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Rapport de projet d'intervention - prévention des syndromes coronariens aigus chez les immigrants non européens du Québec à¢gés de 20 ans et plus


par Ghislain Muzinga Kasenda
Université Laval - M.Sc. Santé publique 2024
  

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5.3. Défis liés aux interventions en nutrition communautaire

5.3.1. Intervention en nutrition communautaire dans les CLSC et autres organismes communautaires

Les CLSC sont des établissements publics dont la mission est d'offrir aux populations des territoires qu'ils desservent des services de santé et des services sociaux courants de première ligne et aussi de nombreux autres services dont les activités de santé publique (Ministère de la santé et des services sociaux, n.d). Plusieurs CLSC à travers la province offrent gratuitement et généralement sur prescription des consultations en nutrition afin d'aider les personnes à adopter et à maintenir des habitudes alimentaires appropriées en fonction de leur état de santé. Certains organismes communautaires, comme le Dispensaire diététique de Montréal, offrent des services de nutrition communautaire similaires à ceux qui sont offerts dans les CLSC. Les nutritionnistes que nous avons interviewés dans le cadre de notre projet ont mentionné que de nombreuses personnes immigrantes utilisent des services de nutrition communautaire et ce, pour diverses raisons liées à leur état de santé, soit pour des affections chroniques : « sinon il y a le volet maladie chronique, fait que là on est le plus souvent dans hypertension, diabète, cholestérol, c'est ça, c'est le trio, le fameux trio prédiabète. Je dirais ça, c'est comme les plus communs (entrevue 5, 4 juillet 2023) ou pour des carences nutritionnelles chez leurs enfants : « donc mon mandat, c'est de procéder à une évaluation nutritionnelle de jeunes enfants puis d'identifier les problématiques et d'établir un plan nutritionnel adapté aux besoins de chaque enfant (entrevue 2, 26 juin 2023) » ou encore pour des suivis durant la grossesse : « mon mandat c'est de suivre les femmes durant la grossesse et jusqu'à ce que leur bébé ait autour de six mois, donc le but, c'est de les suivre pendant la grossesse pour d'abord s'assurer que l'alimentation soit optimale pour qu'elle puisse avoir un bébé d'un bon poids (entrevue 4, 3 juillet 2023) ». Ces personnes immigrantes généralement en situation d'insécurité alimentaire possèdent des statuts migratoires variés, mais présentent dans une large majorité des vulnérabilités socio-économiques.

Mais j'ai travaillé pendant un temps au dispensaire diététique de Montréal, qui est justement un organisme, mais c'est une organisation à but non lucratif. Et puis ça offre des services de nutrition aux femmes enceintes et puis justement, quand la période où est-ce que j'ai travaillé là-bas, c'est une période qui avait vraiment beaucoup de réfugiés,

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beaucoup de de gens justement, avec des statuts vraiment plus précaires et c'est une réalité complètement différente des clients que je vais avoir dans ma pratique privée (entrevue 5, 4 juillet 2023).

Toute façon au dispensaire on voit tout le monde qui a des vulnérabilités sociales ou économiques... Et moi, j'ai vraiment plus le volet immigration précaire. Donc, comme je l'avais dit, je reçois des demandeurs d'asile, mais plus des étudiants, des visas de travail, des personnes sans statut légal, des personnes qui n'ont pas de couverture médicale sur le territoire québécois (entrevue 4, 3 juillet 2023).

Au CLSC, les nutritionnistes travaillent en interdisciplinarité avec des médecins omnipraticiens, des infirmières, des travailleurs sociaux et autres professionnels de la santé afin d'offrir des services dans une perspective plus holistique.

Le ministère de la santé nous offre un budget qui nous permet d' avoir un dossier médical électronique, un budget pour recruter des secrétaires, des infirmières, cliniciennes, infirmières auxiliaires, même d'autres intervenants de la santé, comme par exemple une nutritionniste, une pharmacienne qui vient comme consultante dans le groupe, c'est pas des gens qui ont des postes nécessairement permanents, parfois, ils ont des services dans d'autres places, mais on est capable de bâtir une petite équipe à l'intérieur du CLSC (entrevue 3, 29 juin 2023).

Les interventions des nutritionnistes des CLSC ou même des organismes communautaires comprennent des évaluations nutritionnelles complexes et holistiques où plusieurs aspects de la santé nutritionnelle des clients sont explorés ainsi que des suivis réguliers. Ceci afin d'élaborer des plans d'intervention personnalisés, d'émettre des recommandations adaptées aux problématiques qui ont amené la personne à consulter et aussi de suivre les résultats des interventions et les adapter au besoin.

C'est beaucoup. Ben c'est une intervention qui est complexe. Une évaluation nutritionnelle c'est sûr que les questions que je pose vont toucher le côté culturel, l'organisation de la cellule familiale. On veut regarder aussi c'est quoi un petit peu l'historique migratoire, ça fait combien de temps qu'ils sont arrivés avec qui ils vivent dans le logement. On va regarder toute l'histoire de santé, soit de la mère durant sa grossesse, soit celle de l'enfant aussi, on va regarder... Puis ensuite, on va déterminer comment on doit travailler avec le parent, puis on va essayer de décortiquer ça en objectif simple et concret que le parent peut mettre en application. On va s'entendre avec eux et s'assurer que c'est faisable. Puis après ça, Ben, on va faire le suivi de chacun des objectifs, de chacune des étapes que le parent doit faire pour arriver au résultat. Exemple, si le résultat, c'est, mettons un enfant qui arrive avec de l'anémie parce qu'il manque de fer dans son alimentation, mais on va vérifier la quantité de fer que l'enfant consomme. On va calculer précisément, puis ensuite on va

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enseigner aux parents. Ben voici les sources de fer, voici combien il devrait en avoir par jour. On va faire un suivi après deux semaines...combien de fer l'enfant consomme maintenant et que le parent a fait certains changements, alors c'est un petit peu comme ça qu'on travaille (entrevue 2, 26 juin 2023).

La première rencontre est vraiment longue. Elle est de 1h30, on fait une évaluation bio-psycho-sociale vraiment complexe. Vraiment longue (entrevue 4, 3 juillet 2023).

Les entretiens réalisés dans le cadre du projet ont révélé que les nutritionnistes communautaires agissent comme des agents de promotion des saines habitudes alimentaires auprès des populations migrantes de leurs territoires. En effet, durant leurs interventions, ils font de l'éducation nutritionnelle en fournissant des conseils dont les impacts positifs se font parfois ressentir dans les connaissances et pratiques alimentaires de ces populations. Ce rôle est essentiel, car il permet dans une certaine mesure de pallier les lacunes relatives au manque significatif de programmes de promotion de la saine alimentation ciblant les besoins réels des communautés ethnoculturelles. En dépit des avantages que présentent ces programmes de nutrition communautaire, les intervenants interviewés ont rapporté des sérieuses lacunes en lien avec les interventions déployées auprès des communautés migrantes non européennes, notamment des interventions axées sur des approches paternalistes et eurocentriques, une capacité d'intervention limitée, la méconnaissance des populations migrantes quant aux services offerts par les CLSC, des interventions manquant de sensibilité culturelle, des ressources insuffisantes, ainsi que des recommandations peu adaptées culturellement ou difficiles à mettre en oeuvre pour des personnes présentant une insécurité financière ou vivant en situation d'insécurité alimentaire. Ces lacunes ont un impact négatif sur les résultats et l'efficacité des interventions.

Diverses nutritionnistes ont mentionné en effet que les interventions en nutrition au Québec sont fortement axées sur des paradigmes occidentaux et ont tendance à ne pas tenir compte des variations culturelles et ethniques pouvant exister dans la façon de voir la saine alimentation ou dans les pratiques alimentaires : « moi je trouve que c'est des lacunes comme qui sont un peu plus larges dans le sens juste, la façon qu'on voit, la saine alimentation, c'est très eurocentrique, très occidentalisé, et fait que des fois, c'est de défaire un peu ça (entrevue 5, 4 juillet 2023) ». Aussi, les nutritionnistes ont rapporté que l'approche utilisée lors des interventions s'avère souvent très paternaliste et en s'appuyant

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sur une vision occidentale de ce que doit être la saine alimentation. Cette vision occidentale de la saine alimentation est souvent imposée aux nouveaux arrivants des cultures non occidentales : « donc l'approche de l'accompagnement des personnes issues d'une communauté ethnoculturelle est encore très néocolonialiste, c'est très J'ai la science infuse donc je vais t'aider toi, pauvre toi, personne issue de l'immigration (entrevue 4, 3 juillet 2023) ». Les intervenants ont mentionné que les budgets alloués par le gouvernement du Québec pour les interventions en nutrition communautaire permettent aux nutritionnistes d'intervenir uniquement dans un nombre limité de conditions médicales, ce qui a pour effet de restreindre l'accessibilité d'une proportion importante des personnes immigrantes aux services de nutrition communautaire des CLSC ou des organismes communautaires. Une autre lacune importante réside dans la méconnaissance des services autres que médicaux offerts dans les CLSC, tels que les services en soins infirmiers, les services nutritionnels et les services sociaux. Cette méconnaissance des services du CLSC de la part des communautés migrantes pose un grand défi quant à leur utilisation par ces communautés. Elle résulte notamment d'un manque de communication entre les différents services du CLSC et les organismes communautaires qui sont généralement le premier point de contact des populations migrantes avec les services publics québécois. En effet, si les organismes communautaires comprenaient mieux l'aspect multidisciplinaire des services offerts dans les CLSC, ils y référeraient davantage leurs clientèles.

Alors au niveau du CLSC, l'incompréhension de la population locale c'est que la santé n'entoure pas uniquement le fait d'avoir un médecin de famille ? OK. Il faut penser que le CLSC offre des soins multidisciplinaires... L'immigrant qui arrive à un quartier à un moment, il devrait aller au CLSC dire bon, vous me dites qu'il n'y a pas de médecin ici pour moi, est-ce que je pourrais parler avec une infirmière ? Et puis, avec l'infirmière, l'individu pourrait dire, j'ai un peu peur de la haute pression dans ma famille, il y a eu des gens avec des problèmes cardiaques, qu'est-ce que je peux faire pour améliorer mes chances... Si la personne a aussi des problèmes de contraintes financières et a de la difficulté à acheter de la bonne nourriture et ne comprend pas où aller pour s'acheter des meilleurs aliments, elle pourrait avoir accès à une travailleuse sociale qui va lui expliquer, bon, voici les organismes dans votre quartier, ils peuvent vous pointer vers les magasins où vous pourrez acheter des choses à moindre prix, des prix plus économiques et de bonne qualité. Il y a des services et comme j'avais dit les nutritionnistes du CLSC parfois n'ont pas la liberté de voir ou d'expliquer ou de prendre en charge tous les problèmes. Parfois, ils sont obligés de cibler des problèmes qu'ils vont suivre. Mais en général, c'est cet aspect multidisciplinaire du CLSC n'est pas bien

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utilisé par la population locale... Alors, je crois qu'il y a un manque de communication entre les différents services du CLSC et les organismes communautaires et ce lien pourrait-être amélioré pour que la population aussi comprenne qu'est-ce que je peux faire pour améliorer ma santé même si je n'ai pas un médecin (entrevue 3, 29 juin 2023).

Le manque de sensibilité culturelle et des compétences culturelles chez plusieurs nutritionnistes des CLSC et des organismes communautaires ont été également mentionnés par les intervenants interviewés comme étant des lacunes pouvant occasionner l'élaboration des recommandations culturellement peu adaptées et difficilement opérationnalisables pour les communautés ethnoculturelles. Ces intervenants ont aussi soulevé des difficultés rencontrées pour trouver des ressources pertinentes en nutrition à donner aux clients. Par exemple des sites de recettes validés scientifiquement et culturellement adaptés.

Je pense qu'il y a une approche que tu n'apprends pas à l'école puis que tu peux avoir quand t'es issu d'une autre culture. Ce n'est pas inné quand t'es québécois. C'est au niveau-là de dire Il n'y a pas une chose meilleure que l'autre. Au Congo, il y a des recommandations qui sont émises par la santé publique qui peuvent différer d'ici ce n'est pas parce que une est meilleure que l'autre, c'est juste deux réalités différentes. Et quand t'as quelqu'un en face de toi qui a entendu des recommandations, des approches différentes, ben faut être dans le respect et être dans le même niveau. Moi je suis au même niveau que mes patients... je sais mieux que toi et je vais te montrer comment éviter d'avoir de la salmonelle et comment nourrir ton enfant, tu sais y a comme toute une approche. Et pour ça, il faut te mettre un peu plus loin. Ce n'est pas l'école qui va t'apprendre ça, c'est toute une approche de savoir c'est quoi l'alimentation qui fait partie de l'identité de la personne et que dans ce cas ben c'est des pays qui ont souvent subi une colonisation donc qui ont une approche à leur culture, où est-ce qu'ils la voient inférieur à la culture occidentale et donc quand on émet des recommandations, c'est important de ne pas venir dénaturer ça parce que la pire chose que quelqu'un peut ressentir, c'est quand il sort d'un rendez-vous avec une nutritionniste, les recommandations ne sont pas adaptées.. C'est pour ça qu'il faut avoir ce niveau de sensibilité là et ça ne s'apprend pas en ce moment à l'école, mais qu'il faut avoir parce qu'on parle des pratiques culturelles, des habitudes culturelles et qu'on peut avoir un impact vraiment négatif selon moi sur la personne (entrevue 4, 3 juillet 2023).

Il faut que ça soit adapté à la personne, surtout les niveaux, incluant le niveau culturel. Sinon, si tu fais juste redonner une recommandation dans l'air, ben, ça va être difficile à appliquer. Et dans les lacunes, ben des fois t'sais je trouve, c'est un peu difficile à trouver, des ressources, des ressources à donner aux gens justement. Puis t'sais avec le temps, je commence à retrouver ou comme en tout cas à voir, mais par exemple, souvent, les gens veulent des recettes. Ça, c'est un enjeu et quelques-uns

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des sites ont des recettes intéressantes à donner, mais c'est plus difficile. (Entrevue 5, 4 juillet 2023).

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