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"en aparté"sur Canal Plus : l'invité, le public et le média comme tiers autoritaire dans une émission de conversation

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par Marylène Khouri
Institut Français de Presse Paris II-Assas - Maà®trise d'information et communication 2005
  

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2- La question du « tiers »

L'émission En aparté témoigne d'une « situation trilogique de conversation ». Par le biais de l'Autorité du média (l'animatrice, l'équipe de rédaction, la chaîne), le tiers invité s'adresse à un public qui est le véritable destinataire du discours. L'existence d'un tiers « caché » a fait l'objet de recherches dans un livre conçu sous la direction de Patrick Charaudeau « La voix cachée du tiers : des non-dits du discours ». Comme il le dit dans sa présentation :

« Pourquoi consacrer une étude à la question du « tiers » dans le discours ? Peut être parce que cette question, bien au-delà de la simple situation trilogique d'échange verbal, est au fondement de la vie sociale, et en tout cas du phénomène de communication. »110(*)

Patrick Charaudeau se pose la question du « Tiers, où es tu ? » : au nom de quoi parle le sujet ? Comment le droit à la parole vient au sujet ? Pour appuyer son propos, il s'appuie sur un exemple significatif, qui met en évidence l'émergence des trois types de tiers et qui montre leur interrelation. Il cite l'extrait d'une émission littéraire de télévision « Apostrophes », dans laquelle l'animateur, Bernard Pivot, après avoir interrogé l'un de ses invités, Jean-François Revel, à propos d'une interview que celui-ci avait donné à la revue Playboy, se tourne vers les deux invités et leur demande :

-Bernard Pivot : « Et vous est ce que vous lisez Playboy ? »

-Jean Cau (sec) : « Non ! »

-Jean Dutourd (bonhomme) : « Oui, ça m'arrive, parfois chez le coiffeur »

« Le dispositif de cette émission est triangulaire : émission dite de débat qui met en relation entre eux les participants à l'échange, mais également met ceux-ci en relation avec un tiers présent-absent : le public. On peut donc faire l'hypothèse que tout locuteur de cette situation sait qu'il est vu et écouté par ce tiers, et que même l'enjeu de l'échange est davantage tourné vers celui-ci que vers son interlocuteur, ou celui-ci via son interlocuteur. De plus, chacun des participants peut se trouver à tour de rôle, en position de tiers par rapport à ceux qui dialoguent »

Patrick Charaudeau parle de niveaux de problématisation dans ce discours :

« Dans le processus de sémantisation, la réplique de Jean Dutourd peut être interprétée, pour faire vite, de la façon suivante : « je lis cette revue quand l'occasion se présente (...) sans que j'ai besoin d'aller l'acheter chez le marchand de journaux. Tout se passe comme si Dutourd faisait appel au discours d'un méta-énonciateur qui dirait : « un intellectuel institutionnellement reconnu doit aussi être curieux de tout » et, corrélativement, laisserait entendre : « dans al vie, il faut savoir faire preuve de tolérance ».

« Enonciativement, cette réplique est susceptible d'avoir des effets divers :

Elle répond en apparence à Bernard Pivot, qui, en l'occurrence devient le tu-destinataire auquel J. Dutourd signifie qu'il n'est pas tombé dans le piège de la question : répondre « non » serait se montrer sectaire, répondre « oui » serait frivole. Mais en même temps, cette réplique institue Jean Cau en tiers. Elle construit de celui-ci une image de « sectaire » et, par opposition de Dutourd une image de personne « tolérante. (...) Et enfin, et cela simultanément, cette réplique est comme un clin d'oeil adressé au téléspectateur, tiers prévu dans le dispositif, clin d'oeil qui signifie : « Vous voyez comment on sort de cette question piège ? En faisant de l'humour ». Il appelle ce tiers à rentrer en complicité avec lui ».111(*)

Patrick Charaudeau se permet alors de dire que « comme tout acte de communication, les discours s'entremêlent ». Cet exemple peut donc être appliqué à En aparté. Notre émission est définie par Patrick Charaudeau comme une émission dite « de scène » : « Dans ce dispositif, il y a trois partenaires dont deux sont physiquement présents dans une co-énonciation dyadique d'alternance de parole, et un troisième (...) ; lequel est en position d'écoute, de témoin, mais n'a pas le droit à prendre la parole ». L'invité d' En aparté se sert donc du dispositif et donc de Pascale Clark pour s'adresser à son public. Le média sert de filtre à cette parole. Par la mise en scène, par l'orientation des questions, il peut conférer un sens tout autre à un certain discours. Lorsque Maïtena Biraben pénètre dans le plateau d' En aparté, c'est dans le but d'offrir une image sympathique d'elle et de relancer sa propre émission. Elle se promeut elle-même en des termes flatteurs : « Je suis gâtée par la vie », «Je suis inconsciente » : elle veut donner l'image d'un électron libre, qui a du caractère. Or, le dispositif d' En aparté met en valeur cette promotion d'elle-même au lieu de la soutenir « Je ne vous crois pas inconsciente » répond Pascale Clark. Les deux animatrices sont toutes deux conscientes de s'adresser au tiers invité. De la même manière, Charles Berling, sous des couverts d'insouciance, sait très bien qu'il est face à son public. En feignant d'être à l'aise et de ne pas respecter les codes de l'émission, il veut communiquer à son public le message suivant : « Regardez comme je n'ai que faire de toute cette promotion, comment je le prend à la légère ».

L'animatrice peut aussi recourir à la convocation d'un autre tiers à l'intérieur même de son discours, afin d'aborder des thèmes plus difficiles. Par exemple, la participation de l'ami navigateur de Charles Berling a servi à rendre l'échange plus intime. De même, lors de la prestation de François Hollande, l'animatrice a préparé un document vidéo traçant les ressemblances et les différences entre lui et Nicolas Sarkozy. Ce document a servi à aborder d'une manière un peu originale le sujet, épineux pour le premier secrétaire du parti socialiste.

« Dans l'espace de l'énoncé, la référence à des tiers permet de reconstruire un évènement depuis la perspective du locuteur et d'extrapoler l'attitude de ce locuteur par rapport aux faits narrés ainsi qu'aux autres acteurs qui sont intervenus dans l'évènement, à partir des jugements positifs ou négatifs qu'il exprime et la façon dont il se situe en même temps, soit comme interprète face à autrui, soit en situation d'opposition déclarée ou d'affrontements, mais toujours à l'intérieur du cadre idéologique partagé d'une même communauté de discours. »112(*)

Néanmoins l'émission ne se perd pas en de multiples convocations de tiers différents. L'animatrice choisit soigneusement les tiers afin qu'ils aient une résonance précise sur l'invité. Un « tiers » est défini comme un « énonciateur abstrait convoquant des valeurs ou croyances supposées partagées »113(*), ce qui définit donc en premier abord le téléspectateur.

* 110Ibid page 11

* 111 Ibid page 20, 21

* 112 Ibid page 76

* 113 Ibid page 171

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand