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"en aparté"sur Canal Plus : l'invité, le public et le média comme tiers autoritaire dans une émission de conversation

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par Marylène Khouri
Institut Français de Presse Paris II-Assas - Maà®trise d'information et communication 2005
  

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Troisième partie :

Une parodie de conversation ?

En aparté peut donc se définir comme une « émission de l'intime » mais aussi comme une « émission de conversation ». Cette tendance témoigne de l'esprit de notre époque : on ne s'intéresse plus aux enjeux sociaux, mais aux enjeux de l'intimité. On ne s'intéresse plus à la politique ou au cinéma mais aux hommes politiques et aux acteurs. Ces derniers, contrairement aux « Olympiens » d'Edgar Morin se doivent d'être plus accessibles et les médias travaillent pour correspondre à cette demande du public. L' « émission de conversation » a l'avantage d'humaniser, de normaliser le « people » : la caméra agit comme un miroir et le téléspectateur peut se reconnaître, s'identifier. Le plateau d' En aparté, en singeant la réalité d'un appartement veut créer une correspondance avec la réalité de ce téléspectateur.

« Avant d'être un spectacle, disait Orson Welles, la télévision est une conversation. » (...) Assigner à la télévision d'être de la radio illustrée, ce n'est pas la stigmatiser, c'est au contraire, lui faire compliment de donner la parole aux gens et de montrer, grâce à l'image, que ce sont bien eux qui parlent puisqu'ils sont réellement présents devant nos yeux »90(*)

En aparté répond donc bien à cette demande de relationnel de la part du public. Il s'agit presqu' ici de radio illustrée. Cependant ce plateau agit aussi comme un piédestal : cerné par les caméras, nouvel opium du peuple, seul le « people » y a accès.

La personnalité, en acceptant un passage chez Pascale Clark, souhaite se rendre sympathique auprès du public, et auprès de la profession. La « réputation » est un souci majeur pour celui qui souhaite entretenir sa célébrité. Pascale Clark agit comme une médiatrice : en fait, en lui parlant, l'invité parle au public. Le tiers média (Pascale Clark) n'est qu'un intermédiaire entre le tiers public et le tiers invité. De ce fait, une parodie de conversation s'instaure car le réel interlocuteur (le public) est en quelque sort fantôme, masqué sous le tiers média (Pascale Clark).

Nous allons étudier en premier lieu l'enjeu du tiers-invité lors de son passage au sein de l'émission. La diffusion de la première d' En aparté (septembre 2001) succède en effet à l'ébranlement médiatique de « Loft story » (printemps 2001). Suite à l'apparition de cette première expérience de télé réalité, une réflexion sur la définition du « people » a émergé.

A) De l' « Olympien » au « people »

1 - De l'ère du mystère à l'avènement de la proximité

En premier lieu, rappelons la définition d'Edgar Morin (le mot est originellement d'Henri Raymond) :

« L'Olympisme naît de l'imaginaire, c'est à dire des rôles incarnés dans les films (stars) ; l'olympisme des autres naît de leurs fonctions sacrées (royauté, présidence), de leurs travaux héroïques (champion, explorateurs), ou érotiques (play-boy, distels). Margaret,B.B., Soraya et Liz Taylor, la princesse et la Star, se rencontrent dans l'Olympe de la « une », des quotidiens, réceptions, Capri, Canaries et autres séjours enchantés »(...) « Le nouvel Olympe est effectivement le produit le plus original du cours nouveau de la culture de masse. Les stars avaient déjà été antérieurement promues à la divinité. Le cours nouveau les a humanisées. Il a multiplié les relations humaines avec le public. Il a starifié par la suite le cours royales, les play-boy et même certains hommes politiques »91(*)

« La vie des Olympiens participe à la vie quotidienne des mortels, ils incarnent les mythes d'auto-réalisation de la vie privée (...) et sans doute, ils tendent à détrôner les anciens modèles (parents, éducateurs, héros nationaux) »92(*)

L' « Olympien » d'Edgar Morin correspond à son époque : inaccessible, la star vivait « au-dessus du commun des mortels ».Elle se devait de justifier de son importance par des actes majeurs ou une ascendance particulière Déjà, elle agissait comme un modèle pour les grandes masses. Elle a néanmoins les moyens de communiquer avec son public par le biais de la télévision :

« La télévision a multiplié la familiarité, la grande familiarité de la culture de masse (...). Cette multiplication des médiations, des communications et des contacts crée et entretient un climat sympathique entre la culture et son public. La culture de masse tend à constituer un gigantesque club d'amis, une grande famille non hiérarchisée. »93(*)

La « Star » d'Edgar Morin entretient avec son public une relation d'identification. On souhaite l'imiter, sans toutefois prétendre lui ressembler. Edgar Morin appelle ce phénomène le « courant mimétique »

« Les stars guident nos manières, gestes, poses, attitudes, soupirs d'extase, (« c'est merveilleux »), regrets sincères (« désolé Fred, mais j'ai une très grande amitié pour vous, mais je ne vous aime pas d'amour »), façon d'allumer une cigarette, d'en expirer la fumée, de boire avec désinvolture ou sex-appeal, de saluer avec ou sans chapeau, de prendre des mines mutines, profondes, tragiques, de décliner une invitation, d'accepter un présent, de refuser ou permettre un baiser »94(*)

Observer la « Star », la dévisager pour mieux l'envisager... « En aparté » répond à cette demande sous-jacente du téléspectateur. L'invité est observé, regardé, mais, contrairement à la vision d'Edgar Morin, c'est pour mieux établir une correspondance avec le téléspectateur. La « Star » est ici isolé de toute mise en scène cinématographique qui pourrait l'embellir. Elle apparaît telle qu'elle est. Même si elle est tentée de se mettre en valeur, la valse des plans rapprochés, plans d'ensemble et gros plan l'en dissuade. Pourtant, on retrouve chez « En aparté » des phénomènes décrits par Edgar Morin. Les personnalités invitées voient leurs parcours retracés -la carrière de Charles Berling, l'émission de Maïtena Biraben- comme autant d'histoires mythifiées. Elles apparaissent comme des personnages enviables. Le document vidéo retraçant la carrière de Charles Berling fait état d'une vie remplie, plein de succès artistiques. Sont occultés ses moments de doutes et de vide.

« Les mass media ont répandu la conscience populaire de ce qui constitue une « bonne vie ». En rendant cette bonne vie familière, elles l'ont fait paraître possible autant que désirable pour les grandes masses. »95(*)

Le discours d' En aparté fait état, par la diffusion de documents vidéo, d' «une information olympienne ».

« Dans l'information olympienne, le personnage vedette est privilégié et il privilégie des situations qui, pour le commun des mortels, seraient noyés dans l'anonymat. (...). L'information romancée et vedettisée, d'une part, le fait divers de l'autre font appel finalement aux mêmes processus de projection-identification que les films, romans, nouvelles. »96(*)

En aparté a donc une double-promesse : elle conserve un certain degré de rêve quant à ces personnalités, elle les met en valeur. Le passage au sein d'une émission, comme on l'a déjà vu, valide la réussite de la personnalité. Mais d'un autre côté, elle intègre les nouveaux codes issus de la télé réalité et de l'ère du voyeurisme. L'émission donne accès à tous ces gestes et postures intimes autrefois cachées. L'espace d'une demie-heure on peut observer se mouvoir des célébrités telles que Vanessa Paradis ou Iggy Pop comme on a put observer Loana ou Jean-Edouard. Les deux types de personnalités se retrouvent sur le même type de socle médiatique. En aparté s'inscrit totalement dans l'ère de la proximité. Le ton, quant à lui, se fait tantôt hagiographique, tantôt critique, ce qui peut déstabiliser l'invité.

Les années 80 et 90 ont accentué cette tendance au sein de la sphère médiatique. Désormais règne ce culte du relationnel et de la proximité. Les réseaux médiatiques se sont multipliés, la télévision et Internet ont offerts des nouvelles formes de célébrités qui concurrencent la « star inaccessible ». Cette dernière ne fait plus (ou peu) recette. La mort de Lady Di, en 1997, a sonné le glas des stars mythiques dont on épie la moindre sortie publique. Avec l'avènement de la télé-réalité en 2001 en Europe, le phénomène du « people » s'est généralisé et a atteint l'ensemble de la sphère médiatique. Par ailleurs, l'exploitation de l'intimité s'est mise au service de l'anonyme. « L'intimité à la télévision, c'est de moins en moins la vie des stars, c'est de plus en plus la vie des inconnus, des quidams, des gens de la rue. »97(*). Ainsi, la « star » s'est muée en « people » une entité passe-partout, dont la profession peut être bien éloignée des « exploits » ou de l' « ascendance » de l'antique Olympien. Désormais, les chanteurs et acteurs côtoient les hommes politiques dans les mêmes émissions. Un plateau de Thierry Ardisson peut se composer d'une vedette de films pornographique, d'un homme politique, un écrivain, un participant d'une émission de télé réalité...tout un chacun peut prétendre à son quart d'heure de gloire « warholien ». Les journaux, les rubriques « people » se multiplient : Closer (titre faisant référence encore à l'intimité), Public (parler des éléments privés d'un personnage public). Ces magazines ne sont plus l'apanage des ménagères et des salles d'attente. Désormais, il s'agit d'un produit d'appel pour de nombreux médias. Des émissions comme Capital ou Zone interdite prennent le prétexte du people comme sujet de reportage pour attirer l'audience. Tout comme le sexe, le « people » fait vendre.

Deux tendances sont à observer concernant les émissions où intervient ce type de personnalités :

« (...) Il y a deux écoles : celle de Thierry Ardisson et celle de Michel Drucker. Et ce n'est pas inintéressant de noter, c'est que les deux travaillent sur les chaînes nationales. Ils ne sont ni sur TF1, ni sur M6. A priori, on peut se poser la question de savoir si c'est de l'ordre de la mission du service public que de donner au peuple du people en pâture aux téléspectateurs »98(*).

D'un côté, on note une tendance provocatrice ou à visée humoristique - Tout le monde en parle sur France 2, On ne peut pas plaire à tout le monde sur France 3, les émissions d'Arthur, La Grosse émission - et de l'autre les émissions qui souhaitent mettre à l'aise l'invité pour recueillir des confidences - Petites confessions entre amis et Recto Verso sur Paris Première, Vivement dimanche sur France 2. Si la première recueille pour l'instant le plus de suffrages - les émissions de confession étant le plus souvent sur les chaînes câblées-, la seconde semble être fortement apprécié par les personnalités, attiré par le côté convivial et la présence d'un animateur unique. Celles-ci apprécient en effet maintenir un certain mythe de bonheur autour d'elles tout en laissant croire à une certaine proximité. Or ces émissions prêtent bien à ce type de confession contrôlée.

Ces émissions de « confession », dont fait partie En aparté remplissent sur certains aspects le même cahier des charges que la presse à sensation dite « people ». Les médias répondent aux désirs de voyeurisme et d'identification du public. Ils font partie d'un système à vocation commerciale où la personnalité fait vendre des produits. En effet, ce culte de la personnalité du « people » n'a jamais été aussi présent dans nos modes de vie :

« Ce que peut révéler le succès d'un magazine comme « Voici », c'est d'abord la prégnance dans notre société du star system. Dans une société bloquée, où l' « ascenseur social » n'a sans doute jamais aussi mal fonctionné depuis la dernière guerre, le star system et ses mythes paraît être le seul recours pour des ambitions populaires »99(*)

Certes, En aparté n'est pas Voici, mais force est il de constater que tous deux s'inscrivent dans un désir de dévoilement des célébrités, chacun à sa manière. Tous deux sont impudiques : en souhaitant extirper des larmes à Charles Berling, en exploitant une amitié pour obtenir une belle image d'émotion, En aparté se révèle impudique. Mais contrairement aux journaux à scandales, En aparté se présente comme un porte-voix officiel des personnalités. Si Pascale Clark « vole » des moments d'émotion et d'authenticité à ses invités, c'est dans un cadre institutionnel. Ainsi, les invités peuvent venir entretenir leur propre mythe en passant dans l'émission. Le « people » à la télévision conserve tout de même des visées promotionnelles alors que celui de la presse à sensation possède d'autres visées. Nombreuses sont les personnalités sans aucune actualité depuis des années qui conservent leur célébrité par le biais de la presse « people ». Là se situe la différence essentielle entre la presse « people » et l'émission télévisée sur un « people ». Ce dernier doit entretenir son image par ses deux biais, la voix officielle et la voix non-officielle. Loin des rumeurs, racontar et bavardages de la voix non officielle, les émissions « officielles » comme l'est En aparté permettent à la personnalité de rétablir son image, parfois écornée par la presse. C'est le cas d'Arthur, par exemple, souvent qualifié de mégalomane. Lors de sa prestation chez Pascale Clark en 2002 , peu après la déferlante de la télé réalité, il eût l'occasion d'offrir une image, peut être étudiée, très éloignée de sa réputation.

* 90 Jean Ungaro « De la radio à la télévision : un art de la conversation » in « Médiamorphoses n°7 » page 24

* 91« L'esprit du temps », Edgar Morin, ed. Grasset, page 143

* 92 Ibid. page 146

* 93 Ibid page 140

* 94 « Les stars », MORIN Edgar, Editions essais, page 122

* 95 Léo Bogart dans « The Age of television» in «L'esprit du temps», Edgar Morin, éditions Grasset, page 121

* 96 Ibid, page 120

* 97 Entretien avec David Dufresne in « Médiamorphoses n°8 », « Médias people : du populaire au populisme », page 33

* 98 ibid page 35

* 99 Jean-Pierre Esquenazi « Voici et le star system » cité dans « Médiamorphoses n°8 », septembre 2003, page 69

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote