Troisième partie
L'agriculture périurbaine au risque de la ville ? Le cas
de Diamniadio (Dakar, Sénégal) 
  
Conflits et mutations d'une agriculture sous tutelle
urbaine
La  confirmation  a  été  apportée  que  les
 relations  entre  urbanisation  et  agriculture  ne relèvent  pas 
d'une  coupure  simple  entre  « citadins »  et  « ruraux
»,  et  entre  « ville »  et 
« campagne ».  Cette  analyse,  trop 
réductrice,  ne  rendrait  pas  compte  de 
l'hétérogénéité  des intérêts, 
et  de  la  capacité  des  acteurs  à  jouer  sur 
différents  plans.  Le  territoire  d'étude  est
révélateur  de  césures  qui  apparaissent  lorsque  l'on 
tente  de  le  décrire.  Celles-ci  sont dynamiques   et   autant  
révélatrices   de   contradictions   qui   se   régulent  
entre   entreprises, collectivités locales, pouvoirs coutumiers   et
agriculteurs, grâce à de nouvelles règles du jeu 
qui ont pour arrière plan la marchandisation des
ressources. Car même si elle se mondialise et 
se  libéralise,  l'économie  ne  peut 
être  indifférente  aux  ancrages  locaux  et  doit 
forcément s'appuyer sur eux pour s'implanter. La problématique de
l'eau, la pression foncière et la quête d'un  emploi  seront  les 
entrées  d'une  grille  d'analyse  révélatrice  de 
compétitions  et  de coopérations entre acteurs d'un même
endroit et nouveaux venus, tout en étant porteuse d'une nouvelle
urbanité. 
1   Accès à l'eau : une
compétition exacerbée face à un épuisement de la
ressource
L'un des champs majeurs de confrontation entre l'urbanisation
et son environnement rural est celui de l'usage de l'eau. L'agriculture
irriguée consomme la majeure partie de l'eau disponible, grâce
à des forages profonds dans la nappe souterraine, mais la croissance de
la population dakaroise s'accompagne également d'une augmentation de la
demande par tête. La nappe  phréatique  est  donc 
surexploitée  alors  même  que  la  région  a  connu  des 
années  de sécheresse successives. Dans les communes de
Diamniadio et Sébikhotane, « tout le monde » veut faire du
maraîchage et planter des manguiers, mais la baisse de la nappe exclut
les petits exploitants  dont  les  puits  sont  asséchés.  Ceux 
qui  n'abandonnent  pas  leur  exploitation recourent à des quotas d'eau
auprès de la Sénégalaise Des Eaux (SDE), car c'est
désormais le 
système marchand qui joue le rôle d'arbitre entre
usages concurrents de la ressource. 
A) Des problèmes de compétition pour une
ressource de plus en plus rare
La succession d'années sèches que le pays a
connu au cours de la période écoulée a
entraîné  un  abaissement  progressif  de  la  nappe 
phréatique.  Cet  abaissement  est  lié  non seulement à
la faible  recharge, mais aussi à la surexploitation des nappes qui
subissent des prélèvements  intensifs  pour  satisfaire  la 
forte   demande  en  eau  de  la  ville  de  Dakar. Actuellement, les
prélèvements effectués dépassent la capacité
de la nappe du paléocène de Sébikotane. En effet, celle-ci
s'est abaissée de 15 mètres depuis la fin des années 70.
Une telle situation entraîne des risques importants de tarissement.   La
Sénégalaise des eaux dispose de 
5  forages  dans  la  commune  et  d'un  équipement  de 
pressurisation  qui  prend  part  dans l'approvisionnement de la ville de Dakar
et contribuent à l'assèchement de la ressource. 
S'agissant des techniques d'exhaure et d'irrigation, il faut
noter que l'exploitation des puis traditionnels n'est plus possible sur la
commune de Sébikhotane, suite à l'abaissement de 
  
la nappe phréatique ces dernières années. 
  
Photo 11-Forage privé d'une entreprise
agricole Photo 12-Un puit traditionnel rendu 
inutilisable  par  la  course  à  la  profondeur :  le
propriétaire    de    la    parcelle    a    abandonné
l'arboriculture par manque d'eau. 
Celle-ci est attribuée aux 10 forages, dont 5
privés qui permettent une exhaure de l'eau 
en profondeur et rendent inutiles les puits traditionnels. Au
niveau de l'arboriculture, la zone était   très   productive  
auparavant   avec   les   mangues,   les   papayes,   les   mandarines,   les
pamplemousses. Mais la baisse de la nappe phréatique durant ces deux
dernières décennies à causé la perte de plus des
2/3 des manguiers et 3 /4 des mandariniers, surtout chez les petits
producteurs. Le lac de barrage de Séby-Ponty constitue une
réserve d'eau intéressante pour les 
exploitations familiales alentours, mais le manque de pompes rend
l'irrigation difficile. 
  
  
Photo13-Départ   pour   la   borne  
fontaine 
payante le long de la N1: des quartiers de 
Diamniadio ne sont pas encore équipés 
Photo 14-Une retenue colinéaire peu
mise 
en  valeur.  Le  manque  de  pompe  a  été
invoqué par les enquêtés 
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