région.

* 481« Bafia (peuple) (n.d.) ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 15 février 2021.

* 482 RAMEAU, BnF (2) (n. d.) Article consulté le 18 juin 2021.

* 483 (En) Fiche langue (Ins) dans la base de données linguistique Ethnologue.

* 484 (En) Fiche langue (lmp) dans la base de données linguistique Ethnologue.

* 485 (En) Fiche langue (oku) dans la base de données linguistique Ethnologue.

* 486« Nso (n.d.) ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 15 février 2021.

* 487 L. B. POUNTOUGNIGNI NJUH, « Le patrimoine socio-culturel des BamounBamun et des Banso de l'Ouest-Cameroun à l'épreuve de la frontière franco-britannique (1916-1961) », p. 381. In FOUELLEFAK KANA C. C. & NZESSE L., Le patrimoine culturel africain : matériau pour l'histoire, outil de développement, L'Harmattan, 2017, pp. 263-281.

* 488 Ibid, p. 383.

* 489 D. MOKAM, Les associations régionales et le nationalisme camerounais (1945-1961), 2006, pp. 170-171. Voir aussi L. B. POUNTOUGNIGNI NJUH, « Le patrimoine socio-culturel des BamounBamun et des Banso de l'Ouest-Cameroun à l'épreuve de la frontière franco-britannique (1916-1961) », pp. 385-386. In FOUELLEFAK KANA C. C. & NZESSE L., Le patrimoine culturel africain : matériau pour l'histoire, outil de développement, L'Harmattan, 2017, pp. 263-281.

490 Ibid, p. 383.

* 491 C. Anta DIOP, L'unité culturelle de l'Afrique Noire, 1982, p. 143.

* 492 Ndzendzef, Tankum et Len.

* 493 P. NCHOJI NKWI & J.-P. WARNIER, Elements for a history of the Western Grassfields, 1982, pp. 137-140.

* 494 L. B. POUNTOUGNIGNI NJUH, « Le patrimoine socio-culturel des BamounBamun et des Banso de l'Ouest-Cameroun à l'épreuve de la frontière franco-britannique (1916-1961) », pp. 387-388. In Rapport de l'UNESCO, Le patrimoine culturel africain : matériau pour l'histoire, outil de développement, L'Harmattan, 2017, pp. 263-281.

* 495 P. NCHOJI NKWI & J.-P. WARNIER, Elements for a history of the Western Grassfields, 1982, pp. 135-136, Cité par A. P. TEMGOUA, op.cit., 2014, pp. 99.

* 496 L. B. POUNTOUGNIGNI NJUH, « Le patrimoine socio-culturel des BamounBamun et des Banso de l'Ouest-Cameroun à l'épreuve de la frontière franco-britannique (1916-1961) », p. 388. In FOUELLEFAK KANA C. C. & NZESSE L., Le patrimoine culturel africain : matériau pour l'histoire, outil de développement, L'Harmattan, 2017, pp. 263-281.

* 497 Sehm Mbinglo I.

* 498 CAMEROON WEB, « Kumbo » (n. d.). Article publié sur le site www.CameroonWeb.com et consulté le 26 août 2021.

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